Texte intégral
A. Hausser-. Je sais que la sécurité routière n'est pas tout à fait votre domaine...
- "C'est celui de G. de Robien, de N. Sarkozy et de D. Perben."
Mais tout de même, "Transports", c'est aussi la route. Les radars automatiques qui ont été mis en place vont rapporter 350 000 euros en deux jours à l'Etat ; c'est le véritable jack pot !
- "Ce n'est pas vraiment fait pour cela..."
Mais cela y contribue, non ?
- "Le président de la République a fait de la sécurité routière une cause nationale, avec le cancer et la lutte contre le handicap. Cela marche parce que nous avons manié le bâton - c'est-à-dire la répression nécessaire et utile - et puis aussi parce que nos compatriotes ont changé de comportements. Quand on est sur les routes, on voit bien que les comportements ne sont pas encore parfaits mais qu'ils ont beaucoup changé."
Ces comportements, il faut les entretenir.
- "Ceci étant, cela montre qu'il y a encore beaucoup de progrès à faire, parce qu'autant de PV en si peu de temps, alors que ces radars sont annoncés par de grands panneaux 500 mètres avant, cela montre que nous avons encore des efforts à accomplir. Je voudrais rappeler un chiffre : depuis que cette campagne est lancée, un mort sur deux a disparu, il y a deux fois moins de morts, deux fois moins de blessés. C'est très important et chaque famille française le ressent bien. Cela veut dire qu'il faut continuer les efforts puisque des gens sont passés devant des radars annoncés beaucoup trop vite pendant tout le week-end."
Tous les radars vont être annoncés dorénavant ?
- "Tous les radars fixes. Il restera des radars mobiles dans des voitures banalisées, qui, par nature, sont faites pour surprendre. Donc, naturellement, ils ne seront pas annoncés."
On va parler du rail. Là, on entre dans votre domaine, si je puis dire...
- "On entre également dans l'actualité, parce qu'il y a un évènement important cette semaine."
Oui, la première autoroute ferroviaire va être mise en service entre Aiton (phon.) dans les Alpes, et Orbasano, dans la banlieue de Turin. Est-ce le premier tronçon du Paris-Turin ?
- "La France a deux problèmes de traversée frontalière montagneuse : les Pyrénées - nous avons un grand projet avec les Espagnols pour relier nos deux TGV, Perpignan-Figueras - et les Alpes, avec le projet Lyon-Turin. C'est un grand projet de tunnel qui sera..."
...Ce n'est pas celui qui s'ouvre aujourd'hui ?
- "Non, là, on utilise un tunnel existant, qui date du siècle précédant, qui est en cours de modernisation, c'est la ligne classique Paris-Turin. Sur cette ligne-là, on va mettre des camions avec un système très moderne inventé par un industriel strasbourgeois, qui s'appelle monsieur Lor, (phon.) et son système est "Modalor". On va mettre des camions sur des trains, et on va mettre les chauffeurs dans une voiture corail, où ils pourront prendre un petit déjeuner, du café, se reposer. Ces camions, au lieu d'être sur les routes, passeront de la France à l'Italie par le tunnel actuel du Mont Cenis. Dans quelques années, quand la France et l'Italie auront définitivement accepté les modalités de financement d'un projet plus important, nous envisageons la construction d'un grand tunnel entre la France et l'Italie, comme les Suisses sont en train de le faire entre la Suisse, l'Autriche et l'Italie."
C'est pour éviter le franchissement des cols ?
- "Oui, et pour éviter que des véhicules routiers soient trop présents dans les vallées alpines, ce que les élus alpins redoutent et ce que les populations n'apprécient guère."
Ce n'est pas ce qui va résoudre les problèmes financiers de la SNCF, notamment les problèmes de fret qu'elle rencontre.
- "Pour faire cette affaire, la SNCF n'était pas toute seule. C'est une société qui s'est créée avec les Italiens, c'est donc une société nouvelle qui opère ce système franco-italien. Le fret à la SNCF, c'est la principale difficulté. La SNCF, pour vous donner une idée très simple : sur dix trafics qu'elle fait, elle perd de l'argent sur huit trafics fret. Elle a donc deux poches de rentabilité et huit poches de pertes. Donc, cela ne peut pas durer : les affréteurs, les entreprises qui veulent faire du fret ferroviaire parce que sur les grandes distances, le fret ferroviaire est très intéressant, n'ont pas les wagons, les locomotives qu'ils veulent, la régularité et la qualité. Donc, le président Gallois, G. Pépy, et le nouveau directeur du fret de la SNCF, qui s'appelle monsieur Marc Veyron, ont présenté un projet, préparent un projet qui sera présenté prochainement à la SNCF."
Et qui a déjà été retardé, alors les syndicats disent "oh, la la, s'il est retardé, c'est que cela va être dramatique"...
- "C'est dommage qu'il ait été retardé. Il y a eu, au dernier moment, un certain nombre de difficultés pour la mise au point de ce plan à l'intérieur de l'entreprise. L'entreprise discute avec l'Etat, en demandant à l'Etat s'il peut apporter sa petite part..."
Apurer des dettes...
- "Oui, par exemple, apurer une partie de la dette liée au fret dans le système ferroviaire. Nous en discutons donc, avec F. Mer, G. de Robien et A. Lambert et la SNCF. Il faut sauver le fret. Chacun comprend bien que nous avons besoin de la route, qui fait 80 % des transports dans notre pays, mais qu'à côté, il faut du fret ferroviaire, il faut aussi de plus en plus du fret maritime - et nous allons créer les "autoroutes de la mer" - et puis aussi du fluvial, qui se redéveloppe dans notre pays et devient un mode important. Par exemple, à Paris, aujourd'hui, une grande partie de l'approvisionnement se fait de plus en plus par le port de Paris et par la voie fluviale. Le fret ferroviaire fait donc partie de cet ensemble qui doit être modernisé."
On peut penser à une autoroute ferroviaire dans la vallée du Rhône ?
- "On peut penser à des autoroutes ferroviaires dans la vallée du Rhône, vers l'Espagne..."
On peut y penser, mais est-ce que le projet est en place ?
- "C'est très simple : il faut que celui-ci marche. Nous avons un besoin de réussite. Il faut que Aiton-Orbasano soit une belle vitrine, que cela fonctionne et, à ce moment-là, la SNCF et les opérateurs privés - puisque maintenant, le fret est libéralisé en Europe - feront des routes roulantes sur l'ensemble du territoire."
On apprend ce matin qu'Euralair va sans doute déposer son bilan, après Air Lib, après Air Littoral, Aeris... Il n'y a donc de place que pour Air France ?
- "Dans le monde aérien qui existe aujourd'hui, il y a certainement de la place pour de grandes compagnies mondiales - c'est la raison pour laquelle le Gouvernement a poussé au rapprochement entre Air France et KLM, qui fait d'Air France et de KLM la première compagnie mondiale par le chiffre d'affaires -, pour les compagnies low cost, qui ont leur propre système de fonctionnement et qui s'appuient sur des coûts très bas par rapport aux autres compagnies, et puis sur des compagnies de niche, qui sont sur des marchés régionaux très particuliers. Air Lib a voulu jouer sur tous les tableaux ; malheureusement, elle en est morte. Air Littoral va être reprise, donc les nouvelles sont plutôt bonnes en ce qui la concerne, même si, malheureusement, les salariés dans leur ensemble ne sont peut-être pas tous repris. Aeris sera repris également, certainement partiellement. Euralair, c'est la mauvaise nouvelle du jour. Nous allons dès aujourd'hui voir ce que nous pouvons faire sur ce dossier."
L'accord électoral qui a été conclu entre Lutte ouvrière et la LCR est utile à la droite, dit J. Dray. Vous vous en réjouissez ?
- "Je ne me réjouis pas de la montée de l'extrême gauche dans ce pays. J'avais le sentiment que les vieilles lunes avaient péri au fond de l'océan. Je les vois revenir, même si on habille Trotski ou le Capital de mots plus modernes, plus tendance. La montée de l'extrême gauche dans le pays, cela ne me réjouit pas. Cela montre aussi la faiblesse de la réflexion de la gauche classique. S'il y avait un PS qui était moderne et plus clair dans ses positions, cela enlèverait peut-être un chemin et un moyen à l'extrême gauche."
Et ce que certains journaux appellent la "résurrection de F. Bayrou", c'est-à-dire de l'UDF, cela montre la faiblesse de l'UMP ?
- "Non, cela montre que d'abord, F. Bayrou est là. S'il est là, avec des idées utiles, tant mieux. S'il est là pour avoir des idées pour attaquer la majorité pour se faire applaudir sur les bancs de la gauche, ce n'est pas bon. Je dirais donc qu'avec F. Bayrou et ses amis, la ligne jaune, c'est quand quelque part, s'ils sont applaudis par l'opposition. Là, cela veut dire qu'ils sont allés trop loin. Et nous regardons donc cela avec beaucoup d'attention."
"Beaucoup d'attention", cela veut dire quoi ? Parce que les applaudissements de l'Assemblée ne se mesurent pas électoralement. S'il y a des listes UDF, c'est là que le problème se pose ?
- "En créant l'UMP, selon la volonté du président de la République, du Premier ministre et des grands dirigeants, nous sommes partis dans un système où nous souhaitons que la vie française soit organisée entre deux grandes formations politiques : une grande formation sociale, libérale et européenne, qui est l'UMP ; et une grande formation sociale-démocrate, socialiste, qui est le PS. Nous pensons que c'est l'organisation moderne de la vie française."
Pour l'instant, on ne peut pas dire qu'il en soit ainsi.
- "Il reste à côté du PS un petit bout de PC, un petit bout de Verts, de Radicaux de gauche et d'extrême gauche. Du côté de la droite et du centre, il y a les amis de F. Bayrou et les amis de P. de Villiers. Mais c'est quand même autour de l'UMP que s'organise la vie politique. Ceci étant, les amis de F. Bayrou, à partir du moment où ils disent des choses intéressantes, nous les écoutons. Et pour les régionales, je leur lance un appel très simple : nous pouvons et nous devons gagner les élections régionales. Surtout, faisons tout en sorte pour que les comportements absurdes ne conduisent à l'inverse."
Quand vous voyez, dans un sondage, que 57 % des Français seraient contents que J.-P. Raffarin s'en aille, vous dites qu'il est urgent qu'il reprenne l'initiative ?
- "Je dis que cela montre bien qu'il a bougé. Car s'il était resté un Premier ministre inerte ou un Premier ministre qui ne fasse pas de réforme, qui ne mécontente personne, il serait toujours dans le haut des sondages. Donc il a bougé. Maintenant, cela ne veut pas dire qu'il faut nous satisfaire, naturellement, de ces chiffres. Et nous allons agir et travailler pour améliorer encore les choses, améliorer la communication de notre politique. Mais c'est le prix d'une politique hardie, volontariste. D'autres qui ont eu des sondages plus favorables par le passé - je pense à L. Jospin - lorsqu'ils se sont retrouvés dans l'échéance électorale, ils se sont aperçus du décalage entre l'action de réforme supposée et la perception politique des Français."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 novembre 2003)