Déclaration de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, notamment sur la réforme de la PAC, le développement des territoires uraux et les industries agro-alimentaires, Paris le 15 décembre 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Assemblée permanente de la chambre d'agriculture à Paris le 15 décembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Je suis très heureux de pouvoir m'exprimer devant votre assemblée permanente qui représente de longue date auprès des pouvoirs publics le monde agricole dans sa richesse de talents, sa diversité, son engagement dans le développement de nos territoires ruraux.
Vos chambres départementales et régionales forment un réseau exemplaire, que votre assemblée permanente conforte notamment sur les grands dossiers que nous menons ensemble. Ce travail en commun, cette coopération étroite et constructive, sont la base d'une démarche ancienne entre l'APCA et le Ministère de l'agriculture.
Aujourd'hui, au moment où les dossiers de l'alimentation et le projet de la ruralité reviennent au coeur de notre quotidien, ce travail en commun doit et peut se développer sur de nombreux sujets. Vous avez su le faire avec mon prédécesseur, nous le ferons ensemble, à l'exemple de nos actions communes sur la mise en place des procédures de la Politique Agricole Commune.
Le dossier de la réforme de la PAC constitue en effet un des axes de travail prioritaires sur lesquels nous devons nous retrouver.
Vous le savez, les modalités de la mise en oeuvre de la réforme de la PAC sont en cours de finalisation. Le Conseil Supérieur d'Orientation (CSO) du 18 mai dernier a arrêté les orientations nationales pour mettre en oeuvre cette réforme. Plusieurs groupes de travail, auxquels vous étiez étroitement associés, se sont réunis. Nous avons mené ensemble, le dur combat de la simplification et vous nous aidez par le comité des usagers, à obtenir une meilleure qualité des textes. Une charte de la qualité réglementaire a été signée il y a quelques mois.
Ce partenariat entre le ministère de l'agriculture, l'APCA et les chambres d'agriculture permet la réalisation d'outils communs aux Directions départementales d'agriculture, tels que l'élaboration et la diffusion des documents de vulgarisation facilitant la compréhension et l'explication des principales caractéristiques de cette réforme, ainsi que la construction d'un site internet commun aux chambres et aux DDAF.
Parallèlement au partenariat pour l'information sur la PAC, le groupe " chambres d'agriculture " s'est mobilisé sur d'autres points importants pour la vie quotidienne de l'agriculteur. L'outil de calcul des droits à paiement unique en est un exemple, l'outil d'autodiagnostic du respect de la conditionnalité des aides PAC en est un autre. Mon objectif en vue d'une meilleure organisation des contrôles nécessaires est de veiller à la préparation des visites, à la rationalisation de leur nombre et/ou de leur durée. De plus afin de renforcer la coordination, j'ai donné des instructions précises pour que les règles nouvelles soient adaptées à la réalité du terrain et traitées simplement, toujours humainement. Tout prochainement, un manuel portant sur les obligations au titre de la conditionnalité sera soumis au comité des usagers co-présidé par le ministère et l'APCA. Dans cet esprit, j'ai adressé le 9 décembre une lettre à chaque agriculteur, qui insiste particulièrement sur le pragmatisme nécessaire dans l'application des règles nouvelles, les agents de contrôle étant invités à agir avec réalisme et discernement. Je compte sur vous pour me faire connaître tout au long de l'année 2005 vos observations sur les conditions de mise en oeuvre du nouveau dispositif sur le terrain.
Ce chantier prioritaire, ne doit pas nous éloigner de celui que nous partageons également aujourd'hui sur le projet de loi de développement des territoires ruraux.
Ainsi, après plusieurs années d'une politique d'aménagement du territoire essentiellement tournée vers les zones urbaines, le Gouvernement a souhaité engager une nouvelle dynamique au profit des espaces ruraux qui prend en compte les évolutions récentes et contrastées de ces territoires.
Ce projet de loi, premier texte législatif spécifiquement dédié à la ruralité, a pour ambition de replacer l'ensemble des territoires ruraux au coeur de notre politique nationale d'aménagement du territoire. La réalité du monde rural a en effet profondément changé depuis une dizaine d'années, mais, surtout, la ruralité est aujourd'hui diverse et ne peut ni ne doit plus être appréhendée de manière uniforme.
Ce projet de loi, parmi les huit grands axes qui en font son architecture, comporte un volet concernant l'utilisation des moyens de l'Etat et des grands établissements publics dans l'espace rural.
Un constat et trois raisons conduisent à moderniser la description du champ d'action des chambres d'agriculture et à réaffirmer leur rôle d'organe consultatif auprès de l'ensemble des pouvoirs publics.
Les textes actuels sont imprécis et en partie obsolètes notamment sur les chambres régionales, et sur l'articulation entre les niveaux national, régional et départemental ; ils n'affirment pas le rôle de tête de réseau de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA).
Le changement de contexte institutionnel conduit à réaffirmer le rôle central des chambres en tant qu'organe consultatif auprès non seulement de l'Etat, mais aussi des collectivités territoriales et des établissements publics qui leur sont rattachés.
De nouveaux enjeux apparaissent, notamment la mise en oeuvre d'un développement durable et équilibré.
La lisibilité de la répartition des compétences entre les niveaux national, régional, départemental doit être améliorée :
- les chambres départementales participent à la gestion " de proximité " du territoire rural : l'urbanisme, la préservation des ressources naturelles, l'animation rurale sont de leur ressort ;
- les chambres régionales participent à la programmation du développement économique, tant dans le cadre de programmes régionaux qu'européens, ainsi qu'à la fixation des orientations en matière d'aménagement du territoire ;
- enfin, dans un souci d'utilisation optimale des moyens dont chaque niveau dispose et pour favoriser leur synergie, la nouvelle rédaction de certains articles du code rural réaffirme la responsabilité des chambres régionales dans l'orientation des actions communes menées par les chambres départementales ainsi que le rôle de tête de réseau de l'APCA en matière de contrôle de gestion.
Un grand nombre des propositions, que les chambres d'agriculture et le bureau de l'APCA avaient formulées, ont été retenues par les députés et les sénateurs, notamment celles qui prévoient la consultation des chambres d'agriculture sur les modifications de périmètre ou de programme d'action dans les espaces agricoles naturels et périurbains, et celles qui clarifient les périmètres d'intervention du CNASEA au regard des missions des établissements consulaires.
Pour être complet, j'ai le plaisir de vous confirmer que l'ensemble des articles du dispositif relatif au réseau consulaire agricole étant d'ores et déjà conforme en 1ère lecture du Parlement, ces mesures seront applicables dès la promulgation de la loi et nous veillerons ensemble à la mise en place rapide et lisible, des textes et des instructions nécessaires au développement de la ruralité.
Mais, en dehors de ces grands dossiers, l'actualité nous rattrape, j'ose dire, tous les jours et notamment depuis cet été sur la question des prix agricoles.
Or cette question est indissociable de celle relative aux relations commerciales entre la production, la transformation et la distribution. A ce titre, le rapport CANIVET, qui a été remis au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, constitue une contribution importante. Un chapitre de ce rapport a d'ailleurs été spécifiquement dédié aux produits agricoles bruts, périssables et non markétés, dont les fruits et légumes constituent l'exemple le plus sensible.
Comme vous, nous souhaitons pouvoir faire évoluer les instruments juridiques dont nous disposons. Nous étudions d'ailleurs la possibilité d'inscrire, dès la deuxième lecture du projet de loi de développement des territoires ruraux, les dispositions législatives concernant les aspects strictement agricoles relatifs aux produits frais et périssables. Le groupe de travail mis en place par Christian JACOB s'est d'ailleurs réuni à ce sujet ce matin au ministère de l'agriculture.
Mais, par delà les exigences propres à chaque filière le meilleur équilibre des marges sera obtenu en renforçant le dynamisme et la compétitivité de nos produits agricoles. Comme l'a souligné le Président de la République, lors de son allocution sur l'avenir de l'agriculture française le 21 octobre à Murat : " Assurer la compétitivité de notre agriculture, c'est d'abord alléger les charges et les réglementations excessives qui pèsent sur elle. ".
Nous savons que, dans ce domaine, nous avons beaucoup à faire. En matière de simplification, je souhaite poursuivre le travail engagé depuis 2002.
La tâche est lourde, car les sujets que nous traitons sont complexes, mais vous pouvez compter sur ma détermination.
Mais, comme le soulignait également le Président de la République, " la compétitivité de notre agriculture passera aussi, de plus en plus, par la qualité ".
Créer de la valeur ajouter en innovant, en développant des démarches de filière, en s'appuyant sur des interprofessions et une organisation économique renforcées, tels sont les défis qu'il convient également de relever.
Nous ne pouvons plus aujourd'hui raisonner la production agricole en dehors des filières.
C'est tout l'enjeu exprimé en Bretagne, lors du SPACE qui s'est tenu en septembre 2004, et au cours duquel le Gouvernement a appelé les bretons à relever le défi de la valeur ajoutée.
C'est toute la dynamique qu'a souhaité impulser Jean-Pierre RAFARIN, lors de son déplacement à Cournon au Sommet de l'élevage, lorsqu'il a appelé le Massif central à se mobiliser pour élaborer de nouvelles perspectives pour son élevage et son agriculture.
Enfin, c'est le message délivré par le Président de la République dans le Cantal le 21 octobre dernier, qui appelait l'agriculture à relever le défi de la compétitivité.
Je vous propose à mon tour de vous engager dans cette voie. Il n'y en a pas d'autre. Nous n'avons pas à rougir de notre agriculture et de notre industrie agro-alimentaire.
Nous devons à ce titre nous appuyer sur le partenariat national pour le développement des industries agro-alimentaires sur lequel Monsieur Nicolas FORISSIER, Secrétaire d'Etat à l'agriculture, l'alimentation, la pêche et la ruralité, est résolument engagé. Je compte également aborder avec clarté cette question dans le projet de loi d'orientation agricole actuellement en préparation.
Je souhaite que les questions de l'organisation économique et des interprofessions soient discutées très ouvertement. Nous avons également à travailler à l'adaptation de nos filières. Pour ce faire, nous ne devons pas opposer l'amont et l'aval, mais bien construire une dynamique d'ensemble. La réflexion qui a été engagée sur le dispositif coopératif est à ce titre particulièrement importante.
Nous devons construire ensemble les fondations d'une nouvelle économie agricole, intégrant les évolutions internationales et européennes.
Le défi est important, mais passionnant. Et nous avons les moyens de le relever.
Il nécessite de faire évoluer nos approches et nos outils - je pense notamment à l'assurance récolte - Il nécessite également que nous poursuivions, à l'échelle européenne notamment, la construction d'outils spécifiques, tels que les outils de gestion de crise. Sur ce point, il faut que nous portions tous ensemble ce dossier.
Ce sont à ces conditions que nous pourrons préserver et continuer d'améliorer le revenu agricole.
La question des conditions de vie et de travail des agriculteurs est au centre des préoccupations non seulement des jeunes, mais aussi des aînés qui, dans une société de l'image et des loisirs, souhaitent légitimement une série d'améliorations. Dans ce dossier le service de remplacement n'est sans doute plus la réponse adaptée, malgré son importance pour les loisirs et les absences imposées par la vie familiale, les engagements politiques ou syndicaux. La concertation en cours pour déterminer le contenu de la future loi d'orientation nous permettra de fixer les contours du futur statut de l'agriculteur et j'ai noté que votre projection pouvait être audacieuse, voire même apporter quelques remous pour reprendre votre expression de " pavé dans la mare " .
Lors de votre session du mois de juin dernier, la question du financement des chambres d'agriculture au regard de l'évolution de leurs missions et de leur organisation a été abordée. Conformément à votre souhait, Monsieur le Président, une mission d'appui du Conseil général du génie rural des eaux et des forêts a été mise en place pour apporter du recul dans une démarche plus large de réflexion. Elle permettra de dégager les propositions qui pourraient améliorer tant la cohérence et les synergies au sein du groupe " chambres d'agriculture " que le renforcement de l'efficacité de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture dans son rôle de tête de réseau. Cet audit externe de l'organisation du groupe " chambres d'agriculture ", son offre et son insertion dans l'ensemble des structures intervenant dans le secteur, pourra permettre de tenir compte des propositions qui en découleront dans le cadre de la loi d'orientation et de modernisation agricole.
J'en viens maintenant au projet de loi d'orientation.
En premier lieu, je voudrais tout d'abord vous adresser mes plus sincères remerciements. Les débats régionaux ont été organisés conjointement par les chambres régionales d'agriculture et par les directions régionales de l'agriculture et de la forêt sous l'autorité des préfets de région. Je me réjouis de ce partenariat qui me paraît très significatif de votre identité telle que vous l'avez définie tout à l'heure : " dialogue permanent et constructif avec les services publics, présence dans les territoires ".
Tous les échos qui me remontent sont unanimes : malgré parfois quelques doutes au départ, les acteurs régionaux se sont montrés heureux de la démarche et des débats régionaux, que ce soit en métropole ou outremer, ils ont été un succès. Ils ont permis à prés de 3000 acteurs de terrain, impliqués localement dans les structures locales ou dans les CDOA, de s'approprier les enjeux de cette loi et d'exprimer leurs attentes et leurs propositions. Les quelques 500 pages des comptes-rendus représentent une matière riche à exploiter. Merci à tous pour votre implication.
Comme vous le savez, la commission nationale d'orientation me remettra lundi prochain ses réactions sur la synthèse qui a été établie à partir de ces comptes-rendus et ses propositions et recommandations. Je sais qu'elle s'est réunie ce matin pour préparer cet avis. Vous en êtes membre, monsieur le Président ; j'imagine que les débats ont été nourris.
Sur le fond je suis d'accord avec vous, monsieur le président : cette loi doit tracer l'avenir de notre agriculture. Elle doit pour cela montrer à la fois la direction et le chemin.
La direction, c'est notre vision de l'avenir de l'agriculture. Vous en avez proposé une 1ère esquisse dont la structure rejoint les 3 premiers volets du cadre de réflexion proposés aux débats régionaux : le revenu, les hommes et les exploitations, les questions foncières. Je crois que la Commission Nationale d'Orientation (CNO) me proposera aussi des éléments à ce sujet. Nous pourrons ensemble les confronter et les approfondir. Cette vision, il faudra donc qu'elle soit partagée. Vous proposez de la formaliser dans ce qui pourrait devenir l'exposé des motifs de la loi et d'en faire l'objet d'un débat préalable au Parlement. A ce stade, si je suis d'accord sur les objectifs, je n'ai pas encore d'avis sur les modalités. Je vous propose que nous en reparlions dès les premiers jours de l'année prochaine.
Le chemin, ce sont les adaptations à conduire sur nos outils actuels pour nous permettre d'aller dans la direction que nous souhaitons. Vous l'avez sans doute constaté comme moi : les débats régionaux ne proposent pas une remise en cause radicale de ces outils. L'essentiel, je crois, sera, par les adaptations que nous proposerons, d'ouvrir des portes sur l'avenir ; adaptation progressive ou évolutions plus radicales, là encore, nous devrons faire des choix.
Quelle va être maintenant la suite des opérations ? En termes de délais tout d'abord, je vous confirme que je maintiens l'objectif d'une entrée en application courant 2006. La phase de large débat, qui avait été lancée lue par Hervé GAYMARD et qui a porté ses fruits s'achève lundi prochain avec la remise par la commission nationale d'orientation de ses conclusions. Je prévois de définir dans le courant du mois de janvier les orientations et les modalités de travail pour les phases plus institutionnelles de concertation et de rédaction du projet de loi. Il va de soi que je vous consulterai avant de fixer des options définitives.
Je ne doute pas qu'avec votre appui, nous mettrons à profit les prochains mois pour bâtir dans un partenariat productif le texte législatif offrant au monde agricole le cadre d'avenir qu'il attend et qu'il mérite.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 16 décembre 2004)