Déclaration de M. André Rossinot, président du Parti radical, sur la Constitution européenne et les négociations en vue de l'éventuelle adhésion de la Turquie à l'UE, la défense de la laïcité et la nécessité d'un "nouveau contrat social", Paris, janvier 2005.

Prononcé le 1er janvier 2005

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Texte intégral

Mesdames, Messieurs
Voilà plus de 100 ans que le Parti radical présente ses vux, traversant les Républiques, les regroupements politiques, participant à faire avancer la France et l'Europe sur la voie du progrès social, de l'égalité républicaine et de l'humanisme. Je suis donc fier aujourd'hui de vous présenter mes vux personnels et ceux de la formation que j'ai l'honneur de diriger depuis plus d'un an.
Je suis fier de le faire en cette nouvelle année 2005 entouré de trois ministres radicaux, Jean Louis Borloo, Laurent Hénart et François Loos.
Je suis fier de cette famille radicale qui s'élargit, qui attire de nouveaux parlementaires et de nouveaux militants en quête de sens et de valeurs. Si je vous disais, ils viennent à nous pour porter un candidat à la présidentielle, vous ne me croiriez pas et vous auriez raison. Le Parti radical n'a pas aujourd'hui vocation à porter des hommes providentiels à la Présidence de la République. Il a vocation dans le cadre de son partenariat privilégié avec l'UMP - et je remercie Nicolas d'être avec nous aujourd'hui - à incarner l'aile gauche de la majorité, la partie généreuse, humaniste, sociale et laïque de l'UMP dans un esprit de loyauté. Il demeure le creuset à l'intérieur duquel la démocratie ne cesse de se revivifier. C'est pourquoi, attaché à l'esprit d'entreprise et à toutes les libertés qui la garantissent, nous rejetons l'ultra libéralisme et la seule dictature des marchés internationaux ; et ce d'autant plus que la première entreprise française, ce sont nos PME et nos artisans géographiquement enracinés et au savoir faire incontestable.
Attachés au respect de la personne humaine, soucieux de ne laisser personne sur le bord de la route, respectueux de la dignité de chacun, nous sommes résolument opposés à l'assistanat prolongé et à la déresponsabilisation. En fait nous combattons le projet du parti socialiste.
Le Parti radical, c'est un espace d'audace, de liberté de parole et de cohésion sociale. C'est aussi depuis un siècle des valeurs partagées avec l'immense majorité de nos compatriotes. Comme chacun d'entre vous a quelque chose de gaulliste en lui, chacun d'entre vous a quelque chose de radical en lui. C'est dans ce cadre que nous allons constituer cette nouvelle équipe pour la France qui devra d'abord se qualifier pour les législatives, les présidentielles et les municipales, avant d'aspirer à remporter ses épreuves. Pour se qualifier il faut une méthode. Pour ma part, je souhaiterais que les présidents de l'UMP, des deux assemblées, de la République et le Premier ministre puissent se retrouver tous les mois afin d'aborder et préparer ensemble le calendrier des grandes réformes politiques dont notre pays a besoin pour les trois prochaines années.
Le temps est donc venu de rassembler notre famille politique autour de projets et de propositions qui répondront aux inquiétudes de nos compatriotes. J'ai envie de vous dire rassembler oui, mais également rassurer. Rassurer les Français qui ont des difficultés d'intégration dans le monde du travail, qui sont confrontés à l'extension de la précarité sociale et économique ; rassurer ceux qui ont peur de l'Europe ; nous protéger contre les pollutions anciennes et nouvelles ; rassurer les hommes et les femmes dans leur sécurité quotidienne, physique, sanitaire ou alimentaire ; rassurer ceux qui ont peur de ne plus pouvoir vivre leur religion en toute sérénité.
Ce constat, mesdames et messieurs, je le fais en tant que Président du Parti radical mais également en tant que médecin. Jamais je n'ai autant ressenti notre société portée vers les questions touchant à son devenir sanitaire, culturel et spirituel. Jamais l'homme et les valeurs n'ont occupé une place aussi importante dans les projets politiques de nos formations politiques, des travaux du Parlement et du gouvernement (Jean Léonetti - mission fin de vie). L'ensemble de ces sujets sont portés par le Parti radical depuis des décennies, et ils sont aujourd'hui +se donne trois priorités pour 2005 :
Tout d'abord l'Europe.
Le 18 juin dernier, quel clin d'il gaulliste à l'histoire, un accord a été trouvé à Bruxelles sur un projet de constitution entre les 25 pays membres de l'Union européenne. C'était la première fois dans l'histoire de l'Europe que ces 25 pays exprimaient en commun leur volonté de construire enfin une Europe politique. Cette nouvelle Europe sera lisible avec un président stable du Conseil européen, un vrai ministre des affaires étrangères, une Commission européenne rénovée et un accroissement des pouvoirs du Parlement européen. Plus personne ne pourra dire que l'Europe ne parle pas d'une seule voix ; plus personne ne pourra dire que l'Europe n'est qu'une zone de libre échange, marchande et libérale. En approuvant la Constitution européenne, nous serons citoyen d'une Europe puissance. Dire Oui à la Constitution, c'est préparer l'Europe à affronter les grandes catastrophes humanitaires comme celle du raz de marée qui a touché l'Asie du sud est ; dire oui à la constitution, c'est avoir la volonté de se doter au niveau européen d'une approche globale autour de trois axes : l'emploi ; la compétitivité et la cohésion sociale conformément à la stratégie de Lisbonne (mars 2002). Cette Constitution est bonne pour l'Europe. Elle est bonne pour la France.
En ce qui concerne l'adhésion de la Turquie, j'ai envie de dire que paradoxalement, le débat est derrière nous. En mai 2004, les militants se sont prononcés contre l'entrée de la Turquie en tant que membre entier de l'union européenne, à 71,8 %. Deuxièmement, le conseil européen de Bruxelles du 17 décembre dernier a rappelé qu'il avait décidé à Helsinki (1999) que la Turquie était un pays candidat et que les négociations avec ce pays était je cite " un processus ouvert dont l'issue ne peut être garantie à l'avance " et que de toute façon il n'aboutirait pas avant 2014 ; de plus ce pays devra respecter les critères de Copenhague et donc l'acquis communautaire. Enfin le Président de la République a affirmé que serait introduit dans la révision constitutionnelle nécessaire pour adopter le traité constitutionnel une disposition qui obligera les Français à se prononcer sur tout nouvel élargissement par référendum. Je pense pour ma part que toutes les garanties sont prises et qu'au final les français trancheront. Si d'aventure l'UMP souhaitait confirmer son vote de 2004, il faudrait faire attention à la façon de la faire.
Deuxième priorité : le respect de la loi de 1905
Nous allons cette année commémorer le 100ème anniversaire de la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l'Etat qui est au cur du pacte républicain. C'est vrai que la société change et se transforme, que les flux migratoires se sont développés, que la France laïque a aujourd'hui de multiples visages confessionnels. Néanmoins, je suis de ceux qui pensent que l'apparition et l'extension de la religion musulmane dans notre pays ne doit pas bouleverser le cadre juridique de la loi de 1905. cette religion a parfaitement sa place comme expression d'une foi personnelle, mais il ne semble pas opportun de lui réserver aujourd'hui un traitement particulier, en prenant le risque à terme de fragiliser les libertés religieuses. La création d'une fondation pour le culte musulman qui pourrait répondre aux délicates questions du financement des mosquées mais aussi de la formation des imams est une piste qui mérite d'être explorée. Je comprends la préoccupation de Nicolas et je la partage. Nous ne devons pas prendre le risque de voir des imams étrangers, ne parlant pas la langue française, prêcher sur notre territoireje propose que nous discutions ensemble afin d'élaborer pour la fin de l'année des propositions concrètes. Deux temps fort d'échanges auront lieu cette année. Un colloque à Montélimar chez Frank Régnier, au mois de juillet, ville du président Emile Loubet sous lequel a été votée la loi de 1905, et au mois de novembre un des thèmes du congrès du Parti radical sera la loi de 1905. Parallèlement, je proposerai au Président de la République la mise en place d'une commission de travail sur le modèle de la Commission Stasi sur la laïcité.
Troisième priorité : un nouveau contrat social pour la France et pour l'Europe
La construction d'une France sociale et humaniste demeure un défi permanent de l'action politique, telle qu'elle est envisagée par les radicaux. Pour y parvenir, le politique doit s'attacher à apporter des réponses concrètes à l'ensemble des questions qui se posent à l'individu dans la société française, qu'il s'agisse des multiples difficultés qu'il rencontre au quotidien (la santé, le cadre de vie ou l'accès aux services publics), ou de sa nécessaire intégration dans la vie citoyenne (à travers l'école, le travail ou l'engagement civique). C'est à partir de ce constat que l'on doit aujourd'hui redessiner un nouveau contrat social pour la France et pour l'Europe. Jean Louis Borloo le sait bien. En devenant le nouveau Président du nouveau contrat social au côté de Michelle Alliot Marie, Laurent Hénart, Xavier Bertrand de nombreuses autres personnalités de différentes sensibilités, et en choisissant le Parti radical, il inscrit son action dans un courant de pensée qui a toujours donné sa priorité à la personne, à son bien être, à son savoir et à son éducation (annonce du colloque en mars sur l'Europe sociale ?).
Pour nous radicaux, un nouveau contrat social passe tout d'abord par :
o une démocratie sanitaire
Gratuité, égal accès aux soins, qualité de la prise en charge médicale, meilleure information sur les risques et maladie, etc. : l'actualité récente sur la réforme de l'assurance maladie a rappelé l'exigence forte des Français en matière de santé. C'est pourquoi, dans un contexte budgétaire difficile, la réforme de l'assurance maladie s'est appuyée sur trois principes fondamentaux : l'égalité d'accès aux soins, la qualité des soins et la solidarité. Je tiens ici à saluer l'action du gouvernement et plus particulièrement le travail accompli par Philippe Douste Blazy qui a su concilier ces principes avec la nécessité de maîtriser la progression des dépenses de santé afin de préserver notre système de protection sociale.
o Un nouveau contrat social entre l'urbain et le rural
80 % des Français vivent aujourd'hui sur des territoires urbanisés, pour beaucoup en périphérie de la ville. Avec le développement des grandes agglomérations, la ville se déshumanise. D'où plusieurs questions : Comment redéfinir la ville comme espace de proximité et d'échange ? Quel est le nouveau rôle social et environnemental que l'urbanisme peut jouer dans ce cadre ?
Par ailleurs, avec le déclin de la place de l'agriculture dans l'économie et les phénomènes de " rurbanisation ", le monde rural tend à perdre sa spécificité. Il nous appartient de redéfinir la place du monde rural dans notre société.
Plus généralement, ces préoccupations doivent être appréhendées à travers la notion de développement durable, qui privilégie la protection de l'environnement en la mettant en relation avec l'ensemble des aspects de la vie économique et sociale. C'est la raison pour laquelle Frédéric Bar, le président de l'association respect et Françoise Dutheil ont pris l'initiative de créer l'association " écologie radicale " qui a vocation à travailler sur ces questions.
o Un nouveau contrat social, c'est aussi le maintien des services publics et de leur continuité
Les services publics en réseau (télécommunications, énergie, poste, etc.) connaissent depuis dix ans de profondes transformations. Un mouvement d'ouverture à la concurrence a été engagé au niveau européen dans un certain nombre de ces secteurs, afin de permettre la baisse des prix de ces services publics, notamment dans les domaines qui connaissent un progrès technologique important. Dans tout les cas, la notion de " service public " doit demeurée très présente. Ce modèle doit demain être applicable à l'ensemble des services publics en réseau, notamment ceux où la dimension humaine et le rôle d'aménagement du territoire sont essentiels. je tiens ici à souligner le travail remarquable effectué par Robert Lecou, député Maire de Lodève sur la " continuité des services publics "
* Un nouveau contrat social c'est enfin une République pour tous
L'égalité des chances est au fondement même de l'école républicaine. Cette valeur fondamentale de notre République reste pour autant bien théorique : il y a en France un défaut d'intégration auquel la formation - initiale et continue - doit contribuer à remédier. Ne faut-il pas pour ce faire réformer en profondeur notre système éducatif ? La carte scolaire et le collège unique, à l'origine destinés à assurer l'égalité des chances, ne sont-ils pas devenus aujourd'hui des obstacles à sa réalisation ?
Les enjeux de la formation continue sont également considérables. C'est pourquoi la loi a récemment consacré le principe d'un droit à la formation tout au long de la vie (loi du 4 mai 2004). Comment ce droit pourra-t-il s'exercer dans le respect de l'équité et de façon compatible avec les contraintes des entreprises ?
Le travail est sans conteste l'un des premiers facteurs d'intégration des citoyens. Alors qu'environ 10 % de la population active se trouve aujourd'hui sans travail, comment lutter efficacement contre le chômage, y compris en période de faible croissance ? La création d'un nouveau contrat avec les demandeurs d'emplois, voulue par le Gouvernement, sera-t-elle suffisante pour y parvenir ? Le chômage des jeunes est deux fois supérieur à celui du reste de la population. Le principe d'une " nouvelle chance " pour les quelque 800 000 jeunes sortis du système scolaire sans qualification a été posé par le Gouvernement.
La France a pris un retard considérable pour l'intégration des personnes handicapées. La prise de conscience de ce retard est aujourd'hui réelle et les premières mesures ont été adoptées : les budgets dédiés à la gestion du handicap ont augmenté depuis quelques décennies et des progrès ont été enregistrés en matière d'insertion scolaire, professionnelle ou sociale. Cependant, beaucoup reste à faire pour que le droit à compensation des conséquences des handicaps devienne l'expression de l'égalité de droit pour l'exercice d'une citoyenneté pleine et entière.
L'affirmation de sa sexualité a récemment pris une dimension politique incontestable, notamment à travers le vote du PACS et, plus récemment, le débat sur le mariage homosexuel. Je tiens à saluer ici le travail remarquable réalisé par Jean Luc Romero, président de l'association des élus locaux contre le sida et d'Aujourd'hui Autrement. Je profite de l'occasion Jean Luc pour te dire que dans le cadre de lutte contre le sida, grande cause nationale que tu présides, le maire de Nancy ira se faire dépister le 28 janvier. Je vous engage d'ailleurs tous à effectuer ce geste
Mesdames et messieurs,
Vous l'avez compris, le Parti radical souhaite placer son action sous le signe de la "reconquête républicaine" et de l'ambition européenne.
Permettez-moi avant de terminer de rappeler que nous allons commémorer le 60ème anniversaire de la libération du camps d'Auschwitz dans quelques jours. Ce soir avec Simone Veil, nous avons pris l'initiative de projeter à l'espace Cardin le film de David Teboul "Simone Veil, Une histoire française". J'accompagnerai le 27 janvier prochain le Président de la République à Auschwitz, pour rendre un hommage aux victimes de la Barbarie Nazie et inaugurer le pavillon français. En réponse aux paroles de haine et d'injure que nous entendons depuis quelques années et récemment encore j'ai envie de vous lire la réponse qui a été faite par primo Levy à la questions suivante :
Ne croyez-vous pas que les autres, les hommes, veulent au plus vite oublier Auschwitz ?
Des signes laissent à penser qu'ils veulent oublier ou pire, nier. C'est très significatif : celui qui nie Auschwitz est celui-là même qui serait prêt à recommencer.
(Source http://www.partiradical.net, le 24 janvier 2005)