Texte intégral
Ce matin, avant même le début du Conseil Affaires générales et Relations extérieures, nous avons eu une réunion que j'ai trouvé utile, à l'initiative de M. Diouf, le président de l'Organisation internationale de la Francophonie, qui a réuni tous les ministres participant à ce Conseil dont les pays appartiennent ou sont observateurs dans l'Organisation internationale de la Francophonie. Elle donne corps à l'idée que nous voulons soutenir de la diversité culturelle, du plurilinguisme, non seulement dans l'Union en général mais dans les institutions en particulier, par le fait que ces pays se rencontrent et s'organisent. S'agissant du Conseil Affaires générales proprement dit, c'était la première réunion présidée par le ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas, M. Bernard Bot, à qui nous avons dit notre appui et notre soutien tout au long des mois qui viennent. J'ai remercié à nouveau la Présidence irlandaise pour le travail, je le répète, intelligent, qu'elle a fait tout au long des six mois passés.
D'abord, comme vous le savez, nous avons arrêté la date du 29 octobre pour la signature du nouveau Traité de Rome. Je pense que le texte auquel nous sommes parvenus finalement le 18 juin mérite d'être appelé ainsi. J'ai toujours espéré pouvoir l'appeler ainsi. Il reste maintenant à transformer l'essai du 18 juin et à réussir dans chacun de nos pays la ratification. Ce matin, au cours de la discussion que nous avons eue sur cette question du Traité constitutionnel, j'ai à nouveau souhaité que cette ratification quelle qu'en soit la voie, par le peuple, dans tel ou tel pays, ou par les représentants du peuple dans tel ou tel autre, que cette ratification soit la plus coordonnée possible entre les Etats européens, de telle sorte que, sur un texte qui le mérite, un texte fondamental de l'Union européenne, il y ait un débat européen et non pas vingt-cinq débats juxtaposés ou échelonnés indépendants ou indifférents les uns des autres ; qu'il y ait un vrai débat européen dont on voit bien, à la suite des élections européennes, qu'il est nécessaire. Nous avons également souhaité que l'Union se donne des moyens d'information et de dialogue avec les citoyens.
Comme vous le savez il y a eu une évaluation, présentée par le commissaire Pascal Lamy, des négociations qui sont en cours à l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), pour tenter de rattraper, si je puis dire, l'échec de Cancun et de parvenir à la fin du mois de juillet à un cadre ou un ensemble d'orientations précises pour les négociations du cycle de Doha. J'ai simplement rappelé les vraies préoccupations que nous avons, et qui ne sont pas, d'ailleurs, seulement les nôtres, sur les conditions des prochaines étapes et le souhait que la Commission, comme je l'ai entendu de la part de Pascal Lamy, reste offensive, volontariste et qu'elle s'attache à obtenir un accord équilibré. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. La stratégie que nous avons choisie et soutenue est celle de faire des propositions, d'indiquer des marges de flexibilité, à la condition que nos partenaires répondent sur les différents chapitres de la négociation, eux aussi, par de la flexibilité et des avancées. Et pour l'instant nous n'avons pas constaté cet équilibre. Nous souhaitons que la Commission reste offensive. Le mot a d'ailleurs été prononcé cinq fois par Pascal Lamy, en même temps qu'il a prononcé le mot d'équilibre, qu'il souhaite trouver dans l'accord auquel nous devons travailler. En d'autres termes, ce qui reste intact de la part de la France, et pas seulement d'elle, c'est sa vigilance dans les semaines qui viennent.
Nous avons eu une longue discussion avec M. Zebari, le ministre irakien des Affaires étrangères, dont je veux dire qu'elle a été extrêmement intéressante. Je crois que vous pourrez la prolonger en le rencontrant tout à l'heure, à propos de l'Irak. C'est la première discussion au Conseil depuis le transfert de souveraineté au gouvernement intérimaire, le 28 juin. C'est un transfert que le gouvernement français avait souhaité, auquel il a travaillé de manière constructive dans le cadre de la résolution 1546. Ce débat entre nous sur la contribution de l'Union européenne à la reconstruction politique et économique de l'Irak va continuer, sur la base des propositions que nous feront Chris Patten et Javier Solana. En tout cas, ce qui a été exprimé, ce qui est exprimé au Conseil d'aujourd'hui, c'est une volonté commune de participer à la reconstruction politique et économique de l'Irak, commune en tant qu'Union et naturellement relayée et amplifiée par la volonté de chacun de nos pays, de faire en sorte que ce gouvernement irakien réussisse. C'est dans cet esprit, vous le savez, qu'il y a quelques minutes la France a rétabli ses relations diplomatiques avec Bagdad et que nous échangerons, dans les jours qui viennent, nos ambassadeurs.
Une discussion aura lieu sur le Proche-Orient, d'où je reviens, après y être allé deux fois en trois semaines, en Jordanie, en Egypte et dans les Territoires palestiniens, avec une visite à Ramallah, et avant d'aller dans quelques semaines faire une visite bilatérale en Israël. Ce que nous voulons dire, ce que je veux dire, c'est que l'urgence reste pour nous la mise en oeuvre sans délai de la Feuille de route du Quartet, l'arrêt de toutes les violences et le retour à la négociation. Ma conviction après les visites que j'ai faites, c'est que le statu quo n'est pas tenable, et qu'il faut ouvrir, pour les Palestiniens, pour les Israéliens, une perspective politique. Le retrait de Gaza, de mon point de vue, pourrait créer ce mouvement et ouvrir cette perspective. Nous observons avec une certaine inquiétude que les travaux du Quartet piétinent. La dernière réunion des envoyés spéciaux, le 7 juillet, a été décevante. Et pourtant l'Union ne peut pas se résigner. Elle doit être active. Je pense même, je l'ai dit l'autre jour à Ramallah, qu'elle doit être le moteur du Quartet. Nous restons mobilisés, déterminés à contribuer au succès du retrait israélien de Gaza. Nous restons disponibles, nous, Français, et je souhaite que ce soit le cas des Européens, pour accompagner l'initiative égyptienne en matière de réorganisation des services de sécurité de l'Autorité palestinienne. Je souhaite aussi que Javier Solana puisse se rendre dès que possible dans cette région, de façon que l'on puisse montrer ce volontarisme et ce soutien que nous apportons, que nous continuons d'apporter à la Feuille de route, qui est la seule route possible. En dehors de cela il n'y a pas d'alternative, c'est la violence et la terreur qui continueraient.
Nous avons notamment en mémoire l'avis consultatif de la Cour de Justice internationale du 9 juillet sur la barrière de sécurité construite par Israël en Cisjordanie. Vous le savez, cet avis n'est pas juridiquement contraignant mais il est important et nous allons l'étudier avec beaucoup d'attention, comme sans doute tous nos collègues, en rappelant que ce qui est en cause, ce n'est pas le principe d'une barrière de séparation que tout pays peut construire sur son propre territoire s'il le souhaite, pour se protéger, mais que c'est le tracé de ce mur qui pose problème. Je pense aussi que la question reste fondamentalement une question politique et qu'il faut trouver le moyen de dépasser des argumentations purement sécuritaires d'un côté, ou purement juridiques de l'autre et aller vers le seul objectif sérieux, nécessaire, qui est celui de la coexistence de deux Etats vivant côte à côte, Israël, dans la sécurité - la France ne transigera jamais avec la sécurité d'Israël - et un Etat palestinien assuré de sa viabilité.
Je voudrais vous dire un dernier mot - et puis je vous laisserai aller à la rencontre du ministre irakien des Affaires étrangères - d'une situation extrêmement grave dont le Conseil parlera cet après-midi, en tout cas, je le souhaite, qui est celle du risque d'une catastrophe humanitaire au Darfour. Nous appelons l'Union à se mobiliser, à faire davantage, sur les deux terrains, où nous pouvons prévenir, tant qu'il est encore temps, cette catastrophe humanitaire : le terrain politique et le terrain humanitaire lui-même.
Le terrain politique c'est continuer à faire pression sur le gouvernement soudanais pour qu'il respecte ses engagements, qu'il désarme les milices locales, qu'il assure l'accès le plus commode et le plus facile pour les convois humanitaires et qu'il participe de manière constructive aux négociations qui vont s'engager le 15 juillet. Cela a été décidé à Addis Abeba il y a quelques jours, sous les auspices de l'Union africaine. Je pense que les conclusions très claires du Conseil, que nous souhaitons pour aujourd'hui, iront dans ce sens. Sur le terrain humanitaire, il y a urgence pour prévenir le drame qui est en cours. Nous avons décidé d'augmenter l'aide de l'Union européenne aux personnes déplacées et aux réfugiés et pour répondre immédiatement à l'urgence, c'est à dire à l'acheminement des vivres dès l'instant où nous observons sur le terrain un accès plus facile. Il faut encore que l'on puisse accéder par des moyens de transport. Donc le problème aujourd'hui paraît être celui du transport de l'aide humanitaire par des hélicoptères lourds ou par des avions. La France, je vous l'indique, a décidé d'amorcer ce mouvement international pour l'approvisionnement en matériel et en vivres, en finançant à hauteur de deux millions d'euros la location d'un avion gros porteur qui va, sans délai, assurer des rotations permanentes. Il transportera des stocks d'aide alimentaire qui sont déjà disponibles et je pense que l'Union européenne devrait assurer le relais au-delà de cette action d'urgence que la France va financer. Je pense que Javier Solana se rendra aussi à Khartoum et au Darfour. Pour ma part, je me rendrai au Soudan et au Tchad le 27 juillet prochain et je rencontrerai le ministre des Affaires étrangères du Soudan le 21 juillet à Paris.
Q - Au sujet de l'Irak, la France vient d'annoncer la reprise des relations diplomatiques. (...) Est-ce que vous pensez que c'est compatible, avec les exigences de la France et de pas mal de pays européens qui veulent que l'Irak soit un Etat souverain ?
R - A quel moment le gouvernement intérimaire qui a été mis en place le 28 juin trouvera-t-il sa totale légitimité démocratique ? Ce sera au moment des élections qu'il faut préparer. Nous avons interrogé M. Zebari sur le processus politique, la préparation des élections, qui sont à la fois compliquées et nécessaires à organiser, sur la réunion de cette conférence inter-irakienne au mois de juillet. Il faut être pragmatique. Il faut être empirique et franchir les étapes une à une. Une première étape très importante qui marque, d'une certaine forme, une rupture, a été accomplie le 28 juin, comme nous le souhaitions, et nous y avons travaillé, je le répète, en participant de manière très vigilante et très constructive à la rédaction de la résolution 1546. Le gouvernement est mis en place. Il y a des hommes et des femmes de qualité dans ce gouvernement. Et il prépare les prochaines étapes. Donc je pense que c'est assez normal, voire nécessaire qu'un gouvernement comme le nôtre participe à ce mouvement, à ce processus politique et rétablisse ses relations diplomatiques. Je pense que c'est assez normal.
Q - Quel financement pour la cellule civile/militaire auprès du Secrétariat général du Conseil ? Le projet de budget 2005 ne le mentionne pas ? Le Conseil Ecofin ne risque-t-il pas de prendre l'avantage sur le Conseil Affaires générales et Relations extérieures sur les perspectives financières ?
R - Ce point n'a pas été évoqué, en tout cas ce matin. Nous serons vigilants pour que les décisions prises sur ce sujet - qui a fait l'objet de beaucoup de négociations et vous savez que je continuerai à apporter une attention particulière à tout ce qui touche à cette dimension politique de l'Union européenne - se traduise quand il le faudra par des actes budgétaires.
Je trouve tout à fait normal que les ministres de l'Economie et des Finances de chacun de nos pays participent à leur place à la discussion budgétaire. Mais c'est naturellement parce que c'est son rôle, que dans le cadre du Conseil Affaires générales se feront les négociations. S'agissant du gouvernement français, nous avons, nous aurons des discussions internes ; vous ne m'en voudrez pas de ne pas en discuter maintenant devant vous. Ce que je peux simplement dire, c'est qu'il y a, pour les perspectives budgétaires et financières 2007-2013, deux problèmes qui vont faire l'objet, dans les semaines et les mois qui viennent, de discussions extrêmement rudes et franches. Il y a le volume du budget, et naturellement, dans le cadre de ce volume, les politiques. Nous attendrons les propositions législatives de la Commission pour donner notre sentiment. Et puis, il y a les contributions des uns et des autres. Qui paye quoi ? Un fois qu'on a déterminé les politiques et le budget, il y a la répartition. Comme vous le voyez, nous ne sommes pas au bout de notre route. Ce que je veux simplement dire, c'est que nous serons particulièrement vigilants pour que, dans le cadre d'une discipline budgétaire que la France a souhaitée pour l'Union, elle souhaite la respecter pour elle-même, conformément à ses engagements, le financement du budget européen pour la future période soit un financement équitable. Il est clair que, pour nous, certains régimes spécifiques, définis il y a très longtemps, dans d'autres circonstances, dans un autre contexte pour les uns et pour les autres, ont fait leur temps. Faut-il pour autant, pour trouver une autre réponse, étendre à tous les pays la logique de la compensation par un mécanisme de correction généralisé des soldes nets ? Je pense qu'il serait assez peu cohérent de faire de la logique du juste retour, puisque c'est cette logique-là qui sous-tend cette proposition, la clé de la recherche d'un financement équitable. Je voulais vous dire entre quelles bornes nous allons travailler en attendant les propositions de la Commission, et en souhaitant aussi que l'on fasse preuve à la fois d'équité et d'imagination.
Q - A propos du Sommet du 29 octobre à Rome, est-ce la signature de la Constitution ou la signature d'un Traité de Rome ? Qu'est-ce que vous pensez ?
R - Nous allons signer le nouveau Traité constitutionnel. Comme il doit être signé à Rome, j'ai dit, avec une sorte d'enthousiasme que vous ne me reprocherez pas, que c'était une sorte de nouveau Traité de Rome. Ce sera, de toute façon, un Traité de Rome, puisqu'on va le signer à Rome.
Q - Et cette idée de nouveau Traité Atlantique ? Est-ce que ça veut dire que la France va sortir de l'OTAN ?
R - Je n'avais pas encore entendu dire cela ! Non, c'est l'idée qu'avait évoquée l'un de mes prédécesseurs, mais ne m'en veuillez pas de ne pas parler de cela maintenant. Je suis prêt à parler assez longuement avec vous un jour prochain de cette grande question des relations transatlantiques, de bâtir une nouvelle charte, qui devrait être quelque chose allant bien au-delà des questions de sécurité, qui justifient, et pour longtemps, l'Alliance atlantique. Je pense que nous devrions chercher à rénover, consolider, rééquilibrer les relations transatlantiques pour les prochaines décennies.
Q - Est-ce une idée franco-allemande ?
R - Non. C'est une idée que je situe dans le débat. Parce que de toute façon, pour les prochaines années, nous avons besoin de réfléchir à cette rénovation, cette actualisation de nos relations transatlantiques dans toutes leurs dimensions.
Q - Où en est-on sur les négociations sur les perspectives financières ?
R - Laissez-moi attendre les propositions de la Commission et nous en parlerons. Nous allons avoir tellement d'occasions de parler du budget entre aujourd'hui et le mois de juin 2005, que je vous assure que vous ne serez pas frustrés.
Q - M. Zebari, lors de son arrivée, ce matin, nous a parlé de certaines propositions irakiennes. Qu'est-ce que la France a retenu de ces propositions ?
R - Dans la discussion qui a été très politique, et qui a prouvé qu'on avait commencé un vrai dialogue politique, nous ne sommes pas rentrés dans le détail des propositions irakiennes. M. Zebari nous a dit les besoins de son pays. Ce matin, au Conseil, j'ai souhaité que l'on attende, en effet, l'expression des besoins du gouvernement irakien. On n'a pas fait du "prêt-à-porter", venant de l'extérieur. Cela n'a jamais été notre attitude de dire de l'extérieur : "voilà ce qu'il faut pour l'Irak". C'est aux Irakiens de nous dire ce qui est bon pour l'Irak sur le plan de la préparation des élections, de la consolidation de l'Etat de droit, de la Justice, de la préparation de l'aide que nous sommes prêts à apporter dans certaines conditions à la formation des personnels de sécurité ou des gendarmes. Et puis, après, il y a tout ce qui touche à la reconstruction économique, sociale, écologique, de l'Irak. Donc, sur tous ces sujets, il va y avoir une mission exploratoire envoyée par l'Union européenne . Il y a une mission de la Commission qui s'installe à Amman, temporairement, je pense. Donc nous allons travailler maintenant concrètement sur ces propositions de coopération.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 juillet 2004)
D'abord, comme vous le savez, nous avons arrêté la date du 29 octobre pour la signature du nouveau Traité de Rome. Je pense que le texte auquel nous sommes parvenus finalement le 18 juin mérite d'être appelé ainsi. J'ai toujours espéré pouvoir l'appeler ainsi. Il reste maintenant à transformer l'essai du 18 juin et à réussir dans chacun de nos pays la ratification. Ce matin, au cours de la discussion que nous avons eue sur cette question du Traité constitutionnel, j'ai à nouveau souhaité que cette ratification quelle qu'en soit la voie, par le peuple, dans tel ou tel pays, ou par les représentants du peuple dans tel ou tel autre, que cette ratification soit la plus coordonnée possible entre les Etats européens, de telle sorte que, sur un texte qui le mérite, un texte fondamental de l'Union européenne, il y ait un débat européen et non pas vingt-cinq débats juxtaposés ou échelonnés indépendants ou indifférents les uns des autres ; qu'il y ait un vrai débat européen dont on voit bien, à la suite des élections européennes, qu'il est nécessaire. Nous avons également souhaité que l'Union se donne des moyens d'information et de dialogue avec les citoyens.
Comme vous le savez il y a eu une évaluation, présentée par le commissaire Pascal Lamy, des négociations qui sont en cours à l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), pour tenter de rattraper, si je puis dire, l'échec de Cancun et de parvenir à la fin du mois de juillet à un cadre ou un ensemble d'orientations précises pour les négociations du cycle de Doha. J'ai simplement rappelé les vraies préoccupations que nous avons, et qui ne sont pas, d'ailleurs, seulement les nôtres, sur les conditions des prochaines étapes et le souhait que la Commission, comme je l'ai entendu de la part de Pascal Lamy, reste offensive, volontariste et qu'elle s'attache à obtenir un accord équilibré. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. La stratégie que nous avons choisie et soutenue est celle de faire des propositions, d'indiquer des marges de flexibilité, à la condition que nos partenaires répondent sur les différents chapitres de la négociation, eux aussi, par de la flexibilité et des avancées. Et pour l'instant nous n'avons pas constaté cet équilibre. Nous souhaitons que la Commission reste offensive. Le mot a d'ailleurs été prononcé cinq fois par Pascal Lamy, en même temps qu'il a prononcé le mot d'équilibre, qu'il souhaite trouver dans l'accord auquel nous devons travailler. En d'autres termes, ce qui reste intact de la part de la France, et pas seulement d'elle, c'est sa vigilance dans les semaines qui viennent.
Nous avons eu une longue discussion avec M. Zebari, le ministre irakien des Affaires étrangères, dont je veux dire qu'elle a été extrêmement intéressante. Je crois que vous pourrez la prolonger en le rencontrant tout à l'heure, à propos de l'Irak. C'est la première discussion au Conseil depuis le transfert de souveraineté au gouvernement intérimaire, le 28 juin. C'est un transfert que le gouvernement français avait souhaité, auquel il a travaillé de manière constructive dans le cadre de la résolution 1546. Ce débat entre nous sur la contribution de l'Union européenne à la reconstruction politique et économique de l'Irak va continuer, sur la base des propositions que nous feront Chris Patten et Javier Solana. En tout cas, ce qui a été exprimé, ce qui est exprimé au Conseil d'aujourd'hui, c'est une volonté commune de participer à la reconstruction politique et économique de l'Irak, commune en tant qu'Union et naturellement relayée et amplifiée par la volonté de chacun de nos pays, de faire en sorte que ce gouvernement irakien réussisse. C'est dans cet esprit, vous le savez, qu'il y a quelques minutes la France a rétabli ses relations diplomatiques avec Bagdad et que nous échangerons, dans les jours qui viennent, nos ambassadeurs.
Une discussion aura lieu sur le Proche-Orient, d'où je reviens, après y être allé deux fois en trois semaines, en Jordanie, en Egypte et dans les Territoires palestiniens, avec une visite à Ramallah, et avant d'aller dans quelques semaines faire une visite bilatérale en Israël. Ce que nous voulons dire, ce que je veux dire, c'est que l'urgence reste pour nous la mise en oeuvre sans délai de la Feuille de route du Quartet, l'arrêt de toutes les violences et le retour à la négociation. Ma conviction après les visites que j'ai faites, c'est que le statu quo n'est pas tenable, et qu'il faut ouvrir, pour les Palestiniens, pour les Israéliens, une perspective politique. Le retrait de Gaza, de mon point de vue, pourrait créer ce mouvement et ouvrir cette perspective. Nous observons avec une certaine inquiétude que les travaux du Quartet piétinent. La dernière réunion des envoyés spéciaux, le 7 juillet, a été décevante. Et pourtant l'Union ne peut pas se résigner. Elle doit être active. Je pense même, je l'ai dit l'autre jour à Ramallah, qu'elle doit être le moteur du Quartet. Nous restons mobilisés, déterminés à contribuer au succès du retrait israélien de Gaza. Nous restons disponibles, nous, Français, et je souhaite que ce soit le cas des Européens, pour accompagner l'initiative égyptienne en matière de réorganisation des services de sécurité de l'Autorité palestinienne. Je souhaite aussi que Javier Solana puisse se rendre dès que possible dans cette région, de façon que l'on puisse montrer ce volontarisme et ce soutien que nous apportons, que nous continuons d'apporter à la Feuille de route, qui est la seule route possible. En dehors de cela il n'y a pas d'alternative, c'est la violence et la terreur qui continueraient.
Nous avons notamment en mémoire l'avis consultatif de la Cour de Justice internationale du 9 juillet sur la barrière de sécurité construite par Israël en Cisjordanie. Vous le savez, cet avis n'est pas juridiquement contraignant mais il est important et nous allons l'étudier avec beaucoup d'attention, comme sans doute tous nos collègues, en rappelant que ce qui est en cause, ce n'est pas le principe d'une barrière de séparation que tout pays peut construire sur son propre territoire s'il le souhaite, pour se protéger, mais que c'est le tracé de ce mur qui pose problème. Je pense aussi que la question reste fondamentalement une question politique et qu'il faut trouver le moyen de dépasser des argumentations purement sécuritaires d'un côté, ou purement juridiques de l'autre et aller vers le seul objectif sérieux, nécessaire, qui est celui de la coexistence de deux Etats vivant côte à côte, Israël, dans la sécurité - la France ne transigera jamais avec la sécurité d'Israël - et un Etat palestinien assuré de sa viabilité.
Je voudrais vous dire un dernier mot - et puis je vous laisserai aller à la rencontre du ministre irakien des Affaires étrangères - d'une situation extrêmement grave dont le Conseil parlera cet après-midi, en tout cas, je le souhaite, qui est celle du risque d'une catastrophe humanitaire au Darfour. Nous appelons l'Union à se mobiliser, à faire davantage, sur les deux terrains, où nous pouvons prévenir, tant qu'il est encore temps, cette catastrophe humanitaire : le terrain politique et le terrain humanitaire lui-même.
Le terrain politique c'est continuer à faire pression sur le gouvernement soudanais pour qu'il respecte ses engagements, qu'il désarme les milices locales, qu'il assure l'accès le plus commode et le plus facile pour les convois humanitaires et qu'il participe de manière constructive aux négociations qui vont s'engager le 15 juillet. Cela a été décidé à Addis Abeba il y a quelques jours, sous les auspices de l'Union africaine. Je pense que les conclusions très claires du Conseil, que nous souhaitons pour aujourd'hui, iront dans ce sens. Sur le terrain humanitaire, il y a urgence pour prévenir le drame qui est en cours. Nous avons décidé d'augmenter l'aide de l'Union européenne aux personnes déplacées et aux réfugiés et pour répondre immédiatement à l'urgence, c'est à dire à l'acheminement des vivres dès l'instant où nous observons sur le terrain un accès plus facile. Il faut encore que l'on puisse accéder par des moyens de transport. Donc le problème aujourd'hui paraît être celui du transport de l'aide humanitaire par des hélicoptères lourds ou par des avions. La France, je vous l'indique, a décidé d'amorcer ce mouvement international pour l'approvisionnement en matériel et en vivres, en finançant à hauteur de deux millions d'euros la location d'un avion gros porteur qui va, sans délai, assurer des rotations permanentes. Il transportera des stocks d'aide alimentaire qui sont déjà disponibles et je pense que l'Union européenne devrait assurer le relais au-delà de cette action d'urgence que la France va financer. Je pense que Javier Solana se rendra aussi à Khartoum et au Darfour. Pour ma part, je me rendrai au Soudan et au Tchad le 27 juillet prochain et je rencontrerai le ministre des Affaires étrangères du Soudan le 21 juillet à Paris.
Q - Au sujet de l'Irak, la France vient d'annoncer la reprise des relations diplomatiques. (...) Est-ce que vous pensez que c'est compatible, avec les exigences de la France et de pas mal de pays européens qui veulent que l'Irak soit un Etat souverain ?
R - A quel moment le gouvernement intérimaire qui a été mis en place le 28 juin trouvera-t-il sa totale légitimité démocratique ? Ce sera au moment des élections qu'il faut préparer. Nous avons interrogé M. Zebari sur le processus politique, la préparation des élections, qui sont à la fois compliquées et nécessaires à organiser, sur la réunion de cette conférence inter-irakienne au mois de juillet. Il faut être pragmatique. Il faut être empirique et franchir les étapes une à une. Une première étape très importante qui marque, d'une certaine forme, une rupture, a été accomplie le 28 juin, comme nous le souhaitions, et nous y avons travaillé, je le répète, en participant de manière très vigilante et très constructive à la rédaction de la résolution 1546. Le gouvernement est mis en place. Il y a des hommes et des femmes de qualité dans ce gouvernement. Et il prépare les prochaines étapes. Donc je pense que c'est assez normal, voire nécessaire qu'un gouvernement comme le nôtre participe à ce mouvement, à ce processus politique et rétablisse ses relations diplomatiques. Je pense que c'est assez normal.
Q - Quel financement pour la cellule civile/militaire auprès du Secrétariat général du Conseil ? Le projet de budget 2005 ne le mentionne pas ? Le Conseil Ecofin ne risque-t-il pas de prendre l'avantage sur le Conseil Affaires générales et Relations extérieures sur les perspectives financières ?
R - Ce point n'a pas été évoqué, en tout cas ce matin. Nous serons vigilants pour que les décisions prises sur ce sujet - qui a fait l'objet de beaucoup de négociations et vous savez que je continuerai à apporter une attention particulière à tout ce qui touche à cette dimension politique de l'Union européenne - se traduise quand il le faudra par des actes budgétaires.
Je trouve tout à fait normal que les ministres de l'Economie et des Finances de chacun de nos pays participent à leur place à la discussion budgétaire. Mais c'est naturellement parce que c'est son rôle, que dans le cadre du Conseil Affaires générales se feront les négociations. S'agissant du gouvernement français, nous avons, nous aurons des discussions internes ; vous ne m'en voudrez pas de ne pas en discuter maintenant devant vous. Ce que je peux simplement dire, c'est qu'il y a, pour les perspectives budgétaires et financières 2007-2013, deux problèmes qui vont faire l'objet, dans les semaines et les mois qui viennent, de discussions extrêmement rudes et franches. Il y a le volume du budget, et naturellement, dans le cadre de ce volume, les politiques. Nous attendrons les propositions législatives de la Commission pour donner notre sentiment. Et puis, il y a les contributions des uns et des autres. Qui paye quoi ? Un fois qu'on a déterminé les politiques et le budget, il y a la répartition. Comme vous le voyez, nous ne sommes pas au bout de notre route. Ce que je veux simplement dire, c'est que nous serons particulièrement vigilants pour que, dans le cadre d'une discipline budgétaire que la France a souhaitée pour l'Union, elle souhaite la respecter pour elle-même, conformément à ses engagements, le financement du budget européen pour la future période soit un financement équitable. Il est clair que, pour nous, certains régimes spécifiques, définis il y a très longtemps, dans d'autres circonstances, dans un autre contexte pour les uns et pour les autres, ont fait leur temps. Faut-il pour autant, pour trouver une autre réponse, étendre à tous les pays la logique de la compensation par un mécanisme de correction généralisé des soldes nets ? Je pense qu'il serait assez peu cohérent de faire de la logique du juste retour, puisque c'est cette logique-là qui sous-tend cette proposition, la clé de la recherche d'un financement équitable. Je voulais vous dire entre quelles bornes nous allons travailler en attendant les propositions de la Commission, et en souhaitant aussi que l'on fasse preuve à la fois d'équité et d'imagination.
Q - A propos du Sommet du 29 octobre à Rome, est-ce la signature de la Constitution ou la signature d'un Traité de Rome ? Qu'est-ce que vous pensez ?
R - Nous allons signer le nouveau Traité constitutionnel. Comme il doit être signé à Rome, j'ai dit, avec une sorte d'enthousiasme que vous ne me reprocherez pas, que c'était une sorte de nouveau Traité de Rome. Ce sera, de toute façon, un Traité de Rome, puisqu'on va le signer à Rome.
Q - Et cette idée de nouveau Traité Atlantique ? Est-ce que ça veut dire que la France va sortir de l'OTAN ?
R - Je n'avais pas encore entendu dire cela ! Non, c'est l'idée qu'avait évoquée l'un de mes prédécesseurs, mais ne m'en veuillez pas de ne pas parler de cela maintenant. Je suis prêt à parler assez longuement avec vous un jour prochain de cette grande question des relations transatlantiques, de bâtir une nouvelle charte, qui devrait être quelque chose allant bien au-delà des questions de sécurité, qui justifient, et pour longtemps, l'Alliance atlantique. Je pense que nous devrions chercher à rénover, consolider, rééquilibrer les relations transatlantiques pour les prochaines décennies.
Q - Est-ce une idée franco-allemande ?
R - Non. C'est une idée que je situe dans le débat. Parce que de toute façon, pour les prochaines années, nous avons besoin de réfléchir à cette rénovation, cette actualisation de nos relations transatlantiques dans toutes leurs dimensions.
Q - Où en est-on sur les négociations sur les perspectives financières ?
R - Laissez-moi attendre les propositions de la Commission et nous en parlerons. Nous allons avoir tellement d'occasions de parler du budget entre aujourd'hui et le mois de juin 2005, que je vous assure que vous ne serez pas frustrés.
Q - M. Zebari, lors de son arrivée, ce matin, nous a parlé de certaines propositions irakiennes. Qu'est-ce que la France a retenu de ces propositions ?
R - Dans la discussion qui a été très politique, et qui a prouvé qu'on avait commencé un vrai dialogue politique, nous ne sommes pas rentrés dans le détail des propositions irakiennes. M. Zebari nous a dit les besoins de son pays. Ce matin, au Conseil, j'ai souhaité que l'on attende, en effet, l'expression des besoins du gouvernement irakien. On n'a pas fait du "prêt-à-porter", venant de l'extérieur. Cela n'a jamais été notre attitude de dire de l'extérieur : "voilà ce qu'il faut pour l'Irak". C'est aux Irakiens de nous dire ce qui est bon pour l'Irak sur le plan de la préparation des élections, de la consolidation de l'Etat de droit, de la Justice, de la préparation de l'aide que nous sommes prêts à apporter dans certaines conditions à la formation des personnels de sécurité ou des gendarmes. Et puis, après, il y a tout ce qui touche à la reconstruction économique, sociale, écologique, de l'Irak. Donc, sur tous ces sujets, il va y avoir une mission exploratoire envoyée par l'Union européenne . Il y a une mission de la Commission qui s'installe à Amman, temporairement, je pense. Donc nous allons travailler maintenant concrètement sur ces propositions de coopération.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 juillet 2004)