Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur le développement des arts plastiques et la modernisation de la Délégation aux arts plastiques, Paris le 10 février 2000.

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Circonstance : Présentation de la politique en faveur des arts plastiques à Paris le 10 février 2000

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Il y a quelques mois, lors du deuxième congrès interprofessionnel de l'art contemporain à Tours, j'ai eu l'occasion de définir les grandes priorités de mon action pour le développement des arts plastiques. Parallèlement, j'ai donné mission au nouveau Délégué aux arts plastiques, Monsieur Guy Amsellem, de concevoir une charte de missions de service public pour les institutions d'art contemporain, d'inscrire fortement son action dans le cadre de la démocratisation culturelle, de définir les réformes prioritaires à mener pour le secteur de l'enseignement artistique, à la suite de l'état des lieux dressé par Monsieur Jacques Imbert, ainsi que d'engager une réflexion sur la modernisation de la délégation aux arts plastiques et son adaptation aux nouveaux enjeux de la déconcentration.
C'est l'ensemble de ce dispositif que nous allons vous présenter avec Monsieur Guy Amsellem que je tiens, au préalable, à remercier pour l'excellent travail d'analyses, de propositions et de concertations avec les professionnels, qu'il m'a remis.
L'année 2000 a commencé avec la réouverture de Beaubourg et s'achèvera avec celle du Palais de Tokyo. Elle sera jalonnée de moments forts comme la biennale d'art contemporain de Lyon et celle du design à Saint-Etienne, ou encore l'exposition La Beauté en Avignon.
C'est donc avec, pour toile de fond, cette grande vitalité de notre scène artistique que je veux développer aujourd'hui les enjeux de l'action publique définie par mon ministère.
Placer l'artiste au cur de l'action de mon ministère tel est l'objectif fixé à la délégation aux arts plastiques. La diversité des démarches créatrices n'est pas toujours connue et reconnue par les acteurs de l'art contemporain. C'est pourquoi, j'ai souhaité que la délégation aux arts plastiques mette en place un centre de ressources pour les artistes. Il aura pour mission de mieux les informer sur les aides et allocations auxquelles ils peuvent prétendre, ainsi que de leur donner tous les renseignements en matière fiscale et sociale.
Rétablir le dialogue avec les artistes passe aussi par une association renforcée avec eux, pour mieux assurer la transparence des choix artistiques. A titre d'exemple, comme je vous l'avais indiqué, un conseil scientifique constitué d'artistes, a été créé parallèlement à l'association de gestion du Palais de Tokyo, elle même présidée par Pierre Restany ; ce conseil regroupe les artistes suivants : Martine Aballéa, Orlan, Annette Messager, Daniel Buren, Bertrand Lavier, et Alain Jacquet. Il sera consulté sur l'ensemble de la politique artistique et culturelle de l'Association. Quant au Centre de recherche artistique du Palais de Tokyo, dont le but est d'offrir une formation professionnelle à de jeunes artistes, complémentaire à celle offerte par les écoles d'art, il sera dirigé par Ange Leccia.
Par ailleurs, il est indispensable de renforcer notre soutien aux partenaires privilégiés des artistes que sont les galeries et les salons. Leur rôle est essentiel pour accompagner les jeunes artistes en particulier. J'ai souhaité que les aides aux galeries françaises présentes à l'étranger dans le cadre des foires internationales soient accrues, de même que le nombre d'aides à la première exposition pour favoriser le travail de découverte engagé par nos partenaires.
Ces mesures sont d'autant plus appropriées, que l'abaissement à 4,50 % (au lieu de 7 % précédemment) du taux de la taxe forfaitaire sur les plus-values réalisées sur les ventes des galeries est entré en vigueur. Elles contribueront au développement du marché intérieur. Je suis convaincue que la position ferme du gouvernement français pour la mise en uvre la plus rapprochée possible d'une harmonisation fiscale européenne aura des conséquences favorables à l'équilibre du marché de l'art.
Je le souligne à nouveau, le travail mené parallèlement par les salons d'artistes est une force pour notre pays. Je confirme, devant vous, mon engagement à leur apporter des aides complémentaires, au titre du prochain budget, pour faciliter leur accueil sur d'autres sites, le quai Branly devenant indisponible du fait du lancement des travaux du futur musée.
Afin de sensibiliser plus largement les publics à l'art contemporain, la délégation a renforcé et diversifié les actions permettant un rapprochement entre les artistes et la population.
Je ne peux que me féliciter de la contribution active des Frac et des centres d'art pour atteindre les objectifs de la politique de démocratisation culturelle. Leurs moyens seront, dès cette année, accrus. Près de 90 postes de médiateurs, la plupart chargés des publics, ont été créés au titre du programme " nouveaux-services, nouveaux emplois ". Ces emplois-jeunes ont permis de développer de nombreux services pédagogiques et des publics, et d'optimiser l'action des lieux d'art contemporain. Le chiffre de 150 emplois devrait d'ailleurs être atteint fin 2000. La délégation aux arts plastiques a parallèlement défini des programmes pluriannuels de formation pour ces emplois jeunes. Je constate que la qualité du travail mené, conjugué à un effort constant en matière de prospection et de soutien à la diffusion du patrimoine contemporain, se mesure par l'augmentation de la fréquentation de l'ensemble des institutions d'art contemporain.
Le développement de plusieurs Frac, qui entrent dans une phase importante de leur histoire, comme le Frac Pays-de-la-Loire à Carquefou, l'Espace d'art moderne et contemporain à Toulouse, le Frac Lorraine à Metz ou encore le Frac Centre à Orléans, permettra de renforcer cet objectif en faveur des publics.
L'application de la convention signée entre le Ministère de l'Education nationale, de la recherche et de la technologie et mon ministère a également permis de renforcer les liens entre les établissements scolaires et les institutions culturelles. C'est pour compléter cette action que j'ai proposé la création des centres de formation de plasticiens intervenants.
Quatre centres sont programmés pour la rentrée 2000-2001, l'un au sein de l'école nationale de Bourges et les trois autres dans des écoles municipales : Amiens, Marseille et Strasbourg. Au total, une centaine de plasticiens pourront suivre cette formation qui leur sera très utile pour contribuer aux programmes des ateliers d'expressions artistiques mis en uvre dans les lycées.
La collaboration visant à encadrer et bonifier les pratiques amateurs, entre les associations d'éducation populaire, et les professionnels de l'art contemporain est une évolution positive qui favorise l'accès d'un plus grand nombre de nos concitoyens à la connaissance de l'art contemporain.
La démocratisation culturelle de l'accès et des pratiques de l'art contemporain se concrétise aussi par la présence de l'art dans l'espace public. Les efforts conjugués des collectivités locales et de l'Etat se sont considérablement accrus ces derniers mois comme le montre l'important programme de commandes publiques lié à l'implantation de tramways dans plusieurs grandes villes : Nantes, Montpellier, Orléans, Rouen, Strasbourg. Il en est de même pour le projet exemplaire de design urbain intitulé " Mobilier Route " conçu par le designer Maarten Van Severen, pour l'aménagement des voies d'accès du Pont du Gard et l'accueil du public.
Je souhaite qu'entre l'art qui investit l'espace, et l'architecture qui le modèle, une coopération plus affirmée s'instaure.
C'est le nouvel axe de travail de la délégation aux arts plastiques en matière de commande publique qui s'inscrit dans une perspective plus urbaine et plus conforme aux priorités gouvernementales. C'est aussi dans cette perspective que s'inscrit le projet de parc de sculptures du Jardin des Tuileries dont la deuxième phase permettra de présenter, dès le mois de mai prochain, la diversité des courants contemporains de la création. Elle regroupera notamment des artistes majeurs comme Giuseppe Penone, Lawrence Weiner, Carl André, François Morellet, Daniel Dezeuze et Louise Bourgeois.
L'autre ambition du plan de développement des arts plastiques dans notre pays concerne le renforcement des enseignements artistiques. Sur la base du travail de réflexion mené par Monsieur Jacques Imbert, trois priorités ont été définies en faveur des étudiants, des enseignants, et des écoles.
L'application du plan social étudiant a été largement engagée, en particulier à travers la revalorisation des bourses. Une mesure nouvelle de 7,5 MF en 2000 a permis de porter leur montant annuel à 16.000 F, soit une augmentation de plus de 10% en deux ans, alors même que le nombre de boursiers a augmenté de plus de 10% pendant la même période. Au titre des formations, il m'apparaît indispensable de créer de véritables 3ème cycles menant à une validation commune université-culture, comme celui qu'envisage l'Ensba. Dès la rentrée prochaine plusieurs modules de recherches seront en fonction ; ils permettront d'accroître les échanges européens entre les écoles.
L'amélioration du statut et de la carrière des enseignants des écoles nationales a fait l'objet de réflexions de mon administration. Il s'agit aussi de leur donner du temps pour se consacrer à des activités de recherche. J'ai demandé que la concertation avec les représentants du personnel et les partenaires interministériels se poursuive, pour que des propositions soient formulées lors de la prochaine rentrée universitaire. J'ai souhaité que parallèlement, la situation des vacataires enseignants et techniciens des écoles nationales soit améliorée. Le nouveau mode de calcul de leur temps de travail aura une incidence très substantielle sur leur traitement tout en leur donnant une plus grande stabilité.
Le renforcement des moyens alloués aux écoles d'art se poursuivra en 2000. Je rappelle que les subventions aux établissements municipaux sont passées de 81 MF en 1998 à près de 100 MF cette année, soit plus de 20 % d'augmentation. L'intervention de l'Etat dans le financement des écoles n'est pas fondée sur des clés de répartition a priori, mais tient compte de leur ouverture au monde de l'entreprise, des liens qu'elles tissent avec l'université et de leur rôle de médiation au sein des villes. J'insiste aussi sur leur capacité à mettre en uvre les cursus de 3ème cycle que j'évoquais il y a quelques instants.
Ce sont d'ailleurs tous ces critères de mise en uvre qui ont été retenus dans le cadre des négociations des contrats de plan Etat-Régions. Plus d'une quinzaine de régions ont inscrit cette action, permettant ainsi d'accompagner les collectivités locales et l'Etat dans leur effort. C'est une première qui prouve l'intérêt que portent l'ensemble des partenaires à la formation artistique de haut niveau et à son impact économique.
Comme je vous l'avais annoncé, il y a quelques mois, je souhaitais qu'un projet de charte de missions de service public pour les institutions d'art contemporain soit élaboré ; ce document qui figure dans le dossier de presse est la première version que j'ai soumise à l'examen du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. Je laisserai le soin à Guy Amsellem de vous le commenter ; c'est un acte important qui confirme l'engagement de l'Etat en faveur de la création et qui rappelle les fondements de l'intervention publique.
Aujourd'hui comme hier, l'Etat et ses partenaires doivent garantir la liberté de création sous toutes ses formes et prendre en compte le risque inhérent à toute création. Il y a ici ou là des velléités d'entraver cette liberté du créateur, je tiens à dire que celles et ceux qui s'engageront à nos côtés, par le biais de conventions d'objectifs, ne pourront déroger aux principes fondamentaux de liberté d'expression définis par la charte de mission de service public ; si tel était le cas, je demanderais au délégué aux arts plastiques et aux représentants de l'Etat en région de se désengager financièrement. Car face aux menaces exercées sur la création, je ne serai pas une Ministre du compromis, il faut que chacun le comprenne et mesure la portée de ses actes.
Le dernier point que j'évoquerai avec vous, avant de répondre à vos questions, c'est l'enjeu de la modernisation de l'administration du ministère et des structures de pilotage de l'action publique.
J'avais invité Guy Amsellem et ses équipes à mieux intégrer les conséquences de la déconcentration dans l'organisation de la délégation aux arts plastiques et du centre national des arts plastiques. Le nouvel organigramme qu'il a conçu, actuellement en cours d'approbation par le ministère de la fonction publique, a pour objet de mieux positionner les fonctions de conception et d'évaluation des politiques publiques. Il remet l'artiste et les publics au cur des préoccupations de l'administration ; une meilleure attention est accordée à la complémentarité entre les services administratifs et l'Inspection.
Cette évolution de la délégation s'accompagne d'un projet de réforme de l'établissement public du Centre national des arts plastiques. Une concertation approfondie a été engagée avec les personnels et les administrations concernées. Tout doit être fait pour valoriser les services du CNAP à commencer par les manufactures nationales.
Lors de notre dernier rendez-vous à Tours, j'avais ouvert les grands chantiers pour l'an 2000 en confiant le soin à Guy Amsellem de mener toutes ces réflexions et de définir des propositions d'actions. Je viens de vous présenter ce que je considère comme la première étape du programme de consolidation et de développement du secteur des arts plastiques. Il y en aura d'autres, elles nécessitent des moyens complémentaires et constitueront une priorité budgétaire en 2001.
La vie culturelle de ce pays prend sa source dans la création, les artistes plasticiens y contribuent avec originalité et talent, ils renouvellent les formes d'expression artistique et nous apportent une grande part d'invention et d'imagination qui caractérise notre culture.
J'ai le sentiment qu'ensemble nous sommes en train de réussir un pari particulier à notre pays que d'aucuns croyaient impossible, celui de redonner à la création contemporaine une véritable ambition, en consolidant les acquis et en la dotant des moyens d'une dynamique de développement. C'est l'objectif qu'il nous faut poursuivre avec l'aide de tous nos partenaires.

(source http://www.culture.gouv.fr, le 11 février 2000)