Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, sur le bilan de l'année écoulée en matière de négociation collective et les perspectives ouvertes par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, Paris le 28 juin 2004.

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Circonstance : Réunion de la Commission nationale de la négociation collective à Paris le 28 juin 2004

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
Je suis heureux de pouvoir présider pour la première fois la Commission Nationale de la Négociation Collective (CNNC).
Je n'ignore pas que le rendez-vous du mois de juin constitue traditionnellement un temps fort des échanges entre l'Etat et les partenaires sociaux. Cette année, quelques semaines après le vote de la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social et quelques jours avant la présentation du plan de cohésion sociale, ce rendez-vous revêt une signification toute particulière.
Au-delà du bilan de la négociation collective, j'entends évoquer avec vous les perspectives nouvelles ouvertes par la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social et les réformes que Jean-Louis Borloo et moi-même souhaitons engager, dans les mois à venir, en concertation avec les partenaires sociaux.
Le bilan de la négociation collective au cours des douze mois écoulés, établi grâce à la compétence de la Direction des relations du travail et de la DARES, vous a été adressé. Je n'en retiendrai ici que les éléments essentiels.
Tout d'abord, la vitalité de la négociation interprofessionnelle, vitalité qui suscite au moins autant de satisfaction que d'attente.
Satisfaction - et le terme est faible - devant les résultats remarquables obtenus en matière de formation professionnelle et de retraites complémentaires.
L'accord conclu le 20 septembre 2003 sur la formation professionnelle tout au long de la vie fera date dans l'histoire de la négociation interprofessionnelle, tant il rénove en profondeur le droit de la formation professionnelle, dans l'intérêt commun des salariés et des entreprises.
Si cet accord est exemplaire par son contenu, il l'est aussi par la démarche qui le fonde. Il témoigne de ce que les partenaires sociaux peuvent trouver ensemble des voies novatrices pour faire évoluer le droit du travail et accompagner les évolutions de notre économie, laissant ensuite au législateur le soin de tirer le meilleur parti des avancées réalisées par l'interprofession.
Se dessine ainsi un nouvel équilibre entre loi et négociation collective, qui correspond à cette conception ouverte et constructive du dialogue social que le Gouvernement entend promouvoir.
L'accord national interprofessionnel du 13 novembre 2003 sur les retraites complémentaires illustre lui aussi les vertus de cette méthode.
La satisfaction devant les résultats obtenus suscite une forte attente quant à l'issue des négociations en cours.
Je pense d'abord, et cela ne vous étonnera pas, aux négociations sur l'emploi et les restructurations qui ont été engagées, il y a de cela dix-huit mois, à la suite du vote de la loi du 3 janvier 2003 suspendant certaines des dispositions de la loi de modernisation sociale relatives aux licenciements économiques.
Les partenaires sociaux avaient dénoncé à raison les conditions dans lesquelles avait été élaborée cette loi, sans concertation aucune avec les organisations professionnelles et syndicales.
Pour rendre au dialogue social la place qui lui était due, le Gouvernement a choisi, non pas d'abroger ou de modifier ces dispositions, mais de les suspendre en renvoyant à la négociation collective.
Il s'agissait ainsi, comme pour la formation tout au long de la vie, de tenter de trouver, par la négociation, un point d'équilibre, acceptable par tous et susceptible de trouver une traduction dans la loi.
Il est urgent en effet de sortir de ce cycle infernal qui consiste à modifier tous les deux ans la législation sur les restructurations et les licenciements économiques. Le seul résultat est de compliquer sans cesse les procédures, de retarder inutilement la mise en uvre du plan sans offrir aux salariés de véritables perspectives en termes de reclassement effectif et d'emploi.
Signe de confiance supplémentaire adressé aux partenaires sociaux, la loi du 3 janvier 2003 a encouragé la mise en place, dans le cadre d'" accords de méthode " négociés dans les entreprises, de dispositifs expérimentaux innovants.
Cette faculté a été utilisée avec profit par de nombreuses entreprises. Comme s'y était engagé le Gouvernement, le bilan de ces accords sera d'ailleurs envoyé à tous les membres de la Commission.
La négociation interprofessionnelle à laquelle avait appelé le législateur s'est effectivement engagée.
Des convergences se dessinent sur plusieurs points : gestion anticipée des emplois et des compétences, conditions de négociation du plan de sauvegarde de l'emploi, activation des dispositifs de reclassement
J'ai la conviction qu'un accord est possible même si j'en mesure toutes les difficultés. J'ai, par conséquent, soutenu l'initiative prise par le sénateur Gournac de déposer une proposition de loi prolongeant le délai de suspension de 6 mois, jusqu'au 3 janvier 2005.
Après l'expérience malheureuse de la loi de modernisation sociale, il serait en effet regrettable que les partenaires sociaux laissent à l'Etat la responsabilité de définir seul les règles gouvernant l'accompagnement des restructurations et la gestion des emplois.
Mais je le dis ici solennellement, il n'y aura pas de nouveau délai.
Avant la fin de l'année et quoi qu'il arrive, le Gouvernement prendra ses responsabilités et déposera au Parlement un projet de loi, au vu de l'accord, ou de l'absence d'accord, auquel seront parvenus les partenaires sociaux. Il tiendra évidemment compte, en cas d'absence d'accord, des convergences qui seront apparues.
Au-delà des négociations en cours sur la gestion sociale des restructurations, je souhaite aussi que s'engagent les négociations sur les conditions de travail et sur la pénibilité prévues par la loi sur les retraites.
Comme je l'ai indiqué devant le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, et comme vient de le souligner le Conseil d'orientation des retraites dans son dernier rapport, l'amélioration des conditions de travail constitue aujourd'hui un enjeu majeur, tant pour la santé et la sécurité des salariés que pour le développement de l'emploi des seniors et partant, pour l'avenir de nos régimes de retraite.
L'amélioration des conditions de travail a sans doute un coût. Mais ce coût, qui s'analyse avant tout comme un investissement pour l'avenir, est sans commune mesure avec le coût économique et social qui résulterait à terme de notre inertie et de notre imprévoyance en la matière.
Après la négociation interprofessionnelle, j'évoquerai plus rapidement les négociations de branche et d'entreprise.
Là aussi, et comme l'année dernière, la négociation a été soutenue, en particulier sur les salaires et l'épargne salariale.
Toutefois, la négociation sur le temps de travail, bien que toujours active, a connu quant à elle un léger fléchissement.
Je note en particulier que les potentialités offertes aux branches par la loi du 17 janvier 2003 en matière de contingents d'heures supplémentaires ont été utilisées par plusieurs branches. 22 d'entre elles ont relevé leur contingent conventionnel d'heures supplémentaires.
Ce premier constat ne remet nullement en cause l'intérêt de réfléchir à de nouveaux mécanismes négociés, d'assouplissement de la réglementation de la durée du travail, dont la complexité et la rigidité sont à juste titre unanimement dénoncées.
Si le bilan de l'année écoulée est encourageant, je souhaite que l'année 2004 soit l'occasion de franchir une étape supplémentaire dans le développement de la négociation collective, à la faveur de la rénovation du régime des accords collectifs de travail opéré par la loi du 4 mai 2004.
Il convient d'abord que chacun s'approprie les nouvelles règles du jeu conventionnel.
A cet égard, le Gouvernement entend faire l'effort de pédagogie qui lui incombe, pour que les négociateurs puissent, à tous les niveaux, exercer pleinement les nouvelles et importantes responsabilités qui sont les leurs.
C'est pour cela que j'ai demandé à mes services de préparer sans tarder une circulaire d'application de la loi et de la soumettre aux partenaires sociaux dans le cadre de la sous-commission de l'extension.
Cette consultation vient d'avoir lieu. Au-delà des approches différentes des uns et des autres sur le contenu même de la loi, elle a été particulièrement fructueuse et a permis d'éclaircir les points qui méritaient de l'être. La circulaire pourra maintenant être signée et publiée dans les tout prochains jours.
Ce nécessaire effort de clarification et de clarification étant fait, il faut souhaiter que la loi trouve désormais rapidement sa traduction dans les faits et favorise, comme le souhaitait François Fillon en portant ce projet devant le Parlement, l'émergence d'un nouveau mode de régulation des relations du travail et, partant, d'un nouvel équilibre entre loi et négociation collective.
Pour cela, il me semble que deux conditions doivent être respectées.
La première est que la loi s'en tienne à l'avenir au champ qui est le sien, conformément à la Constitution, à savoir la définition des principes fondamentaux du droit du travail, et cesse d'empiéter sur le domaine dévolu à la négociation collective. Je m'engage pour ma part à y veiller.
La seconde est que les partenaires sociaux, exploitant les potentialités de la loi du 4 mai 2004, utilisent pleinement les nouveaux outils dont ils disposent.
C'est à eux en effet qu'il appartient d'assouplir la hiérarchie des normes entre les différentes catégories d'accords et d'ouvrir, s'ils le souhaitent, les marges d'autonomie nouvelles à l'entreprise par rapport à la branche.
C'est à eux aussi qu'il appartient de décliner le principe majoritaire que la loi a promu pour asseoir la légitimité des accords et garantir leur pleine application sur le terrain.
C'est à eux enfin qu'il appartient de faire vivre les nouveaux niveaux de négociation, au sein des groupes comme à l'échelle des territoires.
La rénovation de la démocratie sociale est désormais largement entre les mains des partenaires sociaux. La loi du 4 mai 2004 est une première étape dans le renforcement de la légitimité des accords et la pleine reconnaissance de l'accord majoritaire. C'est le début d'un processus qu'il vous appartient, Mesdames et Messieurs, de faire vivre.
Pour sa part, l'Etat jouera, dans l'immédiat, le rôle qui lui revient.
Comme le rappelle l'exposé des motifs de la loi du 4 mai 2004, le Gouvernement s'est engagé à faire du renvoi à la négociation collective un préalable à toute réforme législative en droit du travail
Cette règle sera évidemment respectée pour les réformes que Jean-Louis Borloo et moi-même envisageons de mettre en uvre dans le cadre du plan de cohésion sociale, en particulier la promotion de la gestion des âges dans les entreprises, le développement de l'emploi des seniors, la modernisation des relations individuelles et collectives de travail ou encore la santé et de la sécurité au travail.
Nous devons, ensemble, desserrer les freins à l'emploi qui existent dans notre pays. C'est une responsabilité partagée que nous devons maintenant exercer. Nous allons le faire, dans l'esprit de la loi du 4 mai 2004, dans la concertation, en utilisant tous les moyens de consultation et en privilégiant, comme je viens de le dire, le renvoi à la négociation collective.
Mesdames et Messieurs,
Le chantier de la rénovation de la négociation collective dont François Fillon vous annonçait l'année dernière l'ouverture est maintenant bien engagé.
Il appartient désormais à chacun des partenaires d'exercer pleinement les responsabilités nouvelles que lui confère la loi pour que puisse se développer dans notre pays une véritable démocratie sociale, gage de progrès partagé pour l'ensemble des acteurs du monde du travail
Je vous remercie.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 29 juin 2004)