Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat, sur le commerce de centre ville comme support indispensable du développement urbain et sur les différents exemples européens d'organisation du commerce en ville, Paris, le 1er mars 2000.

Prononcé le 1er mars 2000

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque de l'Union du grand commerce de centre-ville, à Paris, le 1er mars 2000

Texte intégral

J'ai grand plaisir à venir parmi vous pour ce colloque.
Vous êtes nombreux, celles et ceux que je connais dans cette salle. C'est un signe supplémentaire que le sujet de votre colloque est bien en phase avec les préoccupations des Pouvoirs publics.
Vous savez sans doute que la France organisera à l'automne prochain, dans le cadre de la présidence de l'Europe une rencontre internationale à Lille qui aura pour thème " le commerce en Europe ".
Nous partageons toutes et tous l'analyse que le commerce de centre-ville sera un élément constitutif très fort de l'avenir des villes en Europe.
Il est très difficile d'essayer de dresser un panorama complet des formes de commerces dans les villes européennes. Il est encore plus difficile de prédire les formes que prendra le commerce dans les décennies qui viennent.
Dès lors, comment bâtir une politique publique qui soit à la fois légitime et efficace, en s'appuyant sur les réussites européennes ?
Pour répondre à cette question, il faut poser ensemble les termes du sujet. Je les résumerai de la façon suivante :
le commerce est le cur de l'activité de la ville
la périphérie doit changer son mode d'organisation spatiale et économique
l'action publique conserve un rôle d'organisation primordial

1. Le commerce est le cur de l'activité urbaine
Quand on se livre à l'examen historique de nos villes, le commerce apparaît toujours comme le premier facteur du développement et de la prospérité.
Peut-être par le passé l'ordre religieux a pu lui disputer la prééminence, les nécessités militaires ou la vie intellectuelle et culturelle ont eu leur part dans le modelage de la ville.
Mais c'est incontestablement le commerce qui a, de façon permanente, justifier le développement et la modernisation du tissu urbain.
C'est une règle d'or, il nous faut la respecter dans chacun de nos choix urbains. Parfois on a pu être tenté de s'en affranchir, en créant des villes " mono-fonctionnelles " comme les cités industrielles mais dont la pire illustration fut nos " cités-dortoirs ".

2. la périphérie doit aussi être envisagée de façon autonome
Vous avez sans doute fait le constat comme moi. La périphérie urbaine a beaucoup souffert d'avoir été conçue comme un espace de " déversement " des fonctions que la ville-centre ne pouvait ou ne voulait plus accueillir.
C'est vrai que cela s'est réalisé dans une période de croissance démographique soutenue. Dès lors on a assisté à la " sortie de terre " de villes-champignons où l'habitat et les voies de circulation routière occupaient l'essentiel de la réflexion urbaine et par conséquent de l'espace.
C'est après que les manques sont apparus : écoles, hôpitaux et commerces. Le travail de rattrapage n'est pas facile, il se poursuit encore.
J'essaie de participer, avec les moyens de mon département, à toutes les opérations qui visent à retisser le maillage urbain, notamment en matière de commerce, d'artisanat ou de services.
Je crois que l'efficacité de notre action suppose aussi de repenser la ville périphérique en cherchant à concilier les deux objectifs que sont d'une part un développement pluri-fonctionnel de la périphérie et d'autre part la redynamisation commerciale des centres villes.
Ces deux objectifs ne sont ni irréalistes ni incompatibles.
La périphérie a aussi besoin de commerces de proximité. Dans le même temps il faut reconnaître que les grandes surfaces répondent à des besoins et à des modes de vie qui ne sont pas uniquement ceux des habitants des périphéries.
Si on admet cela, il est ensuite possible d'envisager sereinement le diagnostic de centre-ville. C'est à dire l'examen critique de l'offre commerciale présente mais aussi l'expertise de ce qu'il manque.
Soyons objectifs entre nous. L'élu politique est un consommateur certes mais il ne peut pas valablement se substituer à l'ensemble des consommateurs et professionnels pour proposer la meilleure évolution de la zone de chalandise.
Il faut qu'il s'entoure d'expertise et mène une concertation approfondie et dépassionnée.
On a tous à gagner à comparer. L'idée de l'animateur de centre-ville nous vient des centres commerciaux anglais, le renouveau des fêtes commerciales est inspiré par la tradition hanséatique ou alsacienne. La braderie nous vient du Nord.
Il faut être allé à Bruges pour comprendre que le centre-ville peut se développer et s'embellir même sans voitures particulières.
Comment Rome fait-elle pour garder des grandes surfaces alimentaires en plein centre-ville ?
Voilà les questions auxquelles nous devons apporter les bonnes réponses pour construire la ville et les commerces de demain.

3. Les Autorités publiques ont une mission " penser l'avenir de la ville " et une obligation " ne pas concevoir a priori la ville "
Cette affirmation n'est pas un paradoxe. Réfléchir sur l'agencement des différentes fonctions urbaines est impératif si on veut éviter l'anarchie des intérêts particuliers contradictoires.
En même temps aucune autorité n'a la légitimité et la compétence de dessiner l'avenir de la ville.
C'est pour cela que la concertation est fondamentale, je sais comme vous, qu'elle est souvent source de délais, de lourdeur, elle est parfois décevante. Mais elle est indispensable. Finalement c'est une façon de " gagner du temps " dans la gestion réelle de la vie urbaine.
Ne perdons pas de vue que nos choix urbains sont presque irréversibles. Ils sont faits pour nous, mais ce sont les générations futures qui les vivront.
C'est une responsabilité majeure, seule les élus de la Cité ont la légitimité pour engager ainsi la vie quotidienne de leurs concitoyens.
L'élu local le fera justement s'il est à l'écoute des besoins de la population et des attentes des commerçants qui peuvent être de bons professionnels des centres-villes une fois mis de côté quelques lubies passéistes.

Conclusion
Il est possible de comparer à l'infini les statuts des différentes villes d'Europe, et essayer d'y puiser des éléments explicatifs de leurs succès ou de leurs échecs en matière de développement commercial.
Je suis persuadée que l'histoire et les mentalités jouent un rôle fondamental dans la trame urbaine et sa composante commerciale.
Les Pouvoirs publics ont décidé de donner aux acteurs locaux les moyens d'une Renaissance du commerce dans les centres villes : projet de loi Solidarité et Renouvellement Urbain, Schémas de Développement Commercial, communautés d'agglomération et fiscalité unique, contrats Etat-Régions, contrats de ville et grands projets urbains.
Ce sont des outils, ce ne sont que des outils. Ils sont là pour servir la mise en uvre des politiques de renouvellement urbain.
J'ai la conviction que ce renouvellement urbain ne prendra tout son sens que s'il comprend une nouvelle dynamique en faveur des commerces.
Votre réflexion et vos échanges sont là pour éclairer et enrichir l'action de tous les acteurs du développement du commerce.
Avec votre présence aujourd'hui, avec les rencontres que nous avons régulièrement entre nous, je suis très optimiste.
Nous pouvons, ensemble, écrire un page nouvelle, une belle page j'espère, du commerce dans les villes d'Europe.
(Source http://www.pme-commerce-artisanat.gouv.fr, le 7 mars 2000)