Discours de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur les enjeux des élections européennes pour la construction d'une Europe sociale, la sauvegarde des services publics, sur la réforme de l'assurance maladie, Lille le 2 juin 2004.

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Circonstance : Meeting à Lille le 2 juin 2004 dans le cadre de la campagne pour les élections européennes 2004

Texte intégral

Chers Camarades,
J'ai voulu venir ici, à Lille, pour fixer clairement le double enjeu de ces élections européennes. Le premier, c'est d'envoyer une majorité de gauche au Parlement européen. C'est la condition de l'Europe sociale. Le second enjeu, c'est de battre une nouvelle fois le gouvernement Raffarin ici, en France.
Si nous sommes conscients du défi qui est devant nous, le 13 juin, il nous faut voter dans cette grande circonscription Nord-Ouest pour la liste conduite par Henri Weber. De le faire massivement si nous voulons envoyer le plus possible de députés socialistes européens rejoindre le groupe socialiste européen et, ainsi, faire en sorte de peser sur notre destin en Europe.
Je suis venu ici, à Lille, pour lancer un appel : un appel au vote. Parce que, nous le savons, le gouvernement -comme il avait tenté de le faire pour les élections régionales et cantonales- fait le jeu de l'abstention, de l'indifférence civique, de l'oubli même du scrutin. Le Premier ministre a même été jusqu'à déclarer que les élections européennes ne figuraient pas dans son calendrier. À nous de lui dire qu'il y aura un jour noir pour ce qui le concerne. Un de plus. Après le 21 mars, après le 28 mars, c'est le 13 juin qui doit être de nouveau un jour d'expression civique, de message populaire de rejet de la droite et d'aspiration à une Europe sociale, à une France plus juste.
Le Premier ministre fait ce choix d'édulcorer l'enjeu, d'obscurcir la confrontation. Nous savons aussi que le mode de scrutin n'arrange rien et que la dispersion est considérable -plus de 20 listes !- comme si l'on voulait faire en sorte qu'il ne se dégage aucune majorité, aucune force politique, aucun message lisible. S'ajoute peut-être ce sentiment chez nos concitoyens qu'ils ont fait, les 21 et 28 mars, l'effort principal. Parce que, quand même, ils y sont venus aux urnes, malgré tous les pronostics. Et ils ne se sont pas trompés en envoyant, dans 20 régions sur 22, des présidents socialistes. Ils se disent peut-être que le résultat est atteint et que revenir pour les élections européennes ne servirait à rien. Quelle illusion ce serait car cela permettrait au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, à Jacques Chirac, pendant trois ans -puisqu'il n'y aura pas d'autre élection avant 2007- d'avoir les mains libres pour poursuivre leur mauvaise politique. Voilà pourquoi, après cet immense succès, immense succès dans cette circonscription Nord-Ouest puisque nous avons gagné l'ensemble des régions, il faut rappeler la force du suffrage universel. Rien ne se conquiert, nulle part, dans aucune démocratie sans l'intervention civique. Sans le vote, aucune avancée sociale, aucun progrès n'a jamais été obtenu. Cela n'écarte pas les mobilisations sociales, cela ne minimise pas le rôle des autres acteurs -syndicats notamment. Mais, sans le vote, il n'y a jamais de progrès possible et c'est encore vrai pour l'enjeu des élections européennes.
Nous, nous le savons. L'Europe est essentielle pour notre avenir. C'est un espace économique considérable. Nous sommes la première puissance économique du monde. C'est aujourd'hui avec l'Europe que l'essentiel de nos textes, pour le bien et parfois pour le moins bien, sont pris. C'est l'Europe qui a été ce continent de guerre et qui est aujourd'hui ce continent de paix qui peut servir de référence au reste du monde. Et c'est là, qu'en fin de compte, nous mesurons notre propre responsabilité. Face à ces images de guerre en Irak, face à ces massacres de population civile en Palestine, face à cet attentat aveugle en Israël, nous aspirons à un équilibre du monde. Mais, où est l'Europe ? C'est un manque d'Europe que nous constatons aujourd'hui. Et, face à l'instabilité économique, face à la variabilité du prix des matières premières, face aux déficits considérables américains, face aux puissances qui se lèvent dans le monde, en Chine, en Inde, face à la misère, où est l'Europe pour fixer les règles et organiser le monde ? Voilà l'enjeu. Nous sommes Européens pas simplement pour nous-mêmes. Nous sommes Européens parce que nous avons une conscience universelle, parce que nous voulons peser sur le destin de la planète. Nous ne sommes pas Européens simplement pour prolonger la France ! Nous ne sommes pas Européens simplement pour nous organiser nous-mêmes ou nous protéger du reste du monde ! Nous sommes Européens, parce que nous voulons changer le monde et parce que nous sommes socialistes.
L'Europe a besoin des socialistes. Ce sont toujours les socialistes qui l'ont fait avancer. C'est Jaurès, c'est vrai, le premier qui avait pris -avec d'autres socialistes- conscience que c'était ensemble, socialistes européens dans une Internationale qui n'était au départ qu'européenne, qu'il fallait s'organiser pour changer nos sociétés, bousculer le capitalisme et éviter la guerre. Il n'est malheureusement pas parvenu à ses fins. Ce sont d'autres socialistes qui ont organisé l'Europe, qui l'ont rêvée d'abord, qui l'ont bâti ensuite. Et c'est vrai que l'Histoire retiendra que c'est François Mitterrand qui, premier parmi d'autres, a tendu la main sans doute mais a aussi fait cette Europe économique, cette Europe de la monnaie unique, mais cette Europe politique surtout parce que, pour lui, la monnaie unique n'était qu'un élément, qu'un instrument pour atteindre l'unité politique. Et c'est pour l'avoir oublié, sans doute, qu'aujourd'hui l'Europe est en crise. Et faut-il rappeler aussi le rôle de Jacques Delors, 10 ans Président de la Commission européenne, qui a donné une dimension à cette Europe, un visage et une âme. Et Lionel Jospin aussi, pendant cinq ans, et avec quel talent ! Il a montré que l'Europe pouvait être aussi plus sociale et tournée vers l'emploi et la croissance. Soyons donc fiers d'être Européens et d'être socialistes, parce que c'est le même engagement, même si nous savons qu'aujourd'hui c'est là que nous sommes attendus. C'est pourquoi, nous disons, après l'Europe économique, après l'Europe monétaire et avec l'Europe politique, il faut faire l'Europe sociale.
L'Europe sociale, c'est d'abord l'Europe du plein emploi, parce qu'il est invraisemblable que dans ce continent riche, prospère, il puisse y avoir encore près de 10 % de la population au chômage et que nous avons comme premier devoir -comme socialistes- de mettre la première priorité dans la lutte pour l'emploi, ce qui suppose un pacte de croissance plutôt que pacte de stabilité, d'ailleurs aussi exigeant que dépassé. Ce qui suppose la coordination des politiques économiques ; ce qui exige aussi des grands travaux pour à la fois améliorer nos infrastructures et créer de l'activité économique supplémentaire.
Et si nous proclamons l'urgence de l'Europe sociale, c'est que nous avons conscience qu'il y a des risques, pas seulement avec l'élargissement, de délocalisation, de dumping. C'est pourquoi, nous proclamons la possibilité, la nécessité d'un impôt européen sur les sociétés qui permettra, justement, d'éviter les distorsions de concurrence et une solidarité. Et, si nous demandons des salaires minima dans toute l'Europe, c'est pour les faire converger vers le haut, bien sûr. Les sourires narquois de la droite, chaque fois que l'on évoque les salaires minima en Europe, ressemblent finalement aux sourires de tous les conservateurs qui ne veulent jamais d'organisation, d'ordre social, qui ne veulent jamais de progrès, qui pensent que rien n'est possible que tout est dangereux et qu'il faut laisser le marché libre de toute entrave, parce que, pour eux, le progrès social, c'est toujours une entrave et une contrainte. Et cela ne les gène pas, par rapport à cette exigence de salaires minima, de voir aujourd'hui les rémunérations des dirigeants des plus grandes entreprises progressées de 14 % pour cette seule année 2003, alors même qu'on demande de nouveaux sacrifices aux salariés. Rien ne les gène, parce que, pour eux, la liberté des uns vaut le sacrifice des autres.
L'Europe sociale, c'est aussi des droits du travail qui puissent être semblables en Europe. Ce sont des objectifs de protection sociale, même si l'assurance maladie, les régimes de retraite doivent rester souveraineté nationale. Ce sont aussi des services publics en Europe. On nous dit que cette notion n'appartiendrait qu'à quelques pays d'Europe, mais l'accès égal aux biens publics que sont la santé, l'Education, l'eau, les ressources naturelles vaut partout et pas simplement sous le label de service public ! Parce que ce sont les principes de la démocratie que l'Europe doit forcément reconnaître, sauf à mettre de la concurrence et du marché là, précisément, où ils n'ont plus leur place, où ils ne doivent pas avoir leur place.
L'Europe sociale, c'est aussi l'environnement, avec une priorité qui doit être accordée aux transports publics, à la lutte contre toutes les formes de pollution et à la diversification des sources énergétiques.
L'Europe n'avancera que si les socialistes sont forts et s'ils sont conscients des enjeux qui sont posés à leur continent pour les prochaines années.
Mais, en même temps, les socialistes ont besoin de l'Europe pour atteindre leur projet. Nous savons, nous comme socialistes, qu'il faut une puissance politique en Europe pour qu'elle puisse, justement, peser sur les décisions du monde, pour contrecarrer l'unilatéralisme américain, pour faire prévaloir les objectifs du droit, de la paix sur la force et sur l'irrespect de la législation internationale. Oui, il faut une Europe de la défense ; oui, il faut une Europe politique et nous devons aller, là-dessus, jusqu'au bout avec ceux qui voudront bien nous rejoindre.
Nous savons aussi que nous avons besoin d'une Europe solidaire. Solidaire entre nous, solidaire à l'égard des pays venant de l'Est qui nous rejoignent, solidaire à l'égard des pays qui voudraient nous rejoindre et qui n'y sont pas prêts, solidaire à l'égard de l'Afrique qui attend beaucoup de nous -notamment sur la santé, le développement, solidaire de l'Amérique Latine qui attend une autre politique agricole, solidaire de l'Asie qui ne veut pas être un continent réduit au stade d'ateliers d'utilisation de la main d'uvre à bas salaires.
Dans le monde, on nous regarde, on regarde l'Europe parce que c'est la référence, parce que c'est un modèle de civilisation ; on regarde l'Europe définir des politiques, et c'est là que nous devons aussi peser. Nous, nous croyons que notre avenir dépend d'abord des efforts que nous consacrons à l'Education, à la Recherche, à l'industrie, à la culture. Et rien ne sera possible s'il n'y a pas un budget européen doté des moyens suffisants. Nous avons donc là une différence majeure avec les Libéraux qui veulent à chaque fois -et en Europe aussi- baisser la dépense, réduire les impôts pour ne faire de l'Europe qu'une vaste zone d'échanges, un espace économique sans contrainte. Nous, nous affirmons la nécessité d'une politique publique en Europe. C'est cela qui nous rend confiants dans l'avenir. Le socialisme n'est pas contraint par l'Europe, si nous en décidons ; c'est par l'Europe que nous pouvons faire un socialisme à l'échelle de notre continent. C'est pourquoi, il faut être Européen, mais sans jamais perdre notre identité de socialistes.
Le combat dans ces élections, une nouvelle fois, oppose les socialistes et les Libéraux. Voilà pourquoi, dans ce combat, il nous faut un Parti Socialiste Européen. Et nous sommes en train de le construire difficilement. Nous y avons porté à sa tête le Danois Poul Rasmussen. Cela n'a pas été si simple, mais nous y avons, avec nos amis Belges, contribué. Je veux d'ailleurs les en remercier. Car, ce qui était en cause, ce qui était en jeu, c'était de faire un grand parti socialiste européen, où les militants pourraient voter pour leurs dirigeants et aussi pour les orientations de ce futur Parti. Je ne dis pas que nous serons toujours majoritaires, mais pour ceux qui ont la culture de la minorité, il faudra être patient. Mais je préfère d'abord ce combat-là dans un Parti, même minoritaire au début, que le combat de l'impuissance dans une organisation où il n'y aurait ni programme, ni structure, ni dirigeant élu. Si nous voulons une Europe socialiste, il faut faire un Parti Socialiste Européen.
L'enjeu est aussi national, car lorsque l'on combat le libéralisme à l'échelle de l'Europe, il faut aussi le bousculer à l'échelle nationale. Et, de ce point de vue, Jacques Chirac permet de faire la transition. Incapable de définir un projet européen, impuissant même à formuler des exigences pour cette future Constitution européenne, impropre à définir une ambition sur l'Europe après ce qui c'était produit -et qui devait se produire notamment par la position de la France, c'est-à-dire le refus de suivre les Etats-Unis d'Amérique ou, plus exactement, le Président Bush car il ne faut pas confondre le Président Bush avec la démocratie américaine- on attendait une parole forte des autorités françaises alors que la France avait, tant mieux, joué son rôle. Elle n'est pas venue. Elle a même été méprisante à l'égard des pays de l'Est, ignorante des aspirations de beaucoup de nos voisins qui demandaient une politique enfin européenne. La France n'a su définir ni ambition, ni projet.
Ici, nous savons ce qu'est le libéralisme " à la mode Chirac ". C'est d'abord une politique injuste, une politique qui baisse les impôts des plus favorisés, mais qui aujourd'hui refuse de baisser la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP), alors même que le prix de l'essence n'a jamais été aussi élevé. Une politique de rigueur budgétaire, même si le déficit n'a jamais été aussi lourd qu'il l'est aujourd'hui. Il n'empêche qu'après ces baisses d'impôts, après ces choix invraisemblables de donner priorité à la défense nationale plutôt qu'à l'Education, nous avons des remises en cause de tous les budgets qui nous paraissent, à nous, prioritaires : Education, logement, cohésion sociale. Et ce seront une nouvelle fois les couches salariées, les couches populaires qui seront victimes des décisions qui se préparent au lendemain des élections européennes. Et puis, il y a ce plan sur la Sécurité sociale qui inflige, là encore, aux seuls assurés sociaux l'essentiel de la charge : 1 euro sur chaque acte médical, 3 euros sur le forfait hospitalier, l'augmentation de la CSG pour les retraités et puis, subrepticement, pour tous les salariés. Et rien qui ne soit demandé aux revenus du capital, aux entreprises et même aux professions de santé. Ce qui autorise le Medef à considérer que, tout bien pesé, il acceptait de revenir dans les organismes de gestion de la Sécurité Sociale. C'est normal, c'est sa politique qui s'y mène. Et puis, ces privatisations qui aujourd'hui touchent l'ensemble du secteur économique : EDF-GDF, et cette frénésie qui maintenant a amené certains députés de l'UMP -si j'ai bien compris- à vouloir privatiser jusqu'aux gares, aux routes et aux hôpitaux. Tout doit être vendu, puisque l'Etat n'a plus d'argent et qu'il considère même qu'il n'y a pas de patrimoine public qui mérite d'être protégé !
Cette politique est non seulement injuste mais aussi incohérente. Il a été créé, par exemple, au lendemain des élections régionales, un Ministère de la cohésion sociale. Le Ministre qui en a la charge a considéré que c'était une novation. Mais, aussitôt avait-on créé ce Ministère de la cohésion sociale -pour Monsieur Borloo- qu'on lui supprime ses crédits ! Comment comprendre ? Incohérence aussi, lorsque l'on demande aux salariés de donner un jour de solidarité pour les personnes âgées et, dans le même temps, on apprend que les crédits prévus pour les maisons de retraite n'ont même pas été débloqués. Incohérence, immoralité aussi, qui consiste à faire voter une Charte de l'environnement avec des principes qui ne peuvent gêner personne -chacun a droit à un environnement pur- et, dans le même temps, on apprend qu'on a laissé rentrer -par voie d'importation- les OGM et qu'on a même autorisé des expériences en plein champ se dérouler comme jamais cela n'avait été autorisé. Où est la cohérence ? Où est la morale ? Quand on entend le Président de la République, à l'occasion d'un déplacement au Guatemala, affirmer la nécessité de la redistribution, du partage, de la solidarité, de la lutte contre la pauvreté, proclamant même qu'il faudrait augmenter les impôts au Guatemala, alors qu'ici il les baisse. Lui, il est pour l'augmentation des impôts des pauvres et la baisse des impôts des riches Là est la seule logique de son propos.
Cette politique des grands principes proclamés et toujours des mêmes sentiments à l'égard des puissants, à l'égard du Medef est devenue insupportable. C'est pourquoi, le 13 juin il faut voter pour sanctionner une politique, un comportement, une manière d'agir ou plutôt de mal agir. Voilà le sens de l'élection du 13 juin prochain. Oui, il y a une utilité du vote, une utilité du vote pour l'Europe, une utilité du vote pour la France. Cette utilité du vote, nous l'avons mesurée au moment des élections régionales et cantonales. Il s'agissait bien sûr de gagner des régions pour la gauche, de gagner des départements pour la gauche. Mais, il s'agissait aussi de faire reculer le pouvoir. Et s'il n'y avait pas eu le vote des 21 et 28 mars, les recalculés de l'Unedic auraient-ils pu faire reconnaître leurs droits ? S'il n'y avait pas eu votre vote les 21 et 28 mars, est-ce que les chercheurs auraient pu, au moins pour quelques mois, trouver les crédits budgétaires qui manquaient ? S'il n'y avait pas eu l'intervention du suffrage universel les 21 et 28 mars, les intermittents du spectacle -sans avoir toutes les garanties des promesses qui leur sont faites- auraient-ils pu enfin trouver un interlocuteur ? S'il n'y avait pas eu le vote des 21 et 28 mars, ce plan pour la Sécurité Sociale serait-il passé par le Parlement ou aurait-il été pris par ordonnance, comme c'était prévu ?
Il en sera de même pour les élections européennes que pour les élections régionales. Il faut que notre vote soit utile. Et nous avons deux manières de faire reculer le pouvoir sur la Sécurité Sociale comme sur les services publics, et notamment EDF : d'abord en participant aux manifestations, et notamment celle du 5 juin prochain, mais aussi en votant, en votant pour le Parti socialiste le 13 juin. Parce que si nous gagnons les élections, je suis convaincu que nous pourrons les faire reculer sur la Sécurité sociale et sur la privatisation des services publics. Ce n'est pas sûr, mais ce qui est sûr, en revanche, c'est que si les électeurs ne viennent pas voter, si la gauche ne gagne pas ces élections, le rouleau compresseur sera en marche et qu'il ne s'arrêtera pas avant 2007.
La gauche est de retour en Europe. En Espagne, et avec quelle force. Belle leçon de démocratie que nous ont donné nos amis Espagnols après l'acte terroriste qui est venu les frapper au cur, qui a touché -comme toujours- les catégories les plus modestes, les catégories populaires. Je suis allé à Madrid après les attentats, après la victoire de Zapatero. Et cette liste de victimes que j'ai vue affichée sur les murs de la gare, c'était pour beaucoup des travailleurs immigrés qui venaient prendre leur travail à Madrid, beaucoup n'étaient même pas déclarés, certains n'ont même pas encore eu la reconnaissance de leur identité. Terrorisme hideux qui frappe les plus faibles, les plus pauvres, qui frappe les innocents. Quelle leçon ont donnée les démocrates Espagnols : le vote, la participation. Et il y a eu ce vote en Autriche pour un Président socialiste, là où il avait eu une alliance honteuse entre les conservateurs et les néo-fascistes Autrichiens. Là aussi, belle leçon. Et puis, en France ! Quelle leçon aussi de morale politique. Ceux qui avaient gagné sur un malentendu, sur un concours de circonstances, se sont vus infliger une sanction légitime, juste et qui mérite d'ailleurs d'être répétée. Parce que, quand on a été élu dans les conditions que l'on sait, quand on a bénéficié du suffrage de tous les républicains, la moindre des choses est de respecter le pacte social et le pacte républicain et ne pas y déroger.
Pour ces élections européennes, je fixe nos objectifs : il faut que le Parti socialiste arrive en tête pour ces élections. Ce sera la marque, la confirmation de notre victoire. Ce sera la révélation que le Parti socialiste est aujourd'hui la première force politique en France. Et, si nous arrivons premiers, cela voudra dire que le Parti, le seul Parti, le grand Parti qui soutient le gouvernement est incapable aujourd'hui de faire plus de 20 % ! Cela aura forcément des conséquences sur l'avenir du gouvernement. Faisons d'ailleurs en sorte que l'écart soit le plus grand possible, ce sera finalement la plus grande conclusion que nous pourrons tirer. Nous devons, ensuite, envoyer le plus grand nombre de députés européens socialistes Français. Non pas que nous pensons que les Français sont meilleurs que les autres, mais parce qu'ils défendront des positions qui peuvent être les nôtres et qu'ils permettront au groupe socialiste européen d'être le premier au sein du Parlement européen. Et ainsi, nous pourrons aussi déterminer la composition, en tout cas, la présidence non seulement du Parlement européen, mais de la Commission européenne. Là est l'enjeu.
Nous avons l'impression d'être les seuls en campagne. C'est d'ailleurs pour cela que l'on dit que la campagne n'intéresse pas. Nous, elle nous intéresse et nous essayons d'intéresser les citoyens. C'est vrai que l'UMP se cache, on la comprend. Ils ont, à l'UMP, paraît-il, loué des bus à cette fin, pour ne jamais en descendre sans doute. Qu'est-ce que l'UMP a à dire dans cette campagne ? Défendre le gouvernement ? Pas facile en ces temps. Dire que la Turquie ne devrait pas adhérer à l'Union européenne ? Mais qui peut les croire ? D'abord les textes ont permis à la Turquie de, au moins, déposer sa candidature et le Président de la République lui-même -c'est une décision prise en 1999, Jacques Chirac, Président de la République, Lionel Jospin, Premier ministre, dans un Conseil européen- a accepté -avec les autres Chefs d'Etat et de gouvernement- de considérer que la Turquie pouvait au moins déposer sa candidature, mais qu'elle devait respecter des conditions et des conditions de démocratie, de droits de l'Homme, de développement économique. L'UMP ne peut donc faire sa campagne uniquement sur la Turquie ou alors, cela voudrait dire que son seul souci est d'éviter d'être rongée par la liste De Villiers, l'aristocrate populiste trop heureux d'avoir échappé -ses ancêtres en tout cas- à la Révolution française et qui essaye d'avoir les aspirations du peuple, ou la crainte d'être de nouveau concurrencée par l'extrême droite, cette entreprise familiale qui aujourd'hui ne vit que dans la haine et le ressentiment -compris dans sa propre maison, écartant les uns et les autres dès lors qu'ils touchent à la famille.
Il y a aussi toutes ces listes qui peuvent attirer l'attention et organiser la dispersion. C'est pourquoi, je vous appelle à faire un vote utile, non pas dès le premier tour, il n'y en a qu'un, mais à faire un vote utile parce que le seul vote que redoute le pouvoir, c'est le vote socialiste. Si l'on veut donc faire avancer l'Europe et battre le gouvernement, il faut voter socialiste. Il n'y a pas d'autre vote possible pour avancer.
C'est vrai que depuis deux ans nous avons surmonté bien des épreuves ensemble. Celle d'abord de la défaite injuste, cruelle de 2002. Nous avons ensemble rassemblé d'abord les socialistes, redressé la gauche, fixé la perspective, gagné les élections régionales et cantonales. Il nous faut maintenant remporter cette victoire aux élections européennes. Mais, il y aura encore beaucoup à faire ensemble. Parce que, jusqu'en 2007, nous avons à bâtir un projet. Nous le ferons avec une triple exigence :
- Une exigence de vérité, sans laquelle la politique n'est qu'une promesse sans lendemain ;
- Une exigence de volonté, sans laquelle la politique n'est qu'une incantation et, demain, une déception ;
- Une exigence d'unité, parce que ce projet sera celui des socialistes, des sympathisants, des militants, mais aussi de nos électeurs car il faudra changer la méthode, discuter avec tous, et d'abord avec les syndicats, les associations. Il faudra faire un projet qui rassemble si nous voulons ensuite gagner l'élection présidentielle.
Il sera bien temps, quels que soient nos sentiments, quelles que soient nos aspirations, de choisir notre candidat. D'abord fabriquons, élaborons ensemble notre projet. Nous prendrons ensuite celui ou celle qui nous apparaîtra comme le ou la meilleure pour gagner, mais surtout pour transformer durablement notre pays. Nous sommes aujourd'hui convaincus de la justesse de notre démarche ; nous savons quelles sont les aspirations de notre peuple, nous connaissons les défis qui sont devant nous.
La victoire est possible en 2007. Mais, il nous faudra non seulement gagner mais aussi durer. Parce que, ce qu'attendent ceux qui sont le plus attachés à la gauche, c'est pas simplement une gauche victorieuse un jour, mais une gauche qui puisse au moins, et pas simplement sur cinq ans, travailler à la transformation de notre pays. C'est aussi cela le défi qui est devant nous.
Nos amis Belges nous disent qu'ils sont, en ce moment, orphelins de nous. Soyez patients, attendez-nous encore un peu. Mais, en 2007, nous serons là.


(source http://www.europesocialiste.org, le 9 juin 2004)