Déclaration d'Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière, sur l'utilité du vote en faveur de l'extrême gauche aux prochaines élections régionales de mars 2004, "le seul vote qui peut désavouer la gauche en sanctionnant la droite" et les raisons des listes communes LO-LCR, à Rouen le 2 février 2004.

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Circonstance : Premier meeting de la campagne commune LCR et LO pour les élections régionales de mars 2004 à Rouen le 2 février 2004

Texte intégral

Travailleuses, travailleurs, camarades et amis
Je veux d'abord vous dire que je suis heureuse de vous voir nombreux à ce premier meeting de notre campagne commune LCR et LO pour les élections régionales de mars prochain.
Une chose au moins est sûre : ni le périple que nous entamons ce soir, Olivier et moi-même, dans toutes les régions pour soutenir les listes LO-LCR, ni nos candidatures respectives, ne risquent d'être compromis par une menace d'inéligibilité, assortie ou pas de dix-huit mois de prison avec sursis, pour "prise illégale d'intérêt". C'est le cas de Juppé. Toute la droite de s'indigner aujourd'hui de la dureté du jugement. Et de louer l'intégrité personnelle de Juppé : c'est tout juste s'il n'est pas présenté comme le frère jumeau de l'abbé Pierre en politique !
Mais ce n'est pas seulement de Juppé qu'il s'agit, et même pas seulement du système Chirac, ce président de la République qui n'est protégé d'un procès pour détournement que par sa fonction et grâce à la complaisance d'un ex-président du Conseil constitutionnel de gauche. C'est tout le fonctionnement du système où les milieux politiques et la bourgeoisie sont liés par mille liens financiers et où, à l'abri du secret des affaires, les entreprises ont mille moyens de corrompre.
Les scandales politico-affairistes, voilà un des visages du pouvoir politique. Voilà une raison suffisante pour que les travailleurs, pour que la population, contrôlent les entreprises, leurs comptes, leur fonctionnement. Mais il en est une autre, moins spectaculaire mais plus importante encore, qui transparaît dans les chiffres publiés le jour même du procès Juppé.
Près de 140.000 chômeurs de plus en 2003 ! Autant de femmes et d'hommes qui ont grossi encore les rangs de ceux qui ont perdu leur emploi et leur gagne-pain et certains d'entre eux après des dizaines d'années ou toute une vie de travail. On s'achemine de nouveau vers les 3 millions de chômeurs, sans tenir compte de ceux que les manipulations statistiques dissimulent, sans même parler de celles et ceux, au moins aussi nombreux, qui n'ont qu'un travail précaire avec un salaire qui permet à peine de survivre.
Qu'est-ce que ce système économique où l'argent circule sans contrôle aux sommets de la société, qu'il enrichit et corrompt, pendant que ceux qui travaillent, qui font fonctionner la société, qui produisent tout, sont poussés vers le chômage et la misère ?
Alors, puisqu'une élection quelle qu'elle soit permet d'exprimer une opinion, il faut au moins que tout ceux qui ne trouvent pas cela acceptable expriment cette opinion avec force !
Ces élections, destinées à élire des conseillers régionaux, bien que juridiquement locales, auront essentiellement une signification nationale. Les grands partis qui se succèdent au pouvoir en feront une approbation de leur politique passée ou présente à la tête du pays. Ils ne s'en cachent d'ailleurs pas vis-à-vis des électeurs.
Si les listes de la droite progressent, Chirac et Raffarin prétendront que c'est leur politique anti-ouvrière et réactionnaire qui est approuvée.
Si c'est le Parti socialiste qui progresse, ses dirigeants présenteront le résultat comme la démonstration que les électeurs de gauche ont oublié leur rôle au gouvernement. Qu'ils pardonnent les cinq ans de gouvernement de la gauche plurielle, calamiteux au point qu'à la présidentielle, quatre millions d'entre eux se sont détournés de ses deux principaux candidats, Lionel Jospin et Robert Hue. Les partis de la gauche gouvernementale en tireront la conclusion que les électeurs veulent que la gauche revienne au pouvoir pour recommencer la même politique, la gauche capitalisant ainsi à son profit le discrédit croissant de la droite.
Dans les deux cas, les grands partis considéreront que les électeurs se résignent au vieux jeu de l'alternance où deux groupements politiques, l'un vraiment de droite et l'autre faussement de gauche, se relayent au pouvoir pour continuer fondamentalement la même politique, même si c'est avec des nuances et quelques mots différents.
On nous fait le coup depuis 25 ans. Les uns et les autres prétendent avant les élections que l'avenir politique dépend du choix des électeurs. Mais il est manifeste que le choix offert aux électeurs est un faux choix !
Si la gauche et la droite n'ont pas le même langage, c'est qu'elles ne s'adressent pas au même électorat, en tout cas pas tout à fait. Mais, une fois au gouvernement, elles gèrent les affaires du pays de la même façon catastrophique pour les classes populaires.
C'est pourquoi, le seul vote qui peut être sans équivoque contre le patronat, c'est le vote d'extrême gauche.

Le scrutin régional ne peut changer ni la majorité de droite ni le gouvernement, et, le pourrait-il, qu'il ne changerait rien de fondamental aux rapports du gouvernement et du patronat.
Voter pour la droite ou la gauche ne peut rien changer.
Le vote pour l'extrême gauche ne peut pas non plus changer le gouvernement, mais c'est le seul vote qui peut désavouer la gauche en sanctionnant la droite. Et personne ne se tromperait devant un résultat significatif pour l'extrême gauche.
C'est pourquoi je vous demande, à vous qui êtes présents, non seulement de voter pour la liste LCR-LO conduite par Christine Poupin, mais aussi d'utiliser les semaines qui viennent à gagner des électeurs populaires en faveur de cette liste.

Le gouvernement Chirac-Raffarin est certainement le gouvernement le plus anti-ouvrier, le plus réactionnaire que le pays ait connu depuis longtemps. Mais c'est le gouvernement de la gauche plurielle qui lui a servi de tremplin pour revenir au pouvoir. Et, bien des mesures anti-ouvrières décidées par le gouvernement de droite ont été préparées dans les ministères sous la gauche.
Oui, la politique du gouvernement Chirac-Rafarin est particulièrement cynique tant elle est ouvertement dirigée contre les intérêts des travailleurs, tant elle foule aux pieds l'existence des plus pauvres pour favoriser sans honte les plus riches.
Oui, ce gouvernement est à plat ventre devant le grand patronat et va au-devant de toutes ses exigences, quoi qu'il en coûte aux classes populaires. Il est en train de démolir ce qui reste de la législation du travail et fait en sorte que la précarité de l'emploi et les salaires dérisoires qui vont avec deviennent la règle. Il facilite les licenciements dans les entreprises privées et il y ajoute son propre contingent de suppressions d'emplois dans les services publics et dans les secteurs qui dépendant encore de l'Etat. Et ses ministres y ajoutent la servilité en présentant les chômeurs comme responsables de leur situation, en supprimant l'allocation chômage pour 180.000 d'entre deux et en diminuant pour tous la durée d'attribution de l'allocation spécifique de solidarité.
Quel est le chômeur, quel est le travailleur menacé de chômage, qui ne sent pas la colère monter lorsqu'il entend des ministres bien payés pour faire le sale boulot affirmer qu'il faut "redonner le goût du travail à ceux qui sont au chômage" ?
Oui, c'est un gouvernement qui mène une offensive sur tous les fronts contre les classes populaires. Il s'en est pris aux retraités, c'est-à-dire à tous les salariés, en augmentant pour tous le nombre d'annuités de cotisation pour avoir une retraite complète. Pour des milliers de travailleurs trop usés pour continuer à travailler ou licenciés avant qu'ils aient cotisé le nombre d'annuités exigé, cela signifie des amputations dramatiques sur des retraites déjà insuffisantes.
Puis, c'est au tour de la Sécurité sociale. Derrière ce qu'il appelle la "réforme de la Sécurité sociale", il y a la diminution de l'accès aux soins pour ceux qui ont les revenus les plus modestes.
Oui, le gouvernement actuel est un gouvernement qui hait et méprise les classes populaires et qui n'est pas gêné de s'en vanter.
Mais chaque travailleur peut faire le constat à partir de sa propre vie, celle de sa famille, de son entourage, de son atelier ou de son bureau, que la situation des travailleurs se dégrade sans discontinuité depuis 25 ans, quel que soit le gouvernement.
La gauche peut relayer la droite, puis la droite relayer la gauche, l'évolution générale va toujours dans le sens de la dégradation des conditions d'existence de la classe ouvrière. La vie devient sans cesse plus difficile, la menace du chômage omniprésente, le pouvoir d'achat stagnant ou en diminution, même pour ceux qui ont du travail, et l'avenir est de plus en plus bouché pour les jeunes.
Alors, la raison principale de la liste LO-LCR dans les élections qui viennent est de permettre à l'électorat populaire de s'exprimer et d'exprimer son rejet de la politique menée, à tour de rôle, par la droite et par la gauche. C'est de permettre aux travailleurs d'affirmer qu'ils ne se laissent pas abuser par les alternances trompeuses et qu'ils n'accepteront pas éternellement de cautionner ceux qui les oppriment.

Les listes LO-LCR offrent aux électeurs un véritable choix social et politique, au lieu de la fausse alternative entre deux équipes aussi serviles vis-à-vis du patronat l'une que l'autre, aussi méprisantes à l'égard des classes populaires et des travailleurs. Nous proposons aux électeurs des classes populaires de se prononcer sur une politique qui soit à l'opposé de la politique menée aussi bien par la gauche que par la droite.
Depuis 25 ans, le fil conducteur de la politique de tous les gouvernements consiste à prendre aux travailleurs, aux classes populaires, pour redistribuer au grand patronat et à la bourgeoisie.
Eh bien, il faut une politique qui, au contraire, prenne aux riches pour réduire les inégalités, réduire le chômage, la précarité et pour assurer aux travailleurs et aux retraités des revenus qui permettent de vivre convenablement.
Depuis 25 ans, les gouvernements en place contribuent à l'offensive permanente du patronat contre la classe ouvrière.
Il faut une politique qui, au contraire, vise à unifier les travailleurs de ce pays autour des objectifs qui correspondent aux intérêts généraux et communs du monde du travail afin de s'engager dans la contre-offensive pour défendre et améliorer leurs conditions d'existence.
Depuis 25 ans, de deux à quatre millions de travailleurs sont condamnés au chômage complet ou au chômage intermittent et à la précarité.
Il faut s'opposer à cette situation par une politique volontariste ayant pour objectif de prélever sur les profits patronaux et sur les richesses accumulées par la classe possédante dans l'exploitation, de quoi redonner des emplois à tous ceux qui n'en ont pas.
Depuis 25 ans, tous les gouvernements ont mené une politique rendant les licenciements plus faciles.
Face à cela, il faut rendre publiques et accessibles au contrôle de toute la population, les comptabilités des grandes entreprises ainsi que les comptes en banque de leurs principaux actionnaires, c'est-à-dire qu'il faut supprimer le secret commercial et le secret bancaire. Il faut aussi interdire les licenciements collectifs sous peine de réquisition des entreprises qui passeraient outre.
Depuis 25 ans, on freine la part du budget accordé aux hôpitaux, aux écoles, aux transports collectifs, aux services publics, aux budgets sociaux. La dernière mesure en date, annoncée ce matin même, condamne quasiment à mort les mères isolées en grande précarité qui viennent d'avoir un enfant, en leur supprimant l'allocation de 1300 euros qu'elles avaient, tout en l'accordant aux mères de familles plus aisées qui n'y avaient pas droit jusque-là.
En face, il faut une politique qui supprime toute aide, toute subvention aux entreprises privées afin qu'avec l'argent ainsi économisé, l'Etat ait les moyens financiers de faire face à ses obligations sociales. Car ce n'est même pas que l'Etat manque d'argent. Mais les gouvernements font tous le choix d'affecter l'argent public en priorité au grand patronat. Il n'y a, depuis 25 ans, pas un gouvernement qui n'ait prétendu vouloir lutter contre le chômage. Mais pas un, non plus, qui, sous ce prétexte, n'ait proposé des subventions aux patrons, des dégrèvements d'impôts, des diminutions de cotisations sociales. Les patrons embauchent quand ils ont besoin de main-d'oeuvre, sinon ils n'embauchent pas, même si le travail est gratuit. Mais ils empochent quand même l'argent. Les actionnaires en deviennent plus riches et les chômeurs de plus en plus nombreux.
Eh bien, c'est tout cet argent distribué en pure perte que l'Etat devrait utiliser autrement. Il faut construire des hôpitaux, il faut embaucher et former du personnel hospitalier au lieu d'imposer au personnel notoirement insuffisant des horaires déments.
Il faut des transports publics convenables ; il faut des crèches, des maternelles, des salles de classe et des enseignants en nombre suffisant dans les quartiers populaires.
Depuis 25 ans, on fait des cadeaux fiscaux non seulement aux entreprises mais même aux riches en tant qu'individus : on a diminué l'impôt sur les sociétés, on a diminué l'impôt sur les hauts revenus, on en a abaissé la tranche supérieure. Mais, pendant ce temps-là, on a maintenu, voire aggravé, cette véritable infamie que sont les impôts indirects, la TVA, les taxes sur les produits pétroliers qui touchent, entre autres, le coût du chauffage.
Depuis 25 ans, on nous parle du déficit de la Sécurité sociale, et on augmente les cotisations des assurés en diminuant en même temps les remboursements, voire en les supprimant pour un nombre croissant de médicaments.
Eh bien, la Sécurité sociale serait largement équilibrée si elle ne servait pas à prendre en charge une partie des dépenses que l'Etat devrait prendre en charge, comme par exemple les infrastructures hospitalières et même l'enseignement de la médecine et si, au lieu d'accorder des diminutions de la part patronale des cotisations sociales, on rentrait dans les caisses ce que les employeurs et surtout les gros doivent.
Depuis 25 ans et bien au-delà, on laisse toute liberté aux requins de l'immobilier qui augmentent sans cesse les prix des logements sans même que l'Etat construise au moins des logements sociaux. Le résultat, c'est qu'on en revient à la situation des années d'après-guerre : trois millions de personnes contraintes de vivre dans des taudis et plus de cent mille qui n'ont pas de logis du tout. Pour toutes les familles ouvrières habitant les grandes villes, le loyer absorbe presqu'un salaire complet et, lorsque l'un des deux adultes se retrouve sans travail, c'est la menace de l'expulsion.
Alors, l'Etat doit prendre en charge la construction de logements de qualité, en embauchant directement la main-d'oeuvre nécessaire pour les construire et en taxant en conséquence les promoteurs immobiliers pour dégager les fonds nécessaires.
De Balladur à Raffarin, on nous répète que les retraites par répartition vont droit dans le mur si on ne repousse pas l'âge de la retraite et si on ne diminue pas son montant. C'est un mensonge grossier car la surexploitation des travailleurs se traduit par une augmentation telle de la productivité qu'il y aurait largement de quoi payer des retraites correctes à tous les anciens. Si les caisses de retraite vont mal, c'est que les fruits de la productivité vont au patronat, et uniquement au patronat.
L'accroissement de la productivité devrait servir à réduire au contraire la durée du travail et à accorder une retraite correcte à tous les vieux travailleurs. Et, dans l'immédiat, il faut le retour à 37 ans et demi de cotisation pour tous, dans le secteur privé comme dans le secteur public, avec une pension qui permette de vivre.
Depuis 25 ans, tous les gouvernements, qu'ils soient de gauche, qu'ils soient de droite ou qu'ils soient ensemble comme ils l'ont été lors des cohabitations, prétendent qu'on ne peut pas mener une autre politique que celle qu'ils mènent.
Eh bien, nous affirmons qu'une autre politique, une politique radicalement opposée, est non seulement possible mais qu'elle est indispensable, vitale pour les classes populaires, et pour la société dans son ensemble. Oui, depuis 25 ans, toutes les politiques ont pour point de départ que ce qui est bon pour le patronat, ce qui est bon pour la bourgeoisie, serait bon pour la société.
Eh bien nous, nous sommes pour y opposer une politique qui parte, au contraire, des intérêts des travailleurs, des intérêts des classes populaires.
Il n'y a aucun moyen de mettre fin aux maux de la société, à commencer par ce que représente le chômage pour des millions de travailleurs, sans réduire la dictature économique des plus riches sur la société.
Contrairement à ce que nous reprochent les défenseurs du fonctionnement actuel de la société malgré ses tares, nous ne sommes pas des utopistes. Nous savons qu'on ne peut pas répartir ce qu'on n'a pas produit. Mais on peut produire et répartir autrement, en donnant la priorité aux besoins de la société, et pas au droit des plus riches à accumuler toujours plus.

Nos camarades ont dénoncé tout à l'heure tout ce qui va mal dans la région. Je suis persuadée qu'ils auraient pu allonger encore la liste des entreprises qui licencient, des hôpitaux qui manquent de personnel ou des écoles qui sont surchargées.
La Haute-Normandie n'est pas une île au milieu du Pacifique et la situation des travailleurs dans la région est le reflet de la situation des travailleurs de l'ensemble du pays. Vous et nous savons bien que le rapport de forces entre le grand patronat et le gouvernement d'un côté et le monde du travail de l'autre ne saurait être changé au niveau d'une région. C'est à l'échelle du pays qu'il faut une contre-offensive des travailleurs.
C'est pourquoi ce n'est pas dans les élections, dans celles qui viennent ni dans d'autres à venir plus tard, que les travailleurs pourront changer le rapport de forces. Le seul moyen de changer le rapport de forces et la situation des travailleurs, c'est la lutte d'ensemble du monde du travail sur des objectifs essentiels communs à tous.

La classe ouvrière ne se sent peut-être pas encore en situation de faire reculer le patronat et le gouvernement. Elle peut au moins montrer qu'elle rejette la politique anti-ouvrière qui est menée, qu'elle le soit par la droite, comme aujourd'hui, ou par la gauche, comme hier.
Même si la droite recule beaucoup dans ces élections et si la gauche en tire gloire, la droite restera au pouvoir où elle continuera à mener la même politique. Tout au plus, Raffarin y perdra-t-il sa place ! Mais ce n'est certainement pas lui qui sera le plus à plaindre parmi tous ceux qui ont perdu leur emploi ou qui vont le perdre.
Dans les élections régionales, seule changera la composition du conseil régional. Alors, faites au moins en sorte d'élire au conseil régional de Haute-Normandie des femmes et des hommes qui représenteront fidèlement les intérêts des travailleurs, qui respecteront leurs engagements, qui assureront la transparence des décisions prises, dans la mesure où ils y auront accès eux-mêmes. Elisez des femmes et des hommes qui soutiendront, s'il y en a, toutes les mesures qui iront dans le sens des intérêts de la population laborieuse mais qui combattront tous les cadeaux faits au patronat.
En votant pour les listes Ligue communiste révolutionnaire-Lutte ouvrière, vous ferez aussi un geste politique à l'échelle du pays. Il y a des listes LO-LCR dans toutes les régions de la France continentale et tous les votes qui se porteront sur ces listes seront considérés comme un geste clair de rejet de la politique anti-ouvrière menée par la droite aujourd'hui mais qui exprimeront en même temps la défiance à l'égard d'une gauche gouvernementale qui n'a pas fait mieux alors qu'elle a dirigé durant 15 ans le gouvernement sur les 25 dernières années.
Oui, le vote pour les listes LO-LCR sera un vote de rejet contre la droite mais aussi un désaveu de la gauche et il sera clair que ce rejet et ce désaveu viennent des travailleurs et qu'il s'agit de contestation de la politique patronale.
Le rejet des partis qui se sont déconsidérés au gouvernement s'exprimera de toute façon. Il s'est exprimé, tout le monde s'en souvient, le 21 avril 2002. Mais, justement. Il ne faut pas que ce rejet soit canalisé au profit du milliardaire démagogue d'extrême droite Le Pen. Cet homme est un ennemi résolu du monde du travail et la politique qu'il veut mener est le décalque de la politique menée aujourd'hui par la droite mais aggravée et assortie d'une démagogie réactionnaire et xénophobe.
Le Pen aura tout naturellement les votes de l'extrême droite et de toute une partie de la droite réactionnaire de ce pays. Encore qu'il n'est pas dit, étant donné le caractère particulièrement réactionnaire, particulièrement anti-ouvrier, particulièrement sécuritaire du gouvernement Chirac-Raffarin-Sarkozy, qu'une partie des éléments les plus réactionnaires de l'électorat de droite n'hésitent pas entre Le Pen et Sarkozy, car il y a de quoi se tromper.
Mais le problème n'est pas cet électorat, ce ne sont pas les nostalgiques de Pétain, les grenouilles de bénitier, les réactionnaires par hérédité, ceux qui n'ont pas encore digéré la révolution de 1789. Ceux-là que Le Pen dispute à Chirac, ou Chirac à Le Pen, qu'ils se les gardent ! Non, le problème, c'est qu'une partie des pauvres, désespérés par le chômage et la misère, qui ne voient plus de différence entre la gauche et la droite dès lors qu'elles sont au gouvernement, pensent que pour se faire entendre, le moyen le plus efficace, c'est de voter pour Le Pen. Ils pensent que ce serait une vengeance parce que cela ferait peur à tous.
Mais si un vote massif en faveur de Le Pen ferait peur aux politiciens de droite, c'est uniquement parce qu'un progrès de Le Pen menacerait leur base électorale et donc leurs mangeoires. Mais cela ne ferait certainement pas peur au grand patronat, cela ne ferait certainement pas peur à la grande bourgeoisie. Il savent bien que Le Pen est un des leurs ! Il est des leurs, à commencer par sa fortune personnelle. Il l'est plus encore à cause de son programme respectueux des intérêts des riches et du grand patronat. Non seulement il se propose de diminuer plus encore les impôts des riches, de sacrifier plus encore les services publics et de pousser plus loin que Sarkozy les mesures contre les pauvres, mais il offre ses services aux possédants pour détourner la colère des travailleurs les uns contre les autres, ceux d'origine française contre les immigrés, ceux du secteur privé contre ceux des services publics.
Les travailleurs n'ont certainement pas intérêt à se laisser diviser car, français ou immigrés, avec ou sans papiers, nous sommes une seule et même classe ouvrière, et c'est ensemble que nous sommes assez forts pour nous défendre contre la bourgeoisie et tous les pantins politiques à son service !

Nous sommes la seule alternative non seulement à la politique gouvernementale mais aussi à la politique pro-patronale et nous sommes surtout la seule alternative au Front national qui soit indiscutablement dans le camp des classes populaires.

Car, au-delà de telle ou telle revendication dont Lutte Ouvrière et la Ligue Communiste Révolutionnaire se font les porte-parole, dans cette campagne comme avant et après, c'est bien de cela qu'il s'agit : contester le pouvoir absolu et incontrôlé des grands groupes industriels et financiers sur l'économie. Car tous les maux des classes populaires, tous les maux dont souffre la société elle-même viennent en dernier ressort de cela. Ils viennent de ce que les décisions économiques sont prises par ces groupes industriels et financiers sans que la population ait le moindre contrôle sur les décisions prises et la possibilité de s'y opposer lorsque ces décisions sont clairement attentatoires aux intérêts de la société.
Regardez donc la bataille boursière qui se déroule depuis quelques jours entre les deux plus grands trusts pharmaceutiques de ce pays, Sanofi et Aventis. Nul ne sait qui sera le vainqueur de cette guerre menée à coups de milliards et à coups d'alliances entre groupements bancaires. Mais ce qui est certain, c'est que les perdants en seront les travailleurs. Car cette bataille se conclura par des restructurations, c'est-à-dire par des fermetures d'entreprises, par des licenciements de travailleurs.
Bien au-delà des travailleurs de cette entreprise, les perdants, ce sera aussi l'ensemble des travailleurs et leur accès aux soins. Car, même séparément, ces deux trusts exercent déjà un quasi-monopole dans le domaine de la santé. Et l'enjeu de la fusion, c'est d'assurer un monopole plus grand encore, leur permettant d'augmenter encore plus facilement les prix des médicaments, c'est-à-dire piller encore plus les caisses de la Sécurité sociale et aggraver son déficit. Et on nous dira qu'il faut augmenter les cotisations salariales à la Sécurité sociale et aux mutuelles. Et, pendant que ces trusts augmentent sans contrôle les prix de leurs médicaments, le gouvernement mène la chasse aux médecins pour qu'ils réduisent leurs prescriptions, mène la guerre aux malades des couches populaires pour qu'ils se soignent moins en réservant l'accès aux soins aux plus aisés.
Cette bataille boursière mobilise, paraît-il, 50 milliards d'euros. Ces 50 milliards qui seront donc totalement gaspillés du point de vue des intérêts de la société suffiraient pour boucher le trou officiel de la Sécurité sociale pour les trois ans à venir. Cette somme de 50 milliards est l'équivalent du salaire annuel, charges comprises, de près de 3 millions de salariés payés 1200 euros par mois. Rien que cette somme, gaspillée par deux trusts dans une bataille boursière, permettrait d'assurer pendant un an le salaire de tous les chômeurs officiellement recensés ! Et qui oserait prétendre qu'il n'y aurait pas de travail utile à leur donner en contrepartie de ce salaire, ne serait-ce que pour construire les logements sociaux qui manquent dramatiquement sans parler de tous les emplois susceptibles d'améliorer les services publics ?
N'importe qui de sensé nous dira qu'il vaudrait infiniment mieux que ces 50 milliards servent à créer des emplois ou à assurer l'équilibre de la Sécurité sociale ! Ce serait l'intérêt des travailleurs, ce serait dans l'intérêt de toute la société.
Mais ce n'est pas la société qui décide. Elle n'est même pas informée des tenants et des aboutissants de cette guerre boursière. Les décideurs de cette bataille et ses bénéficiaires sont limités à quelques dizaines de personnes des conseils d'administration représentant les intérêts de quelques centaines, tout au plus, de gros actionnaires parmi lesquels d'autres méga-trusts comme L'Oréal, et même Total bien connu pour son rôle pour la santé publique sur les côtes de Bretagne.
Eh bien oui, il est vital pour les travailleurs et pour la société dans son ensemble de contrôler l'activité de ces entreprises. Il est vital que le secret commercial et bancaire derrière lequel se mènent ce genre de batailles, sources d'immenses gâchis pour la société, soit supprimé. Il est vital pour la société que les travailleurs et la population puissent accéder librement à toutes les informations concernant la vie des entreprises, qu'ils puissent intervenir, s'opposer à des décisions néfastes.
Un contrôle réel des travailleurs, de la population, sur les entreprises montrerait, par exemple, que les licenciements collectifs ne sont pas une nécessité mais un choix des patrons, qu'il est possible de faire autrement. Quand nous revendiquons l'interdiction des licenciements collectifs, ce n'est pas par utopie mais parce que c'est possible, parce que les grands groupes industriels qui y procèdent ont assez d'argent pour assurer un travail à tous, quitte à le répartir sans diminution de salaire.
Alors oui, il faudrait que tous ceux qui travaillent dans ces entreprises, les chercheurs, les laborantins, les ouvrières du conditionnement, puissent contrôler le coût véritable de la recherche et de la fabrication et qu'ils puissent rendre public ce qu'ils constatent. Il faut que les employés des services financiers de ces entreprises et des grandes banques, puissent rendre public d'où viennent les profits, à quoi ils sont utilisés et pourquoi. Pour gigantesques que soient ces trusts, toutes les phases de la recherche, de la production, de la comptabilité et des opérations financières passent entre les mains des travailleurs, des centaines ou des milliers de travailleurs. Il faut que ceux-ci puissent mettre en commun ce qu'ils savent que ce soit légal ou pas et que, des organisations ouvrières aux associations de défense des consommateurs, chacun puisse y avoir accès, et on saura alors qu'il n'y a aucune raison qui justifie les prix élevés des médicaments ou qui justifie des licenciements, sauf la soif de profit de leurs actionnaires.

Et puis, il y a toutes les sales affaires de corruption, dans lesquelles sont mouillés des hommes d'affaires, des hommes politiques, quand ce ne sont pas des magistrats, qui coûtent cher à la société. Mais coûtent encore plus cher les opérations boursières ou tout simplement les choix faits en toute légalité par les grands groupes industriels ou financiers d'investir, de désinvestir ou de délocaliser en fonction des seuls intérêts des actionnaires.
S'opposer au pouvoir exorbitant des grands groupes industriels et financiers serait une atteinte au droit de propriété ? Oui, cela en serait une ! Mais ces grands groupes foulent aux pieds, jour après jour, le droit de propriété de plus petit qu'eux. Ils foulent surtout aux pieds ce droit élémentaire que devrait être le droit à un salaire, à un travail, à une vie digne du XXIème siècle.

Eh bien oui, nous pensons que ce sont les intérêts égoïstes de la minorité de possédants qui doivent s'effacer devant les intérêts vitaux de la majorité de la population.
Alors, bien sûr ce programme ne peut pas s'appliquer sans la participation active, consciente d'un grand nombre de travailleurs et de travailleuses. Cette participation ne surgira pas automatiquement du résultat des élections régionales, fût-il particulièrement important pour les listes d'extrême gauche. Mais un large vote en faveur d'un tel programme sera une façon, pour le monde du travail, d'exprimer ses choix sociaux, son opposition au fonctionnement de cette société. Et si ce vote en faveur des listes LCR-LO est important, cela contribuera à encourager tous les opprimés à préparer une lutte d'ensemble pour imposer un tel plan pour arrêter la course sociale actuelle vers l'abîme.
Alors, je termine en vous demandant de voter pour la liste Ligue communiste révolutionnaire - Lutte ouvrière.
Une place de conseiller régional qui passe de la droite à la gauche, ou inversement, cela ne changera rien pour personne, sauf pour le conseiller élu. Mais si, dans cette région comme dans les autres, s'affirme un courant qui se retrouve dans les idées et dans le programme politique que nous défendons dans cette campagne, soyez-en sûrs, cela comptera pour l'avenir !

(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 4 février 2004)