Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur la possibilité de transmettre des données numériques à haut débit sur l'ensemble du réseau de distribution d'électricité de RTE, Quimper le 17 décembre 2004.

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Circonstance : Inauguration du réseau de fibres optiques de RTE en Bretagne Sud et lancement de l'offre nationale haut débit de RTE à Quimper 17décembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Sénateur - Maire,
Messieurs les régulateurs de l'énergie et des télécommunications,
Monsieur le Directeur de RTE,
Je voudrais tout d'abord vous remercier, Monsieur le sénateur-maire, cher Alain Gérard, ainsi que l'ensemble des élus ici présents, pour la qualité de votre accueil dans cette magnifique ville de Quimper.
J'en suis sûr, ce vendredi 17 décembre 2004 fera date dans l'histoire locale.
Cette date restera probablement comme celle du désenclavement numérique du Sud de la Bretagne et de l'arrivée à Quimper des autoroutes de l'information. Le haut débit, c'est une centaine de chaînes de télévision, bientôt en haute définition, de la téléphonie gratuite et illimitée, des échanges de données quasi instantanés, tant pour les particuliers que pour les entreprises. L'accès à Internet haut débit et à la téléphonie mobile sont aujourd'hui devenus des conditions essentielles, non seulement de la compétitivité économique, mais aussi de l'intégration culturelle et sociale.
Peut-être cette date sera-t-elle un jour comparée au désenclavement ferroviaire de la ville, en 1863, qui a débouché sur une formidable transformation urbaine, avec la construction d'un quai reliant la gare au port, c'est-à-dire la terre et l'eau, l'intérieur et la côte, le continent et la mer, la France et la Bretagne.
Quimper, c'est d'abord un mot breton qui signifie "confluent ". Et Quimper se situe bien, désormais, à la confluence des grands réseaux de communication.
Mais l'hôtel de ville de Quimper, c'est avant tout, aujourd'hui, le lieu d'un nouveau mariage : Le mariage des réseaux d'électricité et des autoroutes de l'information.
L'alliance du transport de l'énergie et de l'échange des données.
L'union du cuivre et de la fibre.
L'addition des kilowatts et des mégabits.
L'association de l'électron et du photon.
Un mariage, c'est toujours un saut périlleux dans l'avenir. Et cet heureux mariage a déjà donné naissance à deux nouveaux modes de communication.
D'une part, l'utilisation du courant électrique lui-même pour véhiculer des données numériques. C'est la technologie prometteuse des " courants porteurs en ligne ", qui permet de transmettre des communications numériques à haut débit sur l'ensemble du réseau de distribution d'électricité. Les premières expérimentations sont particulièrement encourageantes. J'ai engagé la préparation d'un guide de bonnes pratiques sur les courants porteurs en ligne, qui devrait permettre aux opérateurs et aux collectivités locales intéressées de se familiariser avec cette nouvelle technologie. Je publierai ce guide dès le début de l'année prochaine.
D'autre part, l'adjonction des deux réseaux électrique et numérique sur un même support. Et c'est le réseau de fibres optiques de RTE, qui va atteindre le chiffre record de 15.000 kilomètres avant trois ans.
L'économie de l'énergie et l'économie des télécommunications ne doivent pas cependant être confondues. Il serait inconcevable que le consommateur d'électricité paie le développement des réseaux de télécommunications. Et il serait incompréhensible en retour que l'utilisateur de télécommunications finance l'exploitation du réseau électrique. Ce mariage doit donc être conclu sous le régime de la séparation de biens.
Avec l'aide des deux régulateurs, la Commission de Régulation de l'Energie d'une part et l'Autorité de Régulation des Télécommunications d'autre part - je salue leur présence ici à nos côtés -, je veillerai à ce qu'il n'y ait aucune subvention ni financement croisé entre les deux activités.
C'est pour cela qu'a été créée la société ARTERIA, filiale de RTE spécialisée dans les offres de télécommunications auprès des collectivités, des opérateurs et des industriels. ARTERIA loue de réseau de RTE et assure la gestion contractuelle de la mise à disposition des fibres et des points hauts. L'existence et la transparence d'ARTERIA ont précisément pour objectif de nous assurer de l'absence de subventions croisées entre énergie et télécommunications.
Car mon principal objectif est de favoriser la concurrence sur l'ensemble du territoire. Et le moyen essentiel de favoriser la concurrence n'est pas, à mon sens, je le répète, l'attribution de subventions, mais une régulation efficace du secteur.
Les excellents résultats obtenus depuis deux ans par la France en matière de haut débit en sont la preuve.
Faut-il le rappeler, la France se situe désormais dans le peloton de tête en Europe et dans le monde pour l'accès à Internet haut débit :
- Le nombre d'abonnés double actuellement tous les ans, pour atteindre près de 6 millions à la fin de l'année 2004. 40 % des ménages devraient être abonnés avant fin 2007, avec une couverture de près de 99 % de la population.
- La montée en débit est, elle aussi, accélérée : l'offre de référence du marché est passée de 128 kilobits par seconde en 2002 à 1 mégabit par seconde aujourd'hui. Et on assiste maintenant à l'apparition d'offres dont le débit nominal est supérieur à 6 Mbit/s.
- Le nombre des fournisseurs alternatifs est élevé : la France comprend une dizaine d'acteurs significatifs, qui commercialisent des offres d'accès Internet sur l'ensemble du territoire et investissent massivement. C'est plus que dans la plupart des autres pays européens.
- Les services se sont diversifiés et enrichis, notamment grâce à l'introduction de services de voix, de télévision, ou de vidéo à la demande. La télévision par ADSL, lancée en décembre 2003, est devenu une réalité en France avec des offres qui connaissent un succès grandissant en permettant l'accès à une large gamme de contenus attractifs. Cette innovation française est aujourd'hui observée avec grand intérêt par nos voisins européens.
- Les baisses de tarifs sont substantielles : le tarif mensuel associé au débit 512 kilobits par seconde est passé de 30 à 15 en deux ans. Ces tarifs sont parmi les plus bas d'Europe, nettement inférieurs à ceux généralement rencontrés dans les pays d'Europe comparables à la France.
Le marché du haut débit est devenu en deux ans un marché de masse. Plusieurs millions de Français accès à des offres innovantes, à des tarifs abordables.
Ce succès de la France est essentiellement dû au dynamisme de ses opérateurs et à sa régulation avisée du secteur.
L'offre haut débit de RTE va permettre à un grand nombre de régions et de départements, qui étaient soit non desservis, soit abandonnés à un monopole leur proposant des services moins diversifiés et plus chers, de bénéficier de ce dynamisme.
L'objectif de l'utilisation du réseau électrique n'est pas de faire entrer EDF ou RTE sur le marché des télécommunications, mais bien de valoriser le patrimoine public hors du commun dont ils assurent la gestion pour le compte de l'Etat, et d'ouvrir les territoires à la concurrence.
J'observe que RTE est particulièrement bien placé pour cela, pour quatre raisons principales :
Premièrement, le réseau de RTE, à côté des autres grands réseaux publics comme Voie Navigable de France ou Réseau Ferré de France, est à la fois le plus long, le plus dense, le plus capillaire, et le plus facile à équiper en fibres optiques. Avec plus de 100.000 kilomètres de lignes électriques, il est le plus important d'Europe. Il offre une opportunité particulièrement attractive pour faciliter l'accès au haut débit à moindre coût : avec une structure maillée et 2.300 points de desserte voisins des agglomérations, il permet de desservir la totalité des villes de plus 7000 habitants, et plus de la moitié des villes de plus de 5000 habitants. Cette densité permet aussi de répondre aux objectifs de desserte de zones rurales ou montagneuses " excentrées ", pour un coût très compétitif, la technique de pose ne nécessitant pas de travaux de génie civil. Le réseau de RTE offre en outre une complémentarité avec les réseaux des opérateurs de télécommunications et les autres supports possibles d'infrastructures télécoms (autoroutes, voies fluviales, gazoducs, oléoducs), pour fournir une couverture optimale de l'ensemble du territoire.
Avec au total 15.000 kilomètres de fibres déployées d'ici 2008, le réseau optique de RTE devrait se situer parmi les quatre premiers réseaux de télécommunications à haut débit en France.
Deuxièmement, le mariage de l'énergie et des télécommunications sera d'autant plus facile que RTE est devenu majeur, avec la loi du 9 août 2004, qui prévoit sa transformation en société anonyme, filiale du groupe EDF, et qui lui confie la charge de l'entretien, de l'exploitation et du développement du réseau de transport de l'électricité. La structure juridique de RTE sera complétée par différents décrets, que je publierai au cours du premier semestre 2005. Avec ses 8.000 agents et ses 4 milliards d'Euros de chiffre d'affaires en 2003, RTE se classe aujourd'hui dans les 70 premières entreprises françaises.
Troisièmement, le réseau de RTE constitue une infrastructure de collecte performante et sécurisée, qui est à la fois interconnectable aux grandes liaisons nationales et internationales et facile à prolonger jusqu'au client final.
Quatrièmement, RTE est un partenaire traditionnel des collectivités locales. Il est donc naturel que ces collectivités, qui viennent d'être dotée par la loi pour la confiance dans l'économie numérique et le nouvel article L.1425-1 du code général des collectivités territoriales d'une compétence pour construire et exploiter des réseaux de télécommunications, s'adressent à lui.
J'observe enfin que l'offre haut débit de RTE répond particulièrement bien aux besoins spécifiques de la Bretagne.
Le Sud de la Bretagne fait en effet partie des zones du territoire non " dégroupées ", dans lesquelles les opérateurs alternatifs n'ont pas accès au client final. Elle constitue aussi, à ce titre, une véritable " péninsule numérique ".
Je tiens à saluer Neuf Télécom, qui est aujourd'hui le premier des opérateurs alternatifs à saisir cette opportunité pour acquérir les droits d'usage, via une convention de longue durée, de plusieurs paires de fibres disponibles déployées sur cet axe majeur du réseau breton. Pour compléter cette " dorsale ", l'opérateur a financé l'installation de câbles optiques supplémentaires sur des liaisons transversales permettant de desservir les villes de Saint-Nazaire, Vannes, Lorient, Quimper et Brest, et de leur apporter le dégroupage, c'est-à-dire la concurrence.
Cette première opération permet d'une part à RTE de valoriser son réseau de sécurité en s'inscrivant dans sa mission d'aménagement du territoire, et d'autre part à l'opérateur 9 Telecom de lancer une offre d'accès haut débit alternative en Bretagne Sud.
D'autres opérations pourront suivre, pour valoriser les capacités des fibres optiques disponibles, au profit des collectivités territoriales de Bretagne ou d'autres opérateurs de télécommunications.
Avec près de 400 km de fibres optiques déployées en 2 mois entre Nantes et Brest, ce chantier est aussi celui de tous les records. Les travaux de pose se sont échelonnés de juin à octobre 2004, pour une mise en service dès le début de l'année 2005.
Je voudrais féliciter les équipes de RTE qui ont mené à bien ce formidable chantier, avec des moyens humains et techniques sans précédent : près de 200 hommes, des équipements spécifiques, 40 grues, des hélicoptères, des nacelles allant à 70 m, des robots télécommandés.
J'invite RTE à poursuivre activement le déploiement de son réseau de fibres optiques en Bretagne Nord dès 2005, avec l'objectif d'aboutir, d'ici 2008, à une boucle optique sur toute la Bretagne en reliant notamment Brest à Rennes, la capitale régionale.
Nous avons fixé ensemble l'objectif de déployer des boucles optiques interconnectées sur l'ensemble des régions françaises, afin qu'RTE dispose fin 2008 d'un réseau haut débit de 15.000km. Cet objectif est ambitieux mais nous avons l'énergie suffisante pour l'atteindre !
Je souhaite aussi que RTE ne se limite pas l'exploitation de son offre de fibres optiques auprès des collectivités et des opérateurs. J'encourage en particulier RTE à mieux exploiter ses points hauts.
Les 250.000 pylônes du réseau de transport électrique répartis sur tout le territoire peuvent également accueillir, éventuellement en les mutualisant, des équipements radioélectriques (GSM, UMTS, Faisceaux Hertziens, Wifi, Wimax ) qui sont directement connectables à la fibre optique : une solution bien adaptée aux territoires isolés ou à faible densité de population, et un progrès dans la résorption des zones non desservies par l'Internet haut débit mais aussi des " zones blanches " de la téléphonie mobile.
Permettez-moi en effet de souligner que la pénétration de la téléphonie mobile en France en général et en Bretagne en particulier est largement insuffisante. Avec des niveaux de 71 % au plan national et à peine 51 % au plan régional, la France en général et la Bretagne en particulier se classent parmi les pays et régions d'Europe ayant le plus faible taux d'abonnement au téléphone mobile.
L'existence de zones blanches, nombreuses en Bretagne, est une première explication. Malgré les efforts déjà accomplis, il existe encore en France plus de 3.000 communes rurales, correspondant à 2 % de la population mais à 10 % du territoire environ, qui ne sont couvertes par aucun opérateur mobile.
La résorption de ces zones blanches a fait l'objet d'un accord national entre l'Etat, les collectivités locales, et les opérateurs, en juillet 2003. Mais sur les 1.250 sites prévus dans la première phase, seuls 8 ont été équipés en un an et demi. De nombreux départements n'ont pas encore conclu avec les opérateurs les conventions cadres permettant d'identifier les besoins. J'invite donc l'ensemble des départements et des opérateurs, ainsi que RTE, avec les points hauts de son réseau, à renouveler leurs efforts pour accélérer la résorption des zones blanches de la téléphonie mobile.
Mais la raison essentielle pour laquelle le marché français de la téléphonie mobile n'est pas suffisamment développé est sa trop faible intensité concurrentielle. J'ai demandé au printemps l'introduction de nouveaux opérateurs mobiles, ces fameux MVNO, qui louent aux grands opérateurs leurs infrastructures et proposent des services et tarifs plus compétitifs. Cette intervention a permis l'entrée sur le marché français de deux premiers opérateurs alternatifs, dont l'un d'entre eux, BREIZH MOBILE, s'est d'ailleurs spécialisé sur la Bretagne. Mais l'équilibre économique de ces nouveaux opérateurs est aujourd'hui précaire.
J'ai signé le 30 novembre dernier un décret sur le contrôle des opérateurs puissants, qui permettra à l'ART, si elle le souhaite, de reconnaître l'influence significative conjointe de ces trois grands opérateurs, et de leur imposer d'ouvrir leurs réseaux à de nouveaux concurrents.
Permettez-moi d'insister sur ce point : 5 % de pénétration supplémentaire de la téléphonie mobile, c'est 3 millions d'abonnés, et c'est de la croissance et des milliers d'emplois en plus pour l'ensemble de nos régions.
En conclusion, je remarquerai que les mariages, comme celui d'Anne de Bretagne avec Charles VIII, ont toujours joué un rôle décisif dans l'histoire de cette région. Aussi je forme aujourd'hui le vu que le mariage de l'énergie et des télécommunications fasse pleinement entrer la Bretagne dans le règne d'Internet et de la société de l'information.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 20 décembre 2004)