Texte intégral
Monsieur le Président,
J'ai eu raison de venir ! Vos propos étaient aimables. Je me demande ce qui se serait passé si je n'avais pas été présent. Comme je vous connais franc et courageux, vous en auriez moins dit, ce qui aurait été dommage.
J'avais un discours excellent qui ressemblait à tous ceux que nombre de Ministres sont venus faire devant vous, et feront dans la journée. L'armature était la suivante : rien ne peut se passer sans l'artisanat ; on vous aime ; on vous aimera encore plus demain ; rien ne change. C'est le discours qui était préparé mais je le laisse de côté. J'ai pris des notes et je vais vous répondre avec la même franchise.
J'ai beaucoup discuté avec vous, les représentants, et quelque chose me frappe : vous me dites que vous comprenez notre action mais qu'il n'en est pas de même pour la base. Je ne partage pas cet avis. Soit ce que l'on fait est juste et votre base comprend, soit ce que l'on fait est injuste et votre base ne comprend pas, et elle a raison. Je n'ai qu'un seul discours parce que je crois que les Français sont beaucoup plus lucides qu'on ne l'imagine. Je sais que vous n'attendez pas de moi la berceuse habituelle dégoulinant d'affection et en même temps d'immobilisme. Vous attendez de moi que je vous explique les problèmes de la France, ceux de l'artisanat et les solutions possibles. Voilà comment je vais construire mon discours. On sera peut-être en désaccord mais il s'agira de mes mots.
Monsieur le Président, si la loi actuelle sur tous ces sujets était si formidable, expliquez-moi pourquoi tant de commerces de proximité ferment, pourquoi les artisans ont tant de difficultés à trouver des collaborateurs et des successeurs. S'il ne faut rien réformer, c'est que tout se passe très bien. Si le seul risque est que je fasse avancer les choses, expliquez-moi pourquoi notre pays est dans une telle situation ? Face aux difficultés, il ne faut pas trembler. Vous le savez bien, vous les artisans. Il ne faut pas avoir peur. Il faut regarder les choses telles qu'elles sont et essayer de trouver les bonnes solutions.
Je vais reprendre tous les points sans en oublier aucun, nous allons aller au bout des choses. Je crois que le monde de l'artisanat est exaspéré des promesses sans lendemain, des discours si laudateurs qu'ils en deviennent méfiants. Vous ne demandez qu'un seule chose : de l'action et des résultats. Je n'ai pas peur. Si je suis parmi vous aujourd'hui, c'est que j'en ai assez que l'on parle en votre nom et que l'on présente l'artisanat comme un monde frileux alors que c'est le monde du travail, de la prise de risque et du courage.
Monsieur le Président, avec la pudeur qui est la vôtre, vous me demandez des mesures. Vous vous êtes dit que pour ne pas m'embarrasser, vous n'alliez pas me faire de compliments. Vous avez réussi : vous ne m'avez pas embarrassé.
I. Les retraites
Comment payez-vous votre retraite ? Vous la jouez en un seul coup, au moment de la vente du commerce ou du fonds de commerce. Si vous faites une bonne vente, la retraite sera un peu meilleure. Si vous faites une moins bonne vente, ce n'est pas avec les cotisations que vous avez dû assumer et les pensions versées que vous allez vous en sortir facilement.
Pourquoi ai-je prévu et mis en application, Monsieur le Président, l'exonération des plus-values professionnelles ? Je l'ai dit au mois de mai, je l'ai fait voter au mois de juin et c'est applicable dès aujourd'hui. Si vous vendez votre fonds ou votre commerce, vous serez totalement exonérés de plus-value. Depuis combien de temps le demandiez-vous ? Vous l'avez demandé, je l'ai fait. Il s'agit d'une mesure considérable parce qu'elle vous permettra de trouver des successeurs. Evidemment, quand une banque ou un assureur propose 25 % de plus que le boucher ou le charcutier, le choix est vite fait. Je ferais la même chose : vendre au plus offrant pour améliorer sa retraite. Aujourd'hui, si vous vendez à un commerçant ou un artisan, vous n'avez pas de plus-value professionnelle. Cela représente un rééquilibrage considérable en votre faveur. Mais ce n'est pas parce que ce problème est réglé qu'il ne faut plus en parler car s'il n'avait pas été réglé, vous m'en auriez fait le reproche.
II. La question du conjoint collaborateur
Ce point relève d'une véritable injustice. Le conjoint collaborateur travaille dur et se trouve dans une situation inadmissible. Au printemps 2005, un texte lui donnera un vrai statut. Les deux tiers des conjoints des chefs d'entreprise exercent une activité, mais seuls 10 % bénéficient d'une couverture sociale. Les parlementaires présents connaissent mon travail : j'ai travaillé sur les conditions de déduction du salaire du conjoint collaborateur. Le plafonnement de la déduction du salaire était bloqué à 2 600 euros depuis 1982 ! J'ai fait voter le texte la semaine dernière à l'Assemblée nationale, et il sera voté dans quelques jours au Sénat : nous avons porté le plafonnement à 13 800 euros. Si cela, ce n'est pas une décision !
J'ajoute, Monsieur le Président, qu'il ne s'agit pas que d'une promesse. Le texte a été voté et il sera applicable dès 2005.
Je ne vous demande pas de remerciements car je pense que ce texte n'est que justice. Mais ne venez pas me dire que celui qui relève un plafond bloqué depuis 1982 ne comprend pas la réalité des artisans et des commerçants ! Que deviez-vous donc dire à mes prédécesseurs ?
Pierre Perrin est en train de se dire qu'il aurait dû parler de ce point. Je peux retirer ce que je viens de dire si cela n'a pas d'importance. Je suis Ministre des Finances depuis sept mois. Entre l'exonération totale des plus-values professionnelles pour la vente de vos fonds et la multiplication par dix du plafond de déduction, j'estime que je n'ai pas à rougir devant l'UPA. Je le dis très simplement et non pour paraître arrogant : je le dis parce que personne ne va le faire à ma place.
Je parlerai plus tard des points de désaccord, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas venu pour rien. Comprenez-moi : je crois en la politique et je n'ai aucune raison de ne pas me battre pour faire partager cette conviction.
III. La réforme de l'apprentissage
Dans un pays qui compte près de 3 millions de chômeurs, on n'arrive pas à trouver d'apprentis. Les discours sur la pénurie d'apprentis ne manquent pas, il n'en va pas de même des actions.
J'ai inscrit la réforme de l'apprentissage dans le budget. Il s'agit du crédit d'impôt : ceux qui accueillent des apprentis déduiront de leurs impôts de 1 600 à 2 200 euros par an et par apprenti. Nous avons donc mis en place un système de bonus-malus : accueillir des apprentis permet une déduction des impôts, ne pas en accueillir conduit à l'augmentation de la taxe d'apprentissage. Ce système me semble le bon. Ce n'est pas une mesure technocratique très compliquée : ce système est parfaitement simple ; c'est pour cette raison qu'il va fonctionner.
Tout le monde était d'accord pour dire qu'il fallait embaucher des apprentis, mais personne ne remerciait les artisans qui créaient ces postes. C'est désormais fait, et c'est le Ministre des Finances qui a fait voter cette mesure.
Venons-en aux points de désaccord.
IV. La question des allègements des charges
Je ne vais pas dépenser l'argent des Français dont je ne dispose pas. Je vais vous raconter l'histoire des finances de la France en deux minutes. Le budget de la France est en déficit depuis 24 ans. Ce déficit atteint non pas 3 % mais bien 24 % : nous dépensons 24 % de plus que nos recettes. Les 3 % qui sont le plus souvent évoqués concernent en réalité la richesse nationale. C'est comme si je répondais à mon banquier, qui se plaint de mon découvert, qu'en additionnant les comptes de tous mes voisins au mien, nous sommes créditeurs ! Si quelqu'un fait cela ici, je voudrais qu'il me donne l'adresse de son banquier !
Nous présentons des budgets en déficit depuis 24 ans, et nous dépensons 24 % de plus que nos recettes. De plus, le deuxième budget de l'Etat est celui qui concerne les intérêts de la dette : nous dépensons 40 milliards d'euros chaque année pour rembourser les intérêts de la dette. Cette somme est supérieure au budget de l'emploi. En outre, 80 % des recettes annuelles de l'impôt sur le revenu servent à rembourser les intérêts de la dette.
Qui peut alors m'en vouloir de faire des économies ? Qui peut m'en vouloir de souhaiter utiliser l'argent de la croissance et du travail des Français à autre chose ? Quand, en 1999, un début de croissance s'est opéré, Dominique Strauss-Kahn a financé les 35 heures. Aujourd'hui, nous avons toujours les 35 heures mais il n'y a plus de croissance. Vous ne pouvez donc pas me demander autre chose que de réduire le déficit. Ce dernier n'a jamais été réduit autant que 10 milliards d'euros entre 2004 et 2005.
C'est bien beau, cher Pierre, après m'avoir tout demandé, de me dire que vous êtes d'accord avec la réduction du déficit.
Il est vrai que l'engagement d'augmenter à 1,7 SMIC avait été pris. Mais je vais vous expliquer comment j'ai été amené à revenir sur cet engagement ; j'en assume la responsabilité. Je crois à la politique d'allègement des charges mais il n'est pas raisonnable que le budget de l'Etat, à ce point en déficit, finance les charges sociales pour 60 % des salariés français. Il nous faut réfléchir et ouvrir les yeux. Il s'agit de votre argent.
La politique d'allègement des charges a d'abord été instituée pour que nos compatriotes les moins formés coûtent moins cher. Nous sommes ensuite montés à 60 % des salariés. Est-ce vraiment raisonnable ?
Pierre Perrin dit, et je ne suis pas d'accord, que l'Etat a mis un terme à cette politique. Le pensez-vous vraiment ? Savez-vous combien j'ai inscrit d'argent sur la politique d'allègement des charges dans le budget 2005 ? 17 milliards d'euros. Vous pouvez dire que ce n'est pas suffisant mais ne venez pas me dire que j'ai arrêté la politique d'allègement des charges. L'année dernière, cette politique avait aussi bénéficié de 17 milliards d'euros. Je maintiens donc le même effort, et un homme raisonnable comme Pierre Perrin vient me dire que j'ai mis un terme à la politique d'allègement des charges !
Quand il n'y a plus d'argent dans les caisses et quand les salariés viennent vous en demander, que faites-vous ? Vous dites " non " car vous êtes des gens raisonnables. Alors je dis " non " car je suis quelqu'un de raisonnable. Voilà exactement ce que j'ai fait.
Mesdames et Messieurs, vous pouvez vérifier les chiffres que je viens de vous donner. Je mets ces chiffres à la contradiction de tous. Je ne vais pas m'abriter derrière Jean-Pierre Raffarin ou derrière Jacques Chirac. J'ai pris cette décision, je l'assume et je viens devant le Congrès de l'UPA. Mes chers amis, si j'avais eu plus d'argent, je vous l'aurais donné. Mais vous ne voulez pas que la France soit conduite à la faillite. J'ai maintenu l'effort d'allègement des charges sociales à 17 milliards d'euros, mais je ne pouvais pas aller au-delà.
Voilà la réalité de ce qui a été décidé et de ce que j'ai voulu mettre en oeuvre.
V. Les 35 heures
J'ai été surpris que ne parliez pas davantage des 35 heures. Vous savez quelle est mon opinion à ce sujet. Je comprends parfaitement qu'une partie de nos compatriotes veuille moins travailler, mais je n'accepterai jamais cette idée étrange qui veuille que l'Etat, par la loi, empêche ceux qui le souhaitent de travailler davantage pour gagner davantage. Je suis sûr que les Français, qui sont des gens de bon sens, comprennent cela. La France n'a pas besoin de moins de travail, elle en a besoin de plus. On a découragé les Français de travailler. Il faut récompenser le travail ; il faut faire du travail une valeur essentielle de notre société. Ce n'est pas le travail qui prive les gens de liberté, c'est le chômage qui aliène la liberté des gens. Voilà la réalité de ce que je crois au plus profond de ce que je suis.
Je sais parfaitement que l'histoire va dans le sens d'une réduction du temps de travail. Mais le sens de l'histoire est de garantir la liberté de choisir. Il est des hommes et des femmes qui veulent travailler plus pour gagner plus. Nous devrions les remercier plutôt que de les montrer du doigt car s'ils ne travaillaient pas, qui paieraient les allocations sociales et l'assistance dont, par ailleurs, nous sommes très fiers ?
Dire cela, ce n'est rien reprocher à qui que ce soit. Pierre Perrin, j'affirme une chose très simple : quand on travaille plus que les autres, il est normal de gagner davantage. Voilà comment une société peut bien fonctionner. Je défendrai cet avis : les heures supplémentaires devraient être libérées car il n'y a aucune raison d'empêcher les entreprises, les artisans et les commerçants de faire des heures supplémentaires. Je dirais même que les cotisations sociales sur les heures supplémentaires devraient être plus faibles que sur les heures travaillées, car on n'est pas plus malade quand on travaille 39 heures au lieu de 35.
Avec mon système, on pourrait donner un salaire plus important à celui qui fait des heures supplémentaires, baisser le coût du travail pour l'artisan, le commerçant ou l'entreprise et calculer un forfait pour que l'assurance maladie bénéficie aussi de ces heures supplémentaires. Les 35 heures resteraient la durée hebdomadaire du travail, ceux qui voudraient y rester pourraient le faire et ceux qui voudraient travailler davantage le pourraient également.
VI. Le prix du pétrole
Le prix du pétrole est effectivement problématique.
La semaine dernière, j'ai passé un moment difficile à Luxembourg car sur les douze pays de l'Europe qui ont fait l'euro, seule la France a déclaré qu'il fallait rendre aux Français les excédents de recettes dus à l'augmentation du prix du baril.
A l'Assemblée nationale, l'opposition me dit qu'il faut rendre plus d'argent mais, à Luxembourg, les socialistes espagnols et allemands sont opposés à une baisse de la fiscalité...
Nous sommes les seuls à avoir fait cette demande ! Dès le mois de novembre, une commission va donc se mettre en place. Elle aura pour objectif d'étudier les recettes de TVA, puisque la TVA est calculée sur le prix et la TIPP sur les volumes. Ainsi, quand le prix du pétrole augmente, les recettes de la TIPP n'augmentent pas. En revanche, lorsque le prix du pétrole augmente, la TVA augmente. On calculera les recettes consécutives à l'augmentation du prix du pétrole. Je me suis engagé à rendre aux Français tout cet excédent de recettes. Les conditions sont à débattre, mais j'ai affirmé que l'Etat ne réaliserait aucun bénéfice sur l'augmentation du prix du pétrole sur le dos des consommateurs.
Cela aussi, ce n'était pas si facile à faire. Et pourtant cela a été fait.
Nous avons relancé il y a deux mois la nouvelle génération des centrales nucléaires. Les pays européens qui nous donnent des leçons sont ceux qui ont abandonné le nucléaire. 50 % de l'énergie électrique de la France vient de nos 58 centrales. Il faut que vous sachiez, mes chers amis, qu'il faudra sept ans pour que la centrale de type EPR produise son premier kilowatt/heure.
Les socialistes n'ont pas voté, les Allemands ont abandonné le programme nucléaire et la France n'a pas de leçon à recevoir...
Enfin, il faut revenir à la politique d'économie d'énergie, qui est absolument indispensable. Dans 40 ou 50 ans, il n'y aura plus de pétrole. Que fera-t-on à ce moment-là ? Quelle sera l'énergie de substitution ? Nous pensons que ce sera le nucléaire, mais nous débattons avec nos amis européens de ce que nous devons faire.
VII. La taxe professionnelle
La taxe professionnelle constitue une question complexe et sensible.
Quand, en 1964, la patente a été remplacée par la taxe professionnelle, ceux qui étaient satisfaits se sont tus et ceux qui ne l'étaient pas ont " explosé ".
J'ai pris le dossier, et je pense qu'il n'est pas question de faire payer aux petits ce que l'on voudrait retirer aux grands.
Monsieur le Président, je me battrai jusqu'au bout pour défendre l'idée que la France a besoin d'industries. On ne peut pas être un grand pays avec seulement des banques, des assurances et des parcs de loisirs. Cela m'a valu parfois quelques ennuis avec certains de nos voisins. Je n'ai pas à m'excuser d'avoir défendu Alstom, et quand je vois tous les contrats qui ont été récupérés depuis, je n'ai aucun remord. Je l'ai fait non par nationalisme mais parce que j'estime que des gens capables de fabriquer le TGV ou le Queen Mary valent plus que de se retrouver au chômage du jour au lendemain avec un Etat défaillant. Nous avons sauvé Alstom et nous avons eu raison. Il en va de même pour Sanofi et Aventis. Nous connaissons en effet la stratégie de Novartis qui consiste à implanter aux Etats-Unis le quartier général d'une entreprise. Il est du devoir du Ministre des Finances que de demander à ces deux entreprises pharmaceutiques françaises de s'allier. Sinon, Aventis aurait fusionné avec Novartis et il y aurait eu une OPA sur Sanofi. Nous nous serions retrouvés sans industrie pharmaceutique nationale. Ce n'est ni mon ambition, ni mon rôle que de laisser partir un certain nombre d'entreprises. Je n'aurai pas la cruauté de parler de Péchiney et de ce qu'il en reste aujourd'hui.
Je crois à la nécessité d'une politique industrielle. Je suis amusé de constater que l'on me taxe de libéral en France et de nationaliste à l'étranger. Allez y comprendre quelque chose ! J'essaie seulement d'être pragmatique et de trouver des solutions aux problèmes qui se posent.
J'aborde le dernier point concernant la taxe professionnelle : je suis très attaché au lien entre le financement des collectivités territoriales et l'activité économique. Je voudrais que vous y réfléchissiez. Si ce lien disparaît, plus aucune commune ne voudra d'usines, d'artisans ou de commerces un peu polluants sur son territoire. C'est une question de bon sens.
Je veille de très près à cette question. Nous avons commencé par exonérer les salaires, puis les investissements. Et que reste-il après ? D'aucuns disent qu'il reste la valeur ajoutée. Mais expliquez-moi ce qu'est la valeur ajoutée sans les salaires et sans les investissements ?
Croyez bien, Pierre Perrin, que cette question mérite toute mon attention.
VIII. La grande distribution
Là encore, mes chers amis, je vais vous parler extrêmement franchement. J'ai regardé les chiffres avant de venir et ils sont consternants : sur les 2 dernières années, 40 % des charcuteries, 20 % des boucheries, 30 % des quincailleries ont disparu. La liste n'est évidemment pas close. Alors que la situation est catastrophique, vous me demandez de ne pas réformer la loi actuelle. Je ne suis pas là pour gérer la mort de tous les artisans et de tous les commerçants. Si vous pensez qu'il ne faut rien changer, je reviendrai dans deux ans mais l'assistance sera moins nombreuse.
L'étude de cette situation m'a conduit à réfléchir. Certains, y compris au gouvernement, vous diront que le coupable est un ennemi de l'extérieur et qu'il ne faut rien changer. Mais moi je ne suis pas venu pour vous tenir ce discours car on vous le tient depuis trop longtemps.
Le succès de la grande distribution vient des consommateurs. Il est même possible que vos familles ou vos conjoints en fassent partie. Pas vous évidemment, mon courage est tout de même limité ! Nous consommons chez ceux qui proposent des prix moindres. 65 % des Français font leurs courses dans les grandes surfaces.
J'ai eu l'idée étrange - au lieu de désigner un ennemi - de réunir tous les intéressés autour d'une table avec pour objectif d'être constructifs. J'ai proposé aux artisans de mettre leurs produits à la disposition d'un plus grand nombre de consommateurs. C'est la seule façon de gagner la bataille. Vous avez en effet besoin de la grande distribution, et j'ose dire que la grande distribution a besoin de votre savoir-faire et de votre qualité. Je ne vois pas l'intérêt de vous désigner la grande distribution comme un ennemi. N'avez-vous pas assez donné avec la ligne Maginot ? Les responsables sont ceux qui prônent l'immobilisme, il sera alors trop tard pour créer un tissu de commerces de proximité et d'artisans prospères.
Je n'ai pas peur de faire évoluer la situation. Mes solutions ne sont peut-être pas les bonnes mais accordez-moi le crédit de vouloir essayer de faire changer les choses.
Je vous demande d'ouvrir les yeux : la grande distribution perd des parts de marché : elle est remplacée par le hard discount qui, non seulement, propose des produits étrangers, mais s'installe au coeur des villes, concurrençant ainsi les commerces de proximité et les artisans.
Je veux que les prix ne soient pas discutés avec les PME de la même manière qu'ils le sont avec des entreprises comme Gillette ou Danone. La même procédure ne peut pas être appliquée à tous : elle sera différente pour les grandes entreprises, les PME, les entreprises agricoles. Je veux aussi que vos produits aient davantage de place et que les notions de " produit régional " et de " fabrication régionale " entrent en ligne de compte. Un texte va permettre aux collectivités territoriales de demander la provenance des produits achetés et de donner la priorité à des produits fabriqués en France. Je n'ai aucun complexe à proposer cette mesure quand je vois ce qui se passe aux Etats-Unis où la taxation des bénéfices sur les sociétés sera différente entre les produits américains et les autres.
J'ai fait progresser de 42 % les crédits du FISAC, j'ai engagé 30 millions d'euros pour la campagne de communication, et on vient me dire que je ne pense pas au petit commerce ! Mais alors quel était votre jugement sur ceux qui n'ont rien fait ? Nous ne vous laisserons pas tomber. Croyez-moi, l'immobilisme n'est pas la solution.
IX. Le travail le dimanche
J'ai simplement déclaré que la législation actuelle était curieuse... Un trottoir des Champs Elysées peut, par exemple, être ouvert le dimanche, mais pas celui d'en face ; un trottoir est une zone touristique, l'autre pas : quelqu'un y comprend t-il quelque chose ?
Je n'ai jamais indiqué que tous les commerces de toutes les régions devaient être ouverts tous les dimanches.
Je pense simplement qu'il existe nombre de villes où les Français souhaitent faire leurs courses pendant leur jour de repos. On ne peut pas les y empêcher. Partout dans le monde, des magasins sont ouverts le dimanche, c'est bon pour les affaires.
Je ne dis pas que cela doit être une obligation généralisée, je demande simplement à ce que l'on réfléchisse.
X. Conclusion
Voilà ce que je souhaitais vous dire. L'économie française a besoin de vous. Le meilleur moyen d'aider les commerçants et les artisans est de valoriser leur travail et leur fonds de commerce. Il est normal qu'ils gagnent plus que ceux qui travaillent moins.
Je souhaite vraiment que vous compreniez que, même sur les points où nous sommes en désaccord, j'essaie de trouver des solutions. Il nous faut créer des marges de manoeuvre. On peut tout faire si on a la volonté de faire des choses. Il m'arrive effectivement de prendre des risques car je pense que le pire risque est celui de ne pas en prendre. Je refuse l'immobilisme car il conduit à une mort certaine du commerce de centre-ville qui perd un peu plus chaque année de sa vitalité et de ses parts de marché. En essayant d'autres solutions, on peut se tromper, mais après il est toujours possible de corriger. Il est moins grave de se tromper et de corriger que de considérer que l'on ne doit rien faire.
Mesdames et Messieurs, si je n'avais pas fait de politique, j'aurais peut-être pu être membre de l'UPA.
(Source http://www.upa.fr, le 20 décembre 2004)
J'ai eu raison de venir ! Vos propos étaient aimables. Je me demande ce qui se serait passé si je n'avais pas été présent. Comme je vous connais franc et courageux, vous en auriez moins dit, ce qui aurait été dommage.
J'avais un discours excellent qui ressemblait à tous ceux que nombre de Ministres sont venus faire devant vous, et feront dans la journée. L'armature était la suivante : rien ne peut se passer sans l'artisanat ; on vous aime ; on vous aimera encore plus demain ; rien ne change. C'est le discours qui était préparé mais je le laisse de côté. J'ai pris des notes et je vais vous répondre avec la même franchise.
J'ai beaucoup discuté avec vous, les représentants, et quelque chose me frappe : vous me dites que vous comprenez notre action mais qu'il n'en est pas de même pour la base. Je ne partage pas cet avis. Soit ce que l'on fait est juste et votre base comprend, soit ce que l'on fait est injuste et votre base ne comprend pas, et elle a raison. Je n'ai qu'un seul discours parce que je crois que les Français sont beaucoup plus lucides qu'on ne l'imagine. Je sais que vous n'attendez pas de moi la berceuse habituelle dégoulinant d'affection et en même temps d'immobilisme. Vous attendez de moi que je vous explique les problèmes de la France, ceux de l'artisanat et les solutions possibles. Voilà comment je vais construire mon discours. On sera peut-être en désaccord mais il s'agira de mes mots.
Monsieur le Président, si la loi actuelle sur tous ces sujets était si formidable, expliquez-moi pourquoi tant de commerces de proximité ferment, pourquoi les artisans ont tant de difficultés à trouver des collaborateurs et des successeurs. S'il ne faut rien réformer, c'est que tout se passe très bien. Si le seul risque est que je fasse avancer les choses, expliquez-moi pourquoi notre pays est dans une telle situation ? Face aux difficultés, il ne faut pas trembler. Vous le savez bien, vous les artisans. Il ne faut pas avoir peur. Il faut regarder les choses telles qu'elles sont et essayer de trouver les bonnes solutions.
Je vais reprendre tous les points sans en oublier aucun, nous allons aller au bout des choses. Je crois que le monde de l'artisanat est exaspéré des promesses sans lendemain, des discours si laudateurs qu'ils en deviennent méfiants. Vous ne demandez qu'un seule chose : de l'action et des résultats. Je n'ai pas peur. Si je suis parmi vous aujourd'hui, c'est que j'en ai assez que l'on parle en votre nom et que l'on présente l'artisanat comme un monde frileux alors que c'est le monde du travail, de la prise de risque et du courage.
Monsieur le Président, avec la pudeur qui est la vôtre, vous me demandez des mesures. Vous vous êtes dit que pour ne pas m'embarrasser, vous n'alliez pas me faire de compliments. Vous avez réussi : vous ne m'avez pas embarrassé.
I. Les retraites
Comment payez-vous votre retraite ? Vous la jouez en un seul coup, au moment de la vente du commerce ou du fonds de commerce. Si vous faites une bonne vente, la retraite sera un peu meilleure. Si vous faites une moins bonne vente, ce n'est pas avec les cotisations que vous avez dû assumer et les pensions versées que vous allez vous en sortir facilement.
Pourquoi ai-je prévu et mis en application, Monsieur le Président, l'exonération des plus-values professionnelles ? Je l'ai dit au mois de mai, je l'ai fait voter au mois de juin et c'est applicable dès aujourd'hui. Si vous vendez votre fonds ou votre commerce, vous serez totalement exonérés de plus-value. Depuis combien de temps le demandiez-vous ? Vous l'avez demandé, je l'ai fait. Il s'agit d'une mesure considérable parce qu'elle vous permettra de trouver des successeurs. Evidemment, quand une banque ou un assureur propose 25 % de plus que le boucher ou le charcutier, le choix est vite fait. Je ferais la même chose : vendre au plus offrant pour améliorer sa retraite. Aujourd'hui, si vous vendez à un commerçant ou un artisan, vous n'avez pas de plus-value professionnelle. Cela représente un rééquilibrage considérable en votre faveur. Mais ce n'est pas parce que ce problème est réglé qu'il ne faut plus en parler car s'il n'avait pas été réglé, vous m'en auriez fait le reproche.
II. La question du conjoint collaborateur
Ce point relève d'une véritable injustice. Le conjoint collaborateur travaille dur et se trouve dans une situation inadmissible. Au printemps 2005, un texte lui donnera un vrai statut. Les deux tiers des conjoints des chefs d'entreprise exercent une activité, mais seuls 10 % bénéficient d'une couverture sociale. Les parlementaires présents connaissent mon travail : j'ai travaillé sur les conditions de déduction du salaire du conjoint collaborateur. Le plafonnement de la déduction du salaire était bloqué à 2 600 euros depuis 1982 ! J'ai fait voter le texte la semaine dernière à l'Assemblée nationale, et il sera voté dans quelques jours au Sénat : nous avons porté le plafonnement à 13 800 euros. Si cela, ce n'est pas une décision !
J'ajoute, Monsieur le Président, qu'il ne s'agit pas que d'une promesse. Le texte a été voté et il sera applicable dès 2005.
Je ne vous demande pas de remerciements car je pense que ce texte n'est que justice. Mais ne venez pas me dire que celui qui relève un plafond bloqué depuis 1982 ne comprend pas la réalité des artisans et des commerçants ! Que deviez-vous donc dire à mes prédécesseurs ?
Pierre Perrin est en train de se dire qu'il aurait dû parler de ce point. Je peux retirer ce que je viens de dire si cela n'a pas d'importance. Je suis Ministre des Finances depuis sept mois. Entre l'exonération totale des plus-values professionnelles pour la vente de vos fonds et la multiplication par dix du plafond de déduction, j'estime que je n'ai pas à rougir devant l'UPA. Je le dis très simplement et non pour paraître arrogant : je le dis parce que personne ne va le faire à ma place.
Je parlerai plus tard des points de désaccord, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas venu pour rien. Comprenez-moi : je crois en la politique et je n'ai aucune raison de ne pas me battre pour faire partager cette conviction.
III. La réforme de l'apprentissage
Dans un pays qui compte près de 3 millions de chômeurs, on n'arrive pas à trouver d'apprentis. Les discours sur la pénurie d'apprentis ne manquent pas, il n'en va pas de même des actions.
J'ai inscrit la réforme de l'apprentissage dans le budget. Il s'agit du crédit d'impôt : ceux qui accueillent des apprentis déduiront de leurs impôts de 1 600 à 2 200 euros par an et par apprenti. Nous avons donc mis en place un système de bonus-malus : accueillir des apprentis permet une déduction des impôts, ne pas en accueillir conduit à l'augmentation de la taxe d'apprentissage. Ce système me semble le bon. Ce n'est pas une mesure technocratique très compliquée : ce système est parfaitement simple ; c'est pour cette raison qu'il va fonctionner.
Tout le monde était d'accord pour dire qu'il fallait embaucher des apprentis, mais personne ne remerciait les artisans qui créaient ces postes. C'est désormais fait, et c'est le Ministre des Finances qui a fait voter cette mesure.
Venons-en aux points de désaccord.
IV. La question des allègements des charges
Je ne vais pas dépenser l'argent des Français dont je ne dispose pas. Je vais vous raconter l'histoire des finances de la France en deux minutes. Le budget de la France est en déficit depuis 24 ans. Ce déficit atteint non pas 3 % mais bien 24 % : nous dépensons 24 % de plus que nos recettes. Les 3 % qui sont le plus souvent évoqués concernent en réalité la richesse nationale. C'est comme si je répondais à mon banquier, qui se plaint de mon découvert, qu'en additionnant les comptes de tous mes voisins au mien, nous sommes créditeurs ! Si quelqu'un fait cela ici, je voudrais qu'il me donne l'adresse de son banquier !
Nous présentons des budgets en déficit depuis 24 ans, et nous dépensons 24 % de plus que nos recettes. De plus, le deuxième budget de l'Etat est celui qui concerne les intérêts de la dette : nous dépensons 40 milliards d'euros chaque année pour rembourser les intérêts de la dette. Cette somme est supérieure au budget de l'emploi. En outre, 80 % des recettes annuelles de l'impôt sur le revenu servent à rembourser les intérêts de la dette.
Qui peut alors m'en vouloir de faire des économies ? Qui peut m'en vouloir de souhaiter utiliser l'argent de la croissance et du travail des Français à autre chose ? Quand, en 1999, un début de croissance s'est opéré, Dominique Strauss-Kahn a financé les 35 heures. Aujourd'hui, nous avons toujours les 35 heures mais il n'y a plus de croissance. Vous ne pouvez donc pas me demander autre chose que de réduire le déficit. Ce dernier n'a jamais été réduit autant que 10 milliards d'euros entre 2004 et 2005.
C'est bien beau, cher Pierre, après m'avoir tout demandé, de me dire que vous êtes d'accord avec la réduction du déficit.
Il est vrai que l'engagement d'augmenter à 1,7 SMIC avait été pris. Mais je vais vous expliquer comment j'ai été amené à revenir sur cet engagement ; j'en assume la responsabilité. Je crois à la politique d'allègement des charges mais il n'est pas raisonnable que le budget de l'Etat, à ce point en déficit, finance les charges sociales pour 60 % des salariés français. Il nous faut réfléchir et ouvrir les yeux. Il s'agit de votre argent.
La politique d'allègement des charges a d'abord été instituée pour que nos compatriotes les moins formés coûtent moins cher. Nous sommes ensuite montés à 60 % des salariés. Est-ce vraiment raisonnable ?
Pierre Perrin dit, et je ne suis pas d'accord, que l'Etat a mis un terme à cette politique. Le pensez-vous vraiment ? Savez-vous combien j'ai inscrit d'argent sur la politique d'allègement des charges dans le budget 2005 ? 17 milliards d'euros. Vous pouvez dire que ce n'est pas suffisant mais ne venez pas me dire que j'ai arrêté la politique d'allègement des charges. L'année dernière, cette politique avait aussi bénéficié de 17 milliards d'euros. Je maintiens donc le même effort, et un homme raisonnable comme Pierre Perrin vient me dire que j'ai mis un terme à la politique d'allègement des charges !
Quand il n'y a plus d'argent dans les caisses et quand les salariés viennent vous en demander, que faites-vous ? Vous dites " non " car vous êtes des gens raisonnables. Alors je dis " non " car je suis quelqu'un de raisonnable. Voilà exactement ce que j'ai fait.
Mesdames et Messieurs, vous pouvez vérifier les chiffres que je viens de vous donner. Je mets ces chiffres à la contradiction de tous. Je ne vais pas m'abriter derrière Jean-Pierre Raffarin ou derrière Jacques Chirac. J'ai pris cette décision, je l'assume et je viens devant le Congrès de l'UPA. Mes chers amis, si j'avais eu plus d'argent, je vous l'aurais donné. Mais vous ne voulez pas que la France soit conduite à la faillite. J'ai maintenu l'effort d'allègement des charges sociales à 17 milliards d'euros, mais je ne pouvais pas aller au-delà.
Voilà la réalité de ce qui a été décidé et de ce que j'ai voulu mettre en oeuvre.
V. Les 35 heures
J'ai été surpris que ne parliez pas davantage des 35 heures. Vous savez quelle est mon opinion à ce sujet. Je comprends parfaitement qu'une partie de nos compatriotes veuille moins travailler, mais je n'accepterai jamais cette idée étrange qui veuille que l'Etat, par la loi, empêche ceux qui le souhaitent de travailler davantage pour gagner davantage. Je suis sûr que les Français, qui sont des gens de bon sens, comprennent cela. La France n'a pas besoin de moins de travail, elle en a besoin de plus. On a découragé les Français de travailler. Il faut récompenser le travail ; il faut faire du travail une valeur essentielle de notre société. Ce n'est pas le travail qui prive les gens de liberté, c'est le chômage qui aliène la liberté des gens. Voilà la réalité de ce que je crois au plus profond de ce que je suis.
Je sais parfaitement que l'histoire va dans le sens d'une réduction du temps de travail. Mais le sens de l'histoire est de garantir la liberté de choisir. Il est des hommes et des femmes qui veulent travailler plus pour gagner plus. Nous devrions les remercier plutôt que de les montrer du doigt car s'ils ne travaillaient pas, qui paieraient les allocations sociales et l'assistance dont, par ailleurs, nous sommes très fiers ?
Dire cela, ce n'est rien reprocher à qui que ce soit. Pierre Perrin, j'affirme une chose très simple : quand on travaille plus que les autres, il est normal de gagner davantage. Voilà comment une société peut bien fonctionner. Je défendrai cet avis : les heures supplémentaires devraient être libérées car il n'y a aucune raison d'empêcher les entreprises, les artisans et les commerçants de faire des heures supplémentaires. Je dirais même que les cotisations sociales sur les heures supplémentaires devraient être plus faibles que sur les heures travaillées, car on n'est pas plus malade quand on travaille 39 heures au lieu de 35.
Avec mon système, on pourrait donner un salaire plus important à celui qui fait des heures supplémentaires, baisser le coût du travail pour l'artisan, le commerçant ou l'entreprise et calculer un forfait pour que l'assurance maladie bénéficie aussi de ces heures supplémentaires. Les 35 heures resteraient la durée hebdomadaire du travail, ceux qui voudraient y rester pourraient le faire et ceux qui voudraient travailler davantage le pourraient également.
VI. Le prix du pétrole
Le prix du pétrole est effectivement problématique.
La semaine dernière, j'ai passé un moment difficile à Luxembourg car sur les douze pays de l'Europe qui ont fait l'euro, seule la France a déclaré qu'il fallait rendre aux Français les excédents de recettes dus à l'augmentation du prix du baril.
A l'Assemblée nationale, l'opposition me dit qu'il faut rendre plus d'argent mais, à Luxembourg, les socialistes espagnols et allemands sont opposés à une baisse de la fiscalité...
Nous sommes les seuls à avoir fait cette demande ! Dès le mois de novembre, une commission va donc se mettre en place. Elle aura pour objectif d'étudier les recettes de TVA, puisque la TVA est calculée sur le prix et la TIPP sur les volumes. Ainsi, quand le prix du pétrole augmente, les recettes de la TIPP n'augmentent pas. En revanche, lorsque le prix du pétrole augmente, la TVA augmente. On calculera les recettes consécutives à l'augmentation du prix du pétrole. Je me suis engagé à rendre aux Français tout cet excédent de recettes. Les conditions sont à débattre, mais j'ai affirmé que l'Etat ne réaliserait aucun bénéfice sur l'augmentation du prix du pétrole sur le dos des consommateurs.
Cela aussi, ce n'était pas si facile à faire. Et pourtant cela a été fait.
Nous avons relancé il y a deux mois la nouvelle génération des centrales nucléaires. Les pays européens qui nous donnent des leçons sont ceux qui ont abandonné le nucléaire. 50 % de l'énergie électrique de la France vient de nos 58 centrales. Il faut que vous sachiez, mes chers amis, qu'il faudra sept ans pour que la centrale de type EPR produise son premier kilowatt/heure.
Les socialistes n'ont pas voté, les Allemands ont abandonné le programme nucléaire et la France n'a pas de leçon à recevoir...
Enfin, il faut revenir à la politique d'économie d'énergie, qui est absolument indispensable. Dans 40 ou 50 ans, il n'y aura plus de pétrole. Que fera-t-on à ce moment-là ? Quelle sera l'énergie de substitution ? Nous pensons que ce sera le nucléaire, mais nous débattons avec nos amis européens de ce que nous devons faire.
VII. La taxe professionnelle
La taxe professionnelle constitue une question complexe et sensible.
Quand, en 1964, la patente a été remplacée par la taxe professionnelle, ceux qui étaient satisfaits se sont tus et ceux qui ne l'étaient pas ont " explosé ".
J'ai pris le dossier, et je pense qu'il n'est pas question de faire payer aux petits ce que l'on voudrait retirer aux grands.
Monsieur le Président, je me battrai jusqu'au bout pour défendre l'idée que la France a besoin d'industries. On ne peut pas être un grand pays avec seulement des banques, des assurances et des parcs de loisirs. Cela m'a valu parfois quelques ennuis avec certains de nos voisins. Je n'ai pas à m'excuser d'avoir défendu Alstom, et quand je vois tous les contrats qui ont été récupérés depuis, je n'ai aucun remord. Je l'ai fait non par nationalisme mais parce que j'estime que des gens capables de fabriquer le TGV ou le Queen Mary valent plus que de se retrouver au chômage du jour au lendemain avec un Etat défaillant. Nous avons sauvé Alstom et nous avons eu raison. Il en va de même pour Sanofi et Aventis. Nous connaissons en effet la stratégie de Novartis qui consiste à implanter aux Etats-Unis le quartier général d'une entreprise. Il est du devoir du Ministre des Finances que de demander à ces deux entreprises pharmaceutiques françaises de s'allier. Sinon, Aventis aurait fusionné avec Novartis et il y aurait eu une OPA sur Sanofi. Nous nous serions retrouvés sans industrie pharmaceutique nationale. Ce n'est ni mon ambition, ni mon rôle que de laisser partir un certain nombre d'entreprises. Je n'aurai pas la cruauté de parler de Péchiney et de ce qu'il en reste aujourd'hui.
Je crois à la nécessité d'une politique industrielle. Je suis amusé de constater que l'on me taxe de libéral en France et de nationaliste à l'étranger. Allez y comprendre quelque chose ! J'essaie seulement d'être pragmatique et de trouver des solutions aux problèmes qui se posent.
J'aborde le dernier point concernant la taxe professionnelle : je suis très attaché au lien entre le financement des collectivités territoriales et l'activité économique. Je voudrais que vous y réfléchissiez. Si ce lien disparaît, plus aucune commune ne voudra d'usines, d'artisans ou de commerces un peu polluants sur son territoire. C'est une question de bon sens.
Je veille de très près à cette question. Nous avons commencé par exonérer les salaires, puis les investissements. Et que reste-il après ? D'aucuns disent qu'il reste la valeur ajoutée. Mais expliquez-moi ce qu'est la valeur ajoutée sans les salaires et sans les investissements ?
Croyez bien, Pierre Perrin, que cette question mérite toute mon attention.
VIII. La grande distribution
Là encore, mes chers amis, je vais vous parler extrêmement franchement. J'ai regardé les chiffres avant de venir et ils sont consternants : sur les 2 dernières années, 40 % des charcuteries, 20 % des boucheries, 30 % des quincailleries ont disparu. La liste n'est évidemment pas close. Alors que la situation est catastrophique, vous me demandez de ne pas réformer la loi actuelle. Je ne suis pas là pour gérer la mort de tous les artisans et de tous les commerçants. Si vous pensez qu'il ne faut rien changer, je reviendrai dans deux ans mais l'assistance sera moins nombreuse.
L'étude de cette situation m'a conduit à réfléchir. Certains, y compris au gouvernement, vous diront que le coupable est un ennemi de l'extérieur et qu'il ne faut rien changer. Mais moi je ne suis pas venu pour vous tenir ce discours car on vous le tient depuis trop longtemps.
Le succès de la grande distribution vient des consommateurs. Il est même possible que vos familles ou vos conjoints en fassent partie. Pas vous évidemment, mon courage est tout de même limité ! Nous consommons chez ceux qui proposent des prix moindres. 65 % des Français font leurs courses dans les grandes surfaces.
J'ai eu l'idée étrange - au lieu de désigner un ennemi - de réunir tous les intéressés autour d'une table avec pour objectif d'être constructifs. J'ai proposé aux artisans de mettre leurs produits à la disposition d'un plus grand nombre de consommateurs. C'est la seule façon de gagner la bataille. Vous avez en effet besoin de la grande distribution, et j'ose dire que la grande distribution a besoin de votre savoir-faire et de votre qualité. Je ne vois pas l'intérêt de vous désigner la grande distribution comme un ennemi. N'avez-vous pas assez donné avec la ligne Maginot ? Les responsables sont ceux qui prônent l'immobilisme, il sera alors trop tard pour créer un tissu de commerces de proximité et d'artisans prospères.
Je n'ai pas peur de faire évoluer la situation. Mes solutions ne sont peut-être pas les bonnes mais accordez-moi le crédit de vouloir essayer de faire changer les choses.
Je vous demande d'ouvrir les yeux : la grande distribution perd des parts de marché : elle est remplacée par le hard discount qui, non seulement, propose des produits étrangers, mais s'installe au coeur des villes, concurrençant ainsi les commerces de proximité et les artisans.
Je veux que les prix ne soient pas discutés avec les PME de la même manière qu'ils le sont avec des entreprises comme Gillette ou Danone. La même procédure ne peut pas être appliquée à tous : elle sera différente pour les grandes entreprises, les PME, les entreprises agricoles. Je veux aussi que vos produits aient davantage de place et que les notions de " produit régional " et de " fabrication régionale " entrent en ligne de compte. Un texte va permettre aux collectivités territoriales de demander la provenance des produits achetés et de donner la priorité à des produits fabriqués en France. Je n'ai aucun complexe à proposer cette mesure quand je vois ce qui se passe aux Etats-Unis où la taxation des bénéfices sur les sociétés sera différente entre les produits américains et les autres.
J'ai fait progresser de 42 % les crédits du FISAC, j'ai engagé 30 millions d'euros pour la campagne de communication, et on vient me dire que je ne pense pas au petit commerce ! Mais alors quel était votre jugement sur ceux qui n'ont rien fait ? Nous ne vous laisserons pas tomber. Croyez-moi, l'immobilisme n'est pas la solution.
IX. Le travail le dimanche
J'ai simplement déclaré que la législation actuelle était curieuse... Un trottoir des Champs Elysées peut, par exemple, être ouvert le dimanche, mais pas celui d'en face ; un trottoir est une zone touristique, l'autre pas : quelqu'un y comprend t-il quelque chose ?
Je n'ai jamais indiqué que tous les commerces de toutes les régions devaient être ouverts tous les dimanches.
Je pense simplement qu'il existe nombre de villes où les Français souhaitent faire leurs courses pendant leur jour de repos. On ne peut pas les y empêcher. Partout dans le monde, des magasins sont ouverts le dimanche, c'est bon pour les affaires.
Je ne dis pas que cela doit être une obligation généralisée, je demande simplement à ce que l'on réfléchisse.
X. Conclusion
Voilà ce que je souhaitais vous dire. L'économie française a besoin de vous. Le meilleur moyen d'aider les commerçants et les artisans est de valoriser leur travail et leur fonds de commerce. Il est normal qu'ils gagnent plus que ceux qui travaillent moins.
Je souhaite vraiment que vous compreniez que, même sur les points où nous sommes en désaccord, j'essaie de trouver des solutions. Il nous faut créer des marges de manoeuvre. On peut tout faire si on a la volonté de faire des choses. Il m'arrive effectivement de prendre des risques car je pense que le pire risque est celui de ne pas en prendre. Je refuse l'immobilisme car il conduit à une mort certaine du commerce de centre-ville qui perd un peu plus chaque année de sa vitalité et de ses parts de marché. En essayant d'autres solutions, on peut se tromper, mais après il est toujours possible de corriger. Il est moins grave de se tromper et de corriger que de considérer que l'on ne doit rien faire.
Mesdames et Messieurs, si je n'avais pas fait de politique, j'aurais peut-être pu être membre de l'UPA.
(Source http://www.upa.fr, le 20 décembre 2004)