Déclaration de M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, à "Radio Classique" le 14 septembre 2004, sur les aides au financement pour la création d'entreprises et sur les délocalisations d'entreprise.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

E. Cugny. Treize villes étapes, 4 500 km au compteur via Paris, Nancy, Dijon, Saint Etienne, Grenoble, Brest et Amiens, notamment C'est le trajet que va parcourir à partir d'aujourd'hui " Le train de la création d'entreprises ". Jusqu'au 28 septembre, le convoi va traverser les régions, portant la bonne nouvelle et puis surtout permettant à tous les acteurs concernés de se rencontrer en un même lieu. Le ministre délégué aux Petites et Moyennes Entreprises, au Commerce et à l'Artisanat, est en ligne avec nous, quelques heures avant le départ de ce train de la Gare du Nord. Bonjour C. Jacob.
Bonjour.
Q- Expliquez-nous un petit peu ce qu'est ce train de la création d'entreprises.
R- Eh bien c'est tout d'abord un formidable lieu de rencontres puisque l'année dernière, c'est plus de 15 000 porteurs de projets qui se sont retrouvés sur ce train. C'est l'occasion pour les créateurs ou futurs créateurs d'entreprises, d'avoir des contacts avec les réseaux consulaires, avec les avocats, les notaires, les experts comptables, avec l'administration, avec tous ceux qui peuvent leur apporter conseil, soutien ou appuis dans leurs projets.
Q- 20 000 personnes ont fréquenté ce train l'année dernière, vous le disiez, 15.000 entrepreneurs. Quel est le profit du créateur d'entreprise aujourd'hui, en France ?
R- Il est plutôt jeune. Toutes les enquêtes d'opinion font ressortir que ce qui l'incite à devenir créateur d'entreprise c'est surtout la volonté de se mettre à son compte, c'est-à-dire que l'on a eu une évolution sur les 15 ou 20 dernières années, il y a une vision beaucoup moins patrimoniale, pas l'objectif de constituer un patrimoine mais l'objectif d'avoir une liberté d'action, d'initiative, d'être son propre chef.
Q- On peut chiffrer le nombre de créations d'entreprises aujourd'hui dans
l'Hexagone ?
R- Oh oui, avec, précision, puisque ces chiffres sont en augmentation tout à fait significative. Vous savez que le président de la République avait fixé il y a deux ans un objectif de 200. 000 entreprises par an. Pour cette année, nous allons être, sur les 12 derniers mois, à 220. 000 créations d'entreprises.
Q- Donc il faut aller encore plus loin.
R- C'est-à-dire que, pour vous donner quelques chiffres, l'année dernière nous avons augmenté de 12 % le nombre des créateurs d'entreprises et là, sur les 12 derniers mois, nous sommes sur une progression de 19 %.
Q- Alors, le Train de la création d'entreprises, on peut parler d'opération séduction, pour inciter les gens à créer des sociétés, il faut que tout cela, quand même...
R- Séduction, mais conseil, conseil et appuis.
Q- Bon, mais il faut quand même que ce soit suivi d'effets concrets, monsieur le ministre, et lorsque l'on rencontre les chefs d'entreprises, qu'ils soient créateurs ou repreneurs, on entend encore trop souvent : " créer une entreprise en France c'est la galère des charges, la paperasserie, les tracas en tout genre ". Bon, c'est vrai, il faut reconnaître que votre prédécesseur, R. Dutreil, avait uvré pour simplifier les choses, mais il faut aller encore plus loin.
R- Sur la simplification, vous savez, beaucoup a été fait. On peut aujourd'hui créer une entreprise en France en une journée. Il y a un moment, il y a une limite à la simplification. En revanche, là où il reste un travail important, c'est sur l'accès au financement. Beaucoup trop de projets intéressants sont bloqués parce qu'il y a cette difficulté à trouver du financement, le cadre juridique n'est pas toujours adapté, le statut des conjoints n'est pas retenu, donc ce sont ça les pistes sur lesquelles nous travaillons pour la préparation d'une loi entreprise que je devrais présenter au Conseil des ministres en fin d'année et qui pourra être débattue au Parlement en début d'année prochaine.
Q- Ce projet de loi, effectivement, sur les entreprises, comment entendez-vous poursuivre le travail engagé par R. Dutreil ? D'ailleurs, c'est la suite du travail engagé par votre prédécesseur ou c'est totalement autre chose ?
R- Non, c'est tout à fait autre chose. Il y avait la nécessité d'avancer sur la simplification et la création d'entreprise, les choses ont été faites, il faut maintenant passer à une autre étape, c'est-à-dire d'assurer la pérennité des entreprises, donc veiller au meilleur cadre juridique, veiller à avoir un accès au financement qui soit possible par tous...
Q- Le crédit, notamment, ça sera l'un des points forts de votre texte ?
R- L'accès aux financements, la nouvelle relation entre les banquiers et les chefs d'entreprise, voir comment on peut les faciliter mais aussi au-delà de cela, c'est la formation. Nous préparons une réforme très importante de l'apprentissage pour accompagner et aider les jeunes qui aujourd'hui seraient prêts à se destiner soit à la création d'une entreprise, soit à une insertion en entreprise. Vous savez que nous allons avoir 50, du fait de la démographie, 50. 000 chefs d'entreprises qui vont partir à la retraite chaque année dans les dix ans qui viennent et il faut assurer ce renouvellement, ça veut dire aussi travailler sur la transmission, sur la pérennité des entreprises.
Q- C. Jacob, quelle place accorderez-vous dans votre texte à la fameuse décentralisation si chère J.-P. Raffarin ? Alors, R. Dutreil avait mis en place les FIP, les Fonds d'Investissements de Proximité, ce matin à Matignon J.-P. Raffarin en dira plus sur ce qu'il appelle les pôles de compétitivité, c'est-à-dire réunir dans certaines régions des pôles d'activités semblables, est-ce que c'est une bonne mesure, selon vous ? C'est une mesure qui est quand même relativement critiquée parfois par les chefs d'entreprises.
R- Eh bien sur les FIP, je crois que c'est une bonne idée qui permet de mobiliser de l'épargne de proximité. Simplement, là, je pense qu'il faut vraiment simplifier les choses pour qu'il y ait, si les résultats ne sont pas à la hauteur de ce que l'on espérait c'est parce que je crois qu'il y a encore un peu trop, là, dans ce domaine, de blocages administratifs et qu'il faut avancer vers plus de simplification, de façon à ce que la possibilité de mobiliser une épargne de proximité soit importante. Vous savez, quand on a bâti un projet et que l'on n'arrive pas à trouver... et les sommes ne sont pas énormes, bien souvent pour la création, sur un premier projet d'investissements, eh bien souvent ces jeunes créateurs n'ont pas les cautions, n'ont pas les garanties, n'ont pas l'expérience demandée et fait que les banques sont un peu frileuses. Donc c'est là qu'il faut réfléchir, sur des systèmes de cautions et de garanties pour sécuriser le financeur.
Q- Monsieur le ministre, je reviens à la question des pôles de compétitivité, sur lesquels monsieur Raffarin devrait s'exprimer ce matin. Certains industriels disent : " Il ne faut pas retenir, il ne faut pas retenir que les critères géographiques, il faut éviter la concentration régionale qui laisserait certaines entreprises à l'écart ". C'est vrai aussi pour les PME.
R- Bien sûr, mais écoutez, le Premier ministre va en parler dans quelques heures, donc laissez-lui annoncer les décisions qui seront prises. Mais ce qui est important à retenir sur ces pôles de compétitivité, c'est que l'on voit bien que l'on arrive à créer une dynamique, très rapidement, en mettant des entreprises complémentaires les unes à côté des autres, ça permet aussi de faire des économies d'échelle et puis surtout de vraiment dynamiser un secteur, mais c'est l'objet du Conseil interministériel et J.-P. Raffarin aura le plaisir de l'annoncer dans la journée.
Q- Pas de scoop ce matin avec vous, donc.
R- Ça sera avec le Premier ministre.
Q- Oui. Un débat agite la société aujourd'hui, C. Jacob, c'est celui de délocalisations, ces grandes entreprises accusées, parfois à tort, de délocaliser leurs activités dans des pays à plus faible coût de main d'oeuvre. Y a-t-il aujourd'hui en France un vrai mouvement de désindustrialisation ?
R- Je ne crois pas, parce qu'il y a justement en même temps une augmentation très significative de créations. Ceci étant, il y a deux formes de délocalisation. Vous savez, il y a des délocalisations qui sont à la recherche de la chasse aux subventions, ou à la recherche du profit et qui sont choquantes et condamnables, en même temps il y a des implantations à l'étranger qui permettent de développer des parts de marchés et qui permettent de créer des ponts pour ensuite, eh bien, pouvoir, non seulement exporter nos produits mais permettre à d'autres entreprises françaises de se créer, de se développer.
Q- Donc, il faut être pragmatique.
R- Il faut être pragmatique, il faut avoir...
Q- Et ne pas rejeter en bloc les délocalisations.
R- Vous savez, il y a délocalisation et implantation à l'étranger, ce sont deux choses de nature différente. Vous avez des entreprises nomades, et c'est ça qui est choquant, qui font le tour des endroits où ils peuvent récupérer ici ou là des financements et qui ne sont pas toujours remis, réutilisés dans l'intérêt de l'économie, et puis, il faut surtout encourager notre développement à l'exportation, donc ce sont deux choses différentes à ne pas confondre.
Q- Alors, justement, l'exportation, et ce sera ma dernière question. Vous avez aussi dans vos cartons, je crois, un plan pour les PME, vous le préparez avec le ministre délégué au Commerce Extérieur...
R- Tout à fait.
Q- ... François LOOS, donc c'est vraiment votre priorité. Vous aiderez, en priorité, les PME tournées vers l'export.
R- Alors, c'est une des priorités du plan PME et F. Loos a fait déjà un excellent travail dans ce domaine, c'est-à-dire que nous avons aujourd'hui sur le secteur des PME, à peu près 100 000 PME qui sont tournées vers l'export, c'est-à-dire à peine 5 % de l'ensemble de nos PME. Je crois, objectivement, nous pouvons faire plus, nos PME et surtout les chefs d'entreprises de PME sont reconnus à l'étranger, il y a une vraie cote du chef d'entreprise français à l'étranger, il faut le valoriser davantage, et pour cela, il faut donner les moyens à nos PME de s'ouvrir vers l'extérieur, cela par nos réseaux diplomatiques, je pense bien entendu aux ambassades et aux consulats mais aussi par les services du ministère de l'Economie et des Finances, par des systèmes de portage grâce aux grands groupes internationaux français qui sont déjà implantés à l'étranger et qui peuvent servir de plate-forme d'accueil pour des PME, donc voilà les...
Q- Et puis réformer les 35 heures, travailler un petit peu plus pour l'export ça peut être positif aussi.
R- Ça peut être positif aussi, tout à fait.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 septembre 2004)