Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur l'égalité professionnelle, la parité et la promotion du label "égalité" dans les entreprises, Paris le 28 juin 2004.

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Madame Ameline a réussi à vous rassembler tous et je voudrais lui exprimer ma reconnaissance et remercier chacune et chacun d'entre vous d'être présent pour une démarche qui est au fond très originale.
On pourrait croire qu'un label, dans ce pays, était une démarche relativement simple et traditionnelle, en fait c'est une nouveauté. Essayer de convaincre plutôt que de contraindre, être positif plutôt que négatif, jouer la valorisation de ceux qui vont dans la bonne direction plutôt que la sanction de ceux qui ne prennent pas le bon chemin. Pouvons-nous espérer de mieux que la contagion des bonnes pratiques ? C'est ce que le président de la République a voulu rappeler quand il a fait son important discours sur la laïcité, pour montrer combien la place de la femme dans notre société était en fait le témoignage d'un niveau d'engagement dans la démocratie et de progrès dans la civilisation. L'égalité professionnelle doit prolonger dans notre société l'effort pour une cohésion sociale, économique, culturelle que toute société doit veiller à protéger pour assurer son développement. Les divisions, les fractures sont toujours des occasions ou d'échecs ou de ralentissement. Pourquoi l'égalité professionnelle est-elle pour nous une exigence ? Tout d'abord parce que c'est une question de justice. Le rôle et la place des femmes dans une démocratie est un élément majeur de l'esprit de justice, et parce que quand on regarde sur le plan économique, les rémunérations entre les hommes et les femmes, toutes choses égales par ailleurs, l'écart reste compris entre 7 et 11 %. Il y a donc un constat d'injustice. Alors on peut fermer les yeux. C'est en général ce qu'on fait dans la société française quand on ne veut pas traiter un problème, on ferme les yeux. Nous sommes là face à une injustice en matière de rémunération. A travail égal, salaire non égal, les femmes sont aujourd'hui pénalisées malgré les efforts des uns et des autres. Il faut les mesurer, les évaluer pour les corriger. C'est une exigence de justice. C'est aussi une exigence de cohésion sociale, le taux de chômage féminin est supérieur de deux points à celui des hommes et donc dans une société qui se mobilise contre le chômage et pour l'emploi, il est évident que cette discrimination là doit aussi être corrigée. C'est enfin une exigence de performance économique, de performance entreprenoriale, de créativité.
Chacun mesure combien l'égalité professionnelle est aujourd'hui l'un des leviers importants de la modernité et de la croissance. Quand nous parlons d'une nouvelle prospérité, c'est-à-dire une prospérité enrichie au-delà des traditionnels leviers, nous avons de multiples gisements de croissance dans la société française, de leviers de progrès, les nouvelles technologies de l'information, et le travail, la créativité, l'engagement des femmes dans la société font partie de cette nouvelle prospérité, de cette croissance élargie et mieux partagée que nous voulons développer pour notre pays. L'égalité professionnelle est donc un élément essentiel de notre stratégie et nous voulons corriger un certain nombre de ces disparités 80 % des Français qui gagnent moins que le SMIC et 5 % des membres des conseils d'administration des entreprises du CAC 40 voilà deux chiffres qui montrent la place de Françaises dans la société. Je vois de nombreux parlementaires ici, je crois qu'ils seront attentifs à ces discriminations. J'ai lu un dossier sur l'accord pour l'égalité de la mixité chez EADS et je vois combien beaucoup d'entreprises font de cet accord des partenaires sociaux sur l'égalité, la mixité professionnelle, un atout de progrès de développement, d'enrichissement, de partage des responsabilités dans l'entreprise. C'est je crois l'occasion de mettre l'entreprise en phase avec la société. Il faut que les Françaises et les Français aiment leurs entreprises. Il faut donc que leurs entreprises leur ressemblent. Quand on parle aux actionnaires, quand on parle aux salariés, quand on parle aux consommateurs, quand on parle à tous les partenaires de l'entreprise, la parité aujourd'hui est un élément de référence des équilibres de nos sociétés. Notre rôle est d'aider les entreprises à assumer ces efforts. Je reconnais que le dialogue social a permis des avancées importantes sur ces sujets récemment.
Je vois déjà des regards qui me disent vous parlez clairement des entreprises et l'Etat, est-ce qu'il donne l'exemple, est-ce que l'Etat tient sa place dans ce combat, car l'Etat n'est pas avare de recommandations pour les autres, mais pour lui-même est-il suffisamment engagé ? L'Etat a conscience de son rôle et doit lui aussi davantage s'engager sur la question de l'égalité professionnelle et c'est pour cela qu'un plan d'action est en cours de préparation avec Renaud DUTREIL et qu'une vingtaine de propositions sont sur la table de discussion. Certaines relèvent de l'action de la circulaire, d'autres de l'instruction au service de l'administration, dont des bonnes pratiques. Il y va de la crédibilité de l'Etat de montrer notre mobilisation sur ce sujet. C'est par la formation qu'on peut aujourd'hui le mieux corriger un certain nombre de disparités. Si les disparités et discriminations sont intégrées à la formation, si dans ce qui doit être le levier réparateur il y a des dysfonctionnements et des discriminations, il est clair que ce levier ne sera pas réparateur. Il nous faut pour la formation être particulièrement vigilant pour mieux réussir l'accès des femmes à la formation. L'Education nationale a évidemment un rôle majeur à jouer sur ces sujets et elle doit donner davantage confiance aux filles dans leur propre talent, dans l'école, dans le collège, dans le lycée. Je crois qu'il est très important de refonder une véritable action sur l'orientation où là nous laissons des mécanismes archaïques se développer. L'orientation doit être modernisée pour que les jeunes filles puissent s'engager vers des métiers porteurs d'avenir, je pense, notamment aux filières scientifiques. Il est vraiment dangereux pour la société française de laisser nos engagements scientifiques prendre du retard en terme de recrutement, en terme de formation, pour les filières purement scientifiques, mais aussi les filières technologiques, les filières de la communication, les nouvelles technologies. C'est pour nous un impératif national. Ce qui est vrai des formations scientifiques est aussi vrai de la formation professionnelle, sous toutes ces formes, je le vois dans l'apprentissage, seulement 30 % des bénéficiaires des différents dispositifs sont des jeunes filles. Je crois qu'il est là aussi nécessaire correction pour nous tous. Je pense qu'il nous faut aussi, sur la loi pour la formation professionnelle, avoir une vision de la situation particulière de la femme en période de professionnalisation. Par exemple, intégrer les questions de congé de maternité ou du congé parental, et l'obligation de négociation de branches sur des objectifs spécifiques d'accès des femmes Tout cela relève de cet objectif d'intégration des femmes dans notre pays et dans sa croissance.
Le gouvernement compte proposer aux partenaires sociaux, de la prise en charge des frais supplémentaires de garde d'enfant liés à la réalisation d'une action de formation, la prise en compte aussi de l'expérience familiale dans le cadre de la validation des acquits et de l'expérience. C'est un sujet qu'il faut considérer avec sérieux. Je le vis dans une équipe gouvernementale ici, assez sollicitée quant aux horaires, assez perturbée par les évènements et l'actualité, un lieu où malgré le cadre paisible, qui vous est ici présenté, où les tensions sont parfois vives et le stress assez fort, et je vois bien comment les femmes aujourd'hui peuvent vivre dans une telle ambiance. La population féminine ici est importante et je vois combien un certain nombre de cadres dirigeants ici sur des missions importantes ont vraiment conquis une véritable expérience dans la direction, l'animation de la vie familiale, dans l'expérience des responsabilités, dans la capacité d'anticipation, dans un certain nombre de valeurs qui sont aujourd'hui au cur même des responsabilités de la famille et je crois vraiment qu'il faut trouver le moyen de valider de tels acquis. Nous voyons que finalement toutes les techniques peuvent s'apprendre, les technologies aussi, le caractère, le sens des responsabilités, la capacité à assumer les difficultés, à regarder les différents défis. Ca, ça se construit auprès de la personne, et souvent, auprès de la cellule familiale. Ce sont des éléments importants d'un parcours professionnel que je voulais souligner. Je me réjouis que la femme accepte de réfléchir à la conception d'un module d'ingénierie familiale. Je pense qu'il y a là des sujets qui font partie de la société. La responsabilité finalement, elle est non pas morcelée, c'est un état d'esprit, c'est un comportement, c'est une valeur et cette valeur on peut l'assumer dans les univers divers de la sphère privée ou de la sphère professionnelle ou de la sphère publique.
Je voudrais dire aussi combien il est important pour la création d'activités. Notre pays a raison d'avoir une grande ambition sociale, que nous sommes l'un des pays qui peut présenter au monde un modèle social, mais ce modèle social nous l'avons vu, n'a de l'avenir que si nous sommes capables de revaloriser le travail, si nous sommes capables de montrer que la création d'activités est un impératif du même ordre que le niveau de développement social, et que les deux vont de pair, qu'il y a un parallélisme évident entre la mobilisation pour le travail et le progrès social. Et nous voyons bien qu'il nous faut aujourd'hui notamment dans la création d'entreprises, dans l'exercice des responsabilités de l'entreprise, laisser une place toute particulière aux femmes pour qu'elles participent davantage dans cette nouvelle prospérité que nous voulons pour notre pays. Nous veillerons à ce que dans ce que prépare Christian JACOB, le ministre délégué aux PME, cette préoccupation soit particulièrement active.
J'en viens au label. Je vous ai dit combien j'appréciais cette méthode qui me paraît positive. Je suis heureux qu'elle soit construite avec la FAC, dont on connaît le sérieux pour ces questions de labelisation et je voudrais vous dire combien je souhaite, en ce qui concerne ce type de démarche, nous restions là avec cette capacité d'instruction rigoureuse, mais en même temps donc de valorisation par l'entreprise avec une démarche volontariste de l'entreprise. Je rappelle qu'il sera évidemment impossible de prétendre à reconquérir le label si les obligations législatives ne sont pas respectées, mais il va de soi qu'elles le seraient. Cette volonté politique est celle de tout le gouvernement. Je voudrais saluer tous les partenaires sociaux qui se sont engagés dans cette démarche, notamment sur l'accord national interprofessionnel. C'est une démarche très positive qui montre que par le dialogue social, on peut accéder à de véritables progrès. Nous aurons gagné quand ce label sera valorisant, et que les entreprises voudront le valoriser. C'est un outil de progrès parce qu'il va représenter un engagement de l'entreprise en faveur de l'égalité professionnelle et à l'intérieur même de l'entreprise. Cette dimension de valorisation externe correspond à une logique de mobilisation interne avec la logique de l'accompagnement dans l'entreprise. Les entreprises aujourd'hui sont adaptées sous différentes formes, à accompagner les démarches, que ce soit par les tutorats, par des initiatives maintenant pratiquées dans bien des domaines.
Je vous ai parlé de la parentalité, je vous ai parlé de la place de la femme dans l'entreprise.
Je voudrais dire un mot dans la société pour vous dire que nous voulons renforcer la lutte contre toutes les formes de discrimination et c'est pour cela que nous créerons à l'initiative du chef de l'Etat une haute autorité qui sera chargée de prévenir et d'aider toutes les personnes victimes de discriminations quelle qu'elle soit, et toutes les personnes qui sont victimes de quelque forme de haine, de violence ou de discrimination, les femmes étant naturellement associées à ce combat. Cette haute autorité veillera à ce qu'on puisse mobiliser les pouvoirs publics sur ces sujets particulièrement importants.
Notre mobilisation pour la place des femmes dans l'économie, en fonction de leur créativité doit nous permettre de réussir les paris qui sont ainsi fixés. Nous avons la possibilité aujourd'hui, à condition d'être lucides sur la situation et déterminés sur les finalités de l'action, à faire en sorte que notre pays puisse assumer par les Françaises et les Français, la capacité de développement de notre économie notamment par la création d'entreprises, par la création des postes dans une entreprise et par le remplacement dans les entreprises d'un certain nombre d'hommes et de femmes qui partent à la retraite. Il y a là je crois vraiment un modèle social français à réinventer sur le plan de la formation, sur le plan de l'accompagnement, sur le plan de la formation professionnelle, sur le plan de l'alternance et je pense que tout ceci fait partie à la fois avec l'engagement je dirais philosophique, et politique de la parité, un engagement économique et social, pour mobiliser toute l'énergie, toute l'intelligence de notre pays. C'est comme ça que nous pourrons faire valoir, notamment en Europe, mais aussi partout dans le monde, les valeurs qui sont celles de la France, cet humanisme français qui est aussi un humanisme de la parité. Je vous remercie.


(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 5 juillet 2004)