Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur la politique en faveur de la rénovation du logement social, Montpellier le 23 septembre 2004.

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Circonstance : Congrès de l'Union Sociale pour l'Habitat à Montpellier le 23 septembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Comme chaque année, Monsieur le Président, vous avez bien voulu associer l'Outre-Mer aux travaux de votre Congrès, et je vous en remercie.
Vous témoignez ainsi de votre attachement aux collectivités ultramarines, et de l'implication de votre mouvement pour l'amélioration des conditions de vie de nos compatriotes d'outre-mer. Je tiens à souligner la qualité du travail mené entre l'Union et mon département ministériel, travail qui s'élargit désormais aux collectivités du Pacifique
Je me réjouis d'être une nouvelle fois parmi vous, et me félicite de constater que l'atelier que vous avez consacré aux questions du logement outre-mer a accueilli avant-hier un public nombreux.
Ces rencontres ont été enrichies cette année par la présence de nombreux élus, qui ont pu exprimer leurs attentes à la veille d'une plus grande implication des collectivités dans la politique du logement social.
Je vois dans la qualité de vos travaux, le signe d'une volonté commune, celle d'agir ensemble pour garantir à tous les citoyens d'outre-mer un habitat décent, sûr, digne et adapté.
La crise du logement est une réalité nationale, elle touche au premier plan l'outre-mer. Avec les mesures du plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo, et sur lequel va revenir dans un instant Marc-Philippe Daubresse pour la métropole, le Gouvernement entend apporter une réponse forte, à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
J'ai tenu, par ma présence à cette séance de clôture de votre Congrès, à vous réaffirmer que l'Outre-Mer ne serait pas exclu de cet effort national en faveur du logement.
Les besoins de nos collectivités d'outre-mer en la matière sont en effet considérables.
Permettez-moi, Monsieur le Président, de rappeler en quelques mots, une situation préoccupante qu'a parfaitement décrit Marie-Claude Tjibaou dans son rapport sur le logement dans l'outre-mer français présenté en mai dernier au Conseil Economique et Social.
Alors que la population des régions métropolitaines ne s'est accrue, au cours de la dernière décennie, que de 0,4 % par an, le nombre d'habitants outre-mer a considérablement augmenté : le taux de croissance démographique était ainsi deux fois plus élevé aux Antilles qu'en métropole, 9 fois plus élevé en Guyane et Nouvelle-Calédonie, 11 fois plus élevé à la Réunion, et 14 fois à Mayotte.
Même si un léger ralentissement est constaté depuis 2000, les projections prévoient une augmentation de plus de cinquante pour cent de la population des départements d'outre-mer d'ici à 2030, avec notamment un doublement de la population en Guyane.
Parallèlement, le mode de vie des populations d'outre-mer se rapproche des modes de vie métropolitains. Ainsi, le modèle familial traditionnel, qui se traduit par une fréquente cohabitation des générations, a tendance à s'estomper : les jeunes ultramarins aspirent légitimement à disposer de plus en plus tôt de leur propre logement, les familles monoparentales se multiplient, et le nombre de ménages ne cesse de croître dans des proportions élevées.
C'est dire toute l'importance qui s'attache à poursuivre une politique active pour développer une offre de nouveaux logements dans les collectivités d'outre-mer.
Cette offre doit bien évidemment correspondre aux réalités socio-économiques de ces collectivités, où le revenu moyen est inférieur de moitié au revenu moyen national et où le taux de chômage atteint encore 25 % de la population active, soit près de trois fois plus qu'en métropole.
Dans ce contexte, Monsieur le Président, l'action de vos organismes, dont je tiens à saluer ici le dynamisme, revêt une importance particulière.
Vous le savez, dans les départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon, des outils et des produits spécifiques sont mis en oeuvre, financés depuis 1996 par mon département ministériel sur la Ligne Budgétaire Unique.
Dans les autres collectivités d'outre-mer où la politique du logement est décentralisée, l'Etat apporte son soutien au travers de contrats ou de dotations spécifiques, ainsi qu'au travers d'un partenariat essentiel avec les établissements de crédit nationaux.
Pourtant, malgré les efforts financiers très conséquents mis en oeuvre dans chacune des collectivités d'outre-mer, nous ne parvenons pas à répondre de manière satisfaisante à une demande sans cesse croissante : alors qu'il nous faudrait produire chaque année plus de 15 000 logements sociaux dans l'ensemble de l'outre-mer pour parvenir à répondre aux besoins, 8 000 logements sociaux et 3 000 opérations de réhabilitation et d'amélioration sont programmés chaque année.
La conséquence prévisible de cette situation est la multiplication de l'habitat informel : en l'absence d'offre suffisante, nombre de familles, ont recours à des solutions de logements précaires et peu conformes avec les caractéristiques d'un logement décent : les squatts se développent aux portes de Nouméa, le cinquième des logements guyanais ne sont pas pourvus des éléments de confort essentiels, et la très grande majorité des mahorais vit dans des conditions indignes.
Pour cela, je souhaiterais que nous puissions relever 3 défis.
Le premier défi à relever outre-mer en matière de logement est celui de la résorption de l'habitat insalubre.
J'avais avancé l'an dernier, à l'occasion des rencontres outre-mer organisées dans le cadre de votre Congrès, ma volonté d'éradiquer l'habitat insalubre dans les dix prochaines années.
Je sais que c'est un objectif ambitieux.
Mais nous nous devons de relever ce défi, avec détermination, car il relève de la solidarité nationale, et du respect de la dignité de nos concitoyens.
Comme je m'y étais engagé l'an dernier, les procédures d'instruction des opérations de résorption de l'habitat insalubre ont été modernisées et simplifiées: la circulaire du 26 juillet 2004 a ainsi déconcentré au niveau des préfets de région les décisions en la matière, pour que ces opérations puissent être menées, dans des conditions de rapidité et d'efficacité, au plus près du terrain.
Plus de cinquante sept millions d'euros ont été, l'an dernier, consacrés sur la ligne budgétaire unique à cette action prioritaire, ce qui représente un quasi-triplement des moyens consacrés à cette politique sur 4 ans.
Il nous faut poursuivre nos efforts. Il faut aussi que nous nous attachions à penser ces opérations dans une démarche de développement urbain équilibré.
Le deuxième défi que je vous propose est celui du développement urbain, et de l'aménagement foncier.
Les villes d'outre-mer sont souvent en phase d'extension rapide, et le logement social représente une large part des constructions nouvelles. Aussi, il convient d'apporter une attention très particulière à la maîtrise d'un développement urbain harmonieux.

A ce titre, les opérations de RHI doivent s'inscrire dans une démarche globale de requalification urbaine. De même, les moyens de l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), constituent aujourd'hui une formidable opportunité de reconquérir les villes.
L'enjeu est de taille, même si la rénovation urbaine ne peut se concevoir dans les mêmes termes qu'en métropole. Les logements à démolir restent circonscrits à quelques quartiers. En revanche, des efforts importants doivent être effectués en matière d'équipements urbains, de réhabilitation de logements et d'amélioration de la vie des quartiers.
Plusieurs projets de renouvellement urbain sont d'ores et déjà en préparation à la Réunion, en Guadeloupe et en Martinique. Le projet de Saint-Benoît à la Réunion sera d'ailleurs examiné au prochain comité d'engagement de l'ANRU du 6 octobre. Le ministère de l'outre-mer, vous le savez, soutiendra activement ces projets au travers de la LBU.
Quant au foncier, je n'ignore pas, Monsieur le Président, les difficultés rencontrées par les responsables de vos organismes en matière de disponibilité du foncier.
La pénurie de foncier aménagé constitue en effet un obstacle majeur. Plusieurs initiatives locales ont été prises au cours des dernières années : je pense à l'Etablissement public Foncier de la Réunion (EPFR), aux agences des 50 pas géométriques aux Antilles ou encore à l'EPAG en Guyane. Elles doivent être encouragées.
Sur un plan financier, les Fonds Régionaux pour l'Aménagement Foncier et Urbain permettent de mutualiser l'effort des collectivités publiques, de l'Etat, mais aussi de l'Union européenne pour la production de terrains destinés à accueillir le logement social. Avec la Guyane depuis 2003, les quatre FRAFU des départements d'outre-mer sont désormais opérationnels et les contrats de plan ont réservé des sommes importantes pour ce dispositif.
La Participation à l'Aménagement des Quartiers (PAQ) a été mise en place cette année, à titre expérimental, par mon département ministériel. Cette aide sera financée dans le cadre de la LBU, et prendra la forme d'une subvention aux collectivités qui réaliseront des projets faisant appel, dans le cadre d'un projet urbain d'ensemble, à une véritable mixité sociale. Elle vise à compléter le FRAFU et à permettre au logement social de reconquérir des espaces de centres ville ou de centre bourgs, contribuant ainsi à une meilleure intégration urbaine en réponse aux attentes des élus.
Ce mécanisme simple, décrit dans la circulaire du 19 juillet 2004, devrait permettre la réservation, à un coût acceptable, de charges foncières de qualité et éviter un recours aux terres agricoles.
J'ai demandé aux préfets des quatre départements d'outre-mer de lancer, avant la fin de l'année, un appel à projets auprès des communes dans le cadre de cette expérimentation. J'encourage les responsables des sociétés HLM à s'associer à cette démarche, qui contribuera, j'en suis certaine, à la réalisation de nos objectifs communs pour la construction de nouveaux logements sociaux.
J'ai bien noté par ailleurs votre proposition d'introduire une plus grande modularité des aides LBU pour tenir compte de la complexité de chaque opération. Elle me paraît justifiée et devoir être mise en uvre rapidement.
Le troisième défi que je souhaite relever avec vous, c'est celui du Plan National de Cohésion Sociale, assurer une nouvelle politique du logement social, une politique diversifiée, dynamique et adaptée. Ma priorité sera dans ce domaine la diversification de l'offre et des parcours résidentiels.
Si le développement du logement locatif social demeure une priorité forte de notre action, je considère que seule la diversification de l'offre, et notamment de l'accession à la propriété, peut permettre de répondre de manière satisfaisante aux attentes de nos concitoyens d'outre-mer.
Vos organismes s'investissent déjà, depuis plusieurs années, dans le secteur de l'accession très sociale, par la construction de logements évolutifs sociaux (LES) à l'intention des ménages les plus défavorisés.
Ce mécanisme original, qui consiste à proposer aux ménages en difficulté un logement modeste, et partiellement inachevé, a connu un large succès dans les DOM. Depuis quelques années, la production de LES a toutefois tendance à baisser. Outre les difficultés foncières déjà décrites, les opérateurs parviennent difficilement à équilibrer leurs programmes de LES groupés, et ce malgré l'application d'une TVA réduite instaurée par la loi programme pour l'outre-mer, ainsi qu'une subvention spécifique, dite des 7 %, qui vient d'être reconduite jusqu'à la fin de l'année.
Je reste persuadée que l'accession sociale constitue une alternative indispensable pour faire face à la crise du logement.
Aussi, mon ministère vient d'engager une réflexion pour une réforme profonde du dispositif LES, à laquelle votre mouvement sera bien entendu associé, et qui devrait permettre de donner, dès 2005, un souffle nouveau à ce produit.
La diversification de l'offre, c'est aussi développer les possibilités de location-accession pour les ménages souhaitant accéder à terme à la propriété.
Le décret instituant les prêts sociaux à la location-accession (PSLA), vous le savez, est applicable au plan national. Un arrêté précisera, avant la fin de l'année, les conditions de son application dans les DOM.
La diversification de l'offre, c'est enfin être en mesure de proposer une offre aux personnes ayant des difficultés à se loger sur le marché libre ou intermédiaire, et créer ainsi une véritable mobilité résidentielle pour les locataires du parc social.
L'Union Sociale pour l'Habitat a interpellé plusieurs fois mon ministère sur ce sujet : le taux de rotation du parc est de plus en plus faible, rendant de plus en plus difficile l'accueil de nouveaux demandeurs.
Aussi, dans la perspective d'accroître cette mobilité résidentielle, les Prêts Locatifs Sociaux (PLS) seront étendus en 2005 aux départements d'outre-mer. Les textes réglementaires seront publiés d'ici la fin de l'année.
Ces deux nouveaux produits, PSLA et PLS devraient rapidement connaître, j'en ai la conviction, un grand succès outre-mer, d'autant qu'ils pourront bénéficier, pour leur financement, de la mobilisation d'investisseurs privés, dans le cadre des mécanismes de défiscalisation.
Je me félicite à cet égard que les sociétés HLM puissent, depuis le décret du 2 juillet dernier, intervenir pour la construction et la gestion de tels investissements défiscalisés.
C'était une de vos demandes lors de nos discussions dans le cadre de la préparation de la loi de programme pour l'outre-mer. C'est, pour moi, la garantie d'un professionnalisme avéré en faveur du logement.
La loi de programme pour l'outre-mer votée l'an dernier par le parlement contient également plusieurs mesures fortes en faveur du logement.
La défiscalisation des investissements immobiliers a été rendue plus attractive, pour développer une offre privée, notamment dans le secteur intermédiaire. Cette offre prendra en compte les priorités que représentent la mixité dans les zones urbaines sensibles (ZUS), et le développement des énergies renouvelables dans les logements grâce à des incitations particulières.
Elle encourage aussi la préservation du patrimoine architectural de nos collectivités d'outre-mer puisque les travaux de réhabilitation des immeubles de plus de quarante ans, dès lors qu'ils sont destinés à l'habitation, ouvrent désormais droit à une réduction d'impôt de 25 %.
Je crois que nous disposerons ainsi, dès 2005, d'une offre de logement social diversifiée qui bénéficiera, au final, aux personnes en attente d'un logement digne.
- Améliorer l'habitat et éradiquer l'insalubrité,
- reconstruire la Ville et retrouver des disponibilités sur le foncier,
- diversifier la politique de l'habitat pour offrir un vrai parcours résidentiel,
tels sont donc les trois grands défis que nous devons relever ensemble au cours des prochaines années.
Aussi, je souhaite que nous nous engagions ensemble, dès à présent, pour réaliser des objectifs quantitatifs d'augmentation de l'offre de logements nouveaux. Le budget 2005 du ministère de l'Outre-Mer s'inscrit dans cette perspective avec le maintien d'un haut niveau d'intervention pour le logement. Je souhaite donc que dès 2005, avec le PLS, le PSLA, la défiscalisation, l'extension à 25 ans de la TFPB, le LES rénové, 1 000 logements aidés supplémentaires soient lancés. A moyen terme, d'ici cinq ans, 3 000 logements neufs supplémentaires doivent pouvoir être réalisés chaque année.
Les organismes relevant, outre-mer, de l'Union Sociale pour l'Habitat sont à même de se mobiliser pour parvenir à ces objectifs.
C'est pourquoi je souhaite, Monsieur le Président, que dans le cadre de la convention que conclura l'Etat avec votre mouvement pour le plan national de cohésion sociale, un protocole spécifique concerne l'outre-mer.
Ce protocole devra être décliné localement dans des contrats d'objectifs adaptés aux besoins de chacune des collectivités d'outre-mer.
Ces contrats devront bien évidemment trouver, dans les DOM, leur concrétisation dans le cadre des conventions de délégation de compétence qui pourront être conclues, dès 2005, avec les établissements publics de coopération intercommunale et les départements, en application de la loi relative aux libertés et aux responsabilités Locales.
C'est en effet dans un cadre rénové de compétences, issu de la loi du 13 août 2004, que se déclinera demain, outre-mer comme en métropole, la politique en faveur du logement.
Comme je l'ai indiqué, je me félicite de la présence aujourd'hui de nombreux élus d'outre-mer, qui témoignent ainsi de leur attachement à la problématique du logement. Je sais que plusieurs EPCI et certains départements d'outre-mer sont aujourd'hui très volontaires pour que soient rapidement mise en uvre la délégation de compétence dans le domaine du logement.
L'Etat accompagnera résolument cette démarche. Je suis en effet persuadée que c'est au plus près des populations que doivent être prises les décisions en la matière. Mais l'Etat restera également vigilant pour que soient pris en compte, dans le cadre de ces délégations, et des conventions qui les formaliseront, les besoins réels des populations.
Conclusion :
Je vous remercie, Monsieur le Président, de m'avoir permis d'exposer, plus longuement qu'à l'habitude et devant l'ensemble des congressistes, nos ambitions pour l'outre-mer.
Ces ambitions, je les sais partagées et je sais pouvoir compter sur le dynamisme de votre mouvement pour les mettre en uvre.
L'action menée pour améliorer les conditions de logement outre-mer, priorité de mon département ministériel, fait partie intégrante du plan national de cohésion sociale.
Ensemble, avec votre mouvement, avec les autres organismes du logement social outre-mer mais surtout, avec les élus des collectivités d'outre-mer, nous relèverons les défis qui nous attendent en matière de logement et nous saurons ainsi répondre aux aspirations légitimes des populations d'outre-mer.
Je vous remercie de votre attention.

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 24 septembre 2004)