Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, la contribution des compatriotes de l'outre-mer à la France notamment dans la sport et la culture et sur le travail de mémoire à mener concernant l'esclavage, Garges-Lès-Gonesse le 30 juin 2004

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Circonstance : Inauguration de la Maison de l'Outre-Mer à Garges-Lès-Gonesse (Val d'Oise), le 30 juin 2004

Texte intégral

Madame le Ministre,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui et de rencontrer une nouvelle fois, à l'occasion de l'ouverture de la maison de l'Outre-Mer de Garges-lès-Gonesse, la communauté ultramarine de métropole qui est chère à mon cur.
Je salue chaleureusement tous nos compatriotes originaires de l'outre-mer présents dans ce salon d'honneur de l'hôtel de ville. Je me réjouis de vivre avec vous ce moment de partage et d'amitié, de pouvoir entendre de vive voix vos projets, vos attentes et vos besoins. Cette maison de l'Outre-Mer, que je viens d'inaugurer, sera votre maison, un lieu de reconnaissance et de fierté.
Je me félicite tout particulièrement de la présence ici des responsables des associations domiennes. Je connais votre rôle au service de nos compatriotes ultramarins. Je connais aussi les nombreuses actions que vous mettez en place pour nos concitoyens. Je connais enfin votre engagement sans limites. Je veux vous remercier pour ce travail de terrain que vous accomplissez chaque jour, avec passion.
Les nombreuses associations, qui rassemblent les originaires d'outre-mer vivant en métropole, témoignent de la qualité et de la force de votre communauté. Elles sont un lien avec ces terres françaises d'Amérique, de l'océan Indien et du Pacifique qu'elles nous font connaître et aimer. Elles sont autant de signes de votre engagement dans la vie de notre pays et de notre République.
Je sais combien les originaires d'outre-mer souffrent, dans l'hexagone, de n'être pas toujours reconnus à leur juste place. Vous êtes parfois victimes d'injustices ou de discriminations lorsque vous recherchez, par exemple, un logement ou un emploi. Cette absence de respect et d'égard peut entraîner un sentiment de mal être, particulièrement dans notre jeunesse, une interrogation justifiée sur sa place dans notre société et notre communauté nationale.
Vous le savez, le Président de la République porte une grande attention à la lutte contre toutes les formes d'exclusion et de discrimination. Il a demandé au Gouvernement de faire de cette lutte une priorité nationale. Je veillerai à ce que la communauté ultramarine de métropole ne reste pas à l'écart de l'action gouvernementale en la matière.
Français d'origine ultramarine, vous êtes, chacun d'entre vous, le reflet d'une réalité humaine et culturelle, qui compte dans la France républicaine d'aujourd'hui. L'outre-mer participe, et depuis longtemps, à la diversité culturelle qui fait la richesse de notre pays.
Laissez-moi évoquer, en peu de mots, la contribution immense de nos compatriotes d'outre-mer à la France d'aujourd'hui. Qu'il me soit permis de saluer le talent et le travail de Marie-José Perec au moment où elle quitte définitivement la scène sportive. Et je voudrais mentionner, pour les événements les plus récents, les médailles de la Guyanaise Malia Metella aux championnats de France de natation ou les exploits de notre équipe nationale de handball, au sein de laquelle de nombreux originaires d'outre-mer se distinguent, aux derniers championnats du monde. Bel exemple de courage, de volonté et de réussite.
Les artistes et les écrivains d'outre-mer sont reconnus dans le monde. J'ai eu l'occasion de rencontrer, en mai dernier, la plupart des écrivains de l'outre-mer français lors du Festival Etonnants Voyageurs à Saint-Malo qui était consacré cette année à la littérature des Caraïbes : Patrick Chamoiseau, Edouard Glissant, Gisèle Pineau, Daniel Maximin, Raphaël Confiant tous étaient cette année à l'honneur. A l'automne 2003, j'ai rencontré Maryse Condé pour notre salon du livre de l'outre-mer, Euzhan Palcy et Joseph Zobel pour les 20 ans de Rue Case-Nègres. Toutes ces belles figures font déjà partie de notre patrimoine national et permettent à la France de donner une autre image d'elle-même.
Cette France d'outre-mer, hélas !, a bien des difficultés à accéder à une reconnaissance pleine et entière, et donc à une meilleure visibilité. Ensemble, nous devons travailler à la défense de vos cultures et de vos identités en métropole. Je serai toujours à vos côtés pour enraciner la diversité dans notre république, pour prolonger par des actions fortes votre travail de tous les jours.
Le ministère de l'Outre-Mer, et c'est aussi son rôle, a engagé une politique de soutien aux cultures ultramarines. Premièrement, en développant les échanges artistiques et culturels entre l'outre-mer et la métropole. Ces échanges sont en effet indispensables au travail des créateurs. Deuxièmement, en améliorant la visibilité des cultures et des identités ultramarines en France métropolitaine. Aussi le ministère de l'outre-mer encourage-t-il la présence des artistes ultramarins sur les principales scènes de l'hexagone, dans les festivals ou autres événements nationaux : à Avignon, à Cannes notamment. Le ministère de l'Outre-Mer aide également la production audiovisuelle et cinématographique.
Le ministère de l'Outre-Mer favorise lui-même la diffusion et la publicité des uvres en métropole. En s'associant aux événements et aux manifestations culturelles d'envergure nationale : je prendrai pour exemple le Salon du livre de l'outre-mer, organisé dans les locaux du ministère, chaque automne, lors de l'opération Lire en Fête. Et bien sûr le salon du livre de Paris, lieu de reconnaissance et de rencontre des cultures d'outre-mer avec la métropole où chaque année le ministère met à la disposition des éditeurs ultramarins un espace qui leur est entièrement dédié.
Cette visibilité des cultures et des identités ultramarines en France métropolitaine passe aussi par l'image. Le cinéma et la télévision doivent refléter la richesse et la diversité de toutes les cultures qui forment notre communauté nationale. Le rôle prépondérant de l'image dans les sociétés contemporaines rend, aujourd'hui, encore plus urgent et indispensable l'effort de promotion des images d'outre-mer.
La télévision publique doit à cet égard jouer tout son rôle. Et je forme le vu que le groupe France Télévisions sache saisir l'occasion de l'intégration de Réseau France Outre-Mer pour favoriser la multiplication des images et des visages ultramarins sur les écrans nationaux. La place de RFO Sat dans le paysage audiovisuel métropolitain doit, elle aussi, être renforcée, pour assurer la continuité indispensable avec l'outre-mer. Je souhaite que RFO Sat puisse, dans quelques mois, être diffusé sur le câble et sur le satellite 24h/24.
La France abrite de nos jours sur son territoire des populations qui partagent avec elle une longue histoire commune, parfois douloureuse. Notre République voit donc cohabiter en son sein différentes mémoires, à la fois singulières et croisées.
Jamais aujourd'hui la société française n'aura été autant bousculée par la remémoration de souffrances collectives. Jamais les drames de l'Histoire n'auront été autant agités au service d'affirmations identitaires exclusives. Jamais la concurrence des mémoires qui coexistent sur notre sol n'aura été aussi forte.
Le cloisonnement des mémoires, leur enfermement dans un tragique isolement, l'ignorance réciproque, l'incapacité à comprendre la part d'universel que contient chacune des expériences historiques amènent à rejeter sur autrui la responsabilité de ses malheurs ou de ceux vécus par ses ancêtres.
C'est pourquoi la République cherche, aujourd'hui, à conduire, un indispensable travail de mémoire, en réhabilitant et en transmettant les mémoires croisées, et parfois conflictuelles, de toutes les populations qui forment notre nation. Pour consolider notre communauté nationale, pour construire notre destin commun, nous devons faire partager à tous les citoyens français l'ensemble des mémoires qui font la France d'aujourd'hui.
Notre pays a reconnu l'esclavage comme un crime contre l'humanité. J'ai donné une suite concrète à cette initiative en installant le 8 avril dernier le comité pour la mémoire de l'esclavage. Ce comité, présidé par Maryse Condé, a pour principale mission, et c'est à mes yeux essentiel, de proposer des mesures d'adaptation des programmes d'enseignement scolaire pour mieux apprendre à notre jeunesse ce que furent réellement la traite et l'esclavage. Il doit aussi suggérer des programmes de recherche en histoire, soumettre des actions de sensibilisation du public, identifier les lieux de mémoire et enfin proposer la date de la commémoration annelle, en France métropolitaine, de l'abolition de l'esclavage. Le comité attribuera aussi chaque année un prix destiné à récompenser une thèse de doctorat portant sur la traite ou l'esclavage.
Chers amis,
La maison de l'Outre-Mer de Garges sera, j'en suis sûre, un lieu d'échanges et de dialogues entre toutes les composantes de notre communauté nationale. Elle sera un lieu de rencontres, de reconnaissance mutuelle, un lieu chargé de sens, symbole de cette France enrichie et renforcée par les différences culturelles.
Vous êtes partout dans le monde la force de notre pays. Vous êtes ici, en métropole, un autre visage de la France. Cette France d'outre-mer, que je m'efforce de faire connaître et de faire aimer.
Je vous souhaite à tous d'inoubliables moments de partage, d'échanges et d'émotions.
Je vous remercie.

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 1er juillet 2004)