Déclaration de M. Rernaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de loi de finances concernant les budgets 2005 de la culture et de la communication, notamment les actions en faveur du spectacle vivant, du patrimoine et de la relance de la commande publique, Sénat le 18 novembre 2004.

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Circonstance : Présentation du projet de loi de finances pour les budgets 2005 de la culture et de la communication devant la Commission des affaires culturelles du Sénat le 18 novembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Je suis heureux de revenir devant votre commission, après avoir débattu avec vous des orientations générales de la politique que j'entends mener en matière de culture et de communication, le 23 juin dernier. L'exposé que j'avais fait devant vous et le débat que nous avions eu demeurent tout à fait d'actualité aujourd'hui et c'est pourquoi vous me permettrez de concentrer mon propos liminaire d'une manière non exhaustive sur les points forts de ce budget, avant de répondre à vos questions.
Respect du pluralisme et promotion de la diversité culturelle sont les deux axes de ma politique, tant pour ce qui concerne l'action culturelle proprement dite que pour la communication.
Vous connaissez les chiffres : le projet de budget de la culture qui vous est soumis s'élève à 2787 M d'euros, soit une hausse comptable de 5,9 % ou de 6,5 % à périmètre constant.
Car vous le savez, ce qui importe, pour les comparaisons d'une année sur l'autre, c'est le périmètre de ce budget, qui varie d'année en année pour des raisons techniques. C'est pourquoi, à mon avis, il n'y a pas grand sens, à fixer un seuil au budget de la culture en fonction du budget de l'Etat. Beaucoup plus significatifs sont les objectifs et les résultats d'une politique dont le budget est avant tout l'expression.
Au budget de la culture s'ajoutent les quelque 2.659 M d'euros de ressources consacrées à l'audiovisuel public.
La culture et la communication sont la force motrice de notre identité nationale et de notre rayonnement international ; ce sont aussi des industries et des emplois ; ce sont enfin des instruments essentiels de l'aménagement du territoire et de la cohésion nationale.
La diversité et la richesse des réalisations et des projets communs menés en partenariat par l'Etat et les collectivités territoriales illustrent combien ce ministère est au coeur de l'aménagement et du développement de nos territoires.
Aussi suis-je très heureux de vous annoncer que cette année, les crédits d'investissement de ce budget se répartissent à peu près à parité entre Paris (52 %) et les régions (48 %). Cette législature marque un net rééquilibrage par rapport à la législature précédente. En moyenne entre 1997 et 2001, 62 % des crédits d'investissements pour Paris, 38 % pour les régions.
Ce budget est l'instrument d'une politique culturelle équilibrée : entre patrimoine et création, entre Paris et les régions, entre les investissements et les interventions.
Ce budget porte des efforts particuliers en faveur du spectacle vivant, du patrimoine et de la relance de la commande publique.
1°) Le spectacle vivant est la première priorité de ce budget.
Avec 753 M, le spectacle vivant représente le premier poste de ce budget.
Les dépenses en faveur de ce secteur ont crû de près de 10 % depuis le début de la législature. Ce mouvement se poursuivra dans les années qui viennent. Ainsi, dès 2005, des mesures nouvelles de 23,1 M d'euros seront affectées au spectacle vivant.
Ce socle considérable de crédits me permettra notamment de mettre en oeuvre, dès l'an prochain, le plan pour le spectacle vivant qui traduit les engagements que j'ai pris au printemps, de conforter la création et la diffusion des oeuvres, d'élargir les publics et de pérenniser les emplois. Les "entretiens du spectacle vivant", qui se sont déroulés le 18 octobre dernier à l'Académie du cirque Fratellini, ont montré combien ce plan est nécessaire et attendu.
Je remercie les sénateurs qui ont participé à ces entretiens. Et je sais, Monsieur le Président, que vous en avez été tenu étroitement informé. Le débat va maintenant se poursuivre au Parlement, à l'Assemblée nationale le 7 décembre, puis au Sénat à l'issue de la discussion budgétaire, en dépit d'un ordre du jour très chargé.
Nous sommes ici au coeur de l'aménagement culturel du territoire. L'Etat financera aux côtés des collectivités territoriales, plusieurs opérations d'intérêt national. Ainsi, par exemple, dans le domaine de la formation, la réhabilitation et l'extension du Centre national des arts du cirque à Châlons-en-Champagne ; la construction d'un auditorium à l'Ecole nationale de musique de Bourges. Dans celui de la production et de la diffusion des formes artistiques, la future salle de musiques actuelles de Caen.
Dans cette même perspective d'investissement sur l'ensemble du territoire, le budget 2005 permettra de financer trois Zéniths supplémentaires, à Strasbourg, à Nantes, et à Dijon. Ces trois salles de grande capacité dédiées aux musiques actuelles représentent chacune, pour l'Etat, un investissement de 3 M d'euros, étalé sur plusieurs années.
2°) Le patrimoine
J'ai souhaité, dès ma prise de fonctions, faire du patrimoine une priorité de mon action.
218 M sont inscrits au budget en crédits de paiement au titre des monuments historiques, soit une augmentation de 25 M d'euros, c'est-à-dire de 13 %, par rapport à l'an dernier.
Cet effort vient à la suite des mesures que j'ai prises, en redéployant des crédits, dès cet été 20 M d'euros, puis 1,7 M d'euros en octobre, afin de permettre la poursuite des chantiers en cours. La loi de finances rectificative pour 2004, je l'espère, j'y travaille et j'aurai besoin de votre soutien, viendra encore renforcer ces moyens.
Les reports de crédits qui étaient nombreux encore fin 2003, 227 M d'euros, seront réduits à leur part dite " frictionnelle ", de 16 M d'euros fin 2004.
Parce qu'il est au coeur de l'identité et du rayonnement de nos territoires, le patrimoine constitue un enjeu essentiel de la décentralisation.
Aussi ai-je tenu à vous dire un mot sur le projet de transfert aux collectivités territoriales qui en feraient la demande, de certains monuments de l'Etat, en application de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales votée par le Parlement le 13 août dernier, qui prévoit un décret d'application comportant une liste de monuments transférables.
Ce projet, dans les jours prochains, va faire l'objet d'une consultation syndicale très complète avant d'être examiné en réunions interministérielles puis soumis au Conseil d'Etat.
Vous vous souvenez qu'à l'issue des travaux menés par la commission présidée par René Rémond, où siégeaient le Sénateur Legendre et le Sénateur Gaillard, cette commission concluait, il y a un an, que la propriété de l'Etat se justifie pour trois catégories de monuments :
- les lieux de mémoire nationale, commémorant les grandes dates de l'Histoire de France,
- les anciens biens de la couronne, représentatifs de la constitution de l'Etat national,
- les archétypes architecturaux dont la qualité exceptionnelle et la valeur pédagogique justifient la possession par l'Etat.
A ces trois catégories, la commission Rémond a ajouté des sites archéologiques et les grottes ornées, dont la fragilité et la complexité d'exploitation exigent la compétence de l'Etat.
Le projet de liste que je m'apprête à diffuser reprend dans sa quasi intégralité la liste proposée par la commission Rémond.
Je rappelle que l'article 97 de la loi du 13 août 2004 dispose que le volontariat des collectivités est la règle absolue. Ces transferts sont donc envisagés sur le fondement d'une demande expresse des collectivités territoriales.
Mon souhait est que cette liste, ainsi que les dispositions détaillées de ces transferts, soient finalisés pour la fin de l'année.
3°) La troisième priorité du budget de la culture concerne les acquisitions et la commande publique.
Je souhaite donner un nouvel élan à la commande publique, mais aussi dégager des moyens pour les crédits d'acquisitions. Ces crédits ont en effet été trop longtemps sacrifiés, pour servir, en cours de gestion, de variable d'ajustement. Je tiens à ce qu'en 2005, ils soient sanctuarisés.
J'ai tenu à ce que 650 000 d'euros soient rajoutés sur cette ligne budgétaire. 500 000 d'euros seront consacrés à l'enrichissement de nos musées et 150 000 d'euros en faveur du plan d'action pour le patrimoine écrit.
Je veux souligner l'importance de l'éducation artistique, qui est essentielle à mes yeux, et qui vous tient aussi, je le sais, beaucoup à coeur.
J'ai souhaité, en accord avec François Fillon, organiser une réunion des Recteurs d'Académie et des directeurs régionaux des affaires culturelles, sous la présidence des deux ministres, pour réaffirmer l'éducation artistique et culturelle comme une priorité. Sachez que je défendrai, dans le cadre de la préparation de la nouvelle loi d'orientation sur l'école, la place de l'éducation artistique.
A mon arrivée rue de Valois, j'ai choisi d'accélérer les réformes, notamment en matière de gestion des effectifs, de création auprès de chaque Préfet de Région, d'un " pôle culture ", animé par le directeur régional des affaires culturelles, et de politique immobilière.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, partout où la réforme est nécessaire, elle avance. C'est particulièrement vrai pour le secteur de la communication.
La réforme de la redevance est juste, équilibrée et solide, tant pour le service public de l'audiovisuel que pour le contribuable. Les aspects les plus archaïques du mode de recouvrement sont abolis et l'adossement à la taxe d'habitation procède d'un objectif de rationalisation conforme à l'ambition de réformer l'Etat. Pour la troisième année consécutive, la redevance n'augmente pas et la simplification consistant à percevoir une seule redevance par foyer fiscal détenteur d'un récepteur constitue un progrès majeur. De la même manière, l'extension des exonérations de redevance pour motifs sociaux, afin de les aligner sur celles de la taxe d'habitation, permettra d'en dispenser un million de contribuables supplémentaires, en particulier parmi les personnes âgées à faibles ressources et les allocataires des minima sociaux.
Pour importante qu'elle soit, la réforme de la collecte de la redevance ne constitue pas une fin en soi et mon ambition pour l'audiovisuel ne se réduit pas à cette réforme.
Mon objectif est d'inscrire la politique de l'audiovisuel dans la stratégie du Gouvernement en faveur du développement de l'emploi et de l'attractivité du territoire, tout en offrant au téléspectateur une télévision et une radio publiques de qualité et clairement identifiées dans leur mission de service public.
La stratégie de l'emploi d'abord, au service de la relocalisation des tournages dans nos régions et donc de la création d'emplois. En ce sens, les ressources de l'audiovisuel public ne couvrent pas uniquement les besoins d'un secteur. Mon ambition est avant tout de consolider l'attractivité de notre territoire, tout en développant un secteur économique qui représente plus de 20 000 emplois directs.
Ainsi, le crédit d'impôt cinéma voté en fin d'année dernière a tenu toutes ses promesses puisque la part des semaines de tournages réalisées en France est passée de 61 % à 72 % en 2004. Fort de ce résultat, j'ai souhaité pour 2005 étendre le crédit d'impôt cinéma aux films à plus gros budget susceptibles de créer un nombre important d'emplois.
Mon objectif est le même pour la production audiovisuelle. C'est pourquoi j'ai tenu à créer en 2005, sur le même principe, un crédit d'impôt audiovisuel. Ce sont encore près de 22 % des journées de tournages de fictions télévisées qui se déroulent à l'étranger.
Il s'agit donc de rapatrier environ 70 000 jours de travail liés à des tournages dans les domaines de la fiction, de l'animation ou encore du documentaire.
Ces mesures nouvelles en faveur du cinéma et de la production audiovisuelle correspondent à une aide fiscale de 40 millions d'euros en 2005.
J'ai souhaité aussi étendre à la production audiovisuelle, dès 2005, le bénéfice des fonds qui permettent à l'Etat de démultiplier l'engagement des collectivités territoriales en faveur de la production, et qui constituent un facteur décisif, pour l'emploi et pour le rayonnement des territoires.
Les médias audiovisuels apportent aussi des moyens d'action essentiels à la politique culturelle.
Je crois possible un enrichissement des programmes de télévision et de radio pour donner au service public une identité plus forte, qui est plus que jamais nécessaire dans le paysage audiovisuel français aujourd'hui. Concrètement, l'effort additionnel en 2005 de France Télévisions en faveur des programmes de culture et de connaissance s'élèvera à 6,3 M. Des pas importants ont déjà été accomplis. Ainsi, France 5 a élargi son audience en confortant son identité. France 3 a su mener une politique de programmation, notamment de documentaires, plus déterminée quant aux horaires en particulier. Quant à France 2, les émissions d'information et de débats y ont retrouvé une place visible.
Certes, beaucoup reste à faire, notamment dans les domaines de la musique, du théâtre, des captations de spectacle vivant.
Bref, je souhaite que les téléspectateurs puissent réellement, sur les écrans du service public, regarder la différence.
Je tiens à marquer que dans l'environnement concurrentiel où la télévision publique évolue, face à la concurrence des chaînes privées, France Télévisions a besoin d'un financement public dynamique.
Dans le même esprit, j'ai demandé à France Télévisions d'étudier l'amélioration du financement de certains secteurs fragiles de la production audiovisuelle, comme le documentaire.
Le récent accord signé par France Télévisions avec l'Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) et le Syndicat des Producteurs Indépendants (SPI) en faveur du documentaire de création va dans le bon sens. Il se concrétise par un engagement financier de 64 millions d'euros en 2004 et une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros pour les années 2005 à 2007. Je rappelle que l'effort de France Télévisions est soumis à l'évolution des ressources.
Enfin, France Télévisions, il faut le souligner, investit plus que ses obligations dans la production audiovisuelle. L'accord signé avec le BLOC (Bureau de Liaison des organisations du Cinéma) et l'ARP (société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs) est également très important pour le financement de l'industrie cinématographique.
En 2005, l'enrichissement de l'offre de programmes se concrétisera en outre par la place du secteur public audiovisuel au sein de la Télévision Numérique de Terre (TNT), pour laquelle je me suis beaucoup battu et qui vient de faire l'objet de décisions récentes du Premier Ministre pour les chaînes gratuites. La décision concernant les chaînes payantes interviendra très prochainement.
Pour le téléspectateur français, la TNT ce sera, par exemple, la diffusion 24 heures sur 24 d'Arte et de France 5, deux chaînes emblématiques de la diffusion des programmes de culture et de connaissance.
J'ajoute quelques mots sur Radio France : ce budget permettra la numérisation des antennes, l'achèvement du plan bleu, la régionalisation de l'offre de programmes, et la restructuration de la Maison de la Radio.
Le respect et la défense du pluralisme sont les fils conducteurs de ce budget, qui allie moyens supplémentaires et réformes. Et cela vaut tout particulièrement pour la presse écrite, qui bénéficiera l'an prochain d'un effort historique, à la hauteur des défis qu'elle doit relever.
Atteignant un montant total de près de 280 M d'euros, soit une progression, à périmètre constant, de près de 30 % par rapport à 2004, ce budget porte d'abord sur la rénovation des aides existantes, dans un objectif de plus grande transparence et d'efficacité.
La réforme de l'aide au transport postal de la presse permet, avec un montant global de 242 M d'euros, de la recentrer sur deux actions prioritaires : l'aide à la diffusion des journaux d'information politique et générale et l'aide à la distribution de l'ensemble de la presse écrite dans les zones de faible densité.
J'insiste sur ce point, car la culture et la communication sont essentielles à la vitalité du lien social et à la cohésion nationale sur l'ensemble de notre territoire.
Je veux aussi mentionner la réforme du fonds d'aide à la modernisation et à la distribution de la presse qui entrera en vigueur en 2005.
Au-delà des réformes des aides existantes, ce budget inclut des mesures nouvelles en faveur de la modernisation de la presse :
La première aide nouvelle, dotée de 38 M d'euros, vise à moderniser la fabrication de la presse quotidienne d'information politique et générale nationale, régionale et départementale.
Deuxième aide nouvelle : l'aide à la distribution de la presse quotidienne d'information politique et générale, qui aurait initialement dû venir à expiration le 31 décembre prochain, est prorogée en 2005 à hauteur de 12,7 M d'euros. Les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) doivent en effet poursuivre l'effort de restructuration engagé depuis 2000. Je souhaite contractualiser ce nouvel effort de l'Etat.
La troisième aide nouvelle porte sur la diffusion de la presse écrite, dont l'érosion n'est pas une fatalité. J'ai décidé la création d'un fonds de modernisation du réseau des diffuseurs de presse, à hauteur de 3,5 M, pour soutenir et accompagner le plan de modernisation élaboré par les professionnels.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, j'espère vous avoir convaincu que le gouvernement est déterminé à faire de la culture et de la communication un atout stratégique pour notre avenir. Il ne s'agit pas de quelque supplément d'âme, de la cerise sur le gâteau, d'un petit plus ! Le lancement de l'année de la France en Chine a montré combien la culture et la communication contribuent au rayonnement de notre pays et à son développement économique.
Je vous remercie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 19 novembre 2004)