Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur le débat européen et le pluralisme de l'information, Paris le 7 octobre 2004.

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Circonstance : Inauguration du centre documentaire "Sources d'Europe" à La Documentation française, Paris le 7 octobre 2004

Texte intégral

Monsieur le commissaire,
Madame le ministre,
Monsieur le directeur, cher Olivier Cazenave,
Mesdames et messieurs de l'équipe de la Documentation française,
Je voudrais vous dire un grand merci. Un grand merci à ce service public de la démocratie qu'est la Documentation française. Il n'y a pas en effet de démocratie sans information.
C'est à cette mission de service public, à la base de notre action publique, que la Documentation française contribue par son travail d'information et surtout par la qualité de ce travail.
Une qualité éditoriale, une qualité rédactionnelle, une qualité de modernité par la maîtrise technologique et, j'ajouterai, une qualité d'objectivité, une qualité de fond. Pour toutes ces raisons, la marque qui est celle de la Documentation française est essentielle pour notre démocratie.
Derrière votre travail approfondi, ouvert, pluraliste, c'est toute la crédibilité de l' information - loin de la manipulation - que l'on trouve. C'est très important pour nous tous qui, dans notre République, savons très bien que " lorsque l'immédiat dévore, l'esprit dérive " (Edgar Morin). La Documentation française est là pour que l'esprit ne dérive point.
Je tenais également à vous remercier d'accueillir ici Sources d'Europe. Ce fonds permettra à tous ceux qui travaillent sur le sujet d'être informés de l'action de l'Europe, de voir tout ce que l'Europe fait pour nous, tout ce qu'elle va financer comme moyens de transport, comme grandes infrastructures, tout ce dont l'Europe est capable lorsqu'elle est généreuse et qu'elle porte le coeur de Jacques Barrot au coeur même de ses institutions.
Si on souhaite savoir comment avancent tous ces projets, ce que l'Europe peut nous apporter ce que nous lui apportons dans une interactivité démocratique, c'est ici, dans ces dossiers bleus du centre documentaire, classés région par région, que l'on peut aller voir. Si j'insiste sur le mot démocratique, c'est parce qu'à mon sens, le grand débat que nous allons avoir en France, dans les mois à venir, sera sans doute l'un des plus beaux débats démocratiques.
Pourquoi ? D'abord parce qu'il va être long et que la démocratie a besoin de temps. Il faut lire, il faut échanger, il faut rentrer dans les dossiers.
Le Traité constitutionnel est un texte ouvert, présentant un certain nombre d' éléments intéressants - y compris de réflexion - sur les perspectives de l'Union Européenne. Et je suis très heureux de constater que vous avez décliné ce travail sous des angles différents pour faire en sorte que les Françaises et les Français, qui s'intéressent à ce débat, aient les outils d'une information large, ouverte et pluraliste.
Ce débat sera long ; il est aujourd'hui lancé. Un certain nombre d'échéances européennes vont le jalonner. Il donnera lieu, très probablement, à un débat national nécessitant vraisemblablement une révision constitutionnelle.
Tout cela donnera de la place à l'espace démocratique. Lorsque le Président de la République le décidera, nous pourrons mobiliser les Françaises et les Français sur le temps du choix. Nous allons avoir devant nous de longs mois pour débattre et approfondir ce sujet. C'est pour cette raison que votre rôle va être particulièrement important car, pour une fois, la pensée va pouvoir l'emporter sur le slogan. Et c'est, je crois, essentiel pour un sujet historique comme le Traité, proposé aujourd' hui à l'Union Européenne.
Chaque opinion est respectable. Et ce qui est important, c'est que chaque Française et chaque Français, le moment venu, fassent leur choix en bonne connaissance de cause. C'est là où votre mission démocratique d'information est très importante car nous avons besoin d'une signature publique respectueuse d'une forme d'éthique de la discussion, essentielle à tout débat. Vous devez y être associés par votre capacité éditoriale, par l'ensemble des médias que vous pouvez proposer aux Français et par Sources d'Europe avec les proximités que nous avons, avec la Commission bien sûr mais aussi avec les autres organes de l'Union. Je pense au Conseil et au Parlement.
Claudie Haigneré, ministre en charge des questions européennes, au coeur de cette réflexion avec le SGCI et avec moi, participera à cette promotion du débat avant le choix. C'est, je crois, essentiel.
Ce que je voudrais dire aux Françaises et aux Français à travers vous tous, c'est que ce débat est non seulement capital, qu'il concerne chacun et chacune d'entre nous, mais qu'en plus il est urgent de l'avoir.
Vous le savez, nous vivons une situation très délicate difficile aujourd'hui avec nos deux compatriotes retenus, otages, en Irak. Je vis jour après jour, heure après heure, le chaos irakien. Je vois toutes les influences et tous les désordres du monde tous les jours. Je me dis qu'il est grand temps de participer à une vraie réflexion pour une gouvernance mondiale, plus structurée, avec une ONU réformée pour plus de droits, avec une ONC (sic :OMC) réformée pour plus de justice, avec une action pour l'environnement permettant de donner du sens au protocole de Kyoto.
Ces débats pèseront pour l'équilibre du monde, un monde dangereux qui a besoin d'organisation. Est-ce que l'Europe y participe ou est-ce que l'Europe y assiste ? Là est la grande question.
Les pères fondateurs de l'Europe pensaient aux frontières européennes et à la paix à l'intérieur des frontières. Nous, nous devons penser à la paix à l'intérieur mais aussi à l'extérieur des frontières. Car la perspective européenne est une perspective pour les Européens. De mon point de vue, c'est aussi une perspective pour l'ensemble de la planète, pour équilibrer le monde et faire que nos valeurs - qu'on croise ici où là dans les livres exposés dans ces locaux - , tous les idéaux que nous avons transmis au patrimoine européen, ces idéaux-là, le monde y adhère. Et c'est la voix de l'Europe qui peut les diffuser.
" L'oiseau de Minerve doit s'envoler avant la tombée de la nuit ". En d'autres termes, il faut faire attention car, avant la nuit, il n'y a pas beaucoup de temps. Ce temps, c'est le temps de l'Europe. Les mois que nous avons devant nous doivent concourir à créer un monde d'équilibre. C'est pour cela que le débat est très important, qu'il doit être réfléchi, fondé sur un travail sérieux et une pensée structurée.
Merci à la Documentation française, à l'ensemble de ses agents et à son directeur d'y contribuer dans l'intérêt de la France
(Source http://www.ladocfrancaise.gouv.fr, le 17 décembre 2004)