Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, à La Chaîne Info LCI le 7 juin 2004, sur la commémoration du Débarquement allié en Normandie, la coopération franco-allemande notamment dans l'industrie, la construction européenne, les élections européennes et son rôle de Premier ministre, le changement de statut d'EDF et son opposition au mariage homosexuel célébré par Noël Mamère.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Pierre-Luc Séguillon : Monsieur le Premier ministre, bonsoir. Votre action et votre politique dans les semaines où les mois à venir : les élections européennes avant le scrutin de dimanche prochain et puis les relations transatlantiques au lendemain de la célébration du soixantième anniversaire de la Libération des côtes normandes : voilà, si vous le voulez bien, ce que pourrait être le menu de notre entretien et je vous remercie de l'accorder ce soir à LCI. Hier, on vous a vu, participant aux cérémonies du soixantième anniversaire du Débarquement du 6 juin 1944 et on a beaucoup parlé bien sûr d'un rapprochement entre la France et les Etats-Unis. Par-delà les mots, par-delà l'émotion, est-ce qu'il s'agit selon vous d'une réconciliation de façade ou bien d'un partenariat nouveau ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Une vraie reconnaissance, une vraie gratitude nationale vis-à-vis du peuple américain mais cet événement était avant tout, avant d'être transatlantique, il était européen, c'était la libération de la Normandie, la libération de la France, la libération de l'Europe qui étaient en cause, grâce à l'action des alliés. Et donc cet événement était un événement d'une Europe qui se rassemblait pour célébrer sa liberté grâce notamment à tous ceux qui avaient débarqué, notamment les Américains mais aussi les Canadiens et beaucoup d'autres peuples. Et donc, ce message était d'abord un message de liberté pour l'Europe . Alors, c'est vrai que cette liberté, nous la devons au peuple américain et nous avons dit merci du fond de notre cur au peuple américain, c'était le sens du message du président de la République. Cela ne veut pas dire que nous souhaitons, que nous voulons, que nous avons décidé d'être alignés sur les Américains pour toutes les décisions à venir, cela veut dire que nous ne sommes pas un pays ingrat, nous savons que ceux qui ont versé leur sang pour notre liberté ont droit à notre gratitude et cela veut dire aussi que nous défendons les idées qui sont les nôtres notamment pour la paix du monde.
Question : Alors précisément pour la paix du monde, cette Europe qui n'est pas ingrate, est-ce qu'elle doit, à travers notamment la voix de la France, demain, approuver une résolution des Nations unies qui accompagnerait le transfert de souveraineté aux Iraquiens au 30 juin et qui risque d'apparaître d'une certaine manière comme la caution de ce que nous avons hier critiqué ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Je pense que nous sommes en voie de finalisation sur ce sujet. Il y a encore des points importants sur la souveraineté du peuple irakien à laquelle la France est très attachée. Il y a encore un certain nombre de points à finaliser, mais c'est vrai que la position défendue par le président CHIRAC a reçu le soutien de la position du président POUTINE, du chancelier G. SCHRÖDER et nous avons beaucoup d'alliés au sein du Conseil de sécurité aujourd'hui et de l'ONU notamment dans les pays d'Amérique du sud. Donc il y a, autour des positions françaises, un consensus qui est en train de se dégager. Donc, c'est pour cela que la résolution évolue dans le bon sens. Nous souhaitons qu'elle évolue encore quelque peu ; elle finira ainsi par être acceptable par tous et vraiment correspondre à ce que nous souhaitons, c'est-à-dire que l'ONU soit le lieu de l'élaboration de la décision.
Question : Les Américains souhaitent un soutien diplomatique à travers cette résolution, mais on a bien compris que G. BUSH, outre peut-être une image pour sa réélection qu'il venait chercher en Europe, va venir chercher à travers les différentes réunions qui vont se dérouler dans les semaines à venir - réunion demain à Sea Island du G8, ensuite le sommet Union européenne-Etats-Unis puis le sommet de l'OTAN -, à la fois un soutien financier et un soutien peut-être militaire pour cette opération en Irak. Quel est votre sentiment ? D'abord, est-ce que la France est prête à annuler la dette irakienne comme le demandent les Américains ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : La France a fait un certain nombre d'ouvertures, en effet, sur la dette irakienne mais dans le cadre d'une vision, d'une perspective globale qui est le retour à une véritable souveraineté du peuple irakien. Cela veut dire qu'il nous faut un gouvernement responsable et que ce gouvernement ait le moyen de décider ce qu'est le sort à venir des forces qui aujourd'hui sont en Irak. Cela veut dire qu'il faut organiser des élections démocratiques au début de l'année 2005 ; cela veut dire qu'il y a un certain nombre de processus qui doivent suivre leur cours et dans ce contexte-là, il est clair que la position de la France ne change pas : elle défend la souveraineté de l'Irak, elle défend de la paix. Est-ce qu'on peut revenir à l'Europe qui est le sujet essentiel de notre entretien ?
Question : Un mot si vous le permettez. Hier, dans son discours, Jacques CHIRAC a dit : " L'Alliance Atlantique - et ça parle aussi de l'Europe : l'Europe est dans l'Alliance Atlantique - demeure, face aux menaces nouvelles, un élément fondamental de notre sécurité collectivité. On peut imaginer que l'OTAN joue un rôle comme tel en Irak ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Les relations entre l'Union européenne et l'OTAN sont des relations qui sont aujourd'hui stabilisées. Nous assistons même, sur le plan de la défense, dans un certain nombre de pays de l'Europe centrale aujourd'hui, à ce qu'il y ait des interventions de l'Union européenne qui viennent en relais des interventions de l'OTAN. Donc, nous avons des relations pacifiées avec l'OTAN aujourd'hui. En ce qui concerne la France, nous ne sommes pas sur le terrain militaire pour parler de l'avenir de l'Irak ; nous sommes sur le terrain de la souveraineté et c'est là la position sur laquelle la France tient avec conviction et fermeté.
Question : Alors, vous évoquez l'Europe. Hier, il y avait deux images qui étaient frappantes, la première dont tout le monde a parlé bien entendu, c'est J. CHIRAC enserrant dans ses bras le chancelier G. SCHRÖDER.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Image très forte.
Question : Image très forte mais auparavant on avait vu une autre image : on avait vu G. SCHRÖDER, J. CHIRAC et T. BLAIR discuter amicalement avant l'arrivée de George BUSH. Question à partir de ces deux images symboliques : le moteur de l'Europe, est-ce que c'est le moteur franco-allemand ? Est-ce qu'il suffit aujourd'hui ou est-ce que ce n'est pas un moteur qui devrait être entre Londres, Paris et Berlin ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : C'est clairement le moteur franco-allemand qui s'élargit à d'autres, selon un certain nombre de sujets, selon un certain nombre de thématiques, selon un certain nombre de projets. Nous avons, avec l'Angleterre, évidemment des sujets importants comme l'Europe de la Défense ou l'Europe de la politique étrangère, du rapprochement de nos diplomaties. Il va de soi qu'un grand pays comme le Royaume-Uni a besoin d'être associé sur des sujets de cette nature. Nous avons, avec le président CHIRAC, avec le chancelier SCHRÖDER, avec T. BLAIR, adressé sur le plan économique des recommandations à la Commission, mais nous avons avec nos amis espagnols, avec nos amis polonais, par exemple avec le triangle de Weimar des possibilités de géométrie qui, autour du couple franco-allemand, ont vocation à élargir ce couple. Au fond, le couple franco-allemand, ce n'est pas le directoire de l'Europe, c'est la capacité d'agir, d'agir en s'ouvrant aux autres. C'est un moteur, mais c'est un moteur qui veut être élargi à d'autres partenaires, pour pouvoir être efficace pour l'ensemble de l'Union. Mais ne limitez pas cette émotion que nous avons vue avec les Français et les Allemands rassemblés, les Français et les Anglais ; il y avait aussi tous ces autres peuples, il y a eu de très nombreuses manifestations binationales. Il y avait là les Norvégiens, il y a des Polonais, il y avait là des Belges, il y avait là toutes les nations qui ont participé à la libération de la France et c'était vraiment ce en quoi ce rendez-vous était particulièrement émouvant, c'est que les peuples étaient rassemblés autour de leurs valeurs, autour de leur liberté.
Question : Je reviens un instant à ce couple franco-allemand : est-ce qu'il n'y a pas une contradiction entre les mots, la célébration de ce couple comme vous l'avez dit, qui doit être une force d'impulsion et la réalité ? Je prends un exemple qui a été stigmatisé par G. SCHRÖDER lui-même à propos d'Alstom. Il dit à propos d'Alstom que la France, en l'occurrence le ministre de l'Economie et des Finances, N. SARKOZY, a eu un comportement nationaliste en refusant par avance un accord avec le groupe allemand Siemens. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Vous savez, j'étais moi-même monté au créneau sur ce sujet puisque j'avais dit clairement - et c'était à la télévision - ma façon de penser vis-à-vis du commissaire européen sur ce sujet Alstom, il y a neuf mois, parce que nous voulions donner un avenir à Alstom, que cet avenir était menacé et qu'il n'était pas possible pour nous soit de donner des aides d'Etat, soit d'avoir un partenariat européen, car dans un cas, il s'agissait d'interventions de l'Etat qui fragilisait la concurrence et dans l'autre cas, il s'agissait de construction européenne monopolistique. Donc nous avons défendu notre cause et nous défendons les emplois. Mais nous le faisons en bonne intelligence avec les Allemands. Prenez l'exemple de Sanofi et Aventis
Question : Ce n'est pas le sentiment de G. SCHRÖDER.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Il est normal que sur un certain nombre de dossiers il puisse y avoir des nuances d'appréciation. Globalement ce que nous faisons
Question : Attendez, je peux vous arrêter une seconde ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Non, non, vous ne pouvez pas m'arrêter
Question : Est-ce qu'il n'y a pas contradiction entre ce que vous dites là et ce que vous avez dit également à un moment donné : " nous voulons une politique industrielle européenne avec des champions européens " ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Nous voulons, exactement, des champions européens. Mais nous voulons aussi que ces champions européens puissent être inspirés par la technologie, par l'industrie, par la recherche, par l'innovation française. C'est pour cela que nous avons voulu que Sanofi puisse s'entendre avec Aventis, dans un cadre franco-allemand. C'est pour cela qu'ensemble, avec les Allemands - magnifique réussite de l'Europe -, nous faisons Airbus. Nous avons de très grands projets avec l'Allemagne et donc je souhaite que nous puissions travailler en bonne intelligence avec les Allemands et c'est pour cela que, dans les semaines prochaines, j'aurai, avec le chancelier et avec nos ministres respectifs, une réunion de travail approfondie sur chacun des dossiers industriels, pour qu'on surmonte nos concurrences et qu'on dégage des stratégies communes. Il est normal que nos entreprises soient souvent concurrentes, mais il est de notre devoir de faire en sorte que des stratégies européennes puissent être inspirées par l'accord franco-allemand. Pourquoi l'accord franco-allemand marche-t-il ? Parce qu'il s'agit dans l'Europe de trouver un accord qui ensuite entraîne les autres. Quand il a fallu faire l'élargissement, l'élargissement n'était pas financé. C'est un accord franco-allemand qui a permis l'élargissement. La France et l'Allemagne ont fait chacune d'entre elles la moitié du chemin, le président CHIRAC, le chancelier SCHRÖDER. C'est cela l'efficacité de l'Europe aujourd'hui : c'est des Allemands et des Français qui, ensemble, font les concessions nécessaires pour pouvoir avancer, pour le progrès de l'Europe. Cette initiative franco-allemande - et si pour l'élargissement dans d'autres domaines a été très importante et est très importante -, moi je souhaite que dans l'avenir, on développe encore davantage notre coopération. Je pense que la page de la réconciliation est tournée. Elle a été notamment tournée à Caen devant le Mémorial avec émotion. Je souhaite que dans l'avenir, nous puissions nous rapprocher davantage, que nos parlements travaillent ensemble, que nos gouvernements travaillent ensemble ; vous savez qu'on a des conseils des ministres communs, pour les grandes décisions européennes, nous devons avoir ensemble un travail qui soit encore plus dense. Il faut que la relation franco-allemande soit vraiment une relation inspiratrice de l'Europe, mais pas fermée sur elle-même, ouverte aux autres pays européens.
Question : Vous permettez deux précisions. Est-ce que ce que vous venez de dire, signifie que vous n'êtes pas a priori hostile, si d'aventure cela était possible un jour, à un rapprochement avec Siemens, première question ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Bien sûr que nous ne sommes pas hostiles à un rapprochement avec une grande entreprise allemande dans le cadre de la création d'un champion, un champion qui soit européen et qui protège les intérêts et l'industrie et la recherche française.
Question : Et deuxième précision : vous avez évoqué l'action commune de la France et de l'Allemagne pour financer l'élargissement. Est-ce que vous êtes plutôt du côté de ceux, comme le président CHIRAC, qui disent qu'on ne relève pas le budget de 1% du produit intérieur brut européen pour financer cet élargissement, ou du point de vue que défendait jadis celui qui est aujourd'hui ministre des Affaires étrangères, M. BARNIER, quand il était commissaire européen, qui disait qu'il faut quand même ne pas être pingre et donner davantage pour que fonctionne cet élargissement ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : L'Europe, c'est un énorme projet. Il faut le financer, mais il faut le financer aussi en demandant à l'Europe de faire elle-même des efforts y compris contre un certain nombre de gaspillages. Et quand le président CHIRAC et d'autres chefs d'Etat ont signé une lettre, ensemble, pour dire que le budget ne devait pas dépasser 1%, c'était pour dire à l'Europe : " vous demandez à chacun des pays, vous, institutions européennes, de faire des efforts contre les gaspillages pour maîtriser les déficits, c'est très bien ; mais nous demandons aussi, nous, à l'Union européenne, de maîtriser ses budgets ". Et donc, c'est dans ce souci d'efficacité, de meilleure dépense, que nous avons souhaité maîtriser les budgets. Car ? au fond, si nous devons faire des efforts Et nous faisons beaucoup d'efforts en France pour maîtriser notre dépense ; vous savez, sur le plan budgétaire, tous les jour je dois me battre pour que nos dépenses soient maîtrisées. Nous avons avec le président de la République fixé les grandes lignes de nos équations budgétaires. J'ai fait des lettres de cadrage. Il y a aujourd'hui des conférences budgétaires qui sont engagées entre Bercy et les différents ministres. C'est normal, il y a un certain nombre de points de désaccord, j'arbitrerai en juillet l'ensemble des dossiers. Tout ça pour ne pas dépenser un euro de plus que ce qui a été voté pour 2004 et pour entrer dans les critères de l'Union européenne dans les prochaines années et notamment en 2005. Tous ces efforts-là sont des efforts qui sont demandées aux Françaises et aux Français, à notre organisation politique, aux administration, au secteur public, à l'ensemble de nos partenaires, ces efforts-là, nous demandons que l'Europe les fasse aussi, les partage avec nous.
Question : Alors deux choses. Sur ce problème budgétaire, est-ce que cela signifie que c'est vous qui arbitrerez ces économies nécessaires dans le prochain budget
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Je peux vous dire que cela, c'est moi, c'est ma responsabilité et je vous dirais qu'elle est quotidienne
Question : Comme c'est vous qui avez arbitré les gels de crédits ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Les gels de crédits, c'est en effet moi qui les ai globalement arbitrés, à quatre milliards. Mais je voudrais bien pour nos téléspectateurs, préciser ce qu'est un gel. Un gel, c'est une réserve. L'année dernière, nous avons pris quatre milliards. Quatre milliards que nous avons mis dans une sorte de réserve. Mais ces quatre milliards-là, nous les avons dépensés. Le seul problème, c'est que nous les avons dépensés sur d'autres objets que ceux auxquels ils avaient été destinés au départ. Pourquoi ? Parce qu'il y a eu des inondations, parce qu'il y a eu le Prestige, parce qu'il y a un certain nombre d'événements en cours d'année qui obligent à des redéploiements. Donc le Premier ministre fixe l'ensemble du gel puis ensuite ces gels sont répartis par ministère et suivant les difficultés que nous avons à traiter, c'est moi qui fais l'imputation définitive pour que l'on puisse donner, quand il y a des calamités agricoles par exemple, aux agriculteurs, les besoins qu'ils ont demandés ou qu'il est nécessaire de leur donner.
Question : Vous avez dit : pas un euro de plus, économie. Néanmoins quand on regarde ce qui se passe aujourd'hui, est-ce que le déficit aujourd'hui n'est pas exactement au moment où nous sommes de l'année, identique à celui qu'il était l'an passé ? Autrement dit les réductions de déficit que vous souhaitiez ne sont-elles pas très mal parties ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Non, non, vous faites erreur parce que nous avons des rentrées aujourd'hui budgétaires qui sont significatives, grâce à la croissance. Notre problème aujourd'hui, il est de maîtriser la dépense. L'année dernière, le Parlement vote 273,8 milliards d'euros. A la fin de l'année, le gouvernement a consommé 273,8 milliards d'euros. C'est-à-dire que nous avons maîtrisé exactement nos dépenses. Nous avons dépensé ce que le Parlement nous avait autorisé à dépenser à l'euro près, il n'y a pas beaucoup de gouvernements qui ont fait cela. Je l'ai fait avec mon gouvernement. Mais naturellement les dépenses sont des dépenses qui doivent être maîtrisées mais les recettes, elles, sont liées à la croissance. Et l'année dernière, vous le savez, nous avons connu une rupture de croissance et une inversion de croissance. Aujourd'hui, tous les indicateurs le montrent, la croissance est de retour. Les Français ressentiront, dans six mois à peu près, ce que nous ressentons dans les chiffres. Les chiffres de la consommation, les chiffres d'investissements, les chiffres des permis de construire, les chiffres des créations d'entreprises, tous ces chiffres-là nous indiquent que nous avons bien fait de mettre la France en état de retrouver la croissance. C'est aujourd'hui fait et je pense que ceci va nous aider sur le plan budgétaire parce que les recettes augmentant, les dépenses étant maîtrisées, la courbe des recettes va dépasser celle des dépenses et donc nous allons pouvoir maîtriser notre budget.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 10 juin 2004)
(Suite de l'interview de M. Jean-Pierre Raffarin)
Question : Alors j'en reviens à l'Europe. Nous étions partis du budget européen et du moteur franco-allemand et de l'émotion causée hier par ces retrouvailles et au fond, on a vu beaucoup de téléspectateurs passionnés par cette Europe libérée, unifiée. Comment expliquez-vous que ces téléspectateurs quand ils sont électeurs semblent si peu concernés par des élections européennes dont on finit par oublier qu'elles auront lieu dimanche prochain ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : C'est ce que j'ai dit à mes collaborateurs ce matin que j'ai réunis à 9h00. Quand on s'est rassemblée, je leur ai dit : " comment est-ce possible que l'Europe communique aussi mal ses procédures, ses ambitions, alors que les Français, que les Européens, -parce que là les nations étaient très mélangées - reçoivent avec émotion ce message européen tel qu'il est présenté à Arromanches ou tel qu'il est présenté à Caen ! ". Pourquoi cette Europe, qui est l'Europe de la paix mais qui est aussi l'Europe de l'espoir, qui est aussi l'Europe de la liberté, pourquoi elle est aujourd'hui comprise avec émotion quand il s'agit d'événements comme ceux de Normandie et avec indifférence quand il s'agit d'élections du Parlement européen ? Je crois que le point principal, c'est peut-être là le grand projet de la génération d'aujourd'hui sur le plan politique, c'est qu'au fond, l'Europe apparaît comme un ensemble de procédures, un ensemble d'injonctions, un ensemble de directives et il manque une âme à l'Europe. Ce qu'il y avait à Arromanches, ce qu'il y avait à Caen, c'était l'âme de l'Europe, ces valeurs qui nous rassemblent, ces perspectives de pouvoir peser dans le monde, de défendre nos convictions, de défendre le respect de l'autre. Quand je vois la montée de l'antisémitisme, quand je vois aujourd'hui des fléaux dans notre société, qui sont des fléaux inacceptable, des fléaux qui ont rendu notre histoire honteuse, j'ai besoin d'Europe parce que l'Europe doit se souvenir, des civilisations qui oublient leur passé se condamnent à le revivre. Et donc, il faut que l'Europe aujourd'hui soit cette force politique qui défende nos valeurs, pas seulement les directives, pas seulement les procédures mais vraiment ce qui est essentiel pour l'homme, les valeurs de l'humanisme, les valeurs de la liberté, les valeurs de la paix dans le monde. Quand J. CHIRAC s'est levé pour la paix en Irak, il a soulevé les peuples européens autour de lui, c'est pour ça qu'il a été suivi énormément. Je pense que c'est cela aujourd'hui le discours européen, un discours européen de mobilisation autour de l'humanisme européen, de l'humanisme français.
Question : Comment voulez-vous entendre ce discours avec un mode de scrutin qui divise la France en huit régions avec une sorte d'anonymat de ceux qui mènent la campagne ? Est-ce qu'aujourd'hui, vous n'en voulez pas un peu à A. JUPPE qui vous a imposé ce mode de scrutin ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : J'ai des relations suffisamment de confiance avec A. JUPPE pour qu'on ne s'impose rien l'un et l'autre. On discute clairement et on n'est pas dans une relation de force, on est dans une relation d'amitié. Mais vous voyez, je suis en train de vous parler d'antisémitisme, des forces qui doivent mobiliser l'Europe et vous revenez à des problèmes de formes de scrutin et de découpages électoraux qui sont et qui apparaissent comme des sujets de nature plus ou moins techniques. Nous avons voulu un scrutin électoral qui puisse rapprocher l'électeur de l'élu. Pourquoi ? Parce que l'Europe nous demande la proportionnelle () Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous car les gens par exemple qui sont de Bretagne, des Pays-de-la-Loire ou de Poitou-Charentes, ils vont vouloir défendre la mer. Ils seront beaucoup plus exigeants en considérant la réglementation des doubles coques parce que eux, ils se souviennent de l'Erika, ils se souviennent du Prestige et on se souvient sans doute plus du Prestige sur les bords de l'Atlantique qu'au milieu du Massif central. En revanche, les gens du Massif central vont défendre l'agriculture de montagne et chacun va pouvoir défendre les uns les zones frontalières, les zones des grandes infrastructures de transports. Je crois qu'il est bon d'accrocher l'élection au territoire et donc, nous avons pris des grandes circonscription pour que sur ces grandes circonscriptions, des sujets comme la défense de l'environnement par exemple apparaissent mais apparaissent enracinés dans des territoires. Donc, c'est un vrai rapprochement entre l'élu et l'électeur. Mais le fond de l'affaire, c'est de savoir pourquoi on fait l'Europe et aujourd'hui, on fait l'Europe parce que le monde, par moment, donne le sentiment d'avoir perdu la tête. On se demande où va le monde, on se demande où va la mondialisation, on se demande où va le terrorisme, on se demande où va la violence, on se demande si le monde sait où il va. Et nous, nous disons que l'Europe doit être une régulation de la mondialisation. L'Europe sait où elle va ; elle connaît ses douleurs, elle connaît son passé, elle connaît ses cicatrices et elle sait qu'il faut défendre un certain nombre de valeurs et cette Europe-là, elle doit vite s'organiser pour peser dans le monde pour la paix à l'ONU, pour la justice à l'OMC ou pour l'environnement avec le protocole de Kyoto. C'est cela, la mission de l'Europe, et la mission de la France est de donner ce souffle à l'Europe.
Question : Permettez-moi d'être un peu prosaïque mais est-ce que la majorité présidentielle ne fait pas campagne aujourd'hui d'abord d'une manière dispersée avec d'un côté l'UDF, de l'autre côté l'UMP qui tout en ayant des positions communes, sont divisées ? Est-ce que cela ne perturbe pas l'électeur ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : En tout cas, je n'ai jamais été partisan, au fond, de la dispersion depuis que j'ai vécu une expérience Vous savez, moi j'ai été député européen. J'ai pris ma valise toutes les semaines pour quitter mon Poitou et aller à Strasbourg, à Bruxelles J'ai commencé dans un petit groupe qui était le groupe libéral et nous étions quelques-uns là et on avait la parole souvent dans notre petit groupe, mais on s'apercevait qu'aucune de nos résolutions n'était capable de passer. Quand il y avait des grands débats, il y avait le grand parti du centre droit, le PPE, et le grand parti du centre gauche, le Parti socialiste européen et c'était ces deux grands partis qui prenaient les décisions. Donc je dis aux Françaises et aux Français que pour la France, pour faire entendre nos idées en Europe, il faut éviter de se disperser, de s'éparpiller, de gaspiller nos forces. Il faut rejoindre les grandes listes qui sont soit de droite, soit de gauche, mais celles qui ont des partenaires en Europe et qui pourront le moment venu défendre les idées de la France. Je souhaite qu'on vote naturellement pour l'UMP, mais je souhaite surtout qu'on évite de se faire plaisir en gaspillant sa voix pour une diversité qui en fait en Europe est une impuissance.
Question : Autrement dit vous dites : n'allez pas donner vos voix aux listes de F. BAYROU qui ne siégera pas au PPE pour être clair.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Je dis que les deux grandes formations politiques, c'est le Parti populaire européen auquel appartient l'UMP et nos concurrents que je ne citerai pas à nouveau parce que les citer deux fois dans la même émission, ce serait beaucoup.
Question : Bien, à quelle aune est-ce que vous allez juger les résultats ? Quels seraient de bons résultats ou de mauvais résultats pour vous ? Est-ce que vous allez les juger, pardonnez-moi, pour vous faire une idée, à l'aune des résultats obtenus par N. SARKOZY en 1999, qui avait fait 13% ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Cela peut être une référence mais je pense que la difficulté pour interpréter, mais ça c'est le rôle des commentateurs comme vous, le fait qu'il y ait deux approches possibles, deux clivages qui s'expriment avec ces élections. Vous avez d'un côté le clivage majorité/opposition. Alors si vous comptez majorité, vous comptez l'UMP, vous pouvez compter les centristes, vous pouvez compter les amis de P. de Villiers, tous ceux qui votent par exemple par exemple le budget - c'est-à-dire c'est un premier clivage, la majorité - contre ceux qui ne le votent pas. Et puis, le deuxième clivage, ce sont ceux qui ont une attitude de confiance vis-à-vis de l'Europe et ceux qui ont une attitude de méfiance vis-à-vis de l'Europe. et donc c'est un autre clivage. Moi je souhaite d'abord et avant tout que le vote soit un vote de confiance vis-à-vis de l'Europe. Bien sûr qu'il faut se défendre et on l'a fait de temps en temps ; on tape le poing sur la table pour défendre nos positions et on n'hésite pas, quelquefois, à provoquer quelques remarques, ici ou là, mais nous défendons nos positions. Mais nous voulons un message de confiance en l'Europe, parce que la France en a besoin pour faire entendre ses idées, pour faire entendre sa force, nous avons besoin d'Europe, c'est ce message de confiance et pour moi, c'est le premier des clivages.
Question : Vous êtes sûr que les électeurs ne vont pas profiter à nouveau de ce scrutin pour donner, pardonnez-moi, une deuxième gifle au gouvernement ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Les électeurs sont libres ;les électeurs expriment ce qu'ils ont à dire au pays et moi je les écoute, je les entends. Je mène une action qui est une action difficile, parce que nous avons connu une période de rupture de croissance très très forte depuis l'an 2000. Les prédécesseurs ont conduit une politique qui a conduit à la croissance à avoir un taux divisé par quatre en trois ans et donc on s'est trouvé dans une situation d'extrême fragilité. Donc il faut du courage, il faut de la détermination. Je suis en mission pour mener les réformes. Je crois que nous avons réussi la réforme des retraites. Nous allons réussir, je pense, la réforme de l'assurance maladie. Nous sommes très attentifs à ce que disent tous les partenaires. Nous avons engagé la réforme pour la lutte contre la dépendance. Je crois que notre pôle social va pouvoir profiter de l'action de J.-L. BORLOO, très importante pour le plan de cohésion sociale, nous avons là un dispositif qui nous permet de dire qu'il y a du travail pour la France dans l'intérêt des Français.
Question : En aucun cas, le résultat de ces élections européennes ne peut peser sur le rythme et la forme des réformes que vous êtes en train de faire ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : La réponse sera la méfiance ou la confiance sur l'Europe. C'est l'Europe qui est en question. Bien sûr, nous écouterons ce que disent les électeurs. Les électeurs s'expriment ; le président de la République sera attentif à ce que disent les électeurs. Moi je suis à la tête d'une majorité qui est élue pour cinq ans, avec un programme d'action qui est un programme que nous devons bâtir avec détermination, mais aussi avec écoute des Français. En ce qui concerne la durée de ma propre action qui peut-être est une de vos questions, cela dépend du président de la République. Moi j'agis pour les cinq ans qui sont les cinq ans de ma majorité.
Question : Vous agissez comme si vous aviez la durée devant vous.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Bien sûr, parce qu'on ne fait pas des réformes dans la précipitation et on ne fait pas des réformes dans l'improvisation. Si la réforme de l'assurance maladie se passe relativement bien, c'est parce que nous avons pris le temps de la discussion et c'est parce que nous ne nous sommes pas bousculés, que nous avons respecté nos partenaires et que nous avons respecté le temps.
Question : Faites-nous une confidence : est-ce que vous vous sentez mieux qu'au lendemain des régionales ? Vous avez l'impression que cela va un peu mieux ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Vous savez, j'ai pris l'habitude de mettre mon cas personnel à côté de mon travail et de ma mission.
Question : D'accord, mais est-ce que vous vous sentez mieux politiquement j'entends ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : J'agis avec détermination et c'est la confiance du président de la République qui est mon moteur. Et tant que je bénéficie de cette confiance, j'agis avec détermination, avec autorité et fermeté quand il le faut, avec attention et écoute quand il le faut.
Question : Alors détermination et autorité quand il le faut. Quand les agents EDF bloquent par exemple l'électricité et empêchent un certain nombre de voyageurs comme ce matin de voyager en faisant des coupures d'électricité, quelle est votre réponse ou quelle sera votre réponse ? Est-ce que ce sera une nouvelle concession dans la manière de concevoir le changement de statut ou est-ce que vous imaginez de répondre plus sévèrement ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Je n'apprécie pas ce mot, concession, je vous le dis, parce que le dialogue, c'est chacun qui va l'un vers l'autre et si on veut du dialogue social en France, il faut être ouvert aux positions des uns et des autres. Donc, il ne faut pas donner le sentiment qu'il y en a un qui fait des concessions, qu'il y en a un qui gagne et l'autre qui perd. Quand on dialogue, c'est pour construire et nous, nous voulons construire un champion de l'énergie avec EDF. Je pense que la forme de contestation qui a été choisie, ce matin à Saint-Lazare, la rupture du service public est une forme de contestation malheureuse. Quand on veut défendre le service public, on ne l'utilise pas pour aller contre les intérêts des usagers du service public. Le droit de grève existe, il est respectable et respecté mais je pense que la rupture que nous avons connue ce matin, d'électricité, n'est pas une bonne façon de montrer qu'on est attaché au service public, car pour le défendre, il faut lui permettre sa pérennité. Aujourd'hui, la pérennité du service public en matière d'électricité, n'est certainement pas en cause. Nous avons dit que nous ne voulions pas de privatisation. Nous avons l'énergie nucléaire qui est un élément stratégique de la France. Pour cela, l'Etat restera majoritaire à haut niveau au sein d'EDF.
Question : Si cela se reproduisait, il pourrait y avoir des sanctions ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Si cela se reproduisait, nous prendrions toutes les décisions qui sont en notre possession juridique, légale et sociale pour faire en sorte que le dialogue social soit respecté mais que chacun puisse aussi respecter l'usager.
Question : Dialogue social, sans entrer dans le détail puisque P. DOUSTE-BLAZY a beaucoup parlé de l'assurance maladie aujourd'hui. Est-ce que vous espérez avoir l'aval d'une ou de plusieurs organisations syndicales sur cette réforme comme vous l'aviez eu pour la réforme des retraites ou est-ce que vous vous contenterez d'une concertation mais sans signature ni approbation ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Il n'y a pas de texte à signer parce que là, il y a un ensemble de dispositions. D'ores et déjà, je suis en mesure de dire que sur un certain nombre d'éléments de ce dossier complexe, il y a des accords importants, des accords importants avec plusieurs partenaires. Nous avons un texte d'abord sur le pilotage de l'assurance maladie pour responsabiliser les acteurs. Là, nous sommes, à mon avis, sur un dossier qui présente un assez large consensus ; il y a quelques ajustements à faire, nous le ferons au Parlement. Mais je pense que nous sommes sur un dispositif relativement consensuel. Deuxièmement, il y a l'offre de soins avec 10 milliards d'économie ; nous avons le dossier médical personnalisé par exemple. Là, nous avons des mesures qui sont acceptées, des mesures qui le sont moins, par les uns ou par les autres ; mais, globalement, il y a un accord. On ne peut pas en effet avoir l'accord de tout le monde sur tout, mais nous avons de nombreux partenaires qui soutiennent plusieurs aspects très stratégiques de cette réforme et enfin, il y a les mesures de prélèvement. Là encore il y a des mesures qui donnent consensus et il y a des mesures qui font désaccord. Mais, globalement, je pense que cette réforme est comprise et que cette réforme permet à la fois d'assurer l'avenir de la Sécurité sociale et en même temps de pouvoir améliorer les soins avec un esprit de justice mais aussi des responsabilités. Cette réforme, je le pense, est en bonne voie.
Question : Alors dernière question si vous permettez, à propos du mariage scellé par le maire de Bègles, N. MAMERE, entre deux partenaires homosexuels. Il y a des sanctions qui peuvent être prononcées, la demande d'annulation de ce mariage ? Dans le même temps, certains vous reprochent au niveau des sanctions de donner trop d'importance à cette affaire et F. HOLLANDE souhaite qu'il y ait un texte, le texte promis jadis par le gouvernement, contre l'homophobie. Où est-ce que vous en êtes ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : La position du gouvernement est très claire. Nous nous sommes placés sur le terrain du droit. Je crois qu'il faut distinguer le terrain du droit et le problème du mariage homosexuel en particulier et de l'ensemble des dossiers qui sont liés à la vie sexuelle des Françaises et des Français. Sur le terrain du droit, l'Etat que je représente en tant que chef du gouvernement, ne peut pas accepter qu'un agent de l'Etat puisse prendre des décisions contre la loi qui a été votée, qui lui a été signifié, ce comportement illégal, par le procureur. Donc je suis en responsabilité et je serais faible de ne pas agir contre un agent de l'Etat, officier d'état civil qui se comporte de façon illégale. C'est pour cela que le ministre de l'Intérieur a engagé une procédure administrative selon le code des collectivités territoriales, pour cette application du droit et là, je suis dans ma responsabilité :on ne peut pas être agent de l'Etat et ne pas respecter l'Etat de droit. A côté de cela, il y a naturellement le débat de fond sur le mariage homosexuel. C'est en effet la représentation nationale qui doit se prononcer, qui doit débattre de ce sujet. Je veux que les opinions des uns et des autres soient respectées. J'ai mes propres convictions, mais je comprends qu'il y a là un vrai débat et c'est un débat sur lequel, je crois, il nous faut, en France, réfléchir les uns avec les autres. Mais il est évident que c'est un débat qui forcément se passera dans le cadre de la représentation nationale. En ce qui concerne l'homophobie, j'ai fait un certain nombre de promesses et j'ai pris des engagements vis-à-vis des associations concernées. Je crois qu'en effet, l'injure homophobe est inacceptable, que c'est une forme de violence aujourd'hui beaucoup trop fréquente. Nous sommes dans une société particulièrement violente. Je vous parlais tout à l'heure de l'antisémitisme. J'ai rendu visite au jeune I. IFRAH hier soir et j'ai été profondément marqué par ce coup de couteau qui m'a aussi atteint, qui nous atteint tous, qui atteint la France. Et je crois que toutes ces violences-là sont pour notre société des signes graves de déséquilibre et donc, nous devons lutter avec la plus grande fermeté. C'est pour cela que je remettrai demain aux associations un projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe, c'est-à-dire le texte précis que m'ont demandé un certain nombre d'associations pour considérer l'injure homophobe comme profondément diffamatoire ; elle sera punie des mêmes peines que la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle ; c'est l'article 2 de ce projet de loi qui sera remis aux associations et qui va aller au conseil d'Etat. C'est-à-dire que nous nous donnons les moyens juridiques de faire respecter chacun dans son comportement et dans notamment sa pratique sexuelle qui n'a pas à être l'objet de commentaires de type des injures homophobes que nous voyons beaucoup trop souvent se développer dans le pays.
Question : C'est un projet de loi qui pourrait être soumis à l'Assemblée nationale ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Le plus rapidement possible ou à la fin de l'été ou à la rentrée parlementaire.
Question : J'ai encore une question à vous poser. L'automne, c'est là le rendez-vous le plus difficile qui vous attend non pas avec l'opposition, non pas avec le pays mais avec vos propres amis, avec le congrès de l'UMP et la décision difficile, vous avez varié là-dessus, du choix d'un président de l'UMP.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Je n'ai pas varié du tout. D'abord ; je vais vous dire très franchement : c'est tous les jours difficile. Donc on m'a dit : la rentrée sera difficile, Noël sera difficile, le printemps sera difficile on m'annonce toujours Dès que je passe une étape, on m'annonce toujours que la prochaine va être très difficile. Alors heureusement, j'ai mon bon sens paysan, je suis enraciné, j'ai de la sagesse et donc je me méfie de toutes ces annonces de catastrophes car, en général, les choses ne se passent pas telles qu'elles sont prévues. Donc je suis très prudent sur tous ces sujets. En ce qui me concerne, j'ai une action à mener. Cette action, je la mènerai à l'automne. Nous avons un dossier très important qui est le dossier de l'avenir de la France, qui est notre loi pour la recherche pour donner des forces à nos universités, à notre recherche. C'est cela qui me mobilise, c'est ça le premier de mes dossiers : redonner du goût de l'avenir à la France. Et c'est ce goût du futur qu'il faut stimuler en France. C'est cela, mon travail et c'est ce à quoi je travaille par exemple demain en recevant un certain nombre de membres du Collège de France.
Question : Le reste, ce sera la surprise ou l'imprévu ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Le reste, c'est le débat politique. Nous le traiterons le moment venu mais il ne vous a pas échappé que la place du président de l'UMP n'était pas, à ce jour, vacante.
Pierre-Luc Séguillon : Monsieur le Premier ministre, merci beaucoup d'avoir accordé cet entretien à LCI.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 10 juin 2004)