Déclaration de M. Dominique Perben, ministre de la justice, sur le projet de loi relatif au divorce, au Sénat, le 7 janvier 2004.

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Circonstance : Première lecture du projet de loi sur le divorce, au Sénat, le 7 janvier 2004

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Vous abordez aujourd'hui un débat majeur.
La question du divorce revêt, en effet, des enjeux symboliques et concrets de première importance.
Notre conception de la désunion doit être animée par les principes forts qui guident le droit de la famille et être empreinte de sagesse et d'équilibre.
Certes, nos concitoyens attendent de la réforme qu'elle reflète l'état de la société et prenne en compte une réalité qui concerne chaque année plus de 110 000 couples.
Ils souhaitent cependant que, dans un monde de plus en plus mouvant, éclaté, la famille continue d'assumer son rôle structurant.
Si le divorce appartient avant tout à l'histoire singulière d'un couple, à l'intimité d'une relation entre un homme et une femme dont il convient de respecter les choix, le droit du divorce a quant à lui une dimension collective.
La séparation, si elle n'est plus frappée d'opprobre sociale, demeure une épreuve, un passage difficile dont les effets rejaillissent bien au-delà du couple.
Je pense en particulier au conjoint le plus faible psychologiquement ou économiquement auquel une attention particulière doit être portée.
Je pense également bien sûr aux enfants, pour lesquels le maintien des liens avec chacun de leurs parents après divorce est déterminant pour l'avenir.
Comme en témoignent les vicissitudes de la législation et les débats passionnés ayant marqué l'édification du droit du divorce, c'est la conception même du mariage, la place qu'attache notre société aux valeurs de l'engagement, de la solidarité et de la responsabilité, qui sont en jeu.
La famille a été traversée ces dernières décennies par de profondes mutations.
J'évoque là la montée de l'individualisme, le développement du travail féminin, ainsi que la reconnaissance de nouvelles formes de vie conjugale.
Le droit reflète ces mutations.
Déjà l'égalité des droits et des devoirs des père et mère en matière d'autorité parentale ou le partage des pouvoirs entre époux dans les régimes matrimoniaux ont été accomplis.
Il faut désormais aller plus loin, en réformant en profondeur avec pour souci de rechercher le plus large consensus possible et de préserver, malgré l'impossibilité de légiférer par un seul texte, l'unité et la cohérence du droit.
A cet effet, une méthode originale a été retenue.
Il y a tout juste un an, je confiais, conjointement avec le ministre délégué à la Famille, une mission directement opérationnelle à un groupe de travail composé de parlementaires, d'universitaires et de praticiens.
Grâce à l'investissement remarquable de ses membres ainsi qu'à la richesse et à la diversité de leurs expériences, les travaux engagés s'avèrent d'une grande qualité.
Si l'adaptation des procédures de divorce a constitué le premier volet de la réflexion, d'autres aspects du droit de la famille doivent également être réformés.
- Il en va par exemple ainsi du droit de la filiation.
- De même, je souhaite que soit adapté le droit des successions.
Le gouvernement souhaite faciliter la vie des familles déjà éprouvées par un deuil en simplifiant leurs démarches à la suite du décès. Dans ce but, le règlement des successions doit être accéléré et l'administration de celles-ci mieux organisée.
Un texte sera soumis à la représentation nationale au cours de cette année.
- Je suis enfin profondément attaché à ce que la réforme des tutelles, indispensable pour mieux accompagner les personnes les plus fragiles de notre société et respecter leur dignité, puisse aboutir dans les prochains mois.
De plus en plus de majeurs se voient privés de leur capacité juridique dans une conception exclusivement patrimoniale de la protection au détriment des réalités humaines.
Il convient de mettre un terme à ces dérives et de revoir toute l'économie du dispositif tant juridique, sociale qu'économique.
S'agissant de la question du divorce qui nous rassemble aujourd'hui, l'action du législateur doit prendre en compte deux données essentielles.
En premier, moderniser notre législation, c'est concilier des impératifs apparemment opposés.
- D'une part, il convient de préserver la nature institutionnelle du mariage, que l'affirmation d'autres modes de vie en couple n'a pas altérée.
Le mariage est en effet plus que jamais dans une société plurielle, l'expression d'un choix délibéré, librement consenti, et dont la dimension sociale est pleinement assumée.
Il est ainsi la traduction d'un engagement dont la force doit être, même dans les temps difficiles, source de responsabilité.
Une telle approche s'avère inconciliable avec l'instauration d'un divorce sans juge, corollaire d'une conception purement contractuelle du mariage.
Cette proposition a donc été d'emblée écartée.
- D'autre part, les mentalités ont évolué. Elles font désormais de l'intensité du lien affectif et de l'épanouissement individuel dans le couple, le fondement de l'union conjugale et la condition de son maintien.
La loi doit en conséquence offrir des voies plus apaisées pour rompre cette union lorsque celle-ci ne trouve plus de justification dans une réelle communauté de sentiments et de projets.
En second lieu, réformer le divorce, c'est aussi prendre la mesure de la fonction nouvelle assignée au juge dans la régulation des conflits.
En effet, le rapport du citoyen au Droit et à la Justice a évolué, une approche plus soucieuse des préoccupations des familles et de leur devenir est attendue.
L'enjeu est moins de rechercher la cause et d'identifier les responsabilités, que d'accompagner une transition familiale, de contribuer à l'élaboration de solutions qui permettront à chacun de retrouver sa place et de se reconstruire.
Le projet de loi qui vous est soumis répond à ces objectifs.
Salué par beaucoup comme un texte équilibré, il fait la synthèse d'importants travaux et réflexions dont votre assemblée a été l'un des acteurs essentiels.
Votre commission une fois encore a su mettre en valeur les enjeux du débat et proposer des solutions intéressantes.
La réforme qui vous est présentée s'ordonne autour de trois grands axes :
- Un droit du divorce pluraliste et respectueux des choix.
- Un droit du divorce plus simple et soucieux de l'avenir.
- Un droit du divorce protecteur, fondé sur la responsabilité.
I Un droit du divorce pluraliste et respectueux des choix
Le pluralisme des cas de divorce, spécificité française, constitue l'héritage le plus original de la loi du 11 juillet 1975.

Ce texte est une étape marquante de l'évolution de notre législation. Elle doit beaucoup à la pensée novatrice et visionnaire du doyen Carbonnier, dont je tiens à saluer la mémoire.
Mais force est de le constater, à l'épreuve du temps, que l'objectif de dédramatiser les procédures de divorce, d'offrir une réelle diversité de choix aux époux, n'a pas été pleinement atteint.
Le divorce pour faute demeure, à défaut de réelle alternative, massivement utilisé et recouvre des réalités extrêmement diverses.
Par ailleurs, la volonté des époux ne peut, en raison de dispositions processuelles rigides, trouver sa pleine et libre expression.
La physionomie nouvelle des quatre cas de divorce redéfinie par le projet, tend à permettre à chaque couple confronté au drame de la séparation, de choisir la procédure la plus adaptée à son histoire, sans avoir à recourir à des artifices procéduraux.
A cet effet, deux points sont privilégiés :
- Reconnaître le plein effet à la volonté des parties.
- Maintenir le divorce pour faute et adapter le divorce pour rupture de la vie commune.
A) Reconnaître le plein effet à la volonté des parties.
Le projet entend respecter le choix des époux en consacrant leur liberté de divorcer si telle est leur volonté, sans que la cause de la rupture, laquelle relève exclusivement de leur décision, n'ait à être invoquée.
Le rôle du juge doit, en conséquence, se limiter au strict contrôle de la liberté des consentements et de l'équilibre, tant pour les époux que les enfants, des conventions relatives aux conséquences de la séparation.
Ces principes se déclinent différemment selon la portée de l'accord des parties.
- Le consentement mutuel, qui correspondra à l'actuel divorce sur requête conjointe lorsque les époux s'accordent sur la séparation et ses effets, sera allégé.
Il sera désormais prononcé au terme d'une seule audience, à moins que des difficultés particulières rendent nécessaire une seconde comparution des époux.
- Lorsque l'accord ne porte que sur le principe de la rupture, le divorce accepté, remplacera l'actuel divorce demandé par l'un des époux et accepté par l'autre.
Au-delà de ce changement d'appellation, la philosophie en est profondément modifiée.
Sur le plan procédural, le formalisme particulièrement rigoureux attaché à ce cas, souvent interprété comme la cause principale de son échec, disparaît.
L'obligation de faire état de faits rendant impossible le maintien de la vie commune disparaît au profit de la seule expression d'une volonté commune, libre et éclairée.
La présence de deux avocats constituera à cet égard, une garantie majeure.
Dans le même esprit, une autre innovation est introduite.
Actuellement l'accord des parties, intervenu en cours de procédure, sur le principe de la rupture, se matérialise par l'aveu réciproque de fautes et le prononcé artificiel d'un divorce aux torts partagés. Désormais, le juge pourra prendre acte du rapprochement des parties et prononcer un divorce accepté, plus fidèle à la réalité conjugale et plus conforme à la volonté des époux.
Votre commission, sensible à la pertinence de ces dispositions, les a pleinement approuvées.
Aux côtés de ces procédures consensuelles, le projet prévoit deux autres cas, tout à fait spécifiques : le divorce pour faute et le divorce pour altération définitive du lien conjugal.
B ) Le maintien du divorce pour faute et la création du divorce pour altération définitive du lien conjugal.
* Le maintien du divorce pour faute s'est imposé comme une nécessité.
Le divorce pour faute est en effet la sanction naturelle d'une violation des devoirs et obligations du mariage définis par le code civil.
Supprimer cette procédure serait, comme l'avait souligné avec force votre assemblée, nier les réalités douloureuses qui se cachent parfois dans l'intimité des familles. Nul ne doit ignorer les cas dramatiques d'atteintes graves à la dignité et au respect de l'autre ou de violences psychologiques ou physiques à l'égard du conjoint ou des enfants.
- Les conditions légales de ce divorce ne doivent pas être modifiées dans leur esprit.
Il importe, afin d'éviter d'entretenir des conflits inutiles, que la procédure pour faute soit limitée aux situations les plus graves.
En effet, en obligeant les époux à se renvoyer leurs torts par le biais d'attestations mêlant leurs proches à la procédure, elle peut s'avérer particulièrement destructrice et obérer les chances d'un avenir apaisé.
C'est pourquoi, le choix de cette voie ne doit plus être dicté par un pur intérêt financier.
Le lien qui existe aujourd'hui entre le droit à prestation compensatoire et l'imputation des torts sera supprimé. De même, le sort des donations et avantages matrimoniaux deviendra indépendant des fautes.
* La création du divorce pour altération définitive du lien conjugal se substitue à la procédure pour rupture de la vie commune, tombée en quasi désuétude.
Il est fondé sur une séparation affective et matérielle de deux années, avant la requête en divorce ou après l'ordonnance de non-conciliation. Cette voie devrait constituer une véritable alternative au divorce pour faute, en visant toutes les situations où la cause de la rupture se trouve davantage dans la mésentente durable ou le désamour que dans l'existence d'une violation grave et avérée des obligations du mariage.
L'instauration de deux points de départ différents pour le calcul du délai constitue l'une des innovations majeures du texte.
Il convient en effet de ne pas limiter ce cas, à l'instar de l'actuel divorce pour rupture de la vie commune, aux situations dans lesquelles les époux se sont séparés, de leur propre initiative, avant la requête.
Le temps de la séparation matérielle et affective intervenue après le dépôt de la requête doit pouvoir être également invoqué. C'est là le sens de cette disposition.
L'architecture ainsi proposée, comme l'élargissement des possibilités de passer d'une instance contentieuse à une instance gracieuse, permettra à chacune des procédures de divorce de retrouver tout son sens.
L'affirmation dans notre Droit d'un pluralisme, adapté aux demandes des époux, sera en outre incontestablement, un facteur d'apaisement.
II Un droit du divorce simplifié et soucieux de l'avenir
La procédure doit être un temps privilégié pour accompagner les époux et les aider à organiser les conséquences de leur séparation le plus efficacement possible.
Dans cet objectif, le projet simplifie les démarches des parties.
Il favorise en outre tous les moyens propres à éviter la résurgence de conflits après le prononcé du divorce.
A) Un dispositif processuel simplifié
Deux types de dispositions tendent à simplifier le dispositif processuel.
* L'instauration d'un tronc commun procédural dans les procédures contentieuses constitue la première innovation.
En n'imposant plus aux époux d'indiquer le fondement juridique de la requête en divorce, le choix de celui-ci étant reporté au stade de l'assignation, l'accès au juge sera plus simple.
Une telle mesure évitera, par ailleurs, la cristallisation des débats dès la demande initiale. Elle préservera mieux la nature particulière de cette phase de conciliation, dont les enjeux sont essentiels pour la suite de la procédure.
* La seconde innovation concerne l'introduction de mécanismes souples permettant de reconnaître la valeur des accords des parties, quelle que soit leur nature.
Ainsi, les conventions portant sur les mesures relatives aux enfants mais aussi sur les conséquences du divorce pour les époux pourront être soumises à l'homologation du juge.
Elles auront, après la vérification de leur conformité avec l'intérêt des mineurs et les droits respectifs des époux, un plein effet.
De même, des conventions ayant pour objet la liquidation et le partage du régime matrimonial pourront être passées, dans des conditions de forme largement simplifiées.
B) Un droit du divorce plus soucieux de l'avenir.
La procédure de divorce ne doit pas tendre à solder un passé, à liquider des intérêts notamment pécuniaires, sans se préoccuper de l'avenir.
Elle doit, au contraire, permettre l'émergence de solutions qui permettront à tous, adultes et enfants, d'appréhender le plus sereinement possible leurs relations futures.
Deux axes sont privilégiés : améliorer le dialogue entre les parties pendant la procédure et inciter au règlement complet de toutes les conséquences.
* Mieux accompagner les époux pendant la procédure est en effet essentiel pour garantir les liens familiaux et la place de chacun des parents dans la vie de l'enfant après la séparation.
C'est pourquoi le recours à la médiation familiale, fondée sur le dialogue et le respect mutuel, doit être favorisé. Le ministre délégué à la famille développera cet aspect du projet de loi dans un instant.
Nous en attendons le développement de solutions négociées, mieux assumées dans le temps et donc mieux respectées par les époux.
* Inciter les parties à régler l'ensemble des conséquences de leur rupture pendant la procédure, peut aussi limiter la résurgence après le jugement de conflits douloureux.
Ainsi, l'obligation faite au juge de préciser le caractère gratuit ou non de l'occupation du logement conjugal par un époux pendant l'instance répond à la nécessité de clarifier dès ce stade les droits et obligations de chacun.
De même, le règlement du régime matrimonial constitue un enjeu primordial.
Trop souvent, bien qu'essentielle pour apprécier les droits relatifs à la prestation compensatoire, cette question est occultée des débats et fait l'objet de litiges interminables après le divorce.
La rupture du lien conjugal ne saurait dépendre du règlement définitif de ces opérations, exclusivement patrimoniales. Il convient cependant d'imposer aux parties davantage de transparence sur leurs intentions et de les inciter, le plus en amont possible de la procédure, à s'entendre sur ce point.
Le projet comporte à cet égard une série de dispositions originales. Il en va par exemple ainsi de l'obligation faite à l'époux, à peine d'irrecevabilité, de joindre à sa demande introductive d'instance, une proposition de règlement des intérêts pécuniaires.
De même, la possibilité pour le juge de désigner un notaire pour élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial sera introduite au sein des mesures provisoires susceptibles d'être prises lors de la conciliation.
Enfin, les opérations de liquidation seront désormais encadrées dans des délais raisonnables.
Au-delà de ces dispositions propres à dédramatiser les procédures et à assurer leur pleine efficacité, le projet réaffirme avec force les principes de protection et de responsabilité, indispensables à un traitement juste et équitable des séparations conjugales.
III Un droit du divorce protecteur, fondé sur la responsabilité
La réforme du droit du divorce doit enfin intégrer deux principes fondamentaux qui sont à la source même du mariage et de l'engagement qui le scelle.
Je veux parler de la responsabilité et de la solidarité.
Au-delà de l'importance symbolique que représente le maintien du divorce pour faute, trois séries de dispositions sont principalement concernées : la protection du conjoint victime de violences, le régime des dommages-intérêts, le dispositif relatif à la prestation compensatoire.
A) La protection de l'époux victime de violences.
La réforme du divorce ne pouvait pas occulter le drame des violences conjugales dont on mesure mieux aujourd'hui l'ampleur et la gravité.
Le projet prévoit à cet effet un dispositif nouveau, propre à répondre aux situations de danger.
Avant même toute procédure de divorce, l'époux victime de ces faits pourra désormais saisir le juge aux affaires familiales afin qu'il soit statué sur la résidence séparée du couple et sur l'ensemble des mesures nécessaires à la vie de la famille.
Bien évidemment cette question devra faire l'objet d'un débat contradictoire devant le juge, comme le souhaite votre commission. Une telle disposition qui relève du domaine réglementaire sera inscrite dans le nouveau code de procédure civile. Je m'y engage devant vous.
En outre, afin d'éviter qu'au désarroi moral et psychologique s'ajoute la précarisation de sa situation, cet époux se verra accorder une préférence pour le maintien au domicile conjugal.
Ces dispositions s'ajouteront aux mesures urgentes que le juge peut d'ores et déjà ordonner, à la demande d'un époux, lors du dépôt de la requête en divorce.
Elles viendront par ailleurs compléter les différentes actions menées par la Chancellerie, notamment pour améliorer l'accueil et l'accompagnement des personnes concernées.
B) Les dommages-intérêts
Le régime des dommages-intérêts répond à deux préoccupations majeures.
* En premier lieu, réparer les conséquences liées à la faute d'un époux.
En effet, tout dommage causé par un comportement fautif doit pouvoir être indemnisé, ainsi que le proclame l'article 1382 du code civil.
A cet égard, les dispositions de droit commun en matière de responsabilité civile continueront légitiment à s'appliquer.
* En second lieu, réparer les conséquences graves subies par un époux du fait du prononcé d'un divorce qui lui est imposé.
Dans certaines circonstances, il est vrai qu'une attention particulière doit être portée au conjoint dont le mariage est dissout, alors qu'il n'est pas à l'origine de cet échec.
Tel est le cas lorsque le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans qu'il ait pris l'initiative de cette demande.
Tel est également le cas lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint, la rupture trouvant alors sa cause unique dans la violation grave par celui-ci des obligations du mariage.
Le texte visant indifféremment les conséquences matérielles ou morales du divorce, toutes les formes de détresse pourront être prises en compte par le juge.
Ce dispositif m'apparaît donc répondre pleinement à l'objectif de responsabilisation poursuivi.
C) La prestation compensatoire
Il s'agit assurément d'un point crucial du texte qui vous est soumis, et deux principes doivent guider nos travaux : le respect de l'équité et la prise en compte de situations humainement douloureuses.
Je sais combien votre commission est attentive à ces deux aspects. Les débats approfondis sur ce thème l'ont déjà démontré.
Le projet s'efforce d'apporter des réponses adaptées à chaque cas d'espèce, tant en ce qui concerne les futures prestations que celles allouées sous forme de rente avant la loi du 30 juin 2000.
* En ce qui concerne l'avenir, et sans remettre en cause les principes issus de la loi du 30 juin 2000 précitée, le projet introduit une nouvelle souplesse, indispensable à la détermination d'une prestation équilibrée en considération de la situation des époux.
- Ainsi, les conjoints pourront, quel que soit le cas de divorce, soumettre à l'homologation du juge leur accord.
De même, le projet permet de cumuler les différentes formes de capital et de fixer un capital complémentaire à la prestation sous forme de rente viagère.
Cette dernière mesure permettra de répondre pleinement à la situation de l'époux ne pouvant, du fait de son âge ou de son état de santé, subvenir à ses besoins.
- Dans le cas particulier où, lors du décès du débiteur, la prestation est encore due, il est apparu essentiel de préserver l'équité dans la situation respective du créancier et des héritiers du défunt, en évitant toute solution excessive.
Il convient de garder à l'esprit que la prestation peut constituer la principale, voire la seule source de revenus du créancier.
Toute solution par trop tranchée, telle l'extinction de la prestation au décès du débiteur, a donc été d'emblée écartée comme profondément injuste.
Mais il faut également tenir compte des éventuelles recompositions familiales, en évitant que les enfants du second lit soient tenus de verser, sur leurs deniers personnels, une prestation à la première épouse de leur père.
L'équité comme la paix des familles plaident en faveur de la solution qui vous est proposée. Sauf option contraire des héritiers, la prestation compensatoire sera prélevée sur l'actif successoral et dans les limites de celui-ci. Un capital, immédiatement exigible sera, après déduction des pensions de réversion, substitué à la rente.
* Le dernier point sensible concerne les rentes viagères allouées sous l'empire de la loi du 11 juillet 1975.
Compte tenu de leur ancienneté et de la restriction du champ d'attribution des rentes viagères par la loi de 2000, ces rentes feront l'objet d'un traitement spécifique.
Un nouveau cas de révision, qui s'ajoute à celui de changement important dans la situation des parties, est spécialement prévu, lorsque le maintien de la rente procurerait un avantage manifestement excessif au créancier, au regard des nouveaux critères posés par la loi.
Pour conclure, je souhaite vivement remercier votre commission des lois et son rapporteur Monsieur GELARD, pour la richesse de leur contribution à ce projet de loi. Nous savons tous que les enjeux de ce texte dépassent, et de loin, le seul cadre juridique.
Les liens familiaux sont la richesse d'une société. Chacun ici en est conscient.
Il ne pourra revenir au seul mérite d'une loi de dédramatiser les séparations, d'apaiser la douleur d'un couple, de protéger l'enfant.
Cependant, comme l'ensemble de vos réflexions le laisse pressentir, le législateur se sera efforcé de tracer la voie en définissant les conditions du vivre ensemble, dans le respect des choix individuels et des valeurs communes.
Ce projet marquera, je le crois, une étape essentielle pour la construction d'un droit moderne, adapté aux attentes des familles et respectueux de leur dignité.
Je vous remercie.

(source http://www.justice.gouv.fr, le 26 janvier 2004)