Texte intégral
Q- Vous êtes ministre délégué à l'Intérieur, porte-parole du Gouvernement. Vous avez été un des plus jeunes députés de France, vous êtes élu dans la ville de Meaux en Seine-et-Marne. D'ailleurs juste avant cette émission, on discutait de Meaux, de votre ancrage dans cette circonscription qui n'est pas très loin de Paris, et puis de sport aussi, puisque c'est G. Drut qui vous a initié à la politique en Seine-et-Marne.
R - "Oui, absolument, c'est l'histoire d'une rencontre et c'est formidable. Il y a déjà quelques années, une petite douzaine d'années, où il m'avait proposé de venir m'implanter pas très loin de chez lui - il était à Coulommiers - et il m'a proposé de venir à Meaux. Il y avait des chantiers magnifiques et des défis à redresser."
Q- Alors vous n'êtes pas spécialiste du saut de haies
R - "Non, mais c'est vrai que depuis 12 ans, j'en parle beaucoup avec lui"
Q- Mais en politique, vous êtes peut-être spécialiste des sauts de haies, puisque vous avez été un des plus jeunes députés. Par rapport à cet ancrage à Meaux, on va commencer par un certain nombre de citations : "La liberté n'est pas de faire ce que l'on veut, mais de vouloir ce que l'on fait'. Qui a dit cela ? "L'aigle de Meaux"
R - "J'allais vous le dire, vous m'enlevez les mots de la bouche : Bossuet, dont nous célébrons cette année le tricentenaire de la mort. C'est certainement l'une des figures les plus emblématiques de la ville, dont je vais célébrer d'ailleurs la libération ce soir, puisque Meaux a été libéré il y a 60 ans aujourd'hui."
Q- J. Bossuet, évêque de Meaux, "l'aigle de Meaux" qui finalement adressait des sermons au pouvoir, aux puissants, avec des réflexions très morales. "La liberté n'est pas de faire ce que l'on veut, mais de vouloir ce que l'on fait". Alors, qu'est-ce que veut le Gouvernement en cette rentrée ?
R - "Il veut, pour reprendre la citation d'autres écrivains célèbres, considérer que ce qui est important est de faire ce qui est nécessaire, et je crois qu'en réalité, il y a derrière cela la description de ce que doit être le courage en politique. Vous savez, cela fait maintenant un peu plus de deux ans que je suis engagé dans l'équipe gouvernementale. Ce que je mesure c'est que le premier de nos devoirs, c'est de faire ce qui est nécessaire pour notre pays. "
Q- On va lister un petit peu les dossiers qui sont sur votre table. Il y a par exemple un certain nombre de réformes qui ont été décidées, des lois qui ont été votées depuis deux mois sur les trois grands dossiers, par exemple la réforme de l'assurance maladie, la réforme des retraites, la décentralisation. Le Parti socialiste et l'opposition disent que ce sont des "réformes bâclées".
R - "Oui, ils disent surtout que ce sont de mauvaises réformes, de leur point de vue"
Q- Qui repoussent le financement d'une partie des réformes dans les générations futures
R - "Non, mais justement, c'est tout le paradoxe et la contradiction du PS dans cette affaire. J'ai constaté que depuis le début de notre mandat gouvernemental, ils ont eu un discours extrêmement critique, même parfois très agressif. C'est vrai que c'est le rôle de l'opposition, on ne peut pas vous dire le contraire, j'ai connu cet exercice, mais ce qui me frappe le plus, c'est que cela donne le sentiment que c'est une manière pour eux d'éviter de faire des propositions. Et ce qui est très frappant, c'est de voir le contraste entre la violence des propos que peut tenir un F. Hollande ou un L. Fabius à l'égard du Gouvernement, et cette incapacité à choisir, à proposer autre chose. Et cela donne envie, puisque je crois que c'est leurs universités d'été au Parti socialiste, de leur lancer finalement un défi, de leur dire : allez, tiens, chiche, faisons un défi ensemble. Premièrement, comparons ce que M. Jospin a fait en cinq ans de croissance avec ce que nous avons fait en deux ans sans croissance, tout ce boulot qu'ils n'ont pas voulu faire. Et puis d'autre part, en parlant d'avenir, j'ai bien compris qu'ils ne voulaient pas faire de proposition"
Q- Donc, vous leur demandez un projet ?
R - "Je ne leur demande pas de faire des propositions, et encore moins courageuses - j'ai bien compris qu'ils ne voulaient pas en faire -, mais qu'au moins ils aient une position. Qu'est-ce qu'ils pensent par exemple de la réforme de l'assurance maladie ? Une fois qu'ils ont dit que la réforme était mauvaise, qu'est-ce qu'ils font ? Sur l'Europe, sur la sécurité dont ils disent que maintenant, cela les intéresse, qu'est-ce qu'ils feraient de différent ? Quel est leur avis sur ce que nous faisons, en dehors de dire que c'est mauvais ? C'est sur ces sujets-là qu'il faudrait moderniser le débat démocratique."
Q- Et lorsque par exemple, les critiques disent au sujet de la réforme de l'assurance maladie que l'on n'a pas fait appel aux efforts des professionnels de santé ?
R - "Tout le monde sait que c'est faux, nous avons eu ce débat-là pendant tout l'été, puisqu'ils ont déposé 3 ou 4.000 amendements. Cela a été l'occasion de dire que la force de cette réforme, c'est que tout le monde y a été associé. Cela concerne l'hôpital, cela concerne la médecine de ville, cela concerne les patients, cela concerne les assurés, cela concerne les Français, cela concerne les laboratoires. C'est la force de cette réforme. Nous avons fait quelque chose que eux-mêmes n'avaient jamais voulu faire, et Dieu sait si cela explique pour une bonne part les retards que nous avons pris."
Q- Dossier très important : on parle d'un frémissement de la croissance économique et, en revanche, en terme de chiffre de chômage, le chiffre de l'emploi pour l'instant ne bouge pas beaucoup, c'est-à-dire que la croissance économique profite pour les grandes entreprises, mais en terme de création d'emplois, pour l'instant, ce n'est pas terrible. Réaction à cette phrase - c'est de ce matin dans Le Figaro : "Il vaut mieux travailler plus et garder son emploi, que sacraliser les 35 heures et risquer de le perdre". C'est signé E.-A. Seillière, président du Medef.
R - "Indépendamment des positions des uns et des autres sur un sujet qui est très difficile, je crois que ce qui est absolument indispensable, c'est d'introduire dans notre société le libre choix, c'est-à-dire que faire en sorte que toute personne qui souhaite travailler plus pour gagner plus, qui le souhaite ou qui le doive en raison de sa vie et les enjeux de sa vie, puisse le faire. Le drame des 35 heures telles qu'elles ont été conçues, c'est leur côté contraignant, obligatoire, idéologique"
Q- Mais le Gouvernement ne remettra pas en cause cette loi ?
R - "Non, le principe même - le président de la République l'a rappelé - est acquisé
Q- Mais pourquoi vous ne le faites-vous pas ?
R - "Pourquoi on ne fait pas quoi ?"
Q- Pourquoi est-ce que l'on ne remet pas en cause cette loi, qui est remise en cause par toute l'Europe ?
R - "Attendez, je crois qu'il ne faut pas se méprendre. Le passage brutal de 39 à 35 heures a conduit à des désorganisations, dans notre économie et dans la vie quotidienne des gens, considérables. Il faut arrêter de mettre l'idéologie comme préalable à toute décision économique. Ce qui compte c'est l'efficacité, c'est le résultat. Il faut donc, plutôt que de faire quelque chose d'impératif, donner sa place à la négociation. Et de manière générale, je crois qu'il n'y a pas d'un côté ceux qui ont toujours raison et de l'autre ceux qui ont toujours tort. Notre méthode consiste à susciter le débat et, par la discussion, au calme, dans le respect des uns et des autres, à arriver à faire bouger les choses. "
Q- Donc cela veut dire qu'on ne dira pas qu'on supprime la loi sur les 35 heures, mais on va faire toute une série d'assouplissements qui, dans les faits, permettront de supprimer cette loi sur les 35 heures ?
R - "Par la voie du dialogue Mais pas de la "supprimer" : encore une fois, de faire en sorte que, secteur par secteur, branche par branche, entreprise par entreprise, en fonction de l'intérêt et de l'entreprise et de ses salariés, de la feuille de paie comme de l'avenir, on puisse trouver des solutions qui permettent de créer de l'emploi. Parce que les enjeux, c'est quand même de voir que la mondialisation exige que la France se modernise et qu'elle regarde vers le haut. Et c'est ça aussi qui est important, d'être en rupture avec la seule idéologie du passé."
Q- Alors autre débat, c'est sur ce fameux petit excédent budgétaire et ce que l'on doit en faire. D'un côté, il y a N. Sarkozy qui dit qu'il faut rembourser les dettes de la France qui sont extrêmement lourdes et que là, on engage les générations futures ; et puis J.-L. Borloo qui dit qu'il faut l'utiliser dans les domaines qui sont importants, notamment les aides sociales etc. Vous êtes plutôt tendance Borloo ou tendance Sarkozy ?
R - "Je crois vraiment qu'on a tort de faire une opposition Ce n'est pas une opposition de deux ministères, a fortiori entre deux ministres. En réalité, il ne faut pas penser une seconde que c'est par l'excédent budgétaire que l'on espère, que l'on va régler le financement de la cohésion sociale. Le financement de la cohésion sociale, nous le trouvons à travers ce que nous réalisons comme économie dans l'ensemble du budget de l'Etat, pour être plus efficace en faveur de solidarité. Cet excédent budgétaire, si toutefois il se vérifie, doit servir pour une bonne part au désendettement, ce qui n'enlève en rien la volonté qui est la nôtre de financer le plan de cohésion sociale, parce qu'il faut aujourd'hui que ceux qui sont dans une situation d'exclusion puissent retrouver la voie du travail. Et cela exige un effort de qualification, de s'occuper des plus fragiles, ce que jusqu'à présent, on n'a pas suffisamment"
Q- Est-ce qu'il n'y a pas un problème de communication quand même, d'image ? Finalement, peut-être que, sur le fond, vos réformes vont conduire effectivement à faire des entreprises, qu'elles soient plus efficaces, qu'elles créent plus d'emplois. Mais il y a aussi l'impression aussi pour certains d'être exclus, c'est cette insensibilité sociale. Pour reprendre cette phrase d'E.-A. Seillière : "Il vaut mieux travailler plus et garder son emploi, que sacraliser les 35 heures", c'est dur pour des gens qui sont au chômage.
R - "Sauf que pardon, là, vous citez le patron du Medef. Vous comprenez que je suis moi, au Gouvernement, dans une philosophie tout à fait différente"
Q- Oui, par exemple avec l'accord Vivendi-Bercy ?
R - "Ce qui nous intéresse, c'est de proposer un modèle social qui soit différent. Vous savez, ce qui est important dans une politique sociale moderne, c'est qu'elle se mesure non pas au nombre de gens qui sont aidés, mais au nombre de gens qui n'ont plus besoin de l'être, parce que nous les avons guidés vers le chemin de l'activité. C'est ça qui fait la différence avec les socialistes, qui sont plutôt dans une logique d'assistanat, c'est une rupture forte entre nous. Mais ce qui nous importe - et c'est valable dans tous les domaines -, c'est la culture du résultat. Et je peux vous donner un exemple concret là-dessus. J'entendais sur votre antenne ce matin une annonce que les mutuelles d'assurances vont baisser la cotisation sur l'assurance automobile. Vous savez à quoi c'est dû ? C'est dû au fait qu'envers et contre tout, malgré toutes les critiques, nous avons engagé une politique de lutte contre l'insécurité routière. Et on nous a hurlé dessus en disant "les radars, ça va rapporter de l'argent pour l'Etat" etc. Non, les radars ont permis de sanctionner les plus irresponsables, et puis, aujourd'hui cela rapporte beaucoup d'argent aux Français, parce que les cotisations d'assurance auto baissent. Voilà l'efficacité du résultat"
Q- On va sans doute reparler aussi du PS, mais dans un domaine très important : c'est l'Europe et évidemment le referendum sur la Constitution. Vous voterez "oui" au référendum ?
R - "Oui, naturellement, et je compte bien, comme l'ensemble de mes amis, m'y engager fortement, parce que c'est une avancée considérable"
Q- Que se passerait-il si le Parti socialiste ou une partie de l'opinion socialiste appelle à voter "non" ?
R - "C'est l'affaire de sa responsabilité. Je voudrais renvoyer le Parti socialiste à un autre grand débat que nous avons eu il y a un peu plus de dix ans sur la monnaie unique. C'était le traité de Maastricht. En ces moments-là, nous avons pris nos responsabilités et nous étions dans l'opposition. Je suis très intéressé de voir la manière très frileuse dont M. Hollande, M. Fabius parlent de l'Europe, alors même que sur tous ces sujets"
Q- Une fracture traverse l'UMP : l'UMP est contre l'adhésion de la Turquie, le Président J. Chirac s'est prononcé pour.
R - "Encore une fois, je ne peux pas préjuger de ce que sera la ligne de l'ensemble de notre famille politique. Je peux simplement vous dire que pour ce qui nous concerne - je sais que c'est l'avis de J.-P. Raffarin, de D. de Villepin, de l'ensemble de ceux qui conduisent aujourd'hui l'action gouvernementale -, c'est que nous sommes très engagés pour le "oui", parce qu'il n'est pas de salut pour la France sans une construction européenne ambitieuse et organisée. Et c'est tout l'intérêt de ce traité."
Q- Je vais terminer par Bossuet, "l'aigle de Meaux" - vous partez à Meaux dans quelques instants - : "La félicité demande deux choses : pourvoir ce qu'on veut, vouloir ce qu'il faut", Jacques Bossuet.
R- "Magnifique !"
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 août 2004)
R - "Oui, absolument, c'est l'histoire d'une rencontre et c'est formidable. Il y a déjà quelques années, une petite douzaine d'années, où il m'avait proposé de venir m'implanter pas très loin de chez lui - il était à Coulommiers - et il m'a proposé de venir à Meaux. Il y avait des chantiers magnifiques et des défis à redresser."
Q- Alors vous n'êtes pas spécialiste du saut de haies
R - "Non, mais c'est vrai que depuis 12 ans, j'en parle beaucoup avec lui"
Q- Mais en politique, vous êtes peut-être spécialiste des sauts de haies, puisque vous avez été un des plus jeunes députés. Par rapport à cet ancrage à Meaux, on va commencer par un certain nombre de citations : "La liberté n'est pas de faire ce que l'on veut, mais de vouloir ce que l'on fait'. Qui a dit cela ? "L'aigle de Meaux"
R - "J'allais vous le dire, vous m'enlevez les mots de la bouche : Bossuet, dont nous célébrons cette année le tricentenaire de la mort. C'est certainement l'une des figures les plus emblématiques de la ville, dont je vais célébrer d'ailleurs la libération ce soir, puisque Meaux a été libéré il y a 60 ans aujourd'hui."
Q- J. Bossuet, évêque de Meaux, "l'aigle de Meaux" qui finalement adressait des sermons au pouvoir, aux puissants, avec des réflexions très morales. "La liberté n'est pas de faire ce que l'on veut, mais de vouloir ce que l'on fait". Alors, qu'est-ce que veut le Gouvernement en cette rentrée ?
R - "Il veut, pour reprendre la citation d'autres écrivains célèbres, considérer que ce qui est important est de faire ce qui est nécessaire, et je crois qu'en réalité, il y a derrière cela la description de ce que doit être le courage en politique. Vous savez, cela fait maintenant un peu plus de deux ans que je suis engagé dans l'équipe gouvernementale. Ce que je mesure c'est que le premier de nos devoirs, c'est de faire ce qui est nécessaire pour notre pays. "
Q- On va lister un petit peu les dossiers qui sont sur votre table. Il y a par exemple un certain nombre de réformes qui ont été décidées, des lois qui ont été votées depuis deux mois sur les trois grands dossiers, par exemple la réforme de l'assurance maladie, la réforme des retraites, la décentralisation. Le Parti socialiste et l'opposition disent que ce sont des "réformes bâclées".
R - "Oui, ils disent surtout que ce sont de mauvaises réformes, de leur point de vue"
Q- Qui repoussent le financement d'une partie des réformes dans les générations futures
R - "Non, mais justement, c'est tout le paradoxe et la contradiction du PS dans cette affaire. J'ai constaté que depuis le début de notre mandat gouvernemental, ils ont eu un discours extrêmement critique, même parfois très agressif. C'est vrai que c'est le rôle de l'opposition, on ne peut pas vous dire le contraire, j'ai connu cet exercice, mais ce qui me frappe le plus, c'est que cela donne le sentiment que c'est une manière pour eux d'éviter de faire des propositions. Et ce qui est très frappant, c'est de voir le contraste entre la violence des propos que peut tenir un F. Hollande ou un L. Fabius à l'égard du Gouvernement, et cette incapacité à choisir, à proposer autre chose. Et cela donne envie, puisque je crois que c'est leurs universités d'été au Parti socialiste, de leur lancer finalement un défi, de leur dire : allez, tiens, chiche, faisons un défi ensemble. Premièrement, comparons ce que M. Jospin a fait en cinq ans de croissance avec ce que nous avons fait en deux ans sans croissance, tout ce boulot qu'ils n'ont pas voulu faire. Et puis d'autre part, en parlant d'avenir, j'ai bien compris qu'ils ne voulaient pas faire de proposition"
Q- Donc, vous leur demandez un projet ?
R - "Je ne leur demande pas de faire des propositions, et encore moins courageuses - j'ai bien compris qu'ils ne voulaient pas en faire -, mais qu'au moins ils aient une position. Qu'est-ce qu'ils pensent par exemple de la réforme de l'assurance maladie ? Une fois qu'ils ont dit que la réforme était mauvaise, qu'est-ce qu'ils font ? Sur l'Europe, sur la sécurité dont ils disent que maintenant, cela les intéresse, qu'est-ce qu'ils feraient de différent ? Quel est leur avis sur ce que nous faisons, en dehors de dire que c'est mauvais ? C'est sur ces sujets-là qu'il faudrait moderniser le débat démocratique."
Q- Et lorsque par exemple, les critiques disent au sujet de la réforme de l'assurance maladie que l'on n'a pas fait appel aux efforts des professionnels de santé ?
R - "Tout le monde sait que c'est faux, nous avons eu ce débat-là pendant tout l'été, puisqu'ils ont déposé 3 ou 4.000 amendements. Cela a été l'occasion de dire que la force de cette réforme, c'est que tout le monde y a été associé. Cela concerne l'hôpital, cela concerne la médecine de ville, cela concerne les patients, cela concerne les assurés, cela concerne les Français, cela concerne les laboratoires. C'est la force de cette réforme. Nous avons fait quelque chose que eux-mêmes n'avaient jamais voulu faire, et Dieu sait si cela explique pour une bonne part les retards que nous avons pris."
Q- Dossier très important : on parle d'un frémissement de la croissance économique et, en revanche, en terme de chiffre de chômage, le chiffre de l'emploi pour l'instant ne bouge pas beaucoup, c'est-à-dire que la croissance économique profite pour les grandes entreprises, mais en terme de création d'emplois, pour l'instant, ce n'est pas terrible. Réaction à cette phrase - c'est de ce matin dans Le Figaro : "Il vaut mieux travailler plus et garder son emploi, que sacraliser les 35 heures et risquer de le perdre". C'est signé E.-A. Seillière, président du Medef.
R - "Indépendamment des positions des uns et des autres sur un sujet qui est très difficile, je crois que ce qui est absolument indispensable, c'est d'introduire dans notre société le libre choix, c'est-à-dire que faire en sorte que toute personne qui souhaite travailler plus pour gagner plus, qui le souhaite ou qui le doive en raison de sa vie et les enjeux de sa vie, puisse le faire. Le drame des 35 heures telles qu'elles ont été conçues, c'est leur côté contraignant, obligatoire, idéologique"
Q- Mais le Gouvernement ne remettra pas en cause cette loi ?
R - "Non, le principe même - le président de la République l'a rappelé - est acquisé
Q- Mais pourquoi vous ne le faites-vous pas ?
R - "Pourquoi on ne fait pas quoi ?"
Q- Pourquoi est-ce que l'on ne remet pas en cause cette loi, qui est remise en cause par toute l'Europe ?
R - "Attendez, je crois qu'il ne faut pas se méprendre. Le passage brutal de 39 à 35 heures a conduit à des désorganisations, dans notre économie et dans la vie quotidienne des gens, considérables. Il faut arrêter de mettre l'idéologie comme préalable à toute décision économique. Ce qui compte c'est l'efficacité, c'est le résultat. Il faut donc, plutôt que de faire quelque chose d'impératif, donner sa place à la négociation. Et de manière générale, je crois qu'il n'y a pas d'un côté ceux qui ont toujours raison et de l'autre ceux qui ont toujours tort. Notre méthode consiste à susciter le débat et, par la discussion, au calme, dans le respect des uns et des autres, à arriver à faire bouger les choses. "
Q- Donc cela veut dire qu'on ne dira pas qu'on supprime la loi sur les 35 heures, mais on va faire toute une série d'assouplissements qui, dans les faits, permettront de supprimer cette loi sur les 35 heures ?
R - "Par la voie du dialogue Mais pas de la "supprimer" : encore une fois, de faire en sorte que, secteur par secteur, branche par branche, entreprise par entreprise, en fonction de l'intérêt et de l'entreprise et de ses salariés, de la feuille de paie comme de l'avenir, on puisse trouver des solutions qui permettent de créer de l'emploi. Parce que les enjeux, c'est quand même de voir que la mondialisation exige que la France se modernise et qu'elle regarde vers le haut. Et c'est ça aussi qui est important, d'être en rupture avec la seule idéologie du passé."
Q- Alors autre débat, c'est sur ce fameux petit excédent budgétaire et ce que l'on doit en faire. D'un côté, il y a N. Sarkozy qui dit qu'il faut rembourser les dettes de la France qui sont extrêmement lourdes et que là, on engage les générations futures ; et puis J.-L. Borloo qui dit qu'il faut l'utiliser dans les domaines qui sont importants, notamment les aides sociales etc. Vous êtes plutôt tendance Borloo ou tendance Sarkozy ?
R - "Je crois vraiment qu'on a tort de faire une opposition Ce n'est pas une opposition de deux ministères, a fortiori entre deux ministres. En réalité, il ne faut pas penser une seconde que c'est par l'excédent budgétaire que l'on espère, que l'on va régler le financement de la cohésion sociale. Le financement de la cohésion sociale, nous le trouvons à travers ce que nous réalisons comme économie dans l'ensemble du budget de l'Etat, pour être plus efficace en faveur de solidarité. Cet excédent budgétaire, si toutefois il se vérifie, doit servir pour une bonne part au désendettement, ce qui n'enlève en rien la volonté qui est la nôtre de financer le plan de cohésion sociale, parce qu'il faut aujourd'hui que ceux qui sont dans une situation d'exclusion puissent retrouver la voie du travail. Et cela exige un effort de qualification, de s'occuper des plus fragiles, ce que jusqu'à présent, on n'a pas suffisamment"
Q- Est-ce qu'il n'y a pas un problème de communication quand même, d'image ? Finalement, peut-être que, sur le fond, vos réformes vont conduire effectivement à faire des entreprises, qu'elles soient plus efficaces, qu'elles créent plus d'emplois. Mais il y a aussi l'impression aussi pour certains d'être exclus, c'est cette insensibilité sociale. Pour reprendre cette phrase d'E.-A. Seillière : "Il vaut mieux travailler plus et garder son emploi, que sacraliser les 35 heures", c'est dur pour des gens qui sont au chômage.
R - "Sauf que pardon, là, vous citez le patron du Medef. Vous comprenez que je suis moi, au Gouvernement, dans une philosophie tout à fait différente"
Q- Oui, par exemple avec l'accord Vivendi-Bercy ?
R - "Ce qui nous intéresse, c'est de proposer un modèle social qui soit différent. Vous savez, ce qui est important dans une politique sociale moderne, c'est qu'elle se mesure non pas au nombre de gens qui sont aidés, mais au nombre de gens qui n'ont plus besoin de l'être, parce que nous les avons guidés vers le chemin de l'activité. C'est ça qui fait la différence avec les socialistes, qui sont plutôt dans une logique d'assistanat, c'est une rupture forte entre nous. Mais ce qui nous importe - et c'est valable dans tous les domaines -, c'est la culture du résultat. Et je peux vous donner un exemple concret là-dessus. J'entendais sur votre antenne ce matin une annonce que les mutuelles d'assurances vont baisser la cotisation sur l'assurance automobile. Vous savez à quoi c'est dû ? C'est dû au fait qu'envers et contre tout, malgré toutes les critiques, nous avons engagé une politique de lutte contre l'insécurité routière. Et on nous a hurlé dessus en disant "les radars, ça va rapporter de l'argent pour l'Etat" etc. Non, les radars ont permis de sanctionner les plus irresponsables, et puis, aujourd'hui cela rapporte beaucoup d'argent aux Français, parce que les cotisations d'assurance auto baissent. Voilà l'efficacité du résultat"
Q- On va sans doute reparler aussi du PS, mais dans un domaine très important : c'est l'Europe et évidemment le referendum sur la Constitution. Vous voterez "oui" au référendum ?
R - "Oui, naturellement, et je compte bien, comme l'ensemble de mes amis, m'y engager fortement, parce que c'est une avancée considérable"
Q- Que se passerait-il si le Parti socialiste ou une partie de l'opinion socialiste appelle à voter "non" ?
R - "C'est l'affaire de sa responsabilité. Je voudrais renvoyer le Parti socialiste à un autre grand débat que nous avons eu il y a un peu plus de dix ans sur la monnaie unique. C'était le traité de Maastricht. En ces moments-là, nous avons pris nos responsabilités et nous étions dans l'opposition. Je suis très intéressé de voir la manière très frileuse dont M. Hollande, M. Fabius parlent de l'Europe, alors même que sur tous ces sujets"
Q- Une fracture traverse l'UMP : l'UMP est contre l'adhésion de la Turquie, le Président J. Chirac s'est prononcé pour.
R - "Encore une fois, je ne peux pas préjuger de ce que sera la ligne de l'ensemble de notre famille politique. Je peux simplement vous dire que pour ce qui nous concerne - je sais que c'est l'avis de J.-P. Raffarin, de D. de Villepin, de l'ensemble de ceux qui conduisent aujourd'hui l'action gouvernementale -, c'est que nous sommes très engagés pour le "oui", parce qu'il n'est pas de salut pour la France sans une construction européenne ambitieuse et organisée. Et c'est tout l'intérêt de ce traité."
Q- Je vais terminer par Bossuet, "l'aigle de Meaux" - vous partez à Meaux dans quelques instants - : "La félicité demande deux choses : pourvoir ce qu'on veut, vouloir ce qu'il faut", Jacques Bossuet.
R- "Magnifique !"
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 août 2004)