Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
En vous retrouvant avec plaisir pour la session plénière du Conseil supérieur, je ne peux que souligner combien elle s'inscrit, cette année, dans un contexte particulier. D'une part, nous sommes à la veille de la Présidence française de l'Union et je compte beaucoup sur cette période privilégiée pour affirmer les orientations structurantes qui sont les nôtres en matière de santé et sécurité au travail. D'autre part, vous avez décidé d'engager rapidement une négociation interprofessionnelle sur la gestion des risques professionnels que vous avez préparée depuis la déclaration commune de février 1999. Nous sommes à la veille de votre première séance de négociation. C'est un événement de grande portée qui retentit sur la construction des lignes directrices que je souhaite aujourd'hui vous présenter. Je reviendrai, tout à l'heure, sur la manière dont je souhaite articuler l'action de l'Etat et celle des partenaires sociaux, mais je tenais, d'emblée, à me réjouir des perspectives que vous avez ainsi ouvertes.
Commençons par l'état des lieux.
1. Le contexte dans lequel s'inscrit notre action de prévention des risques professionnels consacre la poursuite des efforts entrepris à l'égard des risques connus, comme des risques émergents.
1.1. S'agissant des risques " classiques ", l'évolution des accidents du travail et des maladies professionnelles doit être analysée afin d' orienter l'action.
En ce qui concerne les accidents du travail :
1997 a marqué le point bas d'une courbe historique avec 650 000 accidents ayant entraîné un arrêt, 45 000 accidents graves et 700 accidents mortels. Les accidents graves ont diminué de 26 % entre 1992 et 1997, le taux de fréquence connaît une baisse de près de 12 % durant cette même période. Cette évolution favorable est diversifiée selon les secteurs d'activité. Des résultats importants ont été enregistrés dans les secteurs de la métallurgie (-29,6 %) et du BTP (-27 %).
Les chiffres provisoires de 1998 (plus 3,2 %) et des premières estimations de 1999 montrent un retournement de tendance. Une fois prise en compte l'augmentation de l'emploi salarié (+2%) la fréquence des accidents avec arrêt a crû d'environ 1,2% en 1998. Un examen détaillé de l'évolution à la hausse enregistrée montre que l'ensemble des secteurs d'activité sont concernés -à l'exception toutefois du BTP-.
La très vive amélioration du marché du travail a très largement bénéficié aux jeunes (baisse de 22 % du chômage des jeunes en deux ans et demi). Or les débutants et les salariés précaires sont davantage exposés aux accidents. Ceci explique en partie la croissance constatée.
Ces chiffres ont leurs limites. Ils ne permettent pas une analyse des causes en temps réel, pour une réaction rapide. C'est la raison pour laquelle j'ai renouvelé, dans le programme d'action de l'inspection du travail pour 2000, l'accent mis sur les procédures de signalement rapide et d'exploitation des remontées de terrain. En effet, ce sont plus de 700 enquêtes ou rapports d'accidents du travail et près de 400 fiches d'alertes qui m'ont été transmis par l'inspection à la suite d'accidents mortels ou particulièrement graves en 99. Ce type de remontées a servi, par exemple, à renforcer les exigences vis à vis des constructeurs de presses plieuses et à lancer des campagnes d'information pour les utilisateurs.
Les fiches remontées par l'inspection du travail, ces six dernières semaines, montrent une forte recrudescence d'accidents graves ou mortels résultant de l'accroissement des travaux en hauteur entrepris pour réparer les dégâts de la tempête de Noël. L'expérience doit nous permettre d'anticiper, je serai attentive à ce que les travaux soient effectués par des personnes qualifiées pour les entreprendre et à ce que les contrôles réalisés soient à la hauteur des risques encourus.
Par ailleurs, les statistiques recensent les évènements déclarés. Or, la sous-estimation reste un phénomène préoccupant qui affecte aussi bien les accidents que les maladies professionnelles. Le rapport de Mme Lévy-Rosenwald a d'ailleurs confirmé cet écart important, déjà révélé par le rapport de M. Deniel. Dans les préconisations qu'il présente, le rapport de Madame LEVY-ROSENWALD souligne la nécessité de mettre au point une méthode de travail et de se doter d'outils stratégiques qui font défaut si l'on veut estimer correctement les charges indues pesant sur la branche maladie.
S'agissant des maladies professionnelles -15430 MP reconnues en 1997 - une mise au point s'impose.
Je lis, trop souvent, que les " maladies professionnelles explosent ". Il est vrai que les reconnaissances ont triplé en 15 ans, mais on ne saurait en déduire que les conditions de travail se dégradent. C'est plus la justice sociale que les pathologies qui progresse. Les reconnaissances progressent en fonction de la connaissance que nous avons des risques. On observe une très forte augmentation du nombre de prise en charge des affections dues à l'amiante (+45%) . Le travail réalisé par votre commission des maladies professionnelles permet de prendre en compte de nouveaux risques ou de nouvelles situations. Vous savez d'ailleurs tous que la moitié des reconnaissances résultent du tableau n° 57 sur les affections péri-articulaires, qui n'existaient pas il y a 10 ans. En 1999, vos travaux ont ainsi abouti à créer 2 tableaux, à en étendre 5 autres et à réviser les délais de prise en charge de toutes les pneumoconioses.
La réparation est une justice due aux victimes des mauvaises conditions de travail.
D'importantes mesures ont été prises au cours des deux dernières années. Les délais de prescription ont été modifiés dans un sens plus favorable aux victimes, ils courent désormais à partir de la date à laquelle le lien a été établi entre l'activité professionnelle de la personne et sa maladie. Des garanties ont été données aux victimes quant aux délais de réponse des caisses de sécurité sociales, désormais strictement encadrés. L'officialisation du barème d'invalidité a permis une harmonisation des procédures de reconnaissance sur l'ensemble du territoire.
Pour les travailleurs de l'amiante, tous les dossiers prescrits peuvent être réouverts.
D'ores et déjà, ces mesures portent leurs fruits. Elles contribuent à diminuer l'importance du phénomène de sous déclaration qui caractérise ces pathologies.
Enfin, nous avons créé et mis en uvre un dispositif de cessation d'activité anticipée pour les travailleurs de l'amiante qui concerne les victimes de maladies professionnelles liées à l'amiante mais aussi les salariés et ex-salariés des secteurs d'activité spécialement exposés à ce risque : initialement limité aux entreprises de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, cette mesure a été récemment étendue aux salariés et ex-salariés des entreprises de flocage et calorifugeage, à ceux de la construction et de la réparation navale et aux dockers.
En mars 1999, les textes d'application de la mesure législative instituant le dispositif ont été publiés, en juillet, les premiers bénéficiaires ont perçu leur allocation. Aujourd'hui, sur le seul secteur de la fabrication de produits à base d'amiante, 1 800 anciens salariés peuvent bénéficier de cette mesure et 800 ont choisi de le faire.
J'ai tenu mes engagements d'améliorer la réparation et je continuerai de le faire. Mais naturellement, il faut d'abord et surtout intervenir en amont grâce à la prévention.
Sur le dossier de l'amiante la vigilance doit être maintenue. L'interdiction prise en 1996 a permis de stopper la diffusion d'un risque. Cette interdiction est aujourd'hui en vigueur dans toute l'Union européenne grâce à une directive de juillet 1999 que la France a largement promue. Le contentieux que le Canada a engagé contre la France devant l'OMC et qui devrait connaître son aboutissement dans les mois à venir, a eu au moins le mérite d'engager l'Europe dans le choix de la stratégie la plus protectrice. Refuser catégoriquement de continuer à diffuser un risque mortel alors que des produits plus sûrs sont disponibles est un devoir qui ne devrait pas être contesté !
La gestion de " l'amiante en place " est une toute première priorité. Elle implique la surveillance des bâtiments collectifs et la mise en uvre rigoureuse des mesures prises pour que les travailleurs soient protégés en cas de rencontres fortuites avec l'amiante. Cela passe bien sûr par un contrôle strict. L'inspection du travail s'y est employée, en arrêtant en 1999, 58 chantiers défectueux et en déclenchant par ses signalements, le retrait de 36 qualifications d'entreprises. Cette action se poursuivra en 2000 et probablement au-delà, car les risques encourus notamment par les travailleurs de l'entretien et de la maintenance, sont encore souvent ignorés. Nous devons continuer à conjuguer nos efforts. C'est dans cet esprit qu'ont été, par exemple, mis en place, à l'initiative de la CNAM et avec le concours des professionnels, les " centres de ressources amiante " dont je souhaite voir se multiplier les implantations.
1.2. L'action que nous développons doit mettre l'accent sur les risques émergents ou en croissance.
Un premier groupe de risques est lié à l'intensité du travail.
Les nouvelles formes d'organisations comme le développement du travail immatériel ou en temps réel, permis par les progrès de l'électronique, ou l'organisation en flux tendus, ou sous forme d'horaires flexibles, ont des conséquences sur les conditions de travail et sur la santé qui doivent être prises en compte.
Il peut en résulter, dans certains cas, selon les types d'activité, des charges physiques - ce que traduit clairement la prolifération des troubles musculo-squelettiques, - ou des charges mentales, qui peuvent être difficiles à supporter. Elles aboutissent à des situations de stress allant parfois jusqu'à l'épuisement ou à la dépression. Nous devons absolument prendre ces nouvelles preuves de pénibilité du travail sans pour autant donner l'impression qu'il y a une dégradation générale des conditions de travail.
Nous devons identifier et combattre les causes de ces situations, qu'il s'agisse des contraintes révélées par l'enquête " conditions de travail " de la DARES de la violence dans l'environnement de travail, éclairée par les rapports du CES et de l'OIT, ou du harcèlement moral au sein de l'entreprise, auquel nous nous devons d'apporter les réponses qui conviennent. J'envisage de saisir dans les prochains jours le Conseil Economique et Social d'une étude sur le harcèlement moral.
Le constat est parfois alarmant, il serait désespérant si, dans la plupart des cas, une organisation du travail repensée ne fournissait pas une réponse efficace. La mise en uvre de la loi sur le temps de travail s'accompagne généralement d'une profonde modification de l'organisation du travail. Il importe que la réduction négociée du temps de travail prenne en compte la dimension des conditions de travail, en s'appuyant sur les aspirations et l'expérience vécue des salariés. Elle doit avoir lieu en utilisant au mieux l'expertise de réseaux comme celui de l'ANACT, très engagée sur ce sujet. Des expériences comme celles menées en Bretagne où les effets potentiels sur la santé des salariés des projets de réduction du temps de travail sont explicitement traités comme thème de négociation méritent d'être connues. Les salariés et leurs représentants - CHSCT ou DP - doivent pouvoir à la fois donner l'alerte et faire émerger les solutions appropriées. Ils doivent pouvoir compter plus largement sur l'apport de l'inspection du travail qui sera mobilisée en 2000 pour intervenir en appui à leur action.
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Il faut d'abord améliorer la connaissance, le plus en amont possible. C'est un objectif difficile qui exige de s'appuyer sur de multiples disciplines. Il faut combiner les études toxicologiques et expérimentales qui mettent en évidence les dangers intrinsèques, les études épidémiologiques qui exigent parfois plusieurs dizaines d'années d'études et l'évaluation des risques en situation concrète de travail. C'est ce qu'ont permis les expertises collectives de l'INSERM, sur l'amiante, le plomb, les fibres de substitution ou les éthers de glycol, qui ont éclairé les décisions des autorités publiques. A cet égard, je tiens à souligner la plus value qu'apporte une évaluation indépendante, contradictoire et interdisciplinaire reposant sur l'ensemble des sources scientifiques disponibles.
La connaissance des risques permet de renforcer la prévention. C'est ce qui a été fait pour l'amiante et qui est en cours pour les agents toxiques pour la reproduction. Elle doit aussi servir de base à un meilleur suivi des travailleurs exposés. L'organisation, sous l'égide de la Sécurité sociale, d'un suivi post-professionnel pour les salariés retraités a représenté une avancée importante. Le nombre de prises en charges demandées à la CNAM a été multiplié par 2,5 entre 1997 et 1998. Il faut aujourd'hui concevoir un véritable suivi post-exposition pour des salariés ayant changé d'activité, mais dont l'exposition antérieure à des agents particulièrement dangereux, mérite une surveillance sanitaire spécifique ; et adopter les stratégies de surveillance médicale les mieux appropriées. A la suite de la conférence de consensus qui a réuni, en 1998, les experts de l'amiante, les médecins ont mis au point les protocoles nécessaires et des expérimentations régionales - indispensables avant de généraliser le système - vont être lancées.
Je n'oublie pas qu'à côté des risques mal connus, il est des risques qui à terme sont responsables d'une usure professionnelle prématurée. J'entends porter la plus grande attention à la question du vieillissement de la population salariée que la démographie place devant nous. Il est malheureusement des cas où les effets de la pénibilité sont tels que la seule mesure qui soit juste consiste à permettre aux salariés de quitter plus tôt la vie active. C'est le sens des mesures qui viennent d'être annoncées. Il me paraît nécessaire de faire avancer la réflexion européenne sur les liens entre l'employabilité et la santé au travail. Il s'agit de revenir à l'esprit d'une adaptation du travail à l'homme qui inspire la directive-cadre de 1989 et, peut-être, de traduire cette volonté dans le cadre des lignes directrices pour l'emploi, comme complément du thème de l'adaptabilité.
2. En tenant compte de ces données, l'action doit se poursuivre dans deux voies stratégiques : accroître la capacité de veille et actualiser les règles de prévention.
2.1. Le développement de la capacité de veille est crucial.
Il faut continuer de construire des passerelles entre la santé-sécurité au travail et des enjeux sanitaires plus généraux.
L'évaluation est l'élément fondamental. La multiplication des facteurs en cause : chimiques, physiques, biologiques nécessite une veille scientifique et sanitaire permanente.
Pour mieux évaluer les dangers, nous avons besoin - comme l'a bien montré l'expertise sur les éthers de glycol - de multiplier les études toxicologiques et épidémiologiques et, plus généralement, de développer l'évaluation des risques.
L'engagement pris par le Premier ministre, en juin 1999, au " Etats généraux de la santé ", de créer une agence " Santé-Environnement " faisant suite à divers travaux parlementaires, revêt un relief particulier.
Nous constatons en effet, un déficit et une dispersion de l'expertise scientifique en matière d'évaluation des risques. Il convient de bien séparer l'évaluation et la gestion du risque, en gardant la cohérence du processus de décision et en favorisant la transparence du débat public, essentielle dans une situation, de plus en plus fréquente, d'incertitude scientifique relative.
L'évaluation scientifique - est nécessaire pour éclairer les pouvoirs publics, et leur permettre de prendre les décisions pertinentes. Il va de soi que cette évaluation doit être indépendante, que cette indépendance soit garantie par le statut des organismes ou par la rigueur des processus de validation scientifique.
La création de l'agence doit y contribuer et aura des incidences positives sur l'ensemble des enjeux de santé quels que soient les milieux concernés.
La détermination des missions susceptibles d'être confiées à l'agence et le processus de sa création font actuellement l'objet de réflexions interministérielles. Quelle que soit la solution retenue, je veillerai à préserver la spécificité de l'organisation de la protection de la santé au travail ainsi que le potentiel de compétences existantes. Nous nous appuierons sur les ressources de qualité qui ne manquent pas dans le domaine de la recherche, à l'INSERM, au CNRS ou au tout jeune InVS, par exemple, ainsi qu'à l'INRS pour lequel j'ai souhaité vous transmettre le rapport récent qui m'a été remis par l'IGAS.
La veille sanitaire permet de connaître - mieux et plus vite - les effets sur l'homme au travail. C'est un signal d'alerte sur les risques nouveaux qui permet de déclencher des études plus approfondies. Elle fait également ressortir les difficultés ou inadéquations des mesures de prévention. La consultation des bases de données comme " Evalutil ", sur le risque " amiante " qui croisent les expositions professionnelles et les maladies observées répond à cette attente.
L'InVS occupe une place importante dans ce nouveau dispositif. Désormais doté d'une unité spécifique " Santé et Travail ", il a engagé -sur la base d'une réflexion commune en termes de priorités menée au sein du Ministère-, un programme de surveillance épidémiologique et la réalisation d'une matrice emploi-exposition. Le travail engagé en 1999 d'étude d'une cohorte " multirisques et multisecteurs " s'avère prometteur. Pour remplir sa mission, l'institut doit s'appuyer sur les données de terrain. C'est pourquoi, le réseau des médecins du travail doit lui apporter son concours actif sous l'impulsion de l'IMTMO. La mobilisation des médecins dans la réalisation de l'enquête SUMER avait ouvert la voie dans ce domaine.
2.2. Le second axe stratégique est celui de l'actualisation des règles de prévention.
C'est un processus permanent, largement inscrit dans le cadre communautaire européen où pourra être utilisé, cette année, le levier de la Présidence française de l'Union.
La transposition des directives constitue une opportunité à saisir.
A l'occasion des profondes évolutions de la directive relative aux " agents cancérogènes ", j'ai pris plusieurs décisions.
A partir de l'éclairage apporté par l'expertise de l'INSERM sur les éthers de glycol, j'entends désormais aligner la prévention des risques liés à tous les agents toxiques pour la reproduction - comme le plomb - sur celle des agents cancérogènes et mutagènes.
J'ai également décidé d'interdire l'affectation des femmes enceintes aux postes les exposant à ces mêmes toxiques pour la reproduction.
Enfin, j'ai proposé, au Premier Ministre dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale, une mesure législative pour que le dépassement persistant d'une valeur limite d'exposition à ces agents puisse être sanctionné par un arrêt temporaire de l'activité, jusqu'au retour à la norme.
En ce qui concerne les risques chimiques dans leur ensemble, la transposition de la nouvelle directive européenne offre l'occasion de réfléchir à nos propres méthodes et de les faire évoluer. C'est le point de départ d'une nouvelle démarche dont j'ai saisi récemment votre Conseil. La proposition qui vous a été faite tend à accroître très largement le nombre de valeurs limites contraignantes et à s'interroger, à cette occasion, sur la nécessité d'en abaisser encore le seuil. Je rappelle à nouveau l'importance qu'il y a à distinguer l'évaluation scientifique du risque, de la concertation sociale nécessaire dans le cadre de la prévention. Il convient d'appliquer aux risques chimiques la même rigueur et les mêmes principes que ceux promus par la France dans les dossiers communautaires de la vache folle ou de l'amiante.
Dans le domaine des rayonnements ionisants, la transposition de la directive Euratom de 1996 est désormais proche de sa conclusion. Elle renforce la protection de la santé des salariés, en particulier grâce à l'introduction de principes fondamentaux de prévention et à l'abaissement toujours nécessaire des limites de dose. Elle se traduit aussi par des garanties sociales, permettant d'éviter la gestion de l'emploi par la dose.
Les mesures législatives et la refonte réglementaire complète qui vous ont été soumises servent aussi un objectif de transparence car le risque nucléaire a trop longtemps fait l'objet d'un traitement d'exception.
J'entends utiliser toutes les ressources de la Présidence française pour que le dossier prioritaire, de la révision de la directive concernant la protection des travailleurs contre l'amiante - voire, celui de la révision de la directive sur la conception des équipements de travail - fasse l'objet des positions de principe qui s'imposent.
Les travaux de la Présidence seront empreints également du souci d'être concret, de faire connaître ce que nous faisons, et de diffuser les bonnes pratiques.
Dans ce contexte, les divers forums organisés sous notre Présidence permettront de débattre de l'évolution nécessaire de la réglementation et des méthodes permettant de la faire mieux appliquer. Le sixième " FITS, "[forum international travail santé] traitera de façon large du risque chimique,la " Semaine européenne sur les TMS ", organisée conjointement avec l'Agence de Bilbao se conclura par une manifestation à laquelle je compte participer. La " Conférence sur la surveillance du marché " réunira l'expérience des diverses autorités publiques chargées du contrôle de la circulation et de l'utilisation des équipements de travail pour que les règles protectrices adoptées par l'Union ne restent pas déclaratoires, mais se concrétisent pour les citoyens. C'est un domaine dans lequel la France peut faire valoir une pratique et des résultats, notamment grâce à l'implication soutenue des experts de l'inspection du travail dans les signalements de machines dangereuses.
(source http://www.travail.gouv.fr, le 1 mars 2000)
3. Nous devons ensemble - Etat et partenaires sociaux - uvrer sans retard à une adaptation du système français de prévention.
Cette dynamique doit s'appliquer au niveau national, comme au niveau du terrain.
3.1. Il convient de rechercher la meilleure articulation possible entre l'intervention de l'Etat et celle des partenaires sociaux.
Je vous ai dit, tout à l'heure, quelle importance j'attache à la négociation interprofessionnelle que vous venez d'engager et dont vous aviez posé les prémices ici même, l'an dernier.
Importante, elle l'est à plusieurs titres. Par son objet lui-même, puisque les questions de santé et de sécurité au travail n'entrent qu'exceptionnellement dans le champ conventionnel.
Par ses objectifs, ensuite, parce que vos travaux préparatoires ont clairement exprimé le souci - que je partage - de moderniser et, plus encore, de décloisonner le système français de prévention. Importante aussi par les sujets en débat : la modernisation des outils nationaux de prévention, la gestion de la branche AT/MP, la médecine du travail, le développement du travail en réseau - tout particulièrement, au plan régional - mais aussi au sein des entreprises -, et, enfin, la recherche de formes nouvelles telles que les conseillers de prévention, inspirées d'expériences nordiques.
A la tête d'un ministère où le dialogue social est une valeur fondatrice et structurelle, j'attends naturellement beaucoup de votre négociation. C'est la raison pour laquelle j'ai, sur plusieurs points souhaité attendre le résultat de vos discussions avant d'arrêter définitivement les dispositions normatives qui doivent être prises.
Je sais que les contacts techniques et les travaux préparatoires n'ont pas manqué entre vous, il est de l'intérêt de tous qu'une conclusion intervienne rapidement [de préférence avant l'été ]. Il va de soi aussi que je reste fidèle aux caps que j'ai déjà tracés devant vous en février 1999 et que j'estime fondamentaux.
Le dossier de la médecine du travail en est l'illustration.
Mes propos tenus devant vous lors de la session plénière de 1999 demeurent d'actualité. Une réforme en profondeur est indispensable pour répondre aux exigences de surveillance de la santé au travail et pour concrétiser un travail en réseau. Il nous faut, à la fois, une grande réforme de la médecine du travail et une réforme qui ne se limite pas à celle-ci.
Je reste attachée aux principes fondateurs de 1946.L'ancrage dans le monde et le milieu du travail reste foncièrement pertinent. Mais, pour apporter à la médecine du travail les transformations profondes dont elle a besoin pour trouver un second souffle, il faut agir sur plusieurs registres.
D'abord décloisonner grâce à une approche pluridisciplinaire.
Associer dans une même approche des compétences techniques et médicales est, vous le savez, une exigence communautaire. La Commission européenne en a fait une condition pour retirer la mise en demeure adressée à la France. J'entends que cette hypothèque soit définitivement levée. Mais la pluridisciplinarité est surtout une exigence concrète, en particulier au bénéfice des moyennes et petites entreprises qui doivent pouvoir compter sur des appuis concrets et coordonnés pour s'acquitter de leurs obligations en matière d'évaluation des risques puis d'action de prévention. Il importe donc qu'elle soit généralisée, obligatoire, mais que l'objectif puisse être atteint à travers des modalités diverses. Je tiens beaucoup, à cet égard, à ce que puisse être passées des conventions entre les services médicaux et les réseaux experts de la CNAM et de l'ANACT, pour apporter des réponses collectives, souvent par métiers, aux problèmes rencontrés.
Le second aspect de la réforme tient à l'indépendance du médecin du travail.
Le code du travail et le code de déontologie protègent déjà l'indépendance du médecin sur laquelle repose sa crédibilité. Elle doit être renforcée pour être à la hauteur des missions du médecin. Je pense, dans cet esprit, à la création de commissions médicales au sein des services pour développer la dimension collective et rompre un isolement qui fragilise ou à quelques compléments statutaires, pour éviter tout débat sur l'affectation des médecins et le suivi de leurs attributions
Le troisième axe est celui d'une clarification du fonctionnement des services médicaux .
Ce n'est pas le plus aisé car il faut tenir compte de la structure associative des services médicaux. Je crois néanmoins possible d'atteindre plusieurs objectifs. Il faut d'abord revitaliser le dialogue social, sachant que les commissions de contrôle ne jouent pas à l'heure actuelle pleinement leur rôle. Il faut aussi clarifier la gestion des services médicaux, revoir le niveau et les modalités de tarification qui se caractérisent par des écarts considérables. Il faut aussi revoir la conception des rapports administratifs et financiers. Il faut sans doute faire évoluer les services vers une logique d'évaluation médicale, à l'instar d'autres structures du système sanitaire et en prenant en compte, bien entendu, la spécificité de leur rôle exclusif de prévention.
Toutes ces orientations qui peuvent être complétées par des propositions concernant, par exemple, le calcul du temps médical ou l'organisation des examens médicaux concourent à l'objectif premier de reconnaître à la médecine du travail sa pleine valeur ajoutée. Pour moi, la médecine du travail est un service qui doit être rendu à chaque salarié, à toutes les entreprises et à la collectivité nationale. Ceci suppose de renforcer et d'enrichir l'action en milieu de travail. C'est en effet grâce à l'étude des postes et des situations de travail, mise en relation avec l'état de santé des salariés, que le médecin du travail peut apporter une contribution décisive. Contribution à la prévention et à la correction des risques professionnels, contribution à la veille sanitaire qui se construit autour de l'InVS, dans un travail coordonné avec les réseaux .
Pour demander plus et mieux au système, il faut lui en donner les moyens. Ceci implique de résoudre le lancinant problème de la pénurie de recrutements. Il le faut, pour réduire le déficit qui subsiste actuellement, malgré l'ampleur de nos efforts - 211 postes ouverts en 2000 au total, pour l'internat classique et le concours européen dans le contexte de plafonnement absolu de l'internat - et pour enrayer le " déclin démographique " d'un corps qui perdra près de la moitié de ses effectifs d'ici une dizaine d'années. Cette perspective justifie, en tout état de cause, la mise en place d'un mécanisme complémentaire de recrutement et de formation en médecins du travail. C'est pourquoi j'ai mis au point avec le Ministère chargé des universités une possibilité de conversion des médecins libéraux expérimentés vers la médecine du travail, moyennant une formation adaptée. C'est sur cette base que des propositions concrètes vous seront soumises au cours de l'année.
3.2 L'adaptation nécessaire de notre dispositif de prévention repose également sur le développement de dynamiques de terrain.
Je perçois de plus en plus la nécessité d'organiser au niveau régional un lieu de convergence pour l'ensemble des acteurs de la prévention.
J'y vois deux intérêts. Le premier serait de concrétiser effectivement le travail en réseau et le décloisonnement des systèmes. Les partenariats constructifs qui se sont noués dans les régions en constitueraient le socle.
En 1999, 17 régions ont mis en uvre des programmes d'actions concertés et partenariaux en matière de risques professionnels. Il s'agit d'actions concrètes et efficaces définies par les acteurs de la prévention avec les professionnels.
Je pense par exemple aux actions menées en Franche Comté qui ont permis à partir d'un partenariat actif entre la DRTEFP, la CRAM, et les secteurs professionnels d'élaborer une vidéo sur la prévention des allergies dans la coiffure qui a été primée au colloque santé-sécurité du Creusot et aussi d'élaborer un guide de prévention avec les professionnels de l'industrie mécanique qui a été diffusé auprès de 3000 entreprises de la région.
Le second intérêt serait de développer un véritable relais entre la politique nationale que nous définissons ensemble et les réalités du terrain, un relais qui pourrait décliner, orienter et faire remonter des données utiles voire servir de cadre à des démarches d'évaluation. Votre négociation peut faire progresser cette idée.
Mais c'est naturellement au niveau de chaque entreprise que progressera concrètement l'appropriation des principes de prévention.
Dans cette perspective, j'ai souhaité renforcer les moyens des acteurs de terrain sur deux plans. Le premier concerne le chantier de l'évaluation des risques. L'analyse en amont et la construction de systèmes d'évaluation sont capitales. C'est là que se situent les progrès pour la prévention des risques professionnels. C'est pourquoi je vous ai soumis récemment un projet de décret tendant à créer - comme le veut d'ailleurs la législation européenne - un support à l'évaluation des risques conduite dans chaque entreprise et pour chaque unité de travail. Je vois, là, un outil très attendu par les acteurs de la prévention afin de passer, avec les appuis méthodologiques nécessaires, d'un principe prometteur à une réalisation effective. Mon second objectif est de faciliter l'appropriation par les représentants du personnel et par les salariés eux-mêmes des questions qui touchent aux conditions de travail. J'invite comme je vous l'ai dit l'inspection du travail à apporter son appui, aux CHSCT et aux délégués du personnel dans cette tâche C'est aussi le sens de deux mesures législatives que je vous ai soumises. L'une consiste à faire bénéficier les délégués du personnel qui remplissent les fonctions du CHSCT d'une formation à la sécurité équivalente à celle des membres de ce comité. L'autre prévoit, qu'y compris dans les plus petites entreprises et au besoin par une consultation directe, soit effectuée une information des salariés lors de l'introduction de changements technologiques qui affectent les conditions de travail.
Il va de soi que c'est vous qui ferez vivre cette politique et c'est sans doute l'un des domaines où votre négociation peut beaucoup apporter, en donnant à la fois, une nouvelle impulsion et des outils efficaces aux acteurs de la prévention dans la région et sur le terrain. Voilà, Mesdames et Messieurs, les points que je tenais à souligner à votre intention avant d'ouvrir nos échanges. Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.travail.gouv.fr, le 1 mars 2000)
En vous retrouvant avec plaisir pour la session plénière du Conseil supérieur, je ne peux que souligner combien elle s'inscrit, cette année, dans un contexte particulier. D'une part, nous sommes à la veille de la Présidence française de l'Union et je compte beaucoup sur cette période privilégiée pour affirmer les orientations structurantes qui sont les nôtres en matière de santé et sécurité au travail. D'autre part, vous avez décidé d'engager rapidement une négociation interprofessionnelle sur la gestion des risques professionnels que vous avez préparée depuis la déclaration commune de février 1999. Nous sommes à la veille de votre première séance de négociation. C'est un événement de grande portée qui retentit sur la construction des lignes directrices que je souhaite aujourd'hui vous présenter. Je reviendrai, tout à l'heure, sur la manière dont je souhaite articuler l'action de l'Etat et celle des partenaires sociaux, mais je tenais, d'emblée, à me réjouir des perspectives que vous avez ainsi ouvertes.
Commençons par l'état des lieux.
1. Le contexte dans lequel s'inscrit notre action de prévention des risques professionnels consacre la poursuite des efforts entrepris à l'égard des risques connus, comme des risques émergents.
1.1. S'agissant des risques " classiques ", l'évolution des accidents du travail et des maladies professionnelles doit être analysée afin d' orienter l'action.
En ce qui concerne les accidents du travail :
1997 a marqué le point bas d'une courbe historique avec 650 000 accidents ayant entraîné un arrêt, 45 000 accidents graves et 700 accidents mortels. Les accidents graves ont diminué de 26 % entre 1992 et 1997, le taux de fréquence connaît une baisse de près de 12 % durant cette même période. Cette évolution favorable est diversifiée selon les secteurs d'activité. Des résultats importants ont été enregistrés dans les secteurs de la métallurgie (-29,6 %) et du BTP (-27 %).
Les chiffres provisoires de 1998 (plus 3,2 %) et des premières estimations de 1999 montrent un retournement de tendance. Une fois prise en compte l'augmentation de l'emploi salarié (+2%) la fréquence des accidents avec arrêt a crû d'environ 1,2% en 1998. Un examen détaillé de l'évolution à la hausse enregistrée montre que l'ensemble des secteurs d'activité sont concernés -à l'exception toutefois du BTP-.
La très vive amélioration du marché du travail a très largement bénéficié aux jeunes (baisse de 22 % du chômage des jeunes en deux ans et demi). Or les débutants et les salariés précaires sont davantage exposés aux accidents. Ceci explique en partie la croissance constatée.
Ces chiffres ont leurs limites. Ils ne permettent pas une analyse des causes en temps réel, pour une réaction rapide. C'est la raison pour laquelle j'ai renouvelé, dans le programme d'action de l'inspection du travail pour 2000, l'accent mis sur les procédures de signalement rapide et d'exploitation des remontées de terrain. En effet, ce sont plus de 700 enquêtes ou rapports d'accidents du travail et près de 400 fiches d'alertes qui m'ont été transmis par l'inspection à la suite d'accidents mortels ou particulièrement graves en 99. Ce type de remontées a servi, par exemple, à renforcer les exigences vis à vis des constructeurs de presses plieuses et à lancer des campagnes d'information pour les utilisateurs.
Les fiches remontées par l'inspection du travail, ces six dernières semaines, montrent une forte recrudescence d'accidents graves ou mortels résultant de l'accroissement des travaux en hauteur entrepris pour réparer les dégâts de la tempête de Noël. L'expérience doit nous permettre d'anticiper, je serai attentive à ce que les travaux soient effectués par des personnes qualifiées pour les entreprendre et à ce que les contrôles réalisés soient à la hauteur des risques encourus.
Par ailleurs, les statistiques recensent les évènements déclarés. Or, la sous-estimation reste un phénomène préoccupant qui affecte aussi bien les accidents que les maladies professionnelles. Le rapport de Mme Lévy-Rosenwald a d'ailleurs confirmé cet écart important, déjà révélé par le rapport de M. Deniel. Dans les préconisations qu'il présente, le rapport de Madame LEVY-ROSENWALD souligne la nécessité de mettre au point une méthode de travail et de se doter d'outils stratégiques qui font défaut si l'on veut estimer correctement les charges indues pesant sur la branche maladie.
S'agissant des maladies professionnelles -15430 MP reconnues en 1997 - une mise au point s'impose.
Je lis, trop souvent, que les " maladies professionnelles explosent ". Il est vrai que les reconnaissances ont triplé en 15 ans, mais on ne saurait en déduire que les conditions de travail se dégradent. C'est plus la justice sociale que les pathologies qui progresse. Les reconnaissances progressent en fonction de la connaissance que nous avons des risques. On observe une très forte augmentation du nombre de prise en charge des affections dues à l'amiante (+45%) . Le travail réalisé par votre commission des maladies professionnelles permet de prendre en compte de nouveaux risques ou de nouvelles situations. Vous savez d'ailleurs tous que la moitié des reconnaissances résultent du tableau n° 57 sur les affections péri-articulaires, qui n'existaient pas il y a 10 ans. En 1999, vos travaux ont ainsi abouti à créer 2 tableaux, à en étendre 5 autres et à réviser les délais de prise en charge de toutes les pneumoconioses.
La réparation est une justice due aux victimes des mauvaises conditions de travail.
D'importantes mesures ont été prises au cours des deux dernières années. Les délais de prescription ont été modifiés dans un sens plus favorable aux victimes, ils courent désormais à partir de la date à laquelle le lien a été établi entre l'activité professionnelle de la personne et sa maladie. Des garanties ont été données aux victimes quant aux délais de réponse des caisses de sécurité sociales, désormais strictement encadrés. L'officialisation du barème d'invalidité a permis une harmonisation des procédures de reconnaissance sur l'ensemble du territoire.
Pour les travailleurs de l'amiante, tous les dossiers prescrits peuvent être réouverts.
D'ores et déjà, ces mesures portent leurs fruits. Elles contribuent à diminuer l'importance du phénomène de sous déclaration qui caractérise ces pathologies.
Enfin, nous avons créé et mis en uvre un dispositif de cessation d'activité anticipée pour les travailleurs de l'amiante qui concerne les victimes de maladies professionnelles liées à l'amiante mais aussi les salariés et ex-salariés des secteurs d'activité spécialement exposés à ce risque : initialement limité aux entreprises de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, cette mesure a été récemment étendue aux salariés et ex-salariés des entreprises de flocage et calorifugeage, à ceux de la construction et de la réparation navale et aux dockers.
En mars 1999, les textes d'application de la mesure législative instituant le dispositif ont été publiés, en juillet, les premiers bénéficiaires ont perçu leur allocation. Aujourd'hui, sur le seul secteur de la fabrication de produits à base d'amiante, 1 800 anciens salariés peuvent bénéficier de cette mesure et 800 ont choisi de le faire.
J'ai tenu mes engagements d'améliorer la réparation et je continuerai de le faire. Mais naturellement, il faut d'abord et surtout intervenir en amont grâce à la prévention.
Sur le dossier de l'amiante la vigilance doit être maintenue. L'interdiction prise en 1996 a permis de stopper la diffusion d'un risque. Cette interdiction est aujourd'hui en vigueur dans toute l'Union européenne grâce à une directive de juillet 1999 que la France a largement promue. Le contentieux que le Canada a engagé contre la France devant l'OMC et qui devrait connaître son aboutissement dans les mois à venir, a eu au moins le mérite d'engager l'Europe dans le choix de la stratégie la plus protectrice. Refuser catégoriquement de continuer à diffuser un risque mortel alors que des produits plus sûrs sont disponibles est un devoir qui ne devrait pas être contesté !
La gestion de " l'amiante en place " est une toute première priorité. Elle implique la surveillance des bâtiments collectifs et la mise en uvre rigoureuse des mesures prises pour que les travailleurs soient protégés en cas de rencontres fortuites avec l'amiante. Cela passe bien sûr par un contrôle strict. L'inspection du travail s'y est employée, en arrêtant en 1999, 58 chantiers défectueux et en déclenchant par ses signalements, le retrait de 36 qualifications d'entreprises. Cette action se poursuivra en 2000 et probablement au-delà, car les risques encourus notamment par les travailleurs de l'entretien et de la maintenance, sont encore souvent ignorés. Nous devons continuer à conjuguer nos efforts. C'est dans cet esprit qu'ont été, par exemple, mis en place, à l'initiative de la CNAM et avec le concours des professionnels, les " centres de ressources amiante " dont je souhaite voir se multiplier les implantations.
1.2. L'action que nous développons doit mettre l'accent sur les risques émergents ou en croissance.
Un premier groupe de risques est lié à l'intensité du travail.
Les nouvelles formes d'organisations comme le développement du travail immatériel ou en temps réel, permis par les progrès de l'électronique, ou l'organisation en flux tendus, ou sous forme d'horaires flexibles, ont des conséquences sur les conditions de travail et sur la santé qui doivent être prises en compte.
Il peut en résulter, dans certains cas, selon les types d'activité, des charges physiques - ce que traduit clairement la prolifération des troubles musculo-squelettiques, - ou des charges mentales, qui peuvent être difficiles à supporter. Elles aboutissent à des situations de stress allant parfois jusqu'à l'épuisement ou à la dépression. Nous devons absolument prendre ces nouvelles preuves de pénibilité du travail sans pour autant donner l'impression qu'il y a une dégradation générale des conditions de travail.
Nous devons identifier et combattre les causes de ces situations, qu'il s'agisse des contraintes révélées par l'enquête " conditions de travail " de la DARES de la violence dans l'environnement de travail, éclairée par les rapports du CES et de l'OIT, ou du harcèlement moral au sein de l'entreprise, auquel nous nous devons d'apporter les réponses qui conviennent. J'envisage de saisir dans les prochains jours le Conseil Economique et Social d'une étude sur le harcèlement moral.
Le constat est parfois alarmant, il serait désespérant si, dans la plupart des cas, une organisation du travail repensée ne fournissait pas une réponse efficace. La mise en uvre de la loi sur le temps de travail s'accompagne généralement d'une profonde modification de l'organisation du travail. Il importe que la réduction négociée du temps de travail prenne en compte la dimension des conditions de travail, en s'appuyant sur les aspirations et l'expérience vécue des salariés. Elle doit avoir lieu en utilisant au mieux l'expertise de réseaux comme celui de l'ANACT, très engagée sur ce sujet. Des expériences comme celles menées en Bretagne où les effets potentiels sur la santé des salariés des projets de réduction du temps de travail sont explicitement traités comme thème de négociation méritent d'être connues. Les salariés et leurs représentants - CHSCT ou DP - doivent pouvoir à la fois donner l'alerte et faire émerger les solutions appropriées. Ils doivent pouvoir compter plus largement sur l'apport de l'inspection du travail qui sera mobilisée en 2000 pour intervenir en appui à leur action.
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Il faut d'abord améliorer la connaissance, le plus en amont possible. C'est un objectif difficile qui exige de s'appuyer sur de multiples disciplines. Il faut combiner les études toxicologiques et expérimentales qui mettent en évidence les dangers intrinsèques, les études épidémiologiques qui exigent parfois plusieurs dizaines d'années d'études et l'évaluation des risques en situation concrète de travail. C'est ce qu'ont permis les expertises collectives de l'INSERM, sur l'amiante, le plomb, les fibres de substitution ou les éthers de glycol, qui ont éclairé les décisions des autorités publiques. A cet égard, je tiens à souligner la plus value qu'apporte une évaluation indépendante, contradictoire et interdisciplinaire reposant sur l'ensemble des sources scientifiques disponibles.
La connaissance des risques permet de renforcer la prévention. C'est ce qui a été fait pour l'amiante et qui est en cours pour les agents toxiques pour la reproduction. Elle doit aussi servir de base à un meilleur suivi des travailleurs exposés. L'organisation, sous l'égide de la Sécurité sociale, d'un suivi post-professionnel pour les salariés retraités a représenté une avancée importante. Le nombre de prises en charges demandées à la CNAM a été multiplié par 2,5 entre 1997 et 1998. Il faut aujourd'hui concevoir un véritable suivi post-exposition pour des salariés ayant changé d'activité, mais dont l'exposition antérieure à des agents particulièrement dangereux, mérite une surveillance sanitaire spécifique ; et adopter les stratégies de surveillance médicale les mieux appropriées. A la suite de la conférence de consensus qui a réuni, en 1998, les experts de l'amiante, les médecins ont mis au point les protocoles nécessaires et des expérimentations régionales - indispensables avant de généraliser le système - vont être lancées.
Je n'oublie pas qu'à côté des risques mal connus, il est des risques qui à terme sont responsables d'une usure professionnelle prématurée. J'entends porter la plus grande attention à la question du vieillissement de la population salariée que la démographie place devant nous. Il est malheureusement des cas où les effets de la pénibilité sont tels que la seule mesure qui soit juste consiste à permettre aux salariés de quitter plus tôt la vie active. C'est le sens des mesures qui viennent d'être annoncées. Il me paraît nécessaire de faire avancer la réflexion européenne sur les liens entre l'employabilité et la santé au travail. Il s'agit de revenir à l'esprit d'une adaptation du travail à l'homme qui inspire la directive-cadre de 1989 et, peut-être, de traduire cette volonté dans le cadre des lignes directrices pour l'emploi, comme complément du thème de l'adaptabilité.
2. En tenant compte de ces données, l'action doit se poursuivre dans deux voies stratégiques : accroître la capacité de veille et actualiser les règles de prévention.
2.1. Le développement de la capacité de veille est crucial.
Il faut continuer de construire des passerelles entre la santé-sécurité au travail et des enjeux sanitaires plus généraux.
L'évaluation est l'élément fondamental. La multiplication des facteurs en cause : chimiques, physiques, biologiques nécessite une veille scientifique et sanitaire permanente.
Pour mieux évaluer les dangers, nous avons besoin - comme l'a bien montré l'expertise sur les éthers de glycol - de multiplier les études toxicologiques et épidémiologiques et, plus généralement, de développer l'évaluation des risques.
L'engagement pris par le Premier ministre, en juin 1999, au " Etats généraux de la santé ", de créer une agence " Santé-Environnement " faisant suite à divers travaux parlementaires, revêt un relief particulier.
Nous constatons en effet, un déficit et une dispersion de l'expertise scientifique en matière d'évaluation des risques. Il convient de bien séparer l'évaluation et la gestion du risque, en gardant la cohérence du processus de décision et en favorisant la transparence du débat public, essentielle dans une situation, de plus en plus fréquente, d'incertitude scientifique relative.
L'évaluation scientifique - est nécessaire pour éclairer les pouvoirs publics, et leur permettre de prendre les décisions pertinentes. Il va de soi que cette évaluation doit être indépendante, que cette indépendance soit garantie par le statut des organismes ou par la rigueur des processus de validation scientifique.
La création de l'agence doit y contribuer et aura des incidences positives sur l'ensemble des enjeux de santé quels que soient les milieux concernés.
La détermination des missions susceptibles d'être confiées à l'agence et le processus de sa création font actuellement l'objet de réflexions interministérielles. Quelle que soit la solution retenue, je veillerai à préserver la spécificité de l'organisation de la protection de la santé au travail ainsi que le potentiel de compétences existantes. Nous nous appuierons sur les ressources de qualité qui ne manquent pas dans le domaine de la recherche, à l'INSERM, au CNRS ou au tout jeune InVS, par exemple, ainsi qu'à l'INRS pour lequel j'ai souhaité vous transmettre le rapport récent qui m'a été remis par l'IGAS.
La veille sanitaire permet de connaître - mieux et plus vite - les effets sur l'homme au travail. C'est un signal d'alerte sur les risques nouveaux qui permet de déclencher des études plus approfondies. Elle fait également ressortir les difficultés ou inadéquations des mesures de prévention. La consultation des bases de données comme " Evalutil ", sur le risque " amiante " qui croisent les expositions professionnelles et les maladies observées répond à cette attente.
L'InVS occupe une place importante dans ce nouveau dispositif. Désormais doté d'une unité spécifique " Santé et Travail ", il a engagé -sur la base d'une réflexion commune en termes de priorités menée au sein du Ministère-, un programme de surveillance épidémiologique et la réalisation d'une matrice emploi-exposition. Le travail engagé en 1999 d'étude d'une cohorte " multirisques et multisecteurs " s'avère prometteur. Pour remplir sa mission, l'institut doit s'appuyer sur les données de terrain. C'est pourquoi, le réseau des médecins du travail doit lui apporter son concours actif sous l'impulsion de l'IMTMO. La mobilisation des médecins dans la réalisation de l'enquête SUMER avait ouvert la voie dans ce domaine.
2.2. Le second axe stratégique est celui de l'actualisation des règles de prévention.
C'est un processus permanent, largement inscrit dans le cadre communautaire européen où pourra être utilisé, cette année, le levier de la Présidence française de l'Union.
La transposition des directives constitue une opportunité à saisir.
A l'occasion des profondes évolutions de la directive relative aux " agents cancérogènes ", j'ai pris plusieurs décisions.
A partir de l'éclairage apporté par l'expertise de l'INSERM sur les éthers de glycol, j'entends désormais aligner la prévention des risques liés à tous les agents toxiques pour la reproduction - comme le plomb - sur celle des agents cancérogènes et mutagènes.
J'ai également décidé d'interdire l'affectation des femmes enceintes aux postes les exposant à ces mêmes toxiques pour la reproduction.
Enfin, j'ai proposé, au Premier Ministre dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale, une mesure législative pour que le dépassement persistant d'une valeur limite d'exposition à ces agents puisse être sanctionné par un arrêt temporaire de l'activité, jusqu'au retour à la norme.
En ce qui concerne les risques chimiques dans leur ensemble, la transposition de la nouvelle directive européenne offre l'occasion de réfléchir à nos propres méthodes et de les faire évoluer. C'est le point de départ d'une nouvelle démarche dont j'ai saisi récemment votre Conseil. La proposition qui vous a été faite tend à accroître très largement le nombre de valeurs limites contraignantes et à s'interroger, à cette occasion, sur la nécessité d'en abaisser encore le seuil. Je rappelle à nouveau l'importance qu'il y a à distinguer l'évaluation scientifique du risque, de la concertation sociale nécessaire dans le cadre de la prévention. Il convient d'appliquer aux risques chimiques la même rigueur et les mêmes principes que ceux promus par la France dans les dossiers communautaires de la vache folle ou de l'amiante.
Dans le domaine des rayonnements ionisants, la transposition de la directive Euratom de 1996 est désormais proche de sa conclusion. Elle renforce la protection de la santé des salariés, en particulier grâce à l'introduction de principes fondamentaux de prévention et à l'abaissement toujours nécessaire des limites de dose. Elle se traduit aussi par des garanties sociales, permettant d'éviter la gestion de l'emploi par la dose.
Les mesures législatives et la refonte réglementaire complète qui vous ont été soumises servent aussi un objectif de transparence car le risque nucléaire a trop longtemps fait l'objet d'un traitement d'exception.
J'entends utiliser toutes les ressources de la Présidence française pour que le dossier prioritaire, de la révision de la directive concernant la protection des travailleurs contre l'amiante - voire, celui de la révision de la directive sur la conception des équipements de travail - fasse l'objet des positions de principe qui s'imposent.
Les travaux de la Présidence seront empreints également du souci d'être concret, de faire connaître ce que nous faisons, et de diffuser les bonnes pratiques.
Dans ce contexte, les divers forums organisés sous notre Présidence permettront de débattre de l'évolution nécessaire de la réglementation et des méthodes permettant de la faire mieux appliquer. Le sixième " FITS, "[forum international travail santé] traitera de façon large du risque chimique,la " Semaine européenne sur les TMS ", organisée conjointement avec l'Agence de Bilbao se conclura par une manifestation à laquelle je compte participer. La " Conférence sur la surveillance du marché " réunira l'expérience des diverses autorités publiques chargées du contrôle de la circulation et de l'utilisation des équipements de travail pour que les règles protectrices adoptées par l'Union ne restent pas déclaratoires, mais se concrétisent pour les citoyens. C'est un domaine dans lequel la France peut faire valoir une pratique et des résultats, notamment grâce à l'implication soutenue des experts de l'inspection du travail dans les signalements de machines dangereuses.
(source http://www.travail.gouv.fr, le 1 mars 2000)
3. Nous devons ensemble - Etat et partenaires sociaux - uvrer sans retard à une adaptation du système français de prévention.
Cette dynamique doit s'appliquer au niveau national, comme au niveau du terrain.
3.1. Il convient de rechercher la meilleure articulation possible entre l'intervention de l'Etat et celle des partenaires sociaux.
Je vous ai dit, tout à l'heure, quelle importance j'attache à la négociation interprofessionnelle que vous venez d'engager et dont vous aviez posé les prémices ici même, l'an dernier.
Importante, elle l'est à plusieurs titres. Par son objet lui-même, puisque les questions de santé et de sécurité au travail n'entrent qu'exceptionnellement dans le champ conventionnel.
Par ses objectifs, ensuite, parce que vos travaux préparatoires ont clairement exprimé le souci - que je partage - de moderniser et, plus encore, de décloisonner le système français de prévention. Importante aussi par les sujets en débat : la modernisation des outils nationaux de prévention, la gestion de la branche AT/MP, la médecine du travail, le développement du travail en réseau - tout particulièrement, au plan régional - mais aussi au sein des entreprises -, et, enfin, la recherche de formes nouvelles telles que les conseillers de prévention, inspirées d'expériences nordiques.
A la tête d'un ministère où le dialogue social est une valeur fondatrice et structurelle, j'attends naturellement beaucoup de votre négociation. C'est la raison pour laquelle j'ai, sur plusieurs points souhaité attendre le résultat de vos discussions avant d'arrêter définitivement les dispositions normatives qui doivent être prises.
Je sais que les contacts techniques et les travaux préparatoires n'ont pas manqué entre vous, il est de l'intérêt de tous qu'une conclusion intervienne rapidement [de préférence avant l'été ]. Il va de soi aussi que je reste fidèle aux caps que j'ai déjà tracés devant vous en février 1999 et que j'estime fondamentaux.
Le dossier de la médecine du travail en est l'illustration.
Mes propos tenus devant vous lors de la session plénière de 1999 demeurent d'actualité. Une réforme en profondeur est indispensable pour répondre aux exigences de surveillance de la santé au travail et pour concrétiser un travail en réseau. Il nous faut, à la fois, une grande réforme de la médecine du travail et une réforme qui ne se limite pas à celle-ci.
Je reste attachée aux principes fondateurs de 1946.L'ancrage dans le monde et le milieu du travail reste foncièrement pertinent. Mais, pour apporter à la médecine du travail les transformations profondes dont elle a besoin pour trouver un second souffle, il faut agir sur plusieurs registres.
D'abord décloisonner grâce à une approche pluridisciplinaire.
Associer dans une même approche des compétences techniques et médicales est, vous le savez, une exigence communautaire. La Commission européenne en a fait une condition pour retirer la mise en demeure adressée à la France. J'entends que cette hypothèque soit définitivement levée. Mais la pluridisciplinarité est surtout une exigence concrète, en particulier au bénéfice des moyennes et petites entreprises qui doivent pouvoir compter sur des appuis concrets et coordonnés pour s'acquitter de leurs obligations en matière d'évaluation des risques puis d'action de prévention. Il importe donc qu'elle soit généralisée, obligatoire, mais que l'objectif puisse être atteint à travers des modalités diverses. Je tiens beaucoup, à cet égard, à ce que puisse être passées des conventions entre les services médicaux et les réseaux experts de la CNAM et de l'ANACT, pour apporter des réponses collectives, souvent par métiers, aux problèmes rencontrés.
Le second aspect de la réforme tient à l'indépendance du médecin du travail.
Le code du travail et le code de déontologie protègent déjà l'indépendance du médecin sur laquelle repose sa crédibilité. Elle doit être renforcée pour être à la hauteur des missions du médecin. Je pense, dans cet esprit, à la création de commissions médicales au sein des services pour développer la dimension collective et rompre un isolement qui fragilise ou à quelques compléments statutaires, pour éviter tout débat sur l'affectation des médecins et le suivi de leurs attributions
Le troisième axe est celui d'une clarification du fonctionnement des services médicaux .
Ce n'est pas le plus aisé car il faut tenir compte de la structure associative des services médicaux. Je crois néanmoins possible d'atteindre plusieurs objectifs. Il faut d'abord revitaliser le dialogue social, sachant que les commissions de contrôle ne jouent pas à l'heure actuelle pleinement leur rôle. Il faut aussi clarifier la gestion des services médicaux, revoir le niveau et les modalités de tarification qui se caractérisent par des écarts considérables. Il faut aussi revoir la conception des rapports administratifs et financiers. Il faut sans doute faire évoluer les services vers une logique d'évaluation médicale, à l'instar d'autres structures du système sanitaire et en prenant en compte, bien entendu, la spécificité de leur rôle exclusif de prévention.
Toutes ces orientations qui peuvent être complétées par des propositions concernant, par exemple, le calcul du temps médical ou l'organisation des examens médicaux concourent à l'objectif premier de reconnaître à la médecine du travail sa pleine valeur ajoutée. Pour moi, la médecine du travail est un service qui doit être rendu à chaque salarié, à toutes les entreprises et à la collectivité nationale. Ceci suppose de renforcer et d'enrichir l'action en milieu de travail. C'est en effet grâce à l'étude des postes et des situations de travail, mise en relation avec l'état de santé des salariés, que le médecin du travail peut apporter une contribution décisive. Contribution à la prévention et à la correction des risques professionnels, contribution à la veille sanitaire qui se construit autour de l'InVS, dans un travail coordonné avec les réseaux .
Pour demander plus et mieux au système, il faut lui en donner les moyens. Ceci implique de résoudre le lancinant problème de la pénurie de recrutements. Il le faut, pour réduire le déficit qui subsiste actuellement, malgré l'ampleur de nos efforts - 211 postes ouverts en 2000 au total, pour l'internat classique et le concours européen dans le contexte de plafonnement absolu de l'internat - et pour enrayer le " déclin démographique " d'un corps qui perdra près de la moitié de ses effectifs d'ici une dizaine d'années. Cette perspective justifie, en tout état de cause, la mise en place d'un mécanisme complémentaire de recrutement et de formation en médecins du travail. C'est pourquoi j'ai mis au point avec le Ministère chargé des universités une possibilité de conversion des médecins libéraux expérimentés vers la médecine du travail, moyennant une formation adaptée. C'est sur cette base que des propositions concrètes vous seront soumises au cours de l'année.
3.2 L'adaptation nécessaire de notre dispositif de prévention repose également sur le développement de dynamiques de terrain.
Je perçois de plus en plus la nécessité d'organiser au niveau régional un lieu de convergence pour l'ensemble des acteurs de la prévention.
J'y vois deux intérêts. Le premier serait de concrétiser effectivement le travail en réseau et le décloisonnement des systèmes. Les partenariats constructifs qui se sont noués dans les régions en constitueraient le socle.
En 1999, 17 régions ont mis en uvre des programmes d'actions concertés et partenariaux en matière de risques professionnels. Il s'agit d'actions concrètes et efficaces définies par les acteurs de la prévention avec les professionnels.
Je pense par exemple aux actions menées en Franche Comté qui ont permis à partir d'un partenariat actif entre la DRTEFP, la CRAM, et les secteurs professionnels d'élaborer une vidéo sur la prévention des allergies dans la coiffure qui a été primée au colloque santé-sécurité du Creusot et aussi d'élaborer un guide de prévention avec les professionnels de l'industrie mécanique qui a été diffusé auprès de 3000 entreprises de la région.
Le second intérêt serait de développer un véritable relais entre la politique nationale que nous définissons ensemble et les réalités du terrain, un relais qui pourrait décliner, orienter et faire remonter des données utiles voire servir de cadre à des démarches d'évaluation. Votre négociation peut faire progresser cette idée.
Mais c'est naturellement au niveau de chaque entreprise que progressera concrètement l'appropriation des principes de prévention.
Dans cette perspective, j'ai souhaité renforcer les moyens des acteurs de terrain sur deux plans. Le premier concerne le chantier de l'évaluation des risques. L'analyse en amont et la construction de systèmes d'évaluation sont capitales. C'est là que se situent les progrès pour la prévention des risques professionnels. C'est pourquoi je vous ai soumis récemment un projet de décret tendant à créer - comme le veut d'ailleurs la législation européenne - un support à l'évaluation des risques conduite dans chaque entreprise et pour chaque unité de travail. Je vois, là, un outil très attendu par les acteurs de la prévention afin de passer, avec les appuis méthodologiques nécessaires, d'un principe prometteur à une réalisation effective. Mon second objectif est de faciliter l'appropriation par les représentants du personnel et par les salariés eux-mêmes des questions qui touchent aux conditions de travail. J'invite comme je vous l'ai dit l'inspection du travail à apporter son appui, aux CHSCT et aux délégués du personnel dans cette tâche C'est aussi le sens de deux mesures législatives que je vous ai soumises. L'une consiste à faire bénéficier les délégués du personnel qui remplissent les fonctions du CHSCT d'une formation à la sécurité équivalente à celle des membres de ce comité. L'autre prévoit, qu'y compris dans les plus petites entreprises et au besoin par une consultation directe, soit effectuée une information des salariés lors de l'introduction de changements technologiques qui affectent les conditions de travail.
Il va de soi que c'est vous qui ferez vivre cette politique et c'est sans doute l'un des domaines où votre négociation peut beaucoup apporter, en donnant à la fois, une nouvelle impulsion et des outils efficaces aux acteurs de la prévention dans la région et sur le terrain. Voilà, Mesdames et Messieurs, les points que je tenais à souligner à votre intention avant d'ouvrir nos échanges. Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.travail.gouv.fr, le 1 mars 2000)