Texte intégral
Monsieur le Député,
Madame la Présidente de la Fondation pour l'Enfance,
Mesdames et Messieurs les Responsables d 'associations,
Chers Amis,
Je suis très sensible, Madame la Présidente, à vos mots d'accueil et, avant notre prochaine rencontre, je saisis cette opportunité pour vous dire, la très haute estime et, si vous me le permettez, la vive sympathie que suscite chez moi votre action personnelle à la tête de la Fondation pour l'Enfance.
Je vous remercie, Monsieur le Député, des vux que vous formez en faveur de l'immense et exaltante mission que m'ont confié le président de la République et le premier ministre en créant ce secrétariat d'Etat placé auprès du garde des Sceaux, ministre de la Justice, dont tout le monde reconnaît l'engagement en faveur des victimes les plus fragiles.
Je profite également de cette occasion pour saluer la présence Mesdames Barnier et Perben, dont le dévouement à la cause des enfants est unanimement salué.
Je suis particulièrement honorée d'être parmi vous aujourd'hui et de participer à ce colloque consacré aux disparitions d'enfants, thème douloureux qui a d'ailleurs été le l'objet de mon premier déplacement officiel en ma qualité de secrétaire d'Etat, à Saint Brévin-les-Pins, auprès des parents du petit Jonathan, toujours disparu.
La création d'un secrétariat d'Etat dédié à la cause des victimes, comme ma présence ici - et en tout lieu où la défense de leurs intérêts l'exigera - témoignent de la volonté de l'Etat de prendre en compte la condition de nos concitoyens souvent démunis face aux vicissitudes les plus graves de la vie. Il est nécessaire aujourd'hui de mieux reconnaître, développer, préserver durablement leurs droits, bref, d'élaborer une véritable politique publique en leur faveur.
Mais que l'on entende bien le message du Gouvernement délivré à l'occasion de cette création européenne et certainement mondiale : l'idée n'est pas d'instituer une " république des victimes ", pas plus que de créer un " ministère de l'assistanat ". Elle est simplement de reconnaître ce qui a été longtemps nié : l'indifférence, la solitude, voire l'abandon et la détresse dans lesquels se trouvent bien souvent et durablement les victimes ou leurs proches. La cohésion sociale exige en effet qu'aucun citoyen de la République, à commencer par ceux qui souffrent dans leur chair ou dans leur âme, ne soit tenu en lisière de l'attention et de la protection de l'Etat. Il s'agit, conformément à la tradition française de promotion, de respect et de sauvegarde des droits de l'Homme, d'un geste éminemment politique et républicain qui s'adresse aux victimes, à toutes les victimes, sans distinction ni exclusive, qu'elles soient directes ou indirectes, présentes ou potentielles.
Chaque jour qui passe nous confirme que nous appartenons désormais à cette " société du risque ", que décrit Ulrich BECK. Individuellement ou collectivement, nous pouvons, aujourd'hui ou demain, devenir des victimes directes ou indirectes de désastres sanitaires, d'épidémies ou de pandémies, de contaminations ou d'infections de masse, d'accidents thérapeutiques, de catastrophes naturelles ou écologiques, d'accidents biologiques ou nucléaires, de faits de guerre ou d'actes de terrorisme, mais aussi d'accidents de la route, de phénomènes discriminatoires ou sectaires, de disparitions inexpliquées.
" Ce n'est pas tant la souffrance de l'enfant qui est révoltante en elle-même, mais le fait que cette souffrance ne soit pas justifiée " écrivait Albert Camus dans L'Homme révolté.
Chaque année, environ 36 000 mineurs sont signalés en fugue auprès des services de police et de gendarmerie et près de 700 sont portés disparus.
Si, dans la plus grande majorité des cas, les fugues se concluent par un dénouement heureux, il s'agit toujours au départ pour les familles concernées d'un événement exceptionnellement douloureux qui doit être abordé par les acteurs institutionnels avec la plus grande attention. Aucune disparition ne doit être considérée comme banale, car elle peut aboutir à un drame quelle qu'en soit l'origine.
Il ne saurait donc être question d'approximation dans ce domaine. De fait, personne ne peut accepter qu'une disparition reste sans réponse, faute d'avoir su prendre les bonnes initiatives au bon moment.
Si des progrès significatifs ont déjà été réalisés, il convient encore de progresser. Le " risque zéro " est certes un objectif difficile à atteindre, mais il convient que les efforts conjoints de l'Etat et des associations y tendent le plus possible.
Un état des lieux a été dressé pour le garde des Sceaux et le ministre de la Famille le 7 janvier 2004 sur ce thème. Dans le rapport qui a été fait, plusieurs points ont été soulignés que ce soit pour la prévention, le traitement institutionnel, ainsi que l'implication du milieu associatif.
Je me propose de souligner brièvement ce que sont les principales causes des disparitions, de rappeler les moyens d'ores et déjà mis en uvre et d'évoquer ceux qui sont en cours d'élaboration.
La disparition est un terme qui recouvre diverses réalités.
Lorsqu'un service de police ou une unité de gendarmerie est saisi de la disparition d'un enfant, plusieurs hypothèses sont envisageables : une fugue, c'est à dire la disparition volontaire d'un enfant à l'autorité de ses parents, l'enlèvement par l'un des deux parents dans un contexte de séparation et enfin l'enlèvement par un tiers inconnu.
La fugue est la cause la plus fréquente des disparitions. J'en signalait le nombre effrayant au début de ce propos. Elle se résout généralement très rapidement et la perspective d'un retour spontané est en effet la plus probable.
Mais cette " disparition " n'est toutefois pas à envisager de façon banale : lorsqu'un enfant ou un adolescent quitte son domicile, il ne s'agit nullement d'un acte anodin. Cela traduit un mal être ou un malaise profond. Par ailleurs, il se met en danger à errer ainsi dans les rues, le risque de faire des rencontres dangereuses étant alors particulièrement élevé.
L'aspect préventif trouvera sa pleine mesure dans le traitement qui sera mis en oeuvre postérieurement à la fugue.
En effet, connaître les raisons de cet acte peut permettre une prise en charge éducative (par le conseil général ou par le juge des enfants) qui évitera qu'une nouvelle fois l'enfant n'arrive à cette extrémité pour exprimer ses difficultés, ou ne devienne un " récidiviste de la fugue " et s'installe dans l'errance.
L'enlèvement parental occupe une place particulière au rang des disparitions d'enfants. En effet, cette situation a pour toile de fond un conflit familial exacerbé opposant en règle générale un père et une mère dans le cadre d'une séparation.
Si on ignore souvent où se trouvent les enfants enlevés, en revanche la raison de leur disparition et l'auteur des faits sont alors connus. Ces affaires délicates nécessitent une grande attention car elles peuvent connaître un dénouement dramatique.
Les opérations de recherches doivent être déclenchées avec d'autant plus de célérité que les circonstances peuvent laisser penser que les enfants sont en danger en raison de la fragilité psychologique du parent " rapteur " ou qu'ils risquent d'être emmenés à l'étranger.
Les enlèvements par un tiers constituent bien évidemment l'hypothèse la plus angoissante pour les parents. C'est aussi celle pour laquelle les pouvoirs publics et les associations se mobilisent le plus.
En effet, la réactivité de tous les acteurs concernés est primordiale pour préserver les pistes de recherches et tenter de retrouver le mineur enlevé.
A toutes ces causes de disparitions, des cadres procéduraux spécifiques sont définis.
Il s'agit en effet de trouver des réponses adaptées à chacune des problématiques.
Les réponses sont d'abord d'ordre institutionnel.
Rechercher un disparu lorsqu'on ne connaît pas encore l'origine de sa disparition a nécessité des adaptations législatives pour fixer un cadre procédural efficace. En effet, seule la procédure administrative de recherche dans l'intérêt des familles, prévue par l'article 26 de la loi du 21 janvier 1995, était possible en l'absence d'indice objectif, ce qui apparaissait à juste titre insuffisant.
Depuis la loi du 9 septembre 2002, les services d'enquête peuvent procéder à tous les actes d'une enquête judiciaire classique, alors qu'auparavant cette possibilité ne leur était offerte qu'en cas de suspicion forte d'enlèvement. La réponse de l'institution judiciaire et policière est ainsi grandement facilitée.
La personne disparue dans ces conditions inquiétantes doit être immédiatement inscrite au fichier des personnes recherchées (FPR), des messages de recherches locales ou départementales sont diffusés et, si elle est susceptible de quitter le département, des diffusions régionales, nationales et internationales urgentes peuvent être faites.
Tous les outils de la police technique et scientifique pourront être
mis en oeuvre.
Par ailleurs, l'Office central chargé des disparitions inquiétantes de personnes a été créé pour centraliser notamment la diffusion nationale urgente et assister les services d'enquêtes dans les recherches, soit d'initiative, soit à la demande de l'autorité judiciaire ou des services.
Les enlèvements par les parents constituent des situations particulières. Au-delà de la réponse judiciaire classique (enquête, instruction), en l'application de la convention de La Haye relative au retour des enfants déplacés illicitement à l'étranger, le ministère de la Justice peut désormais intervenir si l'enfant enlevé est localisé en dehors du territoire national. Environ 600 dossiers sont à ce jour, en cours de traitement.
Par ailleurs, la Mission d'aide à la médiation internationale familiale, rattachée au ministère de la Justice, pourra intervenir en vue d'obtenir un règlement amiable de ces dossiers, en restaurant, dans la mesure du possible, la communication et le dialogue entre les deux parents pour aider à dénouer les conflits et blocages qui ont été à l'origine de l'enlèvement.
Les réponses à ses problématiques sont aussi associatives
De très nombreuses associations (dont certaines ici présentes), réparties sur l'ensemble du territoire, oeuvrent dans le domaine des personnes disparues. Je veux rendre ici hommage au travail qu'elles accomplissent avec courage, abnégation et détermination.
Certaines ont été créées à la suite de disparitions tragiques qui ont eu un écho national. Nombre de responsables de ces mouvements associatifs sont eux-mêmes parents d'enfants disparus, ce qui explique le dévouement et la conviction qui animent leurs actions, tant auprès des familles que des pouvoirs publics. C'est le cas de La Mouette et des associations ici présentes, dont je salue les responsables.
A plusieurs reprises, les pouvoirs publics ont rappelé que les services de police, de gendarmerie et l'autorité judiciaire doivent considérer ces associations comme des partenaires nécessaires. Elles peuvent fournir une aide précieuse, tant pour le soutien psychologique des familles, que pour la recherche des enfants ou des adolescents par l'organisation de campagnes d'affichage d'avis de recherche dans les lieux publics, par la création de sites internet présentant les photos d'enfants disparus, par la conclusion d'accords avec les transporteurs publics pour les " alerter " sur la situation de mineurs fugueurs.
Elles font également uvre de pédagogie auprès des familles en expliquant et en définissant le rôle de chacun des intervenants de la procédure judiciaire et établissent des rapports de confiance avec les proches des victimes. Elles évitent aussi les enquêtes parallèles qui peuvent nuire aux investigations de la police judiciaire.
L'Etat a bien pris en compte tout ce travail de soutien et a créé au sein de la police des correspondants d'aide aux victimes et au sein de la gendarmerie des bureaux d'aide aux victimes pour qu'une collaboration étroite avec les associations puisse être mise en uvre.
Quelles sont les perspectives pour l'avenir ?
Notre système peut bien évidemment faire l'objet d'évolutions, prenant notamment exemple sur les dispositifs existants en Europe, tels que Child Focus en Belgique ou le National Missing Persons Helpline en Grande Bretagne.
L'un comme l'autre ont pour objectif de soutenir activement les investigations relatives à la disparition et l'enlèvement des enfants, ainsi que de faciliter l'assistance et le soutien aux familles qui vivent la disparition d'un proche.
Leurs missions comprennent notamment des aides psychologiques et un suivi régulier dans le temps des familles. C'est ainsi que les parents sont tenus avisés de l'évolution des investigations et qu'un référent peut se rendre dans la famille pour s'assurer d'un encadrement.
Ces deux organismes privés travaillent de concert avec les services de l'Etat, notamment les services d'enquêtes et les magistrats.
Ces exemples et les conclusions du groupe de travail " fugues, disparitions et enlèvements de mineurs ", que j'évoquais au début de mon intervention, ont incité le Gouvernement, à l'initiative du ministre de la Justice et de la ministre de la famille, à engager des travaux visant à améliorer l'accueil des familles d'enfants disparus qui vont très prochainement déboucher.
D'autre part, toujours dans le prolongement des réflexions de ce groupe de travail, le ministère de la Justice fera une proposition à l'Observatoire de l'enfance en danger pour que celui-ci inscrive la fugue comme prochain thème de recherche. En effet, il est important de mieux connaître ce phénomène pour prévenir plus efficacement et disposer d'un discours cohérent et persuasif à destination des enfants tentés par cet acte.
Par ailleurs, les services de la Chancellerie et de mon secrétariat d'Etat entendent, chaque fois que cela sera nécessaire et possible, faciliter les démarches et collaborer avec les associations dans un cadre de partenariat bien compris et dans le but que nous partageons tous : améliorer la recherche, résoudre les disparitions, accompagner et soutenir les familles d'enfants disparus.
Le travail politique et législatif a en permanence besoin de se ressourcer et de se nourrir d'idées nouvelles, de mises en perspectives, de synthèses et sans doute aussi parfois, de critiques. Il me semble que ce colloque fournit cette occasion de réflexion et je serai attentive aux conclusions et propositions qui en émaneront.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 18 mai 2004)
Madame la Présidente de la Fondation pour l'Enfance,
Mesdames et Messieurs les Responsables d 'associations,
Chers Amis,
Je suis très sensible, Madame la Présidente, à vos mots d'accueil et, avant notre prochaine rencontre, je saisis cette opportunité pour vous dire, la très haute estime et, si vous me le permettez, la vive sympathie que suscite chez moi votre action personnelle à la tête de la Fondation pour l'Enfance.
Je vous remercie, Monsieur le Député, des vux que vous formez en faveur de l'immense et exaltante mission que m'ont confié le président de la République et le premier ministre en créant ce secrétariat d'Etat placé auprès du garde des Sceaux, ministre de la Justice, dont tout le monde reconnaît l'engagement en faveur des victimes les plus fragiles.
Je profite également de cette occasion pour saluer la présence Mesdames Barnier et Perben, dont le dévouement à la cause des enfants est unanimement salué.
Je suis particulièrement honorée d'être parmi vous aujourd'hui et de participer à ce colloque consacré aux disparitions d'enfants, thème douloureux qui a d'ailleurs été le l'objet de mon premier déplacement officiel en ma qualité de secrétaire d'Etat, à Saint Brévin-les-Pins, auprès des parents du petit Jonathan, toujours disparu.
La création d'un secrétariat d'Etat dédié à la cause des victimes, comme ma présence ici - et en tout lieu où la défense de leurs intérêts l'exigera - témoignent de la volonté de l'Etat de prendre en compte la condition de nos concitoyens souvent démunis face aux vicissitudes les plus graves de la vie. Il est nécessaire aujourd'hui de mieux reconnaître, développer, préserver durablement leurs droits, bref, d'élaborer une véritable politique publique en leur faveur.
Mais que l'on entende bien le message du Gouvernement délivré à l'occasion de cette création européenne et certainement mondiale : l'idée n'est pas d'instituer une " république des victimes ", pas plus que de créer un " ministère de l'assistanat ". Elle est simplement de reconnaître ce qui a été longtemps nié : l'indifférence, la solitude, voire l'abandon et la détresse dans lesquels se trouvent bien souvent et durablement les victimes ou leurs proches. La cohésion sociale exige en effet qu'aucun citoyen de la République, à commencer par ceux qui souffrent dans leur chair ou dans leur âme, ne soit tenu en lisière de l'attention et de la protection de l'Etat. Il s'agit, conformément à la tradition française de promotion, de respect et de sauvegarde des droits de l'Homme, d'un geste éminemment politique et républicain qui s'adresse aux victimes, à toutes les victimes, sans distinction ni exclusive, qu'elles soient directes ou indirectes, présentes ou potentielles.
Chaque jour qui passe nous confirme que nous appartenons désormais à cette " société du risque ", que décrit Ulrich BECK. Individuellement ou collectivement, nous pouvons, aujourd'hui ou demain, devenir des victimes directes ou indirectes de désastres sanitaires, d'épidémies ou de pandémies, de contaminations ou d'infections de masse, d'accidents thérapeutiques, de catastrophes naturelles ou écologiques, d'accidents biologiques ou nucléaires, de faits de guerre ou d'actes de terrorisme, mais aussi d'accidents de la route, de phénomènes discriminatoires ou sectaires, de disparitions inexpliquées.
" Ce n'est pas tant la souffrance de l'enfant qui est révoltante en elle-même, mais le fait que cette souffrance ne soit pas justifiée " écrivait Albert Camus dans L'Homme révolté.
Chaque année, environ 36 000 mineurs sont signalés en fugue auprès des services de police et de gendarmerie et près de 700 sont portés disparus.
Si, dans la plus grande majorité des cas, les fugues se concluent par un dénouement heureux, il s'agit toujours au départ pour les familles concernées d'un événement exceptionnellement douloureux qui doit être abordé par les acteurs institutionnels avec la plus grande attention. Aucune disparition ne doit être considérée comme banale, car elle peut aboutir à un drame quelle qu'en soit l'origine.
Il ne saurait donc être question d'approximation dans ce domaine. De fait, personne ne peut accepter qu'une disparition reste sans réponse, faute d'avoir su prendre les bonnes initiatives au bon moment.
Si des progrès significatifs ont déjà été réalisés, il convient encore de progresser. Le " risque zéro " est certes un objectif difficile à atteindre, mais il convient que les efforts conjoints de l'Etat et des associations y tendent le plus possible.
Un état des lieux a été dressé pour le garde des Sceaux et le ministre de la Famille le 7 janvier 2004 sur ce thème. Dans le rapport qui a été fait, plusieurs points ont été soulignés que ce soit pour la prévention, le traitement institutionnel, ainsi que l'implication du milieu associatif.
Je me propose de souligner brièvement ce que sont les principales causes des disparitions, de rappeler les moyens d'ores et déjà mis en uvre et d'évoquer ceux qui sont en cours d'élaboration.
La disparition est un terme qui recouvre diverses réalités.
Lorsqu'un service de police ou une unité de gendarmerie est saisi de la disparition d'un enfant, plusieurs hypothèses sont envisageables : une fugue, c'est à dire la disparition volontaire d'un enfant à l'autorité de ses parents, l'enlèvement par l'un des deux parents dans un contexte de séparation et enfin l'enlèvement par un tiers inconnu.
La fugue est la cause la plus fréquente des disparitions. J'en signalait le nombre effrayant au début de ce propos. Elle se résout généralement très rapidement et la perspective d'un retour spontané est en effet la plus probable.
Mais cette " disparition " n'est toutefois pas à envisager de façon banale : lorsqu'un enfant ou un adolescent quitte son domicile, il ne s'agit nullement d'un acte anodin. Cela traduit un mal être ou un malaise profond. Par ailleurs, il se met en danger à errer ainsi dans les rues, le risque de faire des rencontres dangereuses étant alors particulièrement élevé.
L'aspect préventif trouvera sa pleine mesure dans le traitement qui sera mis en oeuvre postérieurement à la fugue.
En effet, connaître les raisons de cet acte peut permettre une prise en charge éducative (par le conseil général ou par le juge des enfants) qui évitera qu'une nouvelle fois l'enfant n'arrive à cette extrémité pour exprimer ses difficultés, ou ne devienne un " récidiviste de la fugue " et s'installe dans l'errance.
L'enlèvement parental occupe une place particulière au rang des disparitions d'enfants. En effet, cette situation a pour toile de fond un conflit familial exacerbé opposant en règle générale un père et une mère dans le cadre d'une séparation.
Si on ignore souvent où se trouvent les enfants enlevés, en revanche la raison de leur disparition et l'auteur des faits sont alors connus. Ces affaires délicates nécessitent une grande attention car elles peuvent connaître un dénouement dramatique.
Les opérations de recherches doivent être déclenchées avec d'autant plus de célérité que les circonstances peuvent laisser penser que les enfants sont en danger en raison de la fragilité psychologique du parent " rapteur " ou qu'ils risquent d'être emmenés à l'étranger.
Les enlèvements par un tiers constituent bien évidemment l'hypothèse la plus angoissante pour les parents. C'est aussi celle pour laquelle les pouvoirs publics et les associations se mobilisent le plus.
En effet, la réactivité de tous les acteurs concernés est primordiale pour préserver les pistes de recherches et tenter de retrouver le mineur enlevé.
A toutes ces causes de disparitions, des cadres procéduraux spécifiques sont définis.
Il s'agit en effet de trouver des réponses adaptées à chacune des problématiques.
Les réponses sont d'abord d'ordre institutionnel.
Rechercher un disparu lorsqu'on ne connaît pas encore l'origine de sa disparition a nécessité des adaptations législatives pour fixer un cadre procédural efficace. En effet, seule la procédure administrative de recherche dans l'intérêt des familles, prévue par l'article 26 de la loi du 21 janvier 1995, était possible en l'absence d'indice objectif, ce qui apparaissait à juste titre insuffisant.
Depuis la loi du 9 septembre 2002, les services d'enquête peuvent procéder à tous les actes d'une enquête judiciaire classique, alors qu'auparavant cette possibilité ne leur était offerte qu'en cas de suspicion forte d'enlèvement. La réponse de l'institution judiciaire et policière est ainsi grandement facilitée.
La personne disparue dans ces conditions inquiétantes doit être immédiatement inscrite au fichier des personnes recherchées (FPR), des messages de recherches locales ou départementales sont diffusés et, si elle est susceptible de quitter le département, des diffusions régionales, nationales et internationales urgentes peuvent être faites.
Tous les outils de la police technique et scientifique pourront être
mis en oeuvre.
Par ailleurs, l'Office central chargé des disparitions inquiétantes de personnes a été créé pour centraliser notamment la diffusion nationale urgente et assister les services d'enquêtes dans les recherches, soit d'initiative, soit à la demande de l'autorité judiciaire ou des services.
Les enlèvements par les parents constituent des situations particulières. Au-delà de la réponse judiciaire classique (enquête, instruction), en l'application de la convention de La Haye relative au retour des enfants déplacés illicitement à l'étranger, le ministère de la Justice peut désormais intervenir si l'enfant enlevé est localisé en dehors du territoire national. Environ 600 dossiers sont à ce jour, en cours de traitement.
Par ailleurs, la Mission d'aide à la médiation internationale familiale, rattachée au ministère de la Justice, pourra intervenir en vue d'obtenir un règlement amiable de ces dossiers, en restaurant, dans la mesure du possible, la communication et le dialogue entre les deux parents pour aider à dénouer les conflits et blocages qui ont été à l'origine de l'enlèvement.
Les réponses à ses problématiques sont aussi associatives
De très nombreuses associations (dont certaines ici présentes), réparties sur l'ensemble du territoire, oeuvrent dans le domaine des personnes disparues. Je veux rendre ici hommage au travail qu'elles accomplissent avec courage, abnégation et détermination.
Certaines ont été créées à la suite de disparitions tragiques qui ont eu un écho national. Nombre de responsables de ces mouvements associatifs sont eux-mêmes parents d'enfants disparus, ce qui explique le dévouement et la conviction qui animent leurs actions, tant auprès des familles que des pouvoirs publics. C'est le cas de La Mouette et des associations ici présentes, dont je salue les responsables.
A plusieurs reprises, les pouvoirs publics ont rappelé que les services de police, de gendarmerie et l'autorité judiciaire doivent considérer ces associations comme des partenaires nécessaires. Elles peuvent fournir une aide précieuse, tant pour le soutien psychologique des familles, que pour la recherche des enfants ou des adolescents par l'organisation de campagnes d'affichage d'avis de recherche dans les lieux publics, par la création de sites internet présentant les photos d'enfants disparus, par la conclusion d'accords avec les transporteurs publics pour les " alerter " sur la situation de mineurs fugueurs.
Elles font également uvre de pédagogie auprès des familles en expliquant et en définissant le rôle de chacun des intervenants de la procédure judiciaire et établissent des rapports de confiance avec les proches des victimes. Elles évitent aussi les enquêtes parallèles qui peuvent nuire aux investigations de la police judiciaire.
L'Etat a bien pris en compte tout ce travail de soutien et a créé au sein de la police des correspondants d'aide aux victimes et au sein de la gendarmerie des bureaux d'aide aux victimes pour qu'une collaboration étroite avec les associations puisse être mise en uvre.
Quelles sont les perspectives pour l'avenir ?
Notre système peut bien évidemment faire l'objet d'évolutions, prenant notamment exemple sur les dispositifs existants en Europe, tels que Child Focus en Belgique ou le National Missing Persons Helpline en Grande Bretagne.
L'un comme l'autre ont pour objectif de soutenir activement les investigations relatives à la disparition et l'enlèvement des enfants, ainsi que de faciliter l'assistance et le soutien aux familles qui vivent la disparition d'un proche.
Leurs missions comprennent notamment des aides psychologiques et un suivi régulier dans le temps des familles. C'est ainsi que les parents sont tenus avisés de l'évolution des investigations et qu'un référent peut se rendre dans la famille pour s'assurer d'un encadrement.
Ces deux organismes privés travaillent de concert avec les services de l'Etat, notamment les services d'enquêtes et les magistrats.
Ces exemples et les conclusions du groupe de travail " fugues, disparitions et enlèvements de mineurs ", que j'évoquais au début de mon intervention, ont incité le Gouvernement, à l'initiative du ministre de la Justice et de la ministre de la famille, à engager des travaux visant à améliorer l'accueil des familles d'enfants disparus qui vont très prochainement déboucher.
D'autre part, toujours dans le prolongement des réflexions de ce groupe de travail, le ministère de la Justice fera une proposition à l'Observatoire de l'enfance en danger pour que celui-ci inscrive la fugue comme prochain thème de recherche. En effet, il est important de mieux connaître ce phénomène pour prévenir plus efficacement et disposer d'un discours cohérent et persuasif à destination des enfants tentés par cet acte.
Par ailleurs, les services de la Chancellerie et de mon secrétariat d'Etat entendent, chaque fois que cela sera nécessaire et possible, faciliter les démarches et collaborer avec les associations dans un cadre de partenariat bien compris et dans le but que nous partageons tous : améliorer la recherche, résoudre les disparitions, accompagner et soutenir les familles d'enfants disparus.
Le travail politique et législatif a en permanence besoin de se ressourcer et de se nourrir d'idées nouvelles, de mises en perspectives, de synthèses et sans doute aussi parfois, de critiques. Il me semble que ce colloque fournit cette occasion de réflexion et je serai attentive aux conclusions et propositions qui en émaneront.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 18 mai 2004)