Conférence de presse de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur un premier bilan du plan de lutte contre le cancer dix mois après son lancement, à Paris, le 3 février 2003.

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Circonstance : Présentation du plan national de mobilisation contre le cancer au bout de dix mois à Paris le 3 février 2004

Texte intégral


Mesdames et messieurs,
J'ai souhaité organiser cette conférence de presse pour vous tenir informés dans les détails du plan national de mobilisation contre le cancer. Hier, à Marseille, j'ai accompagné le Président de la République. Comme il s'y était engagé, il a présenté un bilan général de ce plan de mobilisation et tracé les grandes orientations pour l'année 2004.
Le plan cancer constitue, comme vous le savez, l'un des trois chantiers que le Président a souhaité impulser au cours de son mandat. Il appartient au Gouvernement de conduire ce chantier qui concerne plus spécifiquement mon ministère, comme le chantier du handicap.
Je veux vous présenter aujourd'hui la situation et l'avancement des différentes actions portées par le plan cancer.
Je tiens d'abord à vous rappeler les trois grands principes d'action qui guident le plan Cancer. Puis je vous propose d'aborder ces différents volets selon un plan en sept étapes, la prévention et le dépistage d'abord, puis les soins thérapeutiques, les soins de support, les mesures sociales, et la recherche. Je terminerai par l'Institut du cancer.
1. En ce qui concerne les principes d'action, le plan cancer doit être l'occasion de moderniser les modes d'action publique, et de mettre en place une organisation des soins cohérente et intégrée qui soit un modèle. C'est un point important sur lequel j'insiste au lendemain de la remise du rapport du Haut Conseil et à la veille de la réforme de notre assurance maladie. Le plan cancer est la traduction d'une approche moderne, globale et cohérente du système de santé et des problèmes de santé. Il doit nous inspirer pour mieux soigner, à l'avenir, nos concitoyens atteints d'autres grandes pathologies chroniques.
Le plan cancer est un plan de mobilisation pluriannuelle. Il est organisé et financé sur cinq ans, avec un calendrier qui est rappelé dans votre dossier de presse. Les mesures seront donc progressivement mises en oeuvre au cours de cette période. Ne pas vouloir tout mettre en place d'un seul coup, mais construire, mesure par mesure, l'organisation qui doit nous permettre d'être plus efficace contre le cancer, c'est un premier principe d'action. Selon ce principe, en 2003, nous avons consacré un peu plus de 120M au plan cancer, et en 2004, nous lui affecterons près de 200M.
Le plan cancer est un plan qui repose sur le partenariat. L'Etat n'agit pas seul. Ce sont tous les acteurs, associatifs, professionnels de santé et gestionnaires publics, qui travaillent ensemble dans le cadre de ce grand chantier pour construire les dispositifs qui ont le plus de chance de fonctionner réellement sur le terrain, et au service effectif des patients. De très nombreuses réunions ont été conduites l'année dernière, dans les régions et dans ce ministère. Plusieurs groupes de travail ont été mis en place par la mission interministérielle dirigée par Pascale Briand à laquelle je rends hommage. Et toutes les mesures sont concertées avec les acteurs professionnels et associatifs avant d'être mises en place.
L'évaluation est le maître mot du plan cancer. Pas un euro ne sera dépensé qui ne fasse l'objet d'un suivi et d'une évaluation permettant de s'assurer qu'il est bien utilisé à son objectif. Et cet objectif, je le rappelle, c'est la prévention des cancers évitables, et un meilleur accompagnement des patients, lorsque le cancer est malheureusement présent.
2. La prévention des cancers évitables est l'axe sur lequel j'ai souhaité que nous avancions le plus rapidement, compte tenu de la situation médiocre de la France en matière de mortalité prématurée par cancer, et du besoin important de rééquilibrage par rapport aux soins. Sur ce domaine, le bilan des 10 premiers mois du plan cancer est plus qu'éloquent.
En matière de lutte contre le tabagisme, nous avons engagé une action déterminée, cohérente et durable. Cette action s'est appuyée d'abord sur une volonté de " dénormaliser " le tabac, en particulier chez les jeunes, c'est-à-dire de supprimer l'image positive qui pouvait encore être attachée à la cigarette, et de montrer le risque attaché au tabagisme. Plusieurs campagnes de presse écrite et à la télévision, pour certaines assez directes dans le style, ont concouru à cet objectif. Nous avons également rendu l'accès au tabac plus difficile, au travers de l'interdiction de la vente aux moins de 16 ans, de la suppression des petits paquets, et surtout de l'augmentation des prix de près de 50 %. Cette dernière mesure a été accompagnée d'un plan d'aide aux buralistes. Elle a été très efficace en termes de santé publique. Complétée par les autres mesures d'éducation à la santé, dans 20 écoles pilotes ou dans plus de 150 hôpitaux sans tabac, par exemple, elle permet à la France de rejoindre le groupe de pays, notamment en Europe du nord, qui ont compris les enjeux de santé publique liés à la lutte contre le tabagisme.
Les Français, en grande majorité, ont également bien saisi l'ampleur de ces enjeux. Selon le baromètre réalisé par l'INPES en décembre dernier sur 3.000 personnes, 1.850.000 de nos concitoyens se sont arrêtés de fumer récemment. Ce mouvement est concentré sur l'année 2003, et apparaît comme le résultat direct des mesures que le gouvernement a engagé dans le cadre du plan cancer. Cette baisse de 12 % environ, sur une courte période, est absolument sans précédent en France ou ailleurs dans le monde. Elle a bénéficié d'une augmentation massive des demandes d'arrêt depuis le lancement du plan cancer et des mesures de lutte contre le tabagisme. De plus, cette baisse du tabagisme est renforcée chez les femmes et les jeunes chez qui elle atteint 18 %. Or les femmes et les jeunes sont les groupes auprès desquels le tabagisme était en plus forte augmentation, et pour lesquels les spécialistes parlaient jusqu'ici de "catastrophe sanitaire annoncée". Dès 2004, sans doute, nous devrions constater un impact de cette baisse dans les statistiques des accidents cardio-vasculaires. Mais c'est à plus long terme que l'impact en termes de santé publique va être massif, puisque sur une période de 10 ans, une diminution comme celle constatée à ce jour devrait se traduire par environ 80 000 décès évités !
Ces résultats sont très encourageants, mais rien n'est encore acquis, et il nous faut poursuivre en 2004. Trois actions prioritaires seront menées cette année. Tout d'abord, le renforcement de la protection des non fumeurs, par un meilleur contrôle des zones fumeurs dans les lieux publics, notamment. Ensuite, l'accès facilité aux consultations d'aide à l'arrêt et aux substituts nicotiniques, en particulier pour les fumeurs dépendants. En 2004, tous les départements disposeront d'une consultation de tabacologie. Les capacités d'accueil de ces consultations seront en outre renforcées, avec davantage de vacations médicales, et la mise en place de consultations collectives sans rendez-vous. Enfin, au plan international, la France a déposé à la Commission européenne en décembre dernier un mémorandum contenant des propositions pour harmoniser à la hausse la fiscalité du tabac dans les différents pays membre de l'Union Européenne. Elle compte bien aboutir à des solutions concrètes dans ce domaine. J'ai d'ailleurs sur ce sujet reçu un soutien de plusieurs de mes homologues européens que j'ai rencontré récemment.
Bien entendu, la prévention concerne d'autres fronts, comme celui de l'alimentation, au travers du programme national nutrition santé, qui a bénéficié l'année dernière d'un demi million d'euros pour promouvoir une alimentation équilibrée et riche en fruits et légumes. De même, la maîtrise des risques environnementaux fait partie des objectifs du plan cancer. Sur ces deux points, l'enjeu est très important. Il dépasse les seules pathologies cancéreuses. Je crois qu'il est nécessaire de renforcer la transparence et l'information des consommateurs sur les produits alimentaires ainsi que sur les produits ménagers, afin de favoriser le choix éclairé des produits. En outre le programme national santé-environnement doit permettre de mieux prévenir les risques éventuels, en particulier cancérigènes, liés au milieu naturel, industriel, urbain ou domestique.
La prévention du mélanome constituera une action prioritaire en 2004, ce cancer étant malheureusement en augmentation rapide lié à de mauvaises habitudes d'exposition au soleil.
Dans le domaine de la santé au travail, je viens juste de signer avec mon collègue François Fillon un accord cadre qui va permettre à nos services de mieux travailler ensemble auprès des entreprises, pour maîtriser davantage les risques d'exposition des travailleurs aux substances cancérigènes, et pour mieux repérer les cancers professionnels tout au long de la vie des salariés exposés. Ce contrat constitue une grande avancée vers plus de cohérence dans les actions de santé publique en milieu professionnel et en milieu familial.
3. La prévention, c'est aussi le dépistage des cancers le plus tôt possible, afin de permettre un traitement le plus efficace possible et généralement conservateur, c'est à dire qui permet de conserver l'organe atteint, comme le sein, par exemple. La couverture complète du territoire par le dépistage organisé du cancer du sein est aujourd'hui chose faite. Après 10 ans pour parvenir à 30 départements, nous avons en 10 mois, réussi le pari d'atteindre 100 % de couverture, grâce à l'implication sur le terrain de tous les acteurs concernés. Qui l'aurait crû ?
C'est un résultat dont je me réjouis car il devrait permettre, avec les nouveaux traitements qui apparaissent, d'augmenter encore les chances de guérison de cette maladie dont on maîtrise mal l'apparition, mais que l'on sait de mieux en mieux combattre. Je viens d'ailleurs, à cette fin, d'autoriser l'inscription à la nomenclature de la macrobiopsie stéréoguidée, qui permet un traitement sans chirurgie de certaines petites tumeurs, et qui n'était jusqu'ici pas accessible aux cliniques privées.
En 2004, nous allons étendre l'expérimentation du dépistage colorectal aux 22 départements prévus, et je souhaite également donner une impulsion forte au dépistage du cancer du col de l'utérus : à cet effet, dès le 14 février prochain, le test dit 'HPV' de dépistage du papillomavirus sera admis au remboursement.
4. J'en viens au domaine des soins. Sur ce domaine qui intéresse en premier lieu les hôpitaux et les cliniques, l'objectif du plan cancer est de garantir à chaque patient une prise en charge et un accompagnement lui garantissant les meilleures chances de guérison, quel que soit l'endroit où son traitement est réalisé.
Cela passe d'abord par la mise à niveau d'un certain nombre de techniques diagnostiques et thérapeutiques. Dans le cadre du plan Hôpital 2007, un plan de renforcement des équipements hospitaliers en scanners, IRM, TEP et accélérateurs de radiothérapie a été mis en place : d'ici quatre ans, 75 TEP pourront être installés en France, et dès 2004, toutes les régions seront couvertes ; 111 accélérateurs de particules, 54 IRM et 39 scanners seront mis en place pour traiter les cancers.
Une autre mesure très attendue va être mise en place en 2004 : il s'agit du financement des traitements coûteux du cancer, -et d'autres pathologies d'ailleurs-, en fonction des coûts réellement supportés par les établissements, qu'ils soient publics ou privés. Cette mesure va permettre, dès maintenant pour les hôpitaux, dès octobre pour les cliniques, de fournir aux patients les traitements adaptés, sans que la situation budgétaire de l'hôpital ou de la clinique ne soit un frein à ces traitements. Les seuls critères seront médicaux. 40 millions seront consacrés en 2004 au renforcement du financement de ces traitements.
Les meilleures chances de guérison passent également par une meilleure coordination des équipes médicales et soignantes autour du patient. Des efforts ont déjà été faits en 2003 dans cet objectif, notamment autour des réseaux de soins. En 2004, les établissements vont être invités à avancer de façon décisive dans cette voie de la coordination médicale, à partir de référentiels qu'ils auront contribué eux-mêmes à mettre au point. Cela concernera en particulier la coordination interne de l'hôpital autour du patient par les centres de coordination en cancérologie et le programme personnalisé de soins. Cela concernera aussi la coordination externe avec les médecins de ville, par le renforcement des réseaux de cancérologie, pour lesquels un cahier des charges sera établi.
En 2004, nous allons également commencer à mettre en place les consultations d'annonce de la maladie, que les patients attendent avec impatience. 40 établissements testeront le cahier des charges prévisionnel. En outre, afin de renforcer le soutien psychologique, ce sont près de 100 postes de psycho-oncologues que nous allons créer cette année au sein des hôpitaux et des cliniques.
5. La formation des professionnels à la cancérologie est un autre axe nécessaire à l'atteinte des objectifs du plan cancer. Dans le contexte de crise démographique que nous connaissons, 24 postes hospitalo-universitaires ont pu être mis au service de la formation médicale en hémato-cancérologie en 2003.
Globalement, les efforts consacrés aux soins du cancer, recouvrant les investissements matériels et immobiliers, les dépenses liées au diagnostic et au traitement, et celles liées aux personnels soignants (734 postes supplémentaires en 2003, et 898 en 2004) constituent une avancée très forte pour les professionnels et les patients. Associées aux mesures de coordination des soins, elles devraient permettre de constituer une organisation de très haut niveau de qualité, que les patients sont en droit d'attendre.
6. Sans m'étendre, car le sujet est complexe, je voudrais dire un mot des mesures d'accompagnement social et d'aide au retour à l'emploi des personnes atteintes de cancer.
Je retiendrai deux mesures : la convention Belorgey et l'allocation de présence parentale. Sur la première, qui a suscité beaucoup d'espoir auprès des patients, pour lesquels, emprunter signifie aussi continuer à vivre et à croire en l'avenir, je sais qu'il y a des déceptions. Je sais que de nombreux patients, à qui l'on a dit qu'ils étaient très probablement définitivement guéris ne comprennent pas qu'on leur refuse un prêt. Ils vivent parfois ce refus comme un retour dans la maladie. Cette situation n'est pas acceptable, et je veillerai à ce que ce dispositif né le 19 septembre 2001, atteigne ses objectifs ou soit réformé. J'ai espoir qu'il fonctionne, je sais que des contacts ont été pris avec les assureurs et les banques. Beaucoup de travail a été fait, et devrait logiquement porter ses fruits au cours de l'année 2004. Je ne laisserai pas de dispositif à l'état de faux semblant !
Concernant l'allocation de présence parentale, en lien avec Christian Jacob, le ministre délégué à la famille, je souhaite que nous avancions en 2004 dans l'adaptation de ce dispositif, pour qu'il réponde mieux aux attentes exprimées par les représentants des parents d'enfants malades du cancer.
7. Le plan cancer, c'est aussi la recherche de nouvelles voies thérapeutiques, c'est l'évaluation de nouveaux traitements au travers de la recherche clinique, et c'est le renforcement des études en sciences humaines et sociales. Sur ces sujets, je travaille en relation étroite avec Claudie Haigneré.
Alors que les questions liées au financement de la recherche occupent le devant de la scène, je crois qu'il est utile de mentionner tout ce qui a été fait.
Concernant la recherche clinique, nous avons financé en 2003 sur appel d'offres, dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique, de nombreux projets relatifs au cancer, pour plus de 12 millions . C'est de très loin le montant le plus élevé à ce jour. Nous avons également consacré 4,25 millions aux banques de tumeurs, qui constituent le lien par excellence entre la recherche et le soin, puisqu'elles permettent à la fois de rechercher de nouvelles cibles thérapeutiques appuyées sur l'analyse du génome, et dans le même temps la mise en uvre de nouveaux traitements, adaptés au profil individuel du patient.
Avec le ministère de la recherche, nous avons lancé un appel d'offres pour structurer l'ensemble du potentiel de recherche sur le cancer en France, et faire émerger des grand ensembles structurés, regroupant les forces de l'hôpital, de l'université et des grands organismes de recherche sous la forme de cancéropôles interrégionaux. Cet appel d'offres a été un succès, et a montré la capacité des chercheurs à se mobiliser et à unir leurs forces dans la recherche sur le cancer. 16,5 millions ont été alloués à 7 cancéropôles.
Dès la fin de ce mois de février, nous allons lancer un nouvel appel d'offres conjoint avec le ministère de la recherche, pour un montant comparable, afin de financer un ensemble cohérent de projets de recherche sur le cancer, pour trois ans. Entre 2003 et 2004, ce sont ainsi environ 30 millions qui viendront abonder les budgets des équipes, pour renforcer la capacité du dispositif français de recherche sur le cancer. Bien entendu, les industriels sont incités à participer à ces programmes, en associant leurs équipes aux équipes publiques.
8. Je terminerai cette intervention par le futur Institut national du cancer, dont le Président a confirmé la création prochaine dans son discours d'hier. Je veux souligner qu'au travers de la présence au sein de l'Institut des représentants des professionnels et des patients, c'est l'ensemble des professionnels et des patients qui sont invités à participer aux travaux de cette future institution. L'Institut national du cancer, dont une première ligne budgétaire de 11M a déjà été réservée dans le budget 2004 du ministère de la santé, sera non seulement la tour de contrôle de la lutte contre le cancer en France, mais surtout la maison des patients et des professionnels.
Le plan cancer contient 70 mesures. Il n'est pas possible de tout présenter en quelques minutes. C'est pourquoi la mission interministérielle de lutte contre le cancer, dirigée par Pascale Briand, va ouvrir très prochainement un site internet qui permettra à tous ceux qui le souhaitent de connaître en détail l'avancement de chacune des mesures, et le détail des actions engagées.
Le plan cancer, ce sont des engagements vis à vis des patients, et ce sont des mesures pour y parvenir. Une ligne "Cancer info service", financée par le ministère et animée par la Ligue nationale contre le cancer, sera ouverte dans les touts prochains jours.
Au terme de 10 mois de mise en oeuvre, de nombreux résultats commencent à apparaître. Bien entendu, beaucoup reste encore à faire, et nous avons encore quatre ans pour cela. Je respecterai à l'avenir, comme je l'ai fait jusqu'ici, ces deux principes qui m'animent : respecter les engagements pris, et rendre compte à ceux pour lesquels ils ont été pris, je veux dire les patients. Cela nécessite du travail, de l'obstination, et un peu de courage. Ce sont des qualités que je m'honore de partager avec l'immense majorité des professionnels de santé, qui ont fait du combat contre le cancer leur combat.
Je vous propose maintenant de prendre la parole, pour toutes les questions que vous souhaiteriez poser.

(Source http://www.santé.gouv.fr, le 4 février 2004)