Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur l'adaptation aux changements climatiques et sur les actions menées par la France pour y remédier, La Réunion le 18 février 2005.

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Circonstance : Déplacement à La Réunion du 18 au 22 février 2005-clôture de la réunion du GIEC (Groupe d'experts Intergouvenrnemental sur l'Evolution du Climat), le 18

Texte intégral

Monsieur le Président du GIEC
Monsieur le Président du Groupe III du GIEC,
Monsieur le Président de Région,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs,
Peu d'enjeux d'échelle planétaire suscitent autant d'intérêt, mais aussi de craintes - avérées ou extrapolées - que celui qui vous réunit au sein du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat (GIEC). Et c'est d'ailleurs en grande partie grâce à la portée de vos travaux, depuis 1988, que chacun sait désormais combien l'ampleur du réchauffement climatique est susceptible de générer à terme de véritables tragédies, humaines et naturelles. La prise de conscience collective est encore récente, mais chacun d'entre nous en est désormais convaincu : certains phénomènes apparemment naturels, qu'ils soient passés ou à venir, peuvent être causés ou aggravés par l'action ou par l'inaction humaine ; de tous ces phénomènes globaux, nous ne sommes pas seulement les victimes, nous sommes d'abord les responsables ; face aux conséquences du réchauffement climatique, face à des tragédies annoncées, nous ne saurions rester inertes.
Naturellement, cette prise de conscience collective interpelle au premier chef les décideurs publics, à tous les niveaux. C'est donc dire toute l'importance qui s'attache pour ces décideurs publics à disposer d'une source objective d'informations scientifiques, techniques et socio-économiques, fondée sur une analyse méthodique et impartiale des travaux de recherche menés à l'échelle du globe. Telle est précisément votre vocation, au sein du GIEC, que de fournir cette aide à la décision, qui puisse être aussi une formidable incitation à l'action.
C'est donc pour moi croyez-le bien un réel plaisir que de participer aujourd'hui à la clôture de vos travaux sur l'adaptation aux changements climatiques, ici, à La Réunion, car c'est l'occasion pour moi de vous exprimer publiquement la reconnaissance du Gouvernement français pour les travaux qui sont les vôtres. Ces travaux sont en effet indispensables à la bonne compréhension des phénomènes qui nous entourent, et plus encore à l'analyse des évolutions qui se mettent en place. De cette compréhension dépend notre capacité à prévenir, notre aptitude à nous adapter. En un mot, il s'agit de préparer l'avenir, le nôtre et celui de nos enfants. Car après le temps de la prise de conscience, est désormais venu le temps d'agir.
De ce point de vue, je souhaite aujourd'hui vous redire avec force, la détermination du Gouvernement français à agir, tant sur la scène internationale que dans le cadre de ses compétences nationales, pour tirer les enseignements de vos travaux. Il s'agit pour nous d'assumer pleinement la responsabilité écologique d'ampleur internationale que nous confère notamment notre présence dans les trois grands océans, et qui nous permet de disposer de la 2ème plus grande Zone Economique Exclusive au monde, avec près de 11 millions de Km².
Je souhaite donc évoquer brièvement devant vous les différentes actions menées par la France et destinées à relayer vos travaux scientifiques, tant au niveau international, gouvernemental que régional.
Au niveau international, la détermination de la France, je pense, n'est plus à démontrer. Notre pays a en effet soutenu dès le départ, puis a signé et enfin ratifié le protocole de Kyoto dont je tiens à saluer à mon tour l'entrée en vigueur toute récente, le 16 février dernier. Ce formidable espoir pour la planète est d'abord votre succès, et je tiens à vous remercier pour la contribution décisive que vous avez apportée à son élaboration. Pour la première fois, 33 pays industrialisés sont désormais légalement tenus d'atteindre des objectifs quantitatifs de réduction ou de limitation de leurs émissions de gaz à effet de serre. Bien entendu, chacun sait ici les limites de cet exercice, du fait de la non ratification du Protocole par les Etat-Unis, ou encore en raison des difficultés de sa mise en uvre. Il n'en demeure pas moins qu'un pas important a été franchi, qu'il nous appartient de conforter par d'autres. Et la France entend bien y prendre toute sa part.
Le Président de la République vient d'ailleurs tout juste de se prononcer en faveur d'un renforcement des obligations prévues par le Protocole. La France confirme donc son objectif ambitieux, inscrit dans son plan " climat " de juillet 2004, et qui prévoit de réduire de 75% ses émissions de gaz à effet de serre en 2050, alors que le Protocole de Kyoto n'exige que 5% en 2010 pour les pays développés.
Mais la France apporte également son soutien aux pays en développement au travers du Fonds français pour l'Environnement mondial. Ce fonds, doté chaque année de 20 M, est géré par l'Agence Française de Développement. 137 projets sont actuellement financés, en matière d'éducation, de santé, mais aussi de développement des énergies renouvelables ou de biodiversité. Dans ce dernier domaine, je souhaite évoquer plus particulièrement l'Initiative pour la Gestion Durable des Récifs Coralliens, qui concerne une quinzaine d'Etats insulaires du Pacifique. Dotée de 8,7 M, elle vise à promouvoir le développement des aires protégées, la protection des bassins versants, la restauration des récifs endommagés, et bien sûr la connaissance des milieux.
La France est particulièrement concernée par la gestion durable et la protection de ces récifs coralliens. En effet, ce sont près de 10 % des récifs coralliens et 20 % des atolls mondiaux qui se situent dans l'outre-mer français. Vous le savez, ces récifs peuvent être particulièrement sensibles au réchauffement des océans ou à l'irradiation des rayons solaires, et d'ailleurs, une étude vient d'être menée sur le sujet dans les îles Glorieuses, situées dans le Canal du Mozambique.
Avec l'initiative IFRECOR, que je co-préside avec mon collègue ministre de l'Écologie et du Développement durable, nous nous sommes dotés d'une stratégie et d'un plan-cadre national en matière de récifs coralliens permettant la mise en place d'observatoires, d'outils comme le plan de gestion du lagon de Mayotte, ou bien encore la création d'aires marines protégées en Guadeloupe et à Wallis et Futuna. Il convient d'y ajouter le lancement d'un grand nombre de travaux de recherche, ainsi que la publication d'ouvrages, tel récemment un guide sur la restauration des récifs dégradés.
S'agissant enfin des récifs coralliens de Nouvelle-Calédonie, qui constituent la deuxième plus longue barrière de corail au monde après la grande barrière australienne, l'État soutient pleinement la démarche des provinces calédoniennes visant à obtenir leur classement au patrimoine mondial de l'UNESCO.
S'agissant des actions entreprises au niveau national, vous me permettrez d'appliquer mon propos à ce qui relève plus particulièrement de ma responsabilité, l'outre-mer français, en insistant d'emblée sur le partenariat noué en la matière avec les différentes collectivités d'outre-mer qui le composent. Je tiens au passage à saluer Monsieur Paul Vergès, président du Conseil régional de La Réunion, qui nous accueille aujourd'hui dans ses locaux, et que son autre mandat de président de l'Observatoire national sur les Effets du Réchauffement climatique rend particulièrement sensible aux thèmes qui sont les vôtres. Je souhaite le remercier pour l'initiative qu'il a prise de vous inviter à mener cette session de travail à La Réunion.
En choisissant un département d'outre-mer pour cadre de vos travaux, vous avez en effet pu approcher de plus près la spécificité de ces îles, plus exposées encore par leur nature même aux conséquences qu'une élévation des températures pourrait avoir sur le niveau des mers. Certains atolls, notamment en Polynésie française, pourraient d'ailleurs être totalement submergés.
Cette sensibilité particulière à l'égard du réchauffement climatique a conduit très tôt les collectivités d'outre-mer à s'intéresser au développement des énergies renouvelables, pour lesquelles elles disposent souvent d'atouts indéniables. Tel est bien le cas de La Réunion, qui bénéficie tout à la fois d'un fort ensoleillement, d'une hygrométrie abondante dépassant plusieurs mètres de précipitations annuelles, d'alizés réguliers, ou encore d'une activité volcanique offrant un potentiel géothermique accessible, ainsi que d'une activité agricole génératrice d'une biomasse importante, la bagasse, issue de la canne à sucre. Les déchets sont également valorisés, tout comme en Martinique où leur incinération permet de produire 42 GigaWattHeure par an.
Cette diversité est une chance pour la France qui a ainsi pu développer des entreprises spécialisées dans ce domaine, et favoriser la création d'emplois locaux.
Tous ces efforts commencent à produire leurs effets : La Réunion produit aujourd'hui près de 40 % de son électricité à partir d'énergies renouvelables, la Guyane française 70 %, et la Guadeloupe 25 %. Globalement, les départements d'outre-mer produisent d'ores et déjà plus de 28 % d'électricité d'origine renouvelable, soit le double de la métropole et un niveau supérieur aux objectifs européens fixés à 21 % à l'horizon de 2010.
Pour faire face à une demande d'électricité en forte croissance, les Régions d'outre-mer ont d'ailleurs élaboré des Plan régionaux de développement des énergies renouvelables, qui visent à favoriser la production des énergies renouvelables, tout en veillant parallèlement à mieux maîtriser la demande globale d'énergie.
Naturellement, l'État accompagne ces efforts en apportant des aides importantes au travers d'un organisme spécialisé, l'ADEME, mais aussi par un prix de rachat garanti de l'électricité renouvelable, ainsi que par des aides fiscales spécifiques à l'outre-mer. Il s'agit donc bien d'une démarche qui se veut globale, cohérente, et concertée, en conformité avec le principe d'organisation décentralisée de notre République.
Mais parce qu'il s'agit précisément d'une action qui n'a de sens que si elle s'inscrit dans une démarche plus globale, il importe que ces efforts entrepris par les collectivités d'outre-mer puissent intégrer une dimension de coopération régionale. Le Gouvernement soutient donc les élus d'outre-mer dans la recherche de partenariats à établir avec les pays voisins, dans leur environnement régional.
Pour y contribuer, ont été instaurés par mon ministère les Fonds de coopération régionale, désormais individualisés par région, et abondés par le budget de l'outre-mer. Ils permettent de financer des projets de développement durable, décidés par chaque comité de gestion composé paritairement de représentants de l'État et des collectivités locales.
L'Union européenne, à son tour, pourrait encourager ces partenariats dans un proche avenir. En effet, la Commission a récemment proposé dans sa communication sur " un partenariat renforcé pour les Régions ultra-périphériques ", de cofinancer certains projets de coopération avec les pays voisins. Ce faisant, la Commission reprend une suggestion formulée par la France depuis plusieurs années déjà, ce dont je ne peux naturellement que me réjouir.
Mais pour conclure, je souhaite réaffirmer l'engagement solennel pris en faveur du développement durable par le Président de la République, Jacques Chirac, lors de la conférence internationale sur la biodiversité qui s'est tenue à Paris le mois dernier.
Pour cela, la France compte bien s'appuyer sur ses 10 collectivités d'outre-mer, mais aussi sur les États qui les entourent. Le réchauffement climatique que vos travaux nous aident à mieux appréhender est un enjeu qui nous concerne tous. C'est donc ensemble qu'il nous faut y apporter les réponses porteuses d'avenir.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 22 février 2005)