Texte intégral
J'ai été heureux d'entendre Gilles de Robien, les trois présidents de groupe et le nouveau président des jeunes.
Je suis très heureux de votre présence.
Naturellement ces Universités d'été sont marquées. Nous avons beaucoup de joie à être ensemble. Il y a du bonheur dans nos rangs, il y a beaucoup d'envie de vaincre, mais aucun d'entre nous n'oublie, et nous en avons souvent parlé pendant ces jours, l'angoisse des uns, je pense aux otages en Irak, je pense aux otages français, mais je n'oublie pas les autres.
J'ai été, moi aussi, très heureux du sentiment d'unité profonde qui s'est formé dans notre pays entre les différents responsables politiques, entre les différentes familles politiques, entre les différentes familles spirituelles, religieuses, philosophiques.
Nous espérons tous un dénouement heureux. Si celui-ci intervient, cette unité aura été pour beaucoup dans l'issue de ce drame.
Mais, otage pour otage et drame pour drame, j'imagine que tous les Français et d'ailleurs tous les habitants de la planète ayant accès à l'information sont profondément marqués par ce qui s'est passé en Ossétie du Nord.
J'entendais ce matin le bilan, c'est plus de 400 morts et 700 blessés et, parmi les morts, des centaines d'enfants et de jeunes enfants.
Tout le monde voit bien que cette violence, ce mépris pour la vie humaine sont une espèce d'injure à l'idéal que toute l'humanité porte ou prétend porter.
Tout le monde sent bien que, de ces drames-là, on ne pourra sortir que par des démarches politiques nouvelles.
Je le dis en pensant à ces centaines d'enfants qui ont laissé leur vie dans cette prise d'otages et dans cet assaut. Il nous revient, il revient aux responsables politiques d'Europe et à leurs voisins, à la fois de manifester la solidarité la plus ferme en face du terrorisme, des prises d'otages, quelles qu'elles soient, et en même temps de rechercher les démarches politiques nouvelles qui permettront que ces drames ne se reproduisent plus.
Nous avons, hier, respecté une minute de silence. Je veux que nous ayons une pensée aujourd'hui pour ces familles déchirées et ces vies à jamais blessées.
Voilà pour le climat, le contexte dans lequel nous avons vécu ces journées.
Puis, j'ai été très heureux que les jeunes démocrates nous organisent la 29ème Université d'été. Je crois en avoir fait 28 sur 29, je dois être à peu près le recordman dans cette assemblée et la seule que je n'ai pas faite, c'est parce que j'étais à l'hôpital, donc j'avais une bonne excuse.
Les Universités d'été ont été inventées, vous n'étiez pas nés, par les jeunes giscardiens dont Marielle de Sarnez était à l'époque l'animatrice, suivie de près par les jeunes démocrates sociaux dont le président était Yves Pozzo di Borgo.
Cela me donne l'occasion de saluer les anciens présidents des jeunes qui font une si brillante carrière et qui sont là. Je salue à nouveau Jean-Christophe Lagarde et Antony Mangin. J'espère que, dans cette brillante série, Arnaud de Belenet va à son tour illustrer, comme il l'a fait avec simplicité, avec chaleur, dans un langage direct, la série des présidents des jeunes de notre mouvement.
J'étais pendant ces journées très fier de l'équipe UDF parce que, pour moi, c'est une préoccupation de tous les instants que de voir apparaître et se manifester et se former devant l'opinion une équipe.
Je me souviens très bien de l'enjeu que représentait, il y a 2 ans à peine, la formation d'un groupe à l'Assemblée nationale.
C'était une question de vie ou de mort.
Puis, grâce à la ténacité, à l'engagement, à la fidélité des députés élus, nous avons pu former un groupe à l'Assemblée Nationale et il me semble que, depuis ces deux ans, on a " parfois " entendu parler de ce groupe.
Mais cette présence à la tribune de l'Assemblée, à la tribune du Sénat, à la tribune du Parlement européen, c'est la condition même, pour une formation politique, de son lien avec l'opinion.
Je suis très fier que cette équipe monte en puissance.
Je suis très reconnaissant à l'engagement et au talent, à la qualité humaine de tous ceux qui la forment et, naturellement les parlementaires, naturellement les présidents et présidentes de groupe, jouent un très grand rôle dans le caractère soudé de cette équipe.
Cette équipe est différente de toutes les autres équipes politiques françaises. Cette différence va être un élément très important du choix que les Français vont devoir faire dans les années qui viennent, car au fond, cette Université d'été ouvre un nouvel acte politique, un nouveau cycle politique, c'est le cycle du choix des Français.
Désormais, on voit bien qu'on est à la moitié de la mandature.
Les deux années et demi qui viennent vont servir à préparer le choix des Français et celui-ci se formera sur trois éléments : premièrement, les personnalités, cela compte, qui porteront cette proposition, deuxième élément : le projet et, troisième élément : l'équipe.
Les Français, entre l'UMP, le PS et l'UDF, vont avoir à prononcer leur choix. C'est eux qui choisiront et leur rôle, Gilles de Robien a évoqué à l'instant le meilleur service que les formations politiques principales puissent rendre aux Français, c'est de leur offrir un véritable choix.
Et bien, tel est notre rôle.
Je disais que cette équipe ne ressemble à aucune autre et je sais pourquoi, pour l'avoir éprouvé. Toutes les équipes politiques françaises, celle de l'UMP, celle du PS, la nôtre, sont faites de gens de talent, d'intelligence, il y en a beaucoup. Mais la nôtre a un plus : c'est le caractère.
En ayant traversé différentes étapes politiques, j'ai appris que le caractère était la principale qualité politique ; l'intelligence, cela compte, la séduction, cela compte, le dynamisme, cela compte, mais le caractère c'est le principal parce que c'est dans les tempêtes que l'on voit les hommes et les femmes.
Dans cette équipe, il y a Gilles de Robien ; je n'ai pas oublié la gratitude que je lui dois pour avoir dirigé, porté, la campagne présidentielle que nous avons faite ensemble et je sais très bien que ce n'est pas facile d'être ministre et UDF en même temps.
Ce n'est pas facile d'être ministre aujourd'hui et UDF en même temps parce que la liberté de parole nouvelle que nous avons introduite comme style politique dans le débat fait que nous nous sommes donnés la liberté de critiquer quand les décisions nous paraissaient critiquables et de dire : "C'est bien quand c'est bien et c'est mal, quand c'est mal ".
Le jour où l'on dit : "C'est bien ", naturellement on l'entend moins, mais le jour où l'on dit : "C'est mal ", ce jour-là, on a, quand on est au gouvernement, le sentiment que c'est un peu rude.
Je vous le dis, il faut que ce soit rude, si c'est vrai et je le dis à Gilles en sachant que c'est parfois inconfortable, mais si je jette un regard rétrospectif sur l'année que nous venons de vivre et si j'énumère la liste des sujets sur lesquels nous avons dit : "On se trompe ", et je sais qu'on avait raison en disant que l'on se trompait sur la répartition des baisses d'impôts, que l'on se trompait en augmentant le gasoil qui était le carburant de ceux qui travaillent, que l'on se trompait en supprimant l'allocation de solidarité pour les chômeurs en fin de droits, que l'on se trompait en ayant un conflit inutile dans le monde de la recherche.
Ces quatre sujets, le Président de la République lui-même, lorsqu'il s'est exprimé après les élections régionales, a dit que c'étaient quatre erreurs.
Qui était loyal et fidèle ? Qui était engagé et franc ? Ceux qui disaient : "On se trompe " quand l'erreur se préparait ou ceux qui, béni oui-oui, applaudissaient à quelque chose dont on voyait que cela allait être une erreur et une embûche ?
En disant attention, quand l'obstacle approchait et que l'erreur était de plus en plus présente, nous rendions service à la majorité ou plus exactement nous aurions rendu service à la majorité si on avait bien voulu nous écouter.
Et donc cette franchise dans la parole, quelquefois même cette rudesse dans le propos, c'est pour nous un gage d'authenticité et de l'idée d'intérêt général que nous avons à défendre et à suivre.
Alors je veux dire aussi à Gilles de Robien combien j'apprécie l'amitié et l'engagement permanent qui, de sa place au gouvernement, sont les siens à l'intérieur de notre mouvement non seulement parce qu'il ne manque jamais de rendez-vous, mais parce qu'il est présent et actif dans ces rendez-vous.
C'est une grande qualité politique et permettez-moi de le dire, c'est une grande qualité humaine.
C'est un travail de tous les jours que nous conduisons ensemble. Je veux vous dire ceci, cette équipe, je sais qu'elle aura à occuper de grandes responsabilités dans l'avenir du pays.
Je sais que chacun de ses membres aura un jour, j'espère prochain, l'occasion d'exercer son service dans les grandes fonctions qui sont celles de la République.
Et je sais qu'ils ont, chacun d'entre eux, les qualités pour cela, mais l'exercice de ces fonctions ne pourra être valablement assumé que lorsque le pays aura choisi son orientation.
En tout cas, c'est ma conviction profonde.
C'est au fond sur ces points-là que je voudrais conclure cette université d'été, après le conseil national d'hier après-midi.
Voyez-vous, je suis habité par l'idée qu'aujourd'hui, dans les mois et les années qui viennent, la France va choisir son destin.
Aujourd'hui, dans les mois et les années qui viennent, un nouveau cycle politique s'ouvre.
Aujourd'hui, dans les mois et les années qui viennent, le pays va entrer dans une nouvelle période de son histoire et tous les indices que nous voyons, y compris autour de nous, le montrent parce que les questions qui se posent sont nouvelles et parce que les réponses à apporter sont nécessairement nouvelles.
Je voudrais, avec vous, regarder quelques-unes de ces réponses.
La première a été abordée.
Quand on voit la situation de la démocratie française aujourd'hui, Marielle de Sarnez en a parlé, Hervé Morin en a parlé, Michel Mercier également, on se trouve devant une interrogation française, qu'aucun des autres pays qui nous entoure n'a affrontée.
Nous vivons dans un pays dans lequel l'instabilité politique depuis 30 ans est devenue la règle.
Or l'instabilité politique empêche l'action de réaliser, sur le long terme, les réformes nécessaires.
Il y a plus d'un quart de siècle en France que chaque élection a donné lieu au renversement de ceux qui étaient en place pour les remplacer par les opposants alternativement droite et gauche.
La même insatisfaction quel que soit le camp au pouvoir. La même distance de l'opinion, la même réticence des Français. La même rage et colère qui s'exprime de manière désordonnée dans les urnes et chaque fois un coup de balancier d'un bord et de l'autre
Et parfois, comme en 2002, en prenant des formes qui stupéfient le monde, et chaque fois le diagnostic est excellent. Je me souviens de ceux qui disaient que la France d'en bas n'y trouvait plus son compte. Cette expression résumait un diagnostic qui à mon avis était exact, mais cela n'a pas empêché que se retrouve le fossé entre la France dans bas et les gouvernants ; la France d'en haut.
Ce n'était pas parce que le diagnostic n'avait pas été fait, c'est parce qu'il doit bien exister d'autres causes pour que la démocratie française ne marche pas et que les citoyens aient le sentiment qu'elle se déroule sans eux, loin d'eux, qu'ils n'y ont pas leur place, que leur voix ne peut pas s'y faire entendre et que donc leur adhésion ne peut pas se former.
Je m'arrête un instant sur ce sujet.
Dans les Républiques d'autrefois, on croyait qu'il suffisait d'avoir le pouvoir pour gouverner. On croyait, dans les Républiques d'autrefois (note en bas de page : le Général de Gaulle) que le pouvoir était au fond un chèque en blanc qui était signé une fois tous les cinq ou tous les sept ans, qu'il suffisait de l'exercer et que l'on revenait à l'échéance devant les signataires du chèque qui vous renouvelaient leur confiance, leur bail ou au contraire le retiraient. On croyait que la République et la démocratie, c'était cela.
Je voudrais attirer votre attention sur ce sujet. Ce n'est plus comme cela que les choses marchent.
Dans les démocraties nouvelles où nous sommes entrés sans bien nous en rendre compte, il ne faut pas seulement être titulaire du bail, il faut avoir, pour changer les choses, la confiance des citoyens.
Vous souvenez-vous que nous avons mené des batailles sur ce sujet autour de Raymond Barre en particulier. Je dis confiance et, confiance, pour moi, ne signifie pas toujours approbation. Les citoyens comprennent que les gouvernements peuvent leur proposer des efforts, ils savent qu'il est naturel qu'en face des efforts, parfois, l'on regimbe, mais il y a une chose qu'ils veulent, c'est qu'on leur dise la vérité.
Je suis entrain de réfléchir au style politique qui doit être le nôtre, les citoyens ne demandent pas qu'on leur fasse plaisir, ils ne demandent pas des démagogues, ils veulent, avec certitude, être assurés qu'en face d'eux il y ait des responsables politiques qui leur disent la vérité ou, à tout le moins, leur vérité.
Ils ne demandent pas de la communication pour dorer la pilule, ils demandent la vérité comme elle est et la vérité crée la confiance.
Et bien cette absence de confiance, depuis des années, vient à notre avis de ce que notre démocratie ne marche pas bien. Nos institutions ne sont pas bien équilibrées et la première tâche, si l'on veut trouver une orientation nouvelle pour la France, les changements nécessaires pour qu'elle trouve ce chemin de confiance, la première tâche, c'est de changer la démocratie et ses institutions.
C'est le message qui était entendu tout au long de cette Université d'été et j'ai noté avec intérêt que c'était désormais un message qui trouvait de l'écho dans toutes les familles politiques françaises.
J'ai entendu que Jack Lang vient de publier un livre dans lequel il appelle à un changement de République. Je ne suis pas sûr que ce soit le numéro de la République qui compte.
Je pense, Hervé Morin l'a dit, qu'un changement profond de la Ve République est une réponse parce que, au fond, sans vouloir faire un court de droit constitutionnel, j'ai deux professeurs de droit constitutionnel qui sont deux présidents de groupe derrière moi, Michel Mercier et Hervé Morin, la Ve République, au fond, c'est l'élection du Président de la République au suffrage universel et je pense que c'est bien que les Français aient la liberté, une fois tous les cinq ans, de changer le paysage politique en choisissant le Président de la République qui va inspirer une politique. Certains veulent que l'on renonce à l'élection du Président de la République au suffrage universel.
Je suis sûr que les Français ne l'accepteront pas. C'est un pouvoir et une liberté qu'ils ont et qu'ils garderont envers et contre tous parce que c'est leur vraie dimension de citoyens qui s'exprime dans ce scrutin, mais une fois que l'on a dit cela, on voit très bien les changements qu'il faut apporter. Et le principal changement qu'il faille apporter c'est que le parlement soit désormais doté de la liberté, de l'indépendance, de l'autonomie nécessaire pour jouer pleinement son rôle de législateur et de contrôle du pouvoir et cela ne peut se produire que si l'on donne au parlement, par un nouveau mode de scrutin, une nouvelle liberté à l'égard du pouvoir exécutif, ou du moins par un nouvel équilibre des modes de scrutin.
Et donc, nous allons faire des propositions en ce sens. Simplement, notons que tous les autres pays européens, à la seule exception de la Grande-Bretagne, ont fait ce choix et que notamment en Allemagne l'équilibre dont nous avons parlé hier après-midi entre les représentants des territoires et les représentants des grandes familles politiques ou des grands secteurs de l'opinion, est établi et donne à ce pays la crédibilité des institutions nécessaires.
Le débat public en Allemagne n'est mis en cause par personne.
C'est d'ailleurs le cas aussi en Espagne, c'est d'ailleurs le cas en Italie, on peut faire le tour d'Europe, c'est le cas dans tous les pays du Benelux c'est le cas dans tous les pays scandinaves. On peut faire le tour d'Europe pour voir que les règles de fonctionnement de la démocratie ailleurs satisfont les opinions et donnent au pouvoir la stabilité nécessaire.
Voilà pour le premier sujet.
On a parlé, à cette tribune, de dialogue. Gilles, tu as parlé de dialogue à l'intérieur de la majorité, je le comprends.
Pour moi, le dialogue doit être ouvert. Je suis prêt, nous sommes prêts à rencontrer, sur cette question du changement de nos institutions, toutes les forces politiques démocratiques françaises pour en discuter avec elles sous forme de colloque, Hervé Morin en organisera un à l'automne, ou sous forme de dialogue pour que, ensemble, nous puissions définir les conditions nouvelles qui permettront à la démocratie française de trouver son équilibre et sa vérité parce que nous considérons que ce genre de sujet ne doit pas opposer les Français, camp contre camp.
Ce sont des sujets qui doivent permettre de réunir les familles politiques au-delà des frontières classiques.
Et bien, au moins, parlons-en puisqu'on voit les changements qui interviennent, on voit de nouvelles générations arriver aux responsabilités, on voit des pratiques politiques différentes s'établir.
Je songe en particulier au climat différent qui va être créé avec le changement de président à la tête de l'UMP.
Dans les relations que nous devons avoir, respectueux de nos différences, dialoguons et posons avec toutes les grandes familles politiques, celles de la majorité comme celles de l'opposition, les questions qui tiennent à la démocratie française, à ses règles du jeu et à nos institutions et naturellement, si le Président de la République souhaite rencontrer sur ce sujet les responsables des formations politiques puisque le débat est en train de naître, je me rendrai à son invitation, avec plaisir, pour défendre devant lui les changements nécessaires dans la démocratie française.
Voilà la première des conditions nécessaires pour que la France retrouve son chemin : des institutions différentes.
Il y a une deuxième condition sur laquelle je voudrais m'arrêter maintenant, c'est le besoin d'une vision.
Le peuple français et l'opinion politique française sont dans une lourde interrogation sur leur destin.
Cette interrogation, on voit bien qu'elle est provoquée en partie par l'évolution de la mondialisation, de la globalisation.
Le sentiment qu'il existe un mouvement irrépressible, inéluctable dont ils aperçoivent l'énergie, mais dont ils craignent qu'il menace un certain nombre d'éléments du contrat social qui faisait de la France, la France et, de l'Europe, l'Europe.
Chacun d'entre eux relie cela à l'entreprise qui ferme dans son canton ou au service public qui, dans un quartier des villes, disparaît ou à l'intégration qui n'est pas assumée.
C'est à cette question-là qu'il faut répondre et on ne peut y répondre que par une vision globale.
Je voudrais vous donner les éléments, à mes yeux, de cette vision, les questions principales qui se posent et dont certaines d'entre elles sont urgentes.
Le premier élément de cette vision, c'est l'idée que nous nous faisons des rapports économiques et sociaux dans notre pays, dans notre Europe et dans le monde, je pense qu'une formation politique majeure doit apporter au citoyen une lecture de ce mouvement de délocalisations.
On a vu hier soir des représentants du Tiers-monde, des représentants des pays africains qui nous ont expliqués, nous le savons bien, que, sans la création de nouvelles activités chez eux, ils vont mourir.
Il faut que nous comprenions cela.
Ce déséquilibre entre le nord et le sud ne menace pas seulement le sud dans sa pauvreté, il menace aussi les pays riches dans leur richesse, dans leur aisance, dans leur démographie déclinante, dans leur incapacité à assumer la jeunesse de leur pays, dans le vieillissement des populations.
Il n'y a pas d'exemple dans l'histoire des pays riches et vieux qui aient pu se tenir à l'abri de pays jeunes et pauvres et naturellement ; il y aura mille manifestations de cette pression, je parle à destination de ceux de nos compatriotes qui seraient sans idéal, purement cyniques et intéressés.
Le développement du Tiers-monde, ce n'est pas seulement une affaire de générosité, à supposer qu'il y ait des gens qui ne soient pas généreux, ce que je ne crois pas. Le développement du Tiers-monde, c'est une affaire aussi pour nous.
Nous devons y porter autant d'attention et autant de soin que nous sommes idéalistes et généreux ou que nous sommes égoïstes et intéressés.
Tout y conduit. Naturellement, tout cela a des implications en matière d'aide au développement et cela a aussi des implications en matière de réflexion sur les délocalisations.
Ce serait un démagogue celui qui promettrait d'interrompre le mouvement de délocalisations pour concentrer l'activité dans les pays riches où elle se trouvait déjà.
Mais parlant avec le Tiers-monde, parlant avec ceux qui réfléchissent aux règles qui régissent l'économie mondiale, et Hervé Morin, à très juste titre, a parlé de régulation, parlant avec eux, nous avons le devoir de leur dire que nous avons aussi la responsabilité de l'équilibre de nos sociétés.
Qu'une société comme la société française, qu'une société comme la société européenne ne peut pas se satisfaire de l'idée que toutes les activités économiques qui fournissent du travail se déplacent, quittent nos pays et se retrouveraient désormais ailleurs et que, donc, il y a un équilibre à trouver, cet équilibre se définit par la volonté des pays développés de voir le Tiers-monde accéder à un tissu industriel, à un emploi, sans en avoir à subir des contraintes insupportables et en même temps, de garantir que les pays développés que nous formons ne verront pas l'emploi industriel, en particulier, disparaître complètement de leur tissu social.
Cet équilibre-là, je vous demande d'y réfléchir parce que ce sera un réglage difficile, il va être au cur des réflexions politiques non pas seulement dans notre pays, mais je le vois par exemple dans la campagne présidentielle américaine, dans tous les grands ensembles politiques de la planète.
Il ne s'agit pas de lutter contre les délocalisations, comme les démagogues disent, il s'agit de réfléchir à l'équilibre dans lequel nos sociétés et les sociétés en voie de développement doivent trouver un accord pour que le travail soit harmonieusement réparti sur la planète.
Les uns défendant une société avec un tissu et des accords sociaux, un équilibre social, et les autres accédant au développement et à l'emploi.
Réfléchissons à cette conséquence, cet équilibre ne pourra être trouvé que s'il y a, régissant la globalisation, une régulation politique.
Vous voyez que cela signifie à la fois que nous savons que l'économie de marché est porteuse d'énergie, indispensable et qu'il n'y a pas d'autre solution, mais qu'il y a, face à cela, une voix politique qui s'exprime, une voix politique capable de se faire entendre à l'échelle de la planète.
Ce n'est pas à l'intérieur de nos frontières que nous allons traiter du mouvement de globalisation. La question est de savoir s'il y a, quelque part dans cet univers, une table ou des décideurs politiques ont une voix assez forte pour faire entendre cette double exigence des peuples, une civilisation à défendre d'un côté, un développement à assurer de l'autre.
Et, dans l'interrogation de chacun de nos concitoyens devant l'usine qui ferme, devant les menaces sur les 35 heures, devant le bureau de poste qui est arraché, il y a cette question. Pour nous, elle est cruciale et c'est à cette échelle que nous avons l'intention de proposer une vision.
Nous y travaillons depuis des mois avec Jean Arthuis en particulier, Michel Mercier en parlait. Cette vision nous conduit à dire qu'il faut que nous ayons en France une autre réflexion sur notre protection sociale.
(Source http://www.udf.org, le 16 septembre 2004)
La protection sociale est indispensable, mais la question de son financement est posée.
Parce que si l'on y réfléchit une seconde, en France, le financement de la protection sociale ne repose que sur le travail et on a bien connu cela dans l'histoire séculaire fiscale de notre pays. Je vous propose cette histoire pour que l'on y réfléchisse.
Il y a eu un temps où l'on allait chercher un moyen simple et juste de répartir les impôts et quelqu'un s'est avisé un jour qu'il y avait un moyen simple et juste qui était de compter sur les habitations de chacun les portes et les fenêtres.
Les portes et les fenêtres disait-on, cela ne peut pas se dissimuler, cela se compte aisément et c'est socialement juste puisque normalement les riches ont beaucoup de portes et de fenêtres et les pauvres en ont très peu.
Et on a créé un impôt sur les portes et les fenêtres.
Certains en ont entendu parler dans leur livre d'histoire et même peut-être par la tradition orale.
Qu'est-ce qui est arrivé ?
On a créé l'impôt, 10, 20, 30 ans ont passé et les portes et les fenêtres ont commencé à disparaître.
On a muré, mais il y a encore des traces dans le paysage de nos villages. On s'est mis à murer les portes et les fenêtres pour payer moins d'impôts.
C'est une image, c'est un sourire, mais il y a quelque chose là-dedans.
Si vous faites reposer tout le financement de la protection sociale sur le travail, vous allez voir que le travail va avoir tendance à s'en aller.
Il me semble que nous sommes aujourd'hui devant une situation de cet ordre et que la question du financement de la protection sociale est une question qui met devant nous un défi sur la place du travail dans la société française.
Nous avions d'ailleurs, fort de cette réflexion, proposer une solution pour les 35 heures, qui repose sur le même principe, qui était celle-ci : puisqu'il y a, nous le savons tous, un problème des 35 heures qui a d'ailleurs été un des éléments de la chute de M. Jospin et du gouvernement socialiste et de leur échec électoral, et que tous les Français attendaient qu'on apporte une réponse, nous avions proposé de creuser cette idée : gardons les 35 heures comme seuil légal, libérons les heures supplémentaires, conservons la prime que le salarié touche quand il travaille une heure de plus, ne la diminuons pas, mais défalquons cette prime des charges sociales que l'entreprise doit sur le travail, de manière à obtenir l'effet suivant :
Premièrement, le travail est revalorisé pour le salarié,
Deuxièmement, il ne coûte pas plus cher à l'entreprise et nous pensions même, cela demande à être vérifié, qu'en proposant cette idée nous ne diminuions pas le financement de la protection sociale puisque nous croyons que des heures de travail se créent - qui ne sont pas créées aujourd'hui.
Vous voyez bien que tout cela est une réflexion globale, une vision sur l'avenir. Nous avons à proposer des réponses à ces questions, et non pas comme des réponses isolées, comme des mesures comme l'on dit, mais reliées entre elles pour que les citoyens y trouvent une logique et une réponse.
Cette vision est marquée d'un élément que, me semble-t-il, nous sommes les seuls à pouvoir réclamer devant l'opinion publique, c'est qu'en défendant cette vision, nous ne défendons pas des intérêts particuliers, nous défendons l'intérêt général. Nous ne défendons pas l'intérêt d'une classe au détriment d'une autre, nous défendons l'intérêt de la société française et nous plaçons notre action sous le signe de la justice.
Tout à l'heure, Gilles de Robien a dit quelque chose à quoi j'adhère.
La justice, ce n'est pas seulement la solidarité, cela compte, c'est essentiel même, je pense que nous sommes des solidaristes. La solidarité dans mon esprit s'opposant à l'assistance dont les socialistes sont les défenseurs.
La solidarité, c'est actif, cela demande l'engagement, mais la solidarité n'est pas tout, la justice, cela doit être aussi de récompenser ceux qui ont fait des efforts particuliers et obtenu des réussites exceptionnelles. Ils sont aussi des bienfaiteurs de l'humanité, mais il est très important, dans cette vision que nous allons proposer aux Français, que la justice soit le point commun et la référence de toute la réflexion que nous conduisons.
J'ai manifesté beaucoup de réserves quand le gouvernement a fait les choix qu'il a fait en matière de baisses d'impôts parce que je trouvais qu'il y avait à redire en termes de justice.
La Cour des Comptes vient de publier un rapport que je vous invite à lire et qui dit ceci : les baisses d'impôts ont bénéficié, pour 65 % de leur montant... au 10 % les plus riches de la population et pour la moitié de cette somme, un tiers du montant total des baisses d'impôts votées par le gouvernement, au 1 % le plus riche de la population française.
On a prétendu que les baisses d'impôts étaient universelles, mais enfin elles étaient plus universelles pour certains que pour d'autres.
Il y a là une interrogation à laquelle il me semble que nous devons réfléchir.
Le gouvernement que nous appelons de nos vux, l'orientation politique que nous voulons, c'est une orientation politique et des décisions qui ne seront pas soupçonnables en termes d'équité et de justice.
Les Français sont près à suivre une politique de réformes, à condition qu'ils aient la certitude que cette politique de réformes est inspirée par la justice et qu'elle n'y dérogera jamais. Nous voulons être les porteurs de cette justice et de la politique qui en garantira l'application aux citoyens.
Il y a notamment dans cette affaire l'intégration dont Hervé Morin a très bien parlé et sur laquelle il faudra que nous réfléchissions. Il y a eu des stratégies américaines de discrimination positive. Ont-elles réussi ou pas ? Cela va être des débats très importants pour nous. Quelle forme peut-on donner à une politique active de l'intégration en France, pas une politique des vux pieux, mais une politique active ?
Dernier point : naturellement, dans cette interrogation sur la globalisation au quotidien, sur la globalisation à l'échelle du quartier, de la ville ou du canton, nous parlerons aussi d'environnement. Il y a me semble-t-il une grande réflexion à conduire sur l'énergie.
L'effet de serre d'un côté, l'épuisement des ressources que l'on appelle fossiles, du pétrole ou du charbon de l'autre, qui est à quelques années... 50 ans peut-être, c'est-à-dire demain matin, et l'on n'a pas, même pas avec le moteur à hydrogène dont ont rêve, de réponses à cette question, nucléaire, effets de serre, économies d'énergie, énergies alternatives, éolienne ou solaire, il y a une responsabilité nationale et européenne sur ce sujet.
J'en arrive à ma conclusion.
Dans cette vision, le chapitre premier, c'est l'Europe parce qu'une voix qui peut parler à l'échelle de la planète, à l'échelle d'une régulation planétaire, cela ne peut pas être la voix d'un Etat national à l'échelle qui sont les nôtres.
On a essayé et on a vu notamment dans l'affaire irakienne que la voix des États nationaux est souvent dispersée et qu'au bout du compte elle n'est pas entendue, même quand elle a raison.
Et vous vous souvenez de la position solidaire que nous avons choisie dans cette affaire.
En refusant bien des tentations.
Donc, la voix qui peut permettre au citoyen que nous sommes d'être entendu quand les grandes décisions se prennent à la surface du globe, cela ne peut être qu'une voix européenne.
Mais à condition que l'Europe existe.
Depuis 50 ans, nous avons conduit cette politique, tous les gouvernements successifs et des hommes aussi différents que Valéry Giscard d'Estaing ou François Mitterrand ont pris leur part dans cette construction-là, cela a été une grande ambition française pour reprendre les mots qu'Alain Duhamel a donnés en titre à l'un de ses livres : l'Europe a été une grande ambition française.
Aujourd'hui, elle est à son heure de vérité parce qu'on a la Constitution, et le débat sur la Constitution et elle est à son heure de vérité parce qu'il y a la réponse à la question de l'adhésion de la Turquie.
Traitant de cette question, nous pouvons le faire parce qu'il n'y a pas dans notre esprit la moindre once de discrimination qui tiendrait à la religion, à je-ne-sais-quoi, à des considérations d'identité ou ethniques.
Nous avons, je crois, suffisamment montré à chaque échéance que cela nous était non seulement étranger, mais irréductiblement étranger.
Mais la question de l'adhésion de la Turquie à laquelle nous allons avoir à répondre dans les semaines qui viennent est la question même de la nature de l'Europe.
Cette question crée un rendez-vous et ce rendez-vous est marqué du signe de l'urgence.
C'est le 6 octobre, en principe, dans moins d'un mois, que la Commission va rendre sa proposition sur l'ouverture de négociations pour l'adhésion de la Turquie et c'est dans le trimestre qui vient, avant le mois de décembre, qu'il faudra apporter une réponse à cette question-là.
Et bien, ceci ne peut pas nous laisser indifférent.
Nous ne pouvons pas être spectateurs de la décision qui va se prendre parce que nous assistons à une vaste mascarade, à un jeu de masque, à la fois dans la vie politique française et dans la vie politique européenne.
Le parti gouvernemental, l'UMP, prétend qu'elle est opposée à l'adhésion de la Turquie, mais le gouvernement qu'elle soutient et le Président de la République sont les principaux acteurs de cette décision et les principaux soutiens de l'adhésion de la Turquie. Il faut que les masques disparaissent et que l'on sache désormais où sont les convictions et que celles-ci soutiennent des décisions.
Nous vivons en régime parlementaire.
Si vraiment la majorité de l'Assemblée nationale est, comme nous, décidée à ce qu'une décision claire soit prise en matière d'adhésion de la Turquie, elle a tous les moyens de l'imposer au gouvernement.
S'il y a une liberté d'expression des parlementaires à l'égard du gouvernement comme nous souhaiterions que ce soit le cas, les parlementaires ont tous les moyens de faire entendre au gouvernement la voix qui leur paraît la plus juste pour l'avenir, tous les moyens institutionnels. Il n'y a pas besoin de changer la Constitution pour cela.
Et bien je demande que ce débat s'ouvre devant le pays.
Une fois que la décision d'ouverture des négociations avec la Turquie aura été prise, il n'y aura aucun moyen de revenir en arrière et tout ce que l'on vous dira sur ce sujet sera mensonger.
J'entends déjà les voix qui vont dire : mais c'est prématuré ? Mais de quoi vous inquiétez-vous ? Il faudra de longues années pour que ces négociations aboutissent.
La vérité est que cette décision est irréversible et que le jour où les négociations s'ouvriront, on dira en même temps que ces négociations se concluront.
Cinq ans, sept ou huit ans, mais la décision sera acquise et cette décision change la nature de l'Europe parce que nous qui avons défendu et ses principes d'organisation et les transferts de souveraineté et la création d'une monnaie européenne et la Constitution que nous allons voter, nous savons que ces décisions sont dénaturées à partir du moment où une adhésion que je considère contre-nature ferait que l'Europe n'aurait plus ni identité ni volonté.
Alors, je comprends très bien sans vouloir offenser personne que les États-Unis soient des acteurs vigoureux de cette adhésion, parce que cela garantit que la volonté politique européenne n'existera plus.
Je comprends très bien que ceux qui ont toujours été contre l'idée d'une union politique de l'Europe le manifestent encore en soutenant activement l'adhésion de la Turquie mais nous, Français, et singulièrement nous Européens, en France, qui avons conçu ce projet politique, nous devons être capables d'ouvrir sur ce sujet un débat national, un débat urgent, unité de temps, unité de lieu, unité d'action comme l'on disait autrefois lors du théâtre classique. Nous avons trois mois pendant lesquels la France va répondre à la question de son avenir européen et c'est d'autant plus important. Notre conviction est que si l'on n'apporte pas une réponse claire et franche sur ce sujet, alors la ratification de la Constitution européenne est mise en cause, est mise en danger et nous ne voulons pas l'accepter.
Vous voyez les rendez-vous que nous avons devant nous.
Ces rendez-vous répondent tous à cette nécessité d'une vision pour l'avenir, d'une cohérence pour s'adresser aux Français, d'un projet à leur faire partager, d'une société que nous voulons défendre et promouvoir dans l'avenir.
Je suis persuadé que cette nouvelle étape qui s'ouvre est une étape favorable pour nous et je suis heureux que, tous ensemble et sous le soleil, dans cette Université d'été, nous en ayons assuré l'avenir.
Merci à tous.
(Source http://www.udf.org, le 16 septembre 2004)
Je suis très heureux de votre présence.
Naturellement ces Universités d'été sont marquées. Nous avons beaucoup de joie à être ensemble. Il y a du bonheur dans nos rangs, il y a beaucoup d'envie de vaincre, mais aucun d'entre nous n'oublie, et nous en avons souvent parlé pendant ces jours, l'angoisse des uns, je pense aux otages en Irak, je pense aux otages français, mais je n'oublie pas les autres.
J'ai été, moi aussi, très heureux du sentiment d'unité profonde qui s'est formé dans notre pays entre les différents responsables politiques, entre les différentes familles politiques, entre les différentes familles spirituelles, religieuses, philosophiques.
Nous espérons tous un dénouement heureux. Si celui-ci intervient, cette unité aura été pour beaucoup dans l'issue de ce drame.
Mais, otage pour otage et drame pour drame, j'imagine que tous les Français et d'ailleurs tous les habitants de la planète ayant accès à l'information sont profondément marqués par ce qui s'est passé en Ossétie du Nord.
J'entendais ce matin le bilan, c'est plus de 400 morts et 700 blessés et, parmi les morts, des centaines d'enfants et de jeunes enfants.
Tout le monde voit bien que cette violence, ce mépris pour la vie humaine sont une espèce d'injure à l'idéal que toute l'humanité porte ou prétend porter.
Tout le monde sent bien que, de ces drames-là, on ne pourra sortir que par des démarches politiques nouvelles.
Je le dis en pensant à ces centaines d'enfants qui ont laissé leur vie dans cette prise d'otages et dans cet assaut. Il nous revient, il revient aux responsables politiques d'Europe et à leurs voisins, à la fois de manifester la solidarité la plus ferme en face du terrorisme, des prises d'otages, quelles qu'elles soient, et en même temps de rechercher les démarches politiques nouvelles qui permettront que ces drames ne se reproduisent plus.
Nous avons, hier, respecté une minute de silence. Je veux que nous ayons une pensée aujourd'hui pour ces familles déchirées et ces vies à jamais blessées.
Voilà pour le climat, le contexte dans lequel nous avons vécu ces journées.
Puis, j'ai été très heureux que les jeunes démocrates nous organisent la 29ème Université d'été. Je crois en avoir fait 28 sur 29, je dois être à peu près le recordman dans cette assemblée et la seule que je n'ai pas faite, c'est parce que j'étais à l'hôpital, donc j'avais une bonne excuse.
Les Universités d'été ont été inventées, vous n'étiez pas nés, par les jeunes giscardiens dont Marielle de Sarnez était à l'époque l'animatrice, suivie de près par les jeunes démocrates sociaux dont le président était Yves Pozzo di Borgo.
Cela me donne l'occasion de saluer les anciens présidents des jeunes qui font une si brillante carrière et qui sont là. Je salue à nouveau Jean-Christophe Lagarde et Antony Mangin. J'espère que, dans cette brillante série, Arnaud de Belenet va à son tour illustrer, comme il l'a fait avec simplicité, avec chaleur, dans un langage direct, la série des présidents des jeunes de notre mouvement.
J'étais pendant ces journées très fier de l'équipe UDF parce que, pour moi, c'est une préoccupation de tous les instants que de voir apparaître et se manifester et se former devant l'opinion une équipe.
Je me souviens très bien de l'enjeu que représentait, il y a 2 ans à peine, la formation d'un groupe à l'Assemblée nationale.
C'était une question de vie ou de mort.
Puis, grâce à la ténacité, à l'engagement, à la fidélité des députés élus, nous avons pu former un groupe à l'Assemblée Nationale et il me semble que, depuis ces deux ans, on a " parfois " entendu parler de ce groupe.
Mais cette présence à la tribune de l'Assemblée, à la tribune du Sénat, à la tribune du Parlement européen, c'est la condition même, pour une formation politique, de son lien avec l'opinion.
Je suis très fier que cette équipe monte en puissance.
Je suis très reconnaissant à l'engagement et au talent, à la qualité humaine de tous ceux qui la forment et, naturellement les parlementaires, naturellement les présidents et présidentes de groupe, jouent un très grand rôle dans le caractère soudé de cette équipe.
Cette équipe est différente de toutes les autres équipes politiques françaises. Cette différence va être un élément très important du choix que les Français vont devoir faire dans les années qui viennent, car au fond, cette Université d'été ouvre un nouvel acte politique, un nouveau cycle politique, c'est le cycle du choix des Français.
Désormais, on voit bien qu'on est à la moitié de la mandature.
Les deux années et demi qui viennent vont servir à préparer le choix des Français et celui-ci se formera sur trois éléments : premièrement, les personnalités, cela compte, qui porteront cette proposition, deuxième élément : le projet et, troisième élément : l'équipe.
Les Français, entre l'UMP, le PS et l'UDF, vont avoir à prononcer leur choix. C'est eux qui choisiront et leur rôle, Gilles de Robien a évoqué à l'instant le meilleur service que les formations politiques principales puissent rendre aux Français, c'est de leur offrir un véritable choix.
Et bien, tel est notre rôle.
Je disais que cette équipe ne ressemble à aucune autre et je sais pourquoi, pour l'avoir éprouvé. Toutes les équipes politiques françaises, celle de l'UMP, celle du PS, la nôtre, sont faites de gens de talent, d'intelligence, il y en a beaucoup. Mais la nôtre a un plus : c'est le caractère.
En ayant traversé différentes étapes politiques, j'ai appris que le caractère était la principale qualité politique ; l'intelligence, cela compte, la séduction, cela compte, le dynamisme, cela compte, mais le caractère c'est le principal parce que c'est dans les tempêtes que l'on voit les hommes et les femmes.
Dans cette équipe, il y a Gilles de Robien ; je n'ai pas oublié la gratitude que je lui dois pour avoir dirigé, porté, la campagne présidentielle que nous avons faite ensemble et je sais très bien que ce n'est pas facile d'être ministre et UDF en même temps.
Ce n'est pas facile d'être ministre aujourd'hui et UDF en même temps parce que la liberté de parole nouvelle que nous avons introduite comme style politique dans le débat fait que nous nous sommes donnés la liberté de critiquer quand les décisions nous paraissaient critiquables et de dire : "C'est bien quand c'est bien et c'est mal, quand c'est mal ".
Le jour où l'on dit : "C'est bien ", naturellement on l'entend moins, mais le jour où l'on dit : "C'est mal ", ce jour-là, on a, quand on est au gouvernement, le sentiment que c'est un peu rude.
Je vous le dis, il faut que ce soit rude, si c'est vrai et je le dis à Gilles en sachant que c'est parfois inconfortable, mais si je jette un regard rétrospectif sur l'année que nous venons de vivre et si j'énumère la liste des sujets sur lesquels nous avons dit : "On se trompe ", et je sais qu'on avait raison en disant que l'on se trompait sur la répartition des baisses d'impôts, que l'on se trompait en augmentant le gasoil qui était le carburant de ceux qui travaillent, que l'on se trompait en supprimant l'allocation de solidarité pour les chômeurs en fin de droits, que l'on se trompait en ayant un conflit inutile dans le monde de la recherche.
Ces quatre sujets, le Président de la République lui-même, lorsqu'il s'est exprimé après les élections régionales, a dit que c'étaient quatre erreurs.
Qui était loyal et fidèle ? Qui était engagé et franc ? Ceux qui disaient : "On se trompe " quand l'erreur se préparait ou ceux qui, béni oui-oui, applaudissaient à quelque chose dont on voyait que cela allait être une erreur et une embûche ?
En disant attention, quand l'obstacle approchait et que l'erreur était de plus en plus présente, nous rendions service à la majorité ou plus exactement nous aurions rendu service à la majorité si on avait bien voulu nous écouter.
Et donc cette franchise dans la parole, quelquefois même cette rudesse dans le propos, c'est pour nous un gage d'authenticité et de l'idée d'intérêt général que nous avons à défendre et à suivre.
Alors je veux dire aussi à Gilles de Robien combien j'apprécie l'amitié et l'engagement permanent qui, de sa place au gouvernement, sont les siens à l'intérieur de notre mouvement non seulement parce qu'il ne manque jamais de rendez-vous, mais parce qu'il est présent et actif dans ces rendez-vous.
C'est une grande qualité politique et permettez-moi de le dire, c'est une grande qualité humaine.
C'est un travail de tous les jours que nous conduisons ensemble. Je veux vous dire ceci, cette équipe, je sais qu'elle aura à occuper de grandes responsabilités dans l'avenir du pays.
Je sais que chacun de ses membres aura un jour, j'espère prochain, l'occasion d'exercer son service dans les grandes fonctions qui sont celles de la République.
Et je sais qu'ils ont, chacun d'entre eux, les qualités pour cela, mais l'exercice de ces fonctions ne pourra être valablement assumé que lorsque le pays aura choisi son orientation.
En tout cas, c'est ma conviction profonde.
C'est au fond sur ces points-là que je voudrais conclure cette université d'été, après le conseil national d'hier après-midi.
Voyez-vous, je suis habité par l'idée qu'aujourd'hui, dans les mois et les années qui viennent, la France va choisir son destin.
Aujourd'hui, dans les mois et les années qui viennent, un nouveau cycle politique s'ouvre.
Aujourd'hui, dans les mois et les années qui viennent, le pays va entrer dans une nouvelle période de son histoire et tous les indices que nous voyons, y compris autour de nous, le montrent parce que les questions qui se posent sont nouvelles et parce que les réponses à apporter sont nécessairement nouvelles.
Je voudrais, avec vous, regarder quelques-unes de ces réponses.
La première a été abordée.
Quand on voit la situation de la démocratie française aujourd'hui, Marielle de Sarnez en a parlé, Hervé Morin en a parlé, Michel Mercier également, on se trouve devant une interrogation française, qu'aucun des autres pays qui nous entoure n'a affrontée.
Nous vivons dans un pays dans lequel l'instabilité politique depuis 30 ans est devenue la règle.
Or l'instabilité politique empêche l'action de réaliser, sur le long terme, les réformes nécessaires.
Il y a plus d'un quart de siècle en France que chaque élection a donné lieu au renversement de ceux qui étaient en place pour les remplacer par les opposants alternativement droite et gauche.
La même insatisfaction quel que soit le camp au pouvoir. La même distance de l'opinion, la même réticence des Français. La même rage et colère qui s'exprime de manière désordonnée dans les urnes et chaque fois un coup de balancier d'un bord et de l'autre
Et parfois, comme en 2002, en prenant des formes qui stupéfient le monde, et chaque fois le diagnostic est excellent. Je me souviens de ceux qui disaient que la France d'en bas n'y trouvait plus son compte. Cette expression résumait un diagnostic qui à mon avis était exact, mais cela n'a pas empêché que se retrouve le fossé entre la France dans bas et les gouvernants ; la France d'en haut.
Ce n'était pas parce que le diagnostic n'avait pas été fait, c'est parce qu'il doit bien exister d'autres causes pour que la démocratie française ne marche pas et que les citoyens aient le sentiment qu'elle se déroule sans eux, loin d'eux, qu'ils n'y ont pas leur place, que leur voix ne peut pas s'y faire entendre et que donc leur adhésion ne peut pas se former.
Je m'arrête un instant sur ce sujet.
Dans les Républiques d'autrefois, on croyait qu'il suffisait d'avoir le pouvoir pour gouverner. On croyait, dans les Républiques d'autrefois (note en bas de page : le Général de Gaulle) que le pouvoir était au fond un chèque en blanc qui était signé une fois tous les cinq ou tous les sept ans, qu'il suffisait de l'exercer et que l'on revenait à l'échéance devant les signataires du chèque qui vous renouvelaient leur confiance, leur bail ou au contraire le retiraient. On croyait que la République et la démocratie, c'était cela.
Je voudrais attirer votre attention sur ce sujet. Ce n'est plus comme cela que les choses marchent.
Dans les démocraties nouvelles où nous sommes entrés sans bien nous en rendre compte, il ne faut pas seulement être titulaire du bail, il faut avoir, pour changer les choses, la confiance des citoyens.
Vous souvenez-vous que nous avons mené des batailles sur ce sujet autour de Raymond Barre en particulier. Je dis confiance et, confiance, pour moi, ne signifie pas toujours approbation. Les citoyens comprennent que les gouvernements peuvent leur proposer des efforts, ils savent qu'il est naturel qu'en face des efforts, parfois, l'on regimbe, mais il y a une chose qu'ils veulent, c'est qu'on leur dise la vérité.
Je suis entrain de réfléchir au style politique qui doit être le nôtre, les citoyens ne demandent pas qu'on leur fasse plaisir, ils ne demandent pas des démagogues, ils veulent, avec certitude, être assurés qu'en face d'eux il y ait des responsables politiques qui leur disent la vérité ou, à tout le moins, leur vérité.
Ils ne demandent pas de la communication pour dorer la pilule, ils demandent la vérité comme elle est et la vérité crée la confiance.
Et bien cette absence de confiance, depuis des années, vient à notre avis de ce que notre démocratie ne marche pas bien. Nos institutions ne sont pas bien équilibrées et la première tâche, si l'on veut trouver une orientation nouvelle pour la France, les changements nécessaires pour qu'elle trouve ce chemin de confiance, la première tâche, c'est de changer la démocratie et ses institutions.
C'est le message qui était entendu tout au long de cette Université d'été et j'ai noté avec intérêt que c'était désormais un message qui trouvait de l'écho dans toutes les familles politiques françaises.
J'ai entendu que Jack Lang vient de publier un livre dans lequel il appelle à un changement de République. Je ne suis pas sûr que ce soit le numéro de la République qui compte.
Je pense, Hervé Morin l'a dit, qu'un changement profond de la Ve République est une réponse parce que, au fond, sans vouloir faire un court de droit constitutionnel, j'ai deux professeurs de droit constitutionnel qui sont deux présidents de groupe derrière moi, Michel Mercier et Hervé Morin, la Ve République, au fond, c'est l'élection du Président de la République au suffrage universel et je pense que c'est bien que les Français aient la liberté, une fois tous les cinq ans, de changer le paysage politique en choisissant le Président de la République qui va inspirer une politique. Certains veulent que l'on renonce à l'élection du Président de la République au suffrage universel.
Je suis sûr que les Français ne l'accepteront pas. C'est un pouvoir et une liberté qu'ils ont et qu'ils garderont envers et contre tous parce que c'est leur vraie dimension de citoyens qui s'exprime dans ce scrutin, mais une fois que l'on a dit cela, on voit très bien les changements qu'il faut apporter. Et le principal changement qu'il faille apporter c'est que le parlement soit désormais doté de la liberté, de l'indépendance, de l'autonomie nécessaire pour jouer pleinement son rôle de législateur et de contrôle du pouvoir et cela ne peut se produire que si l'on donne au parlement, par un nouveau mode de scrutin, une nouvelle liberté à l'égard du pouvoir exécutif, ou du moins par un nouvel équilibre des modes de scrutin.
Et donc, nous allons faire des propositions en ce sens. Simplement, notons que tous les autres pays européens, à la seule exception de la Grande-Bretagne, ont fait ce choix et que notamment en Allemagne l'équilibre dont nous avons parlé hier après-midi entre les représentants des territoires et les représentants des grandes familles politiques ou des grands secteurs de l'opinion, est établi et donne à ce pays la crédibilité des institutions nécessaires.
Le débat public en Allemagne n'est mis en cause par personne.
C'est d'ailleurs le cas aussi en Espagne, c'est d'ailleurs le cas en Italie, on peut faire le tour d'Europe, c'est le cas dans tous les pays du Benelux c'est le cas dans tous les pays scandinaves. On peut faire le tour d'Europe pour voir que les règles de fonctionnement de la démocratie ailleurs satisfont les opinions et donnent au pouvoir la stabilité nécessaire.
Voilà pour le premier sujet.
On a parlé, à cette tribune, de dialogue. Gilles, tu as parlé de dialogue à l'intérieur de la majorité, je le comprends.
Pour moi, le dialogue doit être ouvert. Je suis prêt, nous sommes prêts à rencontrer, sur cette question du changement de nos institutions, toutes les forces politiques démocratiques françaises pour en discuter avec elles sous forme de colloque, Hervé Morin en organisera un à l'automne, ou sous forme de dialogue pour que, ensemble, nous puissions définir les conditions nouvelles qui permettront à la démocratie française de trouver son équilibre et sa vérité parce que nous considérons que ce genre de sujet ne doit pas opposer les Français, camp contre camp.
Ce sont des sujets qui doivent permettre de réunir les familles politiques au-delà des frontières classiques.
Et bien, au moins, parlons-en puisqu'on voit les changements qui interviennent, on voit de nouvelles générations arriver aux responsabilités, on voit des pratiques politiques différentes s'établir.
Je songe en particulier au climat différent qui va être créé avec le changement de président à la tête de l'UMP.
Dans les relations que nous devons avoir, respectueux de nos différences, dialoguons et posons avec toutes les grandes familles politiques, celles de la majorité comme celles de l'opposition, les questions qui tiennent à la démocratie française, à ses règles du jeu et à nos institutions et naturellement, si le Président de la République souhaite rencontrer sur ce sujet les responsables des formations politiques puisque le débat est en train de naître, je me rendrai à son invitation, avec plaisir, pour défendre devant lui les changements nécessaires dans la démocratie française.
Voilà la première des conditions nécessaires pour que la France retrouve son chemin : des institutions différentes.
Il y a une deuxième condition sur laquelle je voudrais m'arrêter maintenant, c'est le besoin d'une vision.
Le peuple français et l'opinion politique française sont dans une lourde interrogation sur leur destin.
Cette interrogation, on voit bien qu'elle est provoquée en partie par l'évolution de la mondialisation, de la globalisation.
Le sentiment qu'il existe un mouvement irrépressible, inéluctable dont ils aperçoivent l'énergie, mais dont ils craignent qu'il menace un certain nombre d'éléments du contrat social qui faisait de la France, la France et, de l'Europe, l'Europe.
Chacun d'entre eux relie cela à l'entreprise qui ferme dans son canton ou au service public qui, dans un quartier des villes, disparaît ou à l'intégration qui n'est pas assumée.
C'est à cette question-là qu'il faut répondre et on ne peut y répondre que par une vision globale.
Je voudrais vous donner les éléments, à mes yeux, de cette vision, les questions principales qui se posent et dont certaines d'entre elles sont urgentes.
Le premier élément de cette vision, c'est l'idée que nous nous faisons des rapports économiques et sociaux dans notre pays, dans notre Europe et dans le monde, je pense qu'une formation politique majeure doit apporter au citoyen une lecture de ce mouvement de délocalisations.
On a vu hier soir des représentants du Tiers-monde, des représentants des pays africains qui nous ont expliqués, nous le savons bien, que, sans la création de nouvelles activités chez eux, ils vont mourir.
Il faut que nous comprenions cela.
Ce déséquilibre entre le nord et le sud ne menace pas seulement le sud dans sa pauvreté, il menace aussi les pays riches dans leur richesse, dans leur aisance, dans leur démographie déclinante, dans leur incapacité à assumer la jeunesse de leur pays, dans le vieillissement des populations.
Il n'y a pas d'exemple dans l'histoire des pays riches et vieux qui aient pu se tenir à l'abri de pays jeunes et pauvres et naturellement ; il y aura mille manifestations de cette pression, je parle à destination de ceux de nos compatriotes qui seraient sans idéal, purement cyniques et intéressés.
Le développement du Tiers-monde, ce n'est pas seulement une affaire de générosité, à supposer qu'il y ait des gens qui ne soient pas généreux, ce que je ne crois pas. Le développement du Tiers-monde, c'est une affaire aussi pour nous.
Nous devons y porter autant d'attention et autant de soin que nous sommes idéalistes et généreux ou que nous sommes égoïstes et intéressés.
Tout y conduit. Naturellement, tout cela a des implications en matière d'aide au développement et cela a aussi des implications en matière de réflexion sur les délocalisations.
Ce serait un démagogue celui qui promettrait d'interrompre le mouvement de délocalisations pour concentrer l'activité dans les pays riches où elle se trouvait déjà.
Mais parlant avec le Tiers-monde, parlant avec ceux qui réfléchissent aux règles qui régissent l'économie mondiale, et Hervé Morin, à très juste titre, a parlé de régulation, parlant avec eux, nous avons le devoir de leur dire que nous avons aussi la responsabilité de l'équilibre de nos sociétés.
Qu'une société comme la société française, qu'une société comme la société européenne ne peut pas se satisfaire de l'idée que toutes les activités économiques qui fournissent du travail se déplacent, quittent nos pays et se retrouveraient désormais ailleurs et que, donc, il y a un équilibre à trouver, cet équilibre se définit par la volonté des pays développés de voir le Tiers-monde accéder à un tissu industriel, à un emploi, sans en avoir à subir des contraintes insupportables et en même temps, de garantir que les pays développés que nous formons ne verront pas l'emploi industriel, en particulier, disparaître complètement de leur tissu social.
Cet équilibre-là, je vous demande d'y réfléchir parce que ce sera un réglage difficile, il va être au cur des réflexions politiques non pas seulement dans notre pays, mais je le vois par exemple dans la campagne présidentielle américaine, dans tous les grands ensembles politiques de la planète.
Il ne s'agit pas de lutter contre les délocalisations, comme les démagogues disent, il s'agit de réfléchir à l'équilibre dans lequel nos sociétés et les sociétés en voie de développement doivent trouver un accord pour que le travail soit harmonieusement réparti sur la planète.
Les uns défendant une société avec un tissu et des accords sociaux, un équilibre social, et les autres accédant au développement et à l'emploi.
Réfléchissons à cette conséquence, cet équilibre ne pourra être trouvé que s'il y a, régissant la globalisation, une régulation politique.
Vous voyez que cela signifie à la fois que nous savons que l'économie de marché est porteuse d'énergie, indispensable et qu'il n'y a pas d'autre solution, mais qu'il y a, face à cela, une voix politique qui s'exprime, une voix politique capable de se faire entendre à l'échelle de la planète.
Ce n'est pas à l'intérieur de nos frontières que nous allons traiter du mouvement de globalisation. La question est de savoir s'il y a, quelque part dans cet univers, une table ou des décideurs politiques ont une voix assez forte pour faire entendre cette double exigence des peuples, une civilisation à défendre d'un côté, un développement à assurer de l'autre.
Et, dans l'interrogation de chacun de nos concitoyens devant l'usine qui ferme, devant les menaces sur les 35 heures, devant le bureau de poste qui est arraché, il y a cette question. Pour nous, elle est cruciale et c'est à cette échelle que nous avons l'intention de proposer une vision.
Nous y travaillons depuis des mois avec Jean Arthuis en particulier, Michel Mercier en parlait. Cette vision nous conduit à dire qu'il faut que nous ayons en France une autre réflexion sur notre protection sociale.
(Source http://www.udf.org, le 16 septembre 2004)
La protection sociale est indispensable, mais la question de son financement est posée.
Parce que si l'on y réfléchit une seconde, en France, le financement de la protection sociale ne repose que sur le travail et on a bien connu cela dans l'histoire séculaire fiscale de notre pays. Je vous propose cette histoire pour que l'on y réfléchisse.
Il y a eu un temps où l'on allait chercher un moyen simple et juste de répartir les impôts et quelqu'un s'est avisé un jour qu'il y avait un moyen simple et juste qui était de compter sur les habitations de chacun les portes et les fenêtres.
Les portes et les fenêtres disait-on, cela ne peut pas se dissimuler, cela se compte aisément et c'est socialement juste puisque normalement les riches ont beaucoup de portes et de fenêtres et les pauvres en ont très peu.
Et on a créé un impôt sur les portes et les fenêtres.
Certains en ont entendu parler dans leur livre d'histoire et même peut-être par la tradition orale.
Qu'est-ce qui est arrivé ?
On a créé l'impôt, 10, 20, 30 ans ont passé et les portes et les fenêtres ont commencé à disparaître.
On a muré, mais il y a encore des traces dans le paysage de nos villages. On s'est mis à murer les portes et les fenêtres pour payer moins d'impôts.
C'est une image, c'est un sourire, mais il y a quelque chose là-dedans.
Si vous faites reposer tout le financement de la protection sociale sur le travail, vous allez voir que le travail va avoir tendance à s'en aller.
Il me semble que nous sommes aujourd'hui devant une situation de cet ordre et que la question du financement de la protection sociale est une question qui met devant nous un défi sur la place du travail dans la société française.
Nous avions d'ailleurs, fort de cette réflexion, proposer une solution pour les 35 heures, qui repose sur le même principe, qui était celle-ci : puisqu'il y a, nous le savons tous, un problème des 35 heures qui a d'ailleurs été un des éléments de la chute de M. Jospin et du gouvernement socialiste et de leur échec électoral, et que tous les Français attendaient qu'on apporte une réponse, nous avions proposé de creuser cette idée : gardons les 35 heures comme seuil légal, libérons les heures supplémentaires, conservons la prime que le salarié touche quand il travaille une heure de plus, ne la diminuons pas, mais défalquons cette prime des charges sociales que l'entreprise doit sur le travail, de manière à obtenir l'effet suivant :
Premièrement, le travail est revalorisé pour le salarié,
Deuxièmement, il ne coûte pas plus cher à l'entreprise et nous pensions même, cela demande à être vérifié, qu'en proposant cette idée nous ne diminuions pas le financement de la protection sociale puisque nous croyons que des heures de travail se créent - qui ne sont pas créées aujourd'hui.
Vous voyez bien que tout cela est une réflexion globale, une vision sur l'avenir. Nous avons à proposer des réponses à ces questions, et non pas comme des réponses isolées, comme des mesures comme l'on dit, mais reliées entre elles pour que les citoyens y trouvent une logique et une réponse.
Cette vision est marquée d'un élément que, me semble-t-il, nous sommes les seuls à pouvoir réclamer devant l'opinion publique, c'est qu'en défendant cette vision, nous ne défendons pas des intérêts particuliers, nous défendons l'intérêt général. Nous ne défendons pas l'intérêt d'une classe au détriment d'une autre, nous défendons l'intérêt de la société française et nous plaçons notre action sous le signe de la justice.
Tout à l'heure, Gilles de Robien a dit quelque chose à quoi j'adhère.
La justice, ce n'est pas seulement la solidarité, cela compte, c'est essentiel même, je pense que nous sommes des solidaristes. La solidarité dans mon esprit s'opposant à l'assistance dont les socialistes sont les défenseurs.
La solidarité, c'est actif, cela demande l'engagement, mais la solidarité n'est pas tout, la justice, cela doit être aussi de récompenser ceux qui ont fait des efforts particuliers et obtenu des réussites exceptionnelles. Ils sont aussi des bienfaiteurs de l'humanité, mais il est très important, dans cette vision que nous allons proposer aux Français, que la justice soit le point commun et la référence de toute la réflexion que nous conduisons.
J'ai manifesté beaucoup de réserves quand le gouvernement a fait les choix qu'il a fait en matière de baisses d'impôts parce que je trouvais qu'il y avait à redire en termes de justice.
La Cour des Comptes vient de publier un rapport que je vous invite à lire et qui dit ceci : les baisses d'impôts ont bénéficié, pour 65 % de leur montant... au 10 % les plus riches de la population et pour la moitié de cette somme, un tiers du montant total des baisses d'impôts votées par le gouvernement, au 1 % le plus riche de la population française.
On a prétendu que les baisses d'impôts étaient universelles, mais enfin elles étaient plus universelles pour certains que pour d'autres.
Il y a là une interrogation à laquelle il me semble que nous devons réfléchir.
Le gouvernement que nous appelons de nos vux, l'orientation politique que nous voulons, c'est une orientation politique et des décisions qui ne seront pas soupçonnables en termes d'équité et de justice.
Les Français sont près à suivre une politique de réformes, à condition qu'ils aient la certitude que cette politique de réformes est inspirée par la justice et qu'elle n'y dérogera jamais. Nous voulons être les porteurs de cette justice et de la politique qui en garantira l'application aux citoyens.
Il y a notamment dans cette affaire l'intégration dont Hervé Morin a très bien parlé et sur laquelle il faudra que nous réfléchissions. Il y a eu des stratégies américaines de discrimination positive. Ont-elles réussi ou pas ? Cela va être des débats très importants pour nous. Quelle forme peut-on donner à une politique active de l'intégration en France, pas une politique des vux pieux, mais une politique active ?
Dernier point : naturellement, dans cette interrogation sur la globalisation au quotidien, sur la globalisation à l'échelle du quartier, de la ville ou du canton, nous parlerons aussi d'environnement. Il y a me semble-t-il une grande réflexion à conduire sur l'énergie.
L'effet de serre d'un côté, l'épuisement des ressources que l'on appelle fossiles, du pétrole ou du charbon de l'autre, qui est à quelques années... 50 ans peut-être, c'est-à-dire demain matin, et l'on n'a pas, même pas avec le moteur à hydrogène dont ont rêve, de réponses à cette question, nucléaire, effets de serre, économies d'énergie, énergies alternatives, éolienne ou solaire, il y a une responsabilité nationale et européenne sur ce sujet.
J'en arrive à ma conclusion.
Dans cette vision, le chapitre premier, c'est l'Europe parce qu'une voix qui peut parler à l'échelle de la planète, à l'échelle d'une régulation planétaire, cela ne peut pas être la voix d'un Etat national à l'échelle qui sont les nôtres.
On a essayé et on a vu notamment dans l'affaire irakienne que la voix des États nationaux est souvent dispersée et qu'au bout du compte elle n'est pas entendue, même quand elle a raison.
Et vous vous souvenez de la position solidaire que nous avons choisie dans cette affaire.
En refusant bien des tentations.
Donc, la voix qui peut permettre au citoyen que nous sommes d'être entendu quand les grandes décisions se prennent à la surface du globe, cela ne peut être qu'une voix européenne.
Mais à condition que l'Europe existe.
Depuis 50 ans, nous avons conduit cette politique, tous les gouvernements successifs et des hommes aussi différents que Valéry Giscard d'Estaing ou François Mitterrand ont pris leur part dans cette construction-là, cela a été une grande ambition française pour reprendre les mots qu'Alain Duhamel a donnés en titre à l'un de ses livres : l'Europe a été une grande ambition française.
Aujourd'hui, elle est à son heure de vérité parce qu'on a la Constitution, et le débat sur la Constitution et elle est à son heure de vérité parce qu'il y a la réponse à la question de l'adhésion de la Turquie.
Traitant de cette question, nous pouvons le faire parce qu'il n'y a pas dans notre esprit la moindre once de discrimination qui tiendrait à la religion, à je-ne-sais-quoi, à des considérations d'identité ou ethniques.
Nous avons, je crois, suffisamment montré à chaque échéance que cela nous était non seulement étranger, mais irréductiblement étranger.
Mais la question de l'adhésion de la Turquie à laquelle nous allons avoir à répondre dans les semaines qui viennent est la question même de la nature de l'Europe.
Cette question crée un rendez-vous et ce rendez-vous est marqué du signe de l'urgence.
C'est le 6 octobre, en principe, dans moins d'un mois, que la Commission va rendre sa proposition sur l'ouverture de négociations pour l'adhésion de la Turquie et c'est dans le trimestre qui vient, avant le mois de décembre, qu'il faudra apporter une réponse à cette question-là.
Et bien, ceci ne peut pas nous laisser indifférent.
Nous ne pouvons pas être spectateurs de la décision qui va se prendre parce que nous assistons à une vaste mascarade, à un jeu de masque, à la fois dans la vie politique française et dans la vie politique européenne.
Le parti gouvernemental, l'UMP, prétend qu'elle est opposée à l'adhésion de la Turquie, mais le gouvernement qu'elle soutient et le Président de la République sont les principaux acteurs de cette décision et les principaux soutiens de l'adhésion de la Turquie. Il faut que les masques disparaissent et que l'on sache désormais où sont les convictions et que celles-ci soutiennent des décisions.
Nous vivons en régime parlementaire.
Si vraiment la majorité de l'Assemblée nationale est, comme nous, décidée à ce qu'une décision claire soit prise en matière d'adhésion de la Turquie, elle a tous les moyens de l'imposer au gouvernement.
S'il y a une liberté d'expression des parlementaires à l'égard du gouvernement comme nous souhaiterions que ce soit le cas, les parlementaires ont tous les moyens de faire entendre au gouvernement la voix qui leur paraît la plus juste pour l'avenir, tous les moyens institutionnels. Il n'y a pas besoin de changer la Constitution pour cela.
Et bien je demande que ce débat s'ouvre devant le pays.
Une fois que la décision d'ouverture des négociations avec la Turquie aura été prise, il n'y aura aucun moyen de revenir en arrière et tout ce que l'on vous dira sur ce sujet sera mensonger.
J'entends déjà les voix qui vont dire : mais c'est prématuré ? Mais de quoi vous inquiétez-vous ? Il faudra de longues années pour que ces négociations aboutissent.
La vérité est que cette décision est irréversible et que le jour où les négociations s'ouvriront, on dira en même temps que ces négociations se concluront.
Cinq ans, sept ou huit ans, mais la décision sera acquise et cette décision change la nature de l'Europe parce que nous qui avons défendu et ses principes d'organisation et les transferts de souveraineté et la création d'une monnaie européenne et la Constitution que nous allons voter, nous savons que ces décisions sont dénaturées à partir du moment où une adhésion que je considère contre-nature ferait que l'Europe n'aurait plus ni identité ni volonté.
Alors, je comprends très bien sans vouloir offenser personne que les États-Unis soient des acteurs vigoureux de cette adhésion, parce que cela garantit que la volonté politique européenne n'existera plus.
Je comprends très bien que ceux qui ont toujours été contre l'idée d'une union politique de l'Europe le manifestent encore en soutenant activement l'adhésion de la Turquie mais nous, Français, et singulièrement nous Européens, en France, qui avons conçu ce projet politique, nous devons être capables d'ouvrir sur ce sujet un débat national, un débat urgent, unité de temps, unité de lieu, unité d'action comme l'on disait autrefois lors du théâtre classique. Nous avons trois mois pendant lesquels la France va répondre à la question de son avenir européen et c'est d'autant plus important. Notre conviction est que si l'on n'apporte pas une réponse claire et franche sur ce sujet, alors la ratification de la Constitution européenne est mise en cause, est mise en danger et nous ne voulons pas l'accepter.
Vous voyez les rendez-vous que nous avons devant nous.
Ces rendez-vous répondent tous à cette nécessité d'une vision pour l'avenir, d'une cohérence pour s'adresser aux Français, d'un projet à leur faire partager, d'une société que nous voulons défendre et promouvoir dans l'avenir.
Je suis persuadé que cette nouvelle étape qui s'ouvre est une étape favorable pour nous et je suis heureux que, tous ensemble et sous le soleil, dans cette Université d'été, nous en ayons assuré l'avenir.
Merci à tous.
(Source http://www.udf.org, le 16 septembre 2004)