Tribune conjointe de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, et de M. Jacques Simonet, secrétaire d'Etat belge aux affaires européennes et aux affaires étrangères, dans "La Tribune" du 5 février 2004, sur les mesures à mettre en oeuvre pour renforcer la compétitivité et la croissance économique de l'Union européenne.

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Renforcer la compétitivité de l'Union européenne
L'Europe semble traverser aujourd'hui une phase de doute sur ses capacités économiques. Un fort ralentissement conjoncturel, intervenant après trois décennies de croissance réduite, débouche sur trois interrogations. L'Europe peut-elle connaître à nouveau une croissance forte ? Peut-elle combler le fossé qui semble séparer ses performances économiques de celles des Etats-Unis ? Et quelle sera sa place au XXIème siècle face à l'émergence de nouveaux géants industriels, la Chine aujourd'hui, l'Inde demain ?
Ce n'est pas seulement le rayonnement de notre continent qui est en jeu mais également la prospérité nécessaire au développement de tous. Sans croissance forte, sans entreprises compétitives, nous ne pourrons en effet assurer de créations d'emplois suffisantes ni améliorer leur qualité. Sans croissance forte, notre modèle social, où la solidarité occupe une place centrale, sera lui aussi remis en cause.
Compte tenu de ces enjeux, les dirigeants politiques européens, au sein des gouvernements et à la Commission, ont placé la croissance au cur des débats communautaires, en créant il y a un an un Conseil compétitivité. Sous la présidence italienne, une initiative de croissance a été lancée, axée sur une nouvelle conception du budget européen et la réalisation de grands projets transnationaux dans le domaine des transports et de la recherche. Ces efforts doivent être redoublés si nous voulons atteindre l'objectif ambitieux que les dirigeants européens se sont assigné, il y a près de quatre ans, à Lisbonne : devenir en 2010 l'économie la plus compétitive au monde.
Passons aux actes ! Pour la Belgique comme pour la France, l'accent mis désormais sur la croissance et la compétitivité est salutaire. Mais cet espoir ne doit pas être déçu, car une mobilisation qui privilégierait les paroles aux actes ne pourrait qu'être hautement nuisible à la crédibilité des institutions communautaires. Gardons-nous également des recettes illusoires, comme les aides d'Etat arbitraires, les soutiens aux seuls secteurs déclinants. Et faisons face à nos nouveaux concurrents internationaux en recourant non seulement aux effets d'allégements fiscaux sur le travail mais aussi et surtout aux bénéfices d'une plus grande créativité dans les formules à mettre en oeuvre.
Les vieilles recettes doivent en effet aujourd'hui laisser la place aux nouveaux ressorts de la compétitivité européenne. Nous disposons déjà de solutions. Le rapport remis, au nom d'un groupe d'économistes européens, par André Sapir, à la Commission européenne, par exemple, nous fournit un certain nombre de propositions.
Au vu de ces réflexions, cinq priorités mériteraient d'être retenues par l'Union européenne
- Profiter de la refonte du budget européen pour mieux orienter, après 2006, les dépenses communautaires en fonction des objectifs de croissance et de compétitivité de l'Union : les réseaux transeuropéens, la recherche et développement.
- Mener une véritable réflexion sur l'opportunité d'un impôt européen (à pression fiscale constante), comme nos deux Etats l'ont suggéré à plusieurs reprises, pour doter l'Union d'un mécanisme de financement plus transparent et plus en accord avec l'essence même du projet européen.
- Valoriser les services d'intérêt économique général, notamment les grands services publics en réseau, qui répondent aux aspirations des citoyens tout en s'avérant essentiels à la compétitivité du site européen. A la suite du séminaire informel organisé fin 2003 par la France et la Belgique, il nous paraît indispensable que la Commission aboutisse dans les meilleurs délais à un Livre blanc ambitieux sur ce sujet, reposant sur les principes communs dégagés par le Parlement européen (financement, définition, évaluation, régulation).
- Soumettre toutes les règles européennes (et nationales) au "test de la compétitivité". Toute mesure mérite d'être analysée rigoureusement en fonction de son impact sur l'emploi et sur la complexité des procédures administratives. La décision d'examiner le projet controversé de règlement sur la chimie européenne au Conseil compétitivité est la bienvenue à cet égard.
- Faire preuve, au niveau européen, d'un volontarisme communautaire sans faille afin de faire aboutir des initiatives clefs pour la compétitivité européenne. La négociation sur le brevet communautaire, qui facilitera la commercialisation des innovations, doit ainsi être finalisée dans les meilleurs délais. L'Europe doit par ailleurs être en mesure de désigner des pôles d'excellence technologiques non seulement sur la base de considérations d'aménagement du territoire ou d'équilibre entre pays, mais surtout en fonction de critères objectifs : le soutien unanime des pays européens à la candidature de Cadarache pour l'accueil du futur réacteur expérimental ITER face à une concurrence internationale ardue, montre que cela est possible.
Etre confiant. Ces quelques propositions ont pour but commun de vouloir renforcer le système de "gouvernance économique" dans le sens d'une meilleure coordination et d'une plus grande efficacité. Ce nouvel objectif européen peut paraître distant. Mais si l'on considère le chemin parcouru ensemble par la Belgique et la France, avec leurs partenaires, depuis le Traité de Rome, nous avons toutes les raisons d'être confiants dans nos capacités d'adaptation pour bâtir l'Europe de l'avenir
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 février 2004)