Déclaration de M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur, dans le "Courrier de l'ANVAR" de septembre 2004, sur les moyens mis en oeuvre pour assurer une meilleure présence des entreprises françaises en Chine.

Prononcé le 1er septembre 2004

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Média : Courrier de l'ANVAR

Texte intégral

Q - L'Année de la Chine en France s'est achevée en juin dernier. Le président chinois Hu Jintao était en visite en France au début de l'année... La Chine semble être à la mode en France. Qu'en est-il d'un point de vue économique ?
R - Le succès de l'Année de la Chine en France atteste de l'engouement suscité par ce pays actuellement. Cependant, mon objectif d'un point de vue économique va bien au-delà d'un effet de mode. Je souhaite une présence pérenne de nos entreprises en Chine. Notre performance économique est honorable mais la France peut mieux faire. En 2003, elle a été le 2e fournisseur européen de la Chine (1,4 % du marché), loin derrière l'Allemagne (4,4 %), et le 3e investisseur européen, avec plus de 5,5 milliards de dollars depuis 1980. Mais la Chine, qui est dans les esprits un pays de grands contrats (nucléaire, Airbus, ou encore TGV), doit devenir un pays cible pour de nombreuses entreprises. J'ai eu moi-même l'occasion de présenter au président chinois, lors de sa visite en France, les dirigeants de la plupart des grandes entreprises françaises et je me suis déjà rendu à trois reprises dans ce pays. Toutefois, je mettrai en oeuvre tous les moyens dont je dispose pour accroître la présence des Pme, encore trop faible aujourd'hui. La visite d'État de Jacques Chirac en Chine en octobre prochain, qui comportera une large délégation d'entreprises dont un grand nombre de Pme, aura un effet d'accélération indéniable.
Q - Il existe, avec la Chine, des problèmes de propriété intellectuelle et industrielle qui suscitent des inquiétudes chez les responsables de Pme. Que leur répondez-vous ?
R - J'ai fait de la défense des droits de propriété intellectuelle un des thèmes centraux de mon action, en particulier sur la Chine. Lors de ma dernière visite en juin dernier, je me suis rendu dans le plus grand centre commercial de Schenzen, où abondent les contrefaçons, pour constater l'ampleur du phénomène et mobiliser les autorités chinoises sur la question. Je suis bien conscient que les Pme sont les moins bien armées pour défendre leurs droits dans ce domaine. J'ai toutefois remarqué un infléchissement important du discours officiel chinois sur ce sujet et une nouvelle organisation de la répression : la défense des droits de propriété intellectuelle est maintenant une priorité affichée de la politique chinoise. Dès cette année, les deux gouvernements renforceront leur coopération dans la lutte contre la contrefaçon. La coopération douanière sera développée, des séminaires de sensibilisation seront organisés à Pékin à l'automne et à Hong Kong au début 2005. Tous les acteurs chinois et les entreprises françaises y seront associés. Mais il est essentiel que chaque Pme abordant le marché chinois prenne toutes les mesures nécessaires pour se protéger.
Q - De grands groupes français s'installent en Chine avec de vastes ambitions sur ce marché en pleine expansion. Comment une Pme peut-elle aussi l'aborder ?
R - Aujourd'hui, 7 000 Pme françaises exportent en Chine mais cela ne représente que 7 % des entreprises exportatrices françaises. Elles sont encore trop peu présentes sur cet énorme marché qu'elles pensent souvent réservé aux grands groupes. On constate pourtant que, dans de nombreuses niches, elles ont une position de leader mondial. La Chine tend à devenir un pays de commerce courant et de nombreuses barrières sont tombées ces dernières années, suite à l'entrée du pays dans l'OMC. Il existe aujourd'hui une grande diversité de partenariats : joint-venture franco-chinoise ou à 100 %, licence, cession de technologie, franchise... Le dispositif français d'appui à l'internationalisation détecte les Pme les plus compétitives et les assiste. 500 entreprises françaises, surtout des Pme, ont bénéficié des prestations des Missions économiques en 2003 ; elles devraient être plus d e 750 e n 2004.
Q - Le marché chinois est souvent synonyme de délocalisation de la fabrication, mais aussi aujourd'hui de prestations intellectuelles. Qu'en pensez-vous ?
R - Le phénomène de désindustrialisation et les mouvements de délocalisations d'entreprises françaises à l'étranger, engendrant des pertes d'emplois, suscitent de fortes inquiétudes en France. Ces craintes concernent souvent les pays en développement et notamment la Chine, perçue comme une menace de dumping social. Néanmoins, je souhaiterais déjà préciser que le coût de la main-d'oeuvre n'est pas le seul déterminant de la compétitivité. À la différence des services de proximité, le coût du travail ne représente qu'une fraction du prix des biens manufacturés : le coût de production, qui définit la compétitivité d'un produit ou d'un pays, dépend également de la productivité du travail, du coût des autres intrants, de l'environnement physique et réglementaire, enfin d'éléments " hors prix " (qualité du produit et du réseau de distribution, faculté d'innovation). De fait, il est possible de rester compétitif malgré des salaires plus élevés que la moyenne mondiale. Nos exportations au premier semestre 2004 le prouvent, et en particulier vers la Chine où nous augmentons nos ventes de 4,4 % après des chiffres 2003 déjà très positifs.
L'ensemble des délocalisations industrielles, notamment dans le textile, a déjà eu lieu. Aujourd'hui, on constate que la majorité des multinationales a implanté des sites de production en Chine, mais il est important de distinguer des délocalisations ces investissements qui visent à desservir le marché local. Ces multinationales ont entraîné dans leur sillage leurs Pme soustraitantes. Il apparaît donc clairement que la grande majorité des investissements français en Chine se situe dans une logique de croissance et d'expansion plutôt que de substitution de la production française.
Q - Fin 2003, vous avez lancé un plan d'action commerciale en direction de la Chine. Pouvez-vous nous en rappeler les grandes lignes et la place qu'y tiennent les Pme ?
R - Le plan d'action commerciale pour la Chine, que j'ai approuvé le 24 septembre 2003, dégage six priorités :
o renforcer l'information des entreprises ;
o promouvoir la participation aux salons professionnels ;
o développer les missions collectives ;
o rechercher les opportunités d'affaires ;
o mettre en place des initiatives spécifiques en faveur des Pme ;
o renforcer et former les ressources humaines.
L'action dédiée aux Pme comporte des mesures d'information adaptées : un "kit Pme" regroupe des informations-clés sur le marché chinois accessibles sur le site des missions économiques de Chine (www.missioneco.org/chine); un "package découverte du marché chinois" permet à une Pme de connaître le marché à l'occasion d'un salon professionnel en Chine ou à Hong Kong avec un appui personnalisé.
Q - L'Anvar travaille au positionnement des Pme innovantes. Ont-elles déjà, selon vous, une place sur le marché chinois ?
R - Les exemples de Pme françaises ayant réussi en Chine ne manquent pas, en particulier dans les technologies innovantes. Je pense, par exemple, à Wavecom qui a vendu des modules pour téléphones portables et apporté au grand groupe chinois TCL les technologies nécessaires pour pénétrer le marché de la téléphonie mobile. Dans un fort environnement concurrentiel local et étranger, les Chinois sont demandeurs de produits et de services de qualité. Les Pme, qui réussissent en Chine, possèdent souvent une technologie performante, même s'il s'agit d'un produit de niche. Elles ont fortement investi en temps et en argent et ont veillé à protéger la propriété industrielle de leur savoir-faire.
Q - Quels sont les marchés porteurs en Chine aujourd'hui ? Et dans dix ans ?
R - On constate plusieurs tendances dans la demande chinoise. La première est l'apparition d'une classe de consommateurs dans les grandes villes, sensibles à des produits diversifiés et de qualité. Le luxe français a un bel avenir en Chine. La seconde est la montée en gamme de la demande chinoise. Dans des secteurs comme l'automobile ou les technologies de l'information, la Chine recherche à l'étranger des produits et des services de plus en plus complexes. Enfin, les investissements publics devraient offrir de nombreuses opportunités dans des secteurs comme l'environnement, le BTP ou l'énergie. Dans une économie en pleine transformation, il est difficile de prévoir les caractéristiques précises du marché chinois dans dix ans. Ce qui est certain, c'est que la taille des marchés augmente vite et que le potentiel reste énorme. Il faudra cependant compter avec des entreprises chinoises de plus en plus performantes.
(Source http://www.anvar.fr, le 7 octobre 2004)