Texte intégral
Mesdames et messieurs,
En vous présentant mes voeux d'accomplissement personnel et professionnel pour cette nouvelle année, je voudrais avoir une pensée pour toutes les victimes du raz-de-marée sur les côtes asiatiques. L'exceptionnel élan de générosité que nous avons connu en France et dans le monde doit aller au-delà de l'émotion des premiers jours. Les régions dévastées et leurs populations ont besoin qu'on les aide dans la durée pour reconstruire leurs infrastructures et leurs logements. Trop de promesses sont restées lettre morte, notamment après les tremblements de terre de Bam en Iran ou d'Al Hoceima au Maroc. Ma seconde pensée va à vos confrères tombés pour défendre le droit à l'information. La disparition de Guy-André Kieffer en Côte d'Ivoire, l'assassinat d'Enzo Baldoni, la nouvelle prise d'otage de Florence Aubenas et d'Hussein al-Saadi en Irak rappellent la somme de courage et de dévouement que votre métier requiert.
Je souhaite que l'unité nationale et la mobilisation de tous permettent à Florence Aubenas de recouvrer la liberté comme ce fut le cas pour Chesnot et Malbrunot. Je veux cependant exprimer mes plus grandes réserves en ce qui concerne la gestion de l'épisode Julia. Nous avons condamné avec la plus grande force cette équipée ridicule qui a mis en danger la vie des otages. Mais son éclaircissement relève autant du politique que de la justice. Il est souhaitable que M. Julia s'explique devant une commission ou devant le bureau de l'Assemblée afin d'établir la lumière sur les circonstances de cette affaire. Il me paraît scandaleux qu'on empêche l'Assemblée de jouer son rôle en s'abritant derrière l'alibi d'une procédure judiciaire. Mesdames et messieurs, 2005 est une année charnière. A mi-parcours de la législature, le référendum sur la constitution européenne sera une épreuve de vérité pour le pays tout entier. Il est l'occasion de prouver que la France n'est pas la nation déclinante que les conservateurs de tous poils décrivent à satiété. Il est l'occasion de démontrer qu'elle conserve les ressorts pour conduire une ambition historique. Il est l'occasion d'en finir avec le fantôme extrémiste qui enferme la société dans ses peurs et ses renoncements. Comme pour Maastricht, c'est la dimension première de cette consultation : redonner foi à notre peuple, le convaincre qu'il a en lui les forces et la capacité de faire face aux nouvelles donnes européennes et mondiales.
Ce pari de l'optimisme et de la volonté est loin d'être gagné. Entre la panne de notre économie, les échecs cuisants du gouvernement, les incroyables discordes qui règnent dans la majorité, les Français ont de quoi douter. Il est temps que chacun prenne ses responsabilités. Nous avons pris les nôtres lors de notre consultation interne. Notre oui est de conviction et de cohérence. Que la droite fasse de même. Qu'elle sorte de sa confusion et de son irresponsabilité. Qu'attend le président de la République pour changer ses ritournelles sur "l'Europe qui nous rend plus forts" et s'engager sur un véritable projet européen ?
Qu'attend-il pour renvoyer son gouvernement usé jusqu'à la corde, dont l'impopularité risque de rejaillir sur le résultat du référendum ?
Qu'attend-il pour arrêter les provocations législatives, en particulier la nouvelle mise en cause des 35 heures ?
Qu'attendent enfin les chefs de la majorité UMP/UDF pour cesser de jouer la Constitution européenne à la roulette turque ? MM. Bayrou et Sarkozy sont les jumeaux de la peur. Il est hors de question pour les socialistes d'être la béquille d'un pouvoir aux abois. L'adhésion des Français ne naîtra pas de la confusion ou de l'illusion, elle viendra d'une claire conscience des enjeux du traité, des perspectives européennes et des conséquences de leur choix.
J'aurai l'occasion la semaine prochaine de développer nos arguments lors de la révision constitutionnelle qui découle du traité. Notre groupe y est favorable. C'est une question de cohérence après le vote de nos militants. D'ailleurs les modifications de cette révision ne sont pas celles qui ont fait débat entre nous. Elles intègrent au contraire l'essentiel de ce qui nous rassemble : l'extension du vote à la majorité qualifiée, le renforcement des pouvoirs de contrôle des parlements nationaux. Rien dans cette révision n'est contraire à nos principes. Le seul reproche qu'on peut lui adresser est de n'avoir pas été au bout de sa logique : sortir l'Europe du domaine réservé de l'Elysée, donner au Parlement la possibilité de se prononcer sur toutes les négociations qui engagent la France. Nous l'amenderons en ce sens. Quant à l'insertion d'un référendum sur les futurs élargissements, elle relève d'une commodité présidentielle destinée à régler les dissidences de sa majorité sur la question turque, qui n'a rien à faire dans le texte.
Nous présenterons un amendement de suppression. Ces réserves ne sauraient contredire le Oui de nos militants au traité constitutionnel. Je comprends la difficulté que la discipline de vote représente pour ceux qui ont pris une position différente. On ne peut en faire abstraction et je veillerai au respect de leur conviction. Nous ne sommes pas dans une logique de caporalisation. A la condition que la cohérence de notre démarche ne soit pas altérée. Dans ce débat, comme pour la laïcité ou l'Irak, nous sommes fidèles à notre ligne de conduite depuis trois ans. Se définir par nous-mêmes, au regard de nos valeurs et de l'intérêt général, plutôt qu'en fonction de positionnements tactiques. Peu m'importe que ce soit J. Chirac qui pose la question. Ce serait le Pape, j'aurais le même engagement, parce que l'Europe est pour moi le plus grand projet politique de ces cinquante dernières années. Ceux qui croient déceler " un virage à droite " ou un affaiblissement de notre rôle d'opposant se trompent d'époque et de sens.
Devrions-nous renier tout ce à quoi nous croyons au prétexte que la majorité vient sur nos positions ? Devrions-nous renoncer à être le centre de gravité de la vie politique pour se cantonner dans une posture purement protestataire qui n'a jamais été la nôtre ? La mauvaise conscience n'a jamais fait une bonne politique. Je crois au contraire que le langage de vérité et de conviction est l'un des remèdes à la crise de confiance que traverse notre pays. La France n'en peut plus des ahurissants catalogues de promesses que le président de la République lui sert à chaque rentrée. Le moulin brasse le vent dans tous les sens. D'un côté il ressort " la grande ambition industrielle " qu'il a délaissée pendant dix ans.
De l'autre il concasse de nouvelles baisses d'impôts et de cotisations qui dépouillent l'Etat de ses capacités d'investissement. Les recettes de privatisation appelées à financer le dispositif sont déjà gagées pour les retraites et le désendettement. C'est le pouvoir des faux semblants. Il ne parle que de réhabiliter le travail mais ne cesse de le dévaloriser. Jamais depuis le gouvernement Juppé, le pouvoir d'achat des ménages n'avait connu une telle glaciation. Aux blocages des salaires dans la fonction publique et dans les entreprises, s'ajoutent la hausse des prix à la consommation (+12 % depuis quatre ans), la flambée des biens immobiliers (+88 % sur la même période) et l'augmentation globale des prélèvements. Aucune négociation sur les salaires n'existe.
Comment ne pas comprendre la protestation générale des agents publics devenus boucs émissaires d'un gouvernement qui ne les aime pas. Comment ne pas comprendre la colère des salariés du privé qui vivent quotidiennement l'austérité. Ces mouvements étaient prévisibles tant les pénalités se sont accumulées depuis trois ans sur le monde du travail. Le groupe socialiste est à ses côtés. La seule recette qu'ait trouvée le gouvernement est de proposer un nouveau texte contre les 35 heures en faisant des heures supplémentaires la règle générale. Une nouvelle fois, les salariés se voient privés d'un acquis sans vraie contrepartie. On le voit aujourd'hui, nombre d'entreprises reviennent à 37, 38, 39 heures en continuant de les payer 35. Un tel marché de dupes mérite que le monde du travail se mobilise avec nous pour repousser l'assaut. Après c'est le contrat de travail qui est dans le collimateur de la majorité. Enfin ce gouvernement triche. Les assurés sociaux découvrent jour après jour les ponctions douloureuses des prétendues réformes des retraites et de l'assurance maladie. Une protection sociale duale est en train de s'implanter comme en témoigne la fronde des médecins généralistes contre les inégalités de la nouvelle convention médicale. Le pire est que ces réformes ont peu d'effet sur les déficits. En 2007, il faudra tout reprendre pour assurer la pérennité de la sécurité sociale. L'incohérence et la démagogie du pouvoir se paient aujourd'hui très cher. Tous les mécanismes économiques sont grippés : la croissance, l'emploi, la consommation, l'investissement. La France est dans une impasse. C'est ce que Jacques Chirac appelle "être sur la bonne voie ". Une alternative est devenue vitale. Elle ne viendra pas de N. Sarkozy qui est à J. Chirac ce que G. Bush fils et à G. Bush père. La droite plus ultra. La gauche doit répondre au triple défi de la désintégration sociale, de la paupérisation de l'Etat et de la désespérance civique. Comment s'accommoder de l'exclusion massive de millions de Français frappés par la montée de la pauvreté, de la précarité ou du chômage ? Toutes les études démontrent que la France bat ses records d'inégalités. Le temps des plans de colmatage, type Borloo, est révolu. L'Etat doit prendre l'initiative d'un pacte d'intégration social avec les partenaires sociaux où l'emploi, le temps de travail, les salaires, la sécurité professionnelle, la participation des salariés à la gestion de l'entreprise seront négociés sur la durée. Comment accepter l'inflation foncière et immobilière qui interdit à des milliers de familles de se loger décemment ? Il y a urgence à réinventer des mécanismes de modération des prix et des loyers et à redonner aux communes les moyens de relancer la construction de logements sociaux. Comment enfin assumer les politiques du futur (industrie, recherche, innovation, formation) quand les missions et les moyens d'action de la puissance publique sont réduits aux acquêts ? La renaissance et la rénovation de l'Etat sont à mes yeux les fondements du réformisme de gauche. L'élaboration d'une charte de l'Etat qui définit ses missions et ses obligations pourrait servir de base à une véritable modernisation de ses structures. Elle permettrait de clarifier ses rapports avec les autorités indépendantes, les collectivités et les citoyens. L'Etat infirmier qui soigne dans l'urgence doit devenir un Etat ingénieur qui créé, protège, impulse mais aussi qui délègue en garantissant l'égalité de tous. Cette charte pourrait être l'un des axes majeurs de la réforme institutionnelle dont j'avais ici même l'année dernière évoqué l'impérieuse nécessité. Notre démocratie a besoin de clarté et de simplicité. A cet égard l'ingéniosité que met la majorité à préparer une impunité éternelle au président de la République devient franchement risible. Pourquoi sénateur à vie et pas un président à vie tant qu'on y est? Plutôt que ces enfantillages, j'attends que le gouvernement inscrive à notre ordre du jour la réforme du statut pénal du chef de l'Etat, comme le Premier ministre s'y est engagé dans un échange de lettres avec moi. Ce ne sont là que quelques exemples des priorités que portera notre projet. Le retour de la confiance dans notre pays viendra d'un parti socialiste qui redonne un sens à l'idée de progrès, qui assume toutes ses valeurs (l'égalité, la solidarité, la responsabilité, l'intérêt général, la nation, l'Europe) et qui se tient courageusement à ses engagements. Le groupe socialiste sera partie prenante de cette bataille des idées.
Dès aujourd'hui dans la discussion du projet de loi sur la poste où nous défendrons le maintien mais aussi la rénovation du service public en déposant 14 000 amendements symboliques correspondants aux points de contact de la poste.
Dans notre opposition résolue à la proposition de loi contre les 35 heures. Dans notre refus d'une loi d'orientation sur l'école, passéiste et sans envergure qui sera l'occasion pour nous de définir les bases d'un nouveau contrat éducatif. Enfin dans la volonté de rehausser le travail parlementaire. Je partage tout à fait l'idée du président de notre Assemblée. Nous légiférons trop, nous légiférons mal. Je crois qu'en de nombreuses matières il faut éclaircir, simplifier et surtout évaluer ce que nous votons.
La loi doit retrouver sa portée générale et sa force normative. Parallèlement une fois par mois nos groupes de réflexion thématiques présenteront leurs orientations qui pourront servir le cas échéant à la présentation de propositions de loi. Ce travail d'opposition et de propositions s'accompagnera du lancement d'un site Internet /députés-socialistes.fr/. Celui-ci ouvrira demain à 13h. Je veux remercier à cet égard notre service de la communication qui, chaque semaine avec Tribunes socialistes, avec ce site Internet, avec des argumentaires précis sur les projets ou les propositions de loi, contribue à faire mieux connaître nos positions.
Mesdames et Messieurs la France est une grande et vieille Nation qui a traversé nombre d'épreuves et de tempêtes. Elle s'est toujours redressée dès lors qu'elle était mue par un dessein collectif. Contrairement à une idée à la mode, bon nombre des idées ou des projets qui gouvernent aujourd'hui l'Europe et le monde sont d'inspiration française. Il n'y a pas de fatalité du déclin. Notre pays doit retrouver la certitude qu'il a en lui les forces pour retrouver son prestige et son influence. Il nous revient de lui tracer les chemins, de trouver les solutions, en d'autres termes de lui redonner goût à l'optimisme. Alors la France redeviendra elle-même. C'est mon voeu et ma volonté pour cette année et les suivantes.
(Source http://www.deputessocialistes.fr, le 7 février 2005)
En vous présentant mes voeux d'accomplissement personnel et professionnel pour cette nouvelle année, je voudrais avoir une pensée pour toutes les victimes du raz-de-marée sur les côtes asiatiques. L'exceptionnel élan de générosité que nous avons connu en France et dans le monde doit aller au-delà de l'émotion des premiers jours. Les régions dévastées et leurs populations ont besoin qu'on les aide dans la durée pour reconstruire leurs infrastructures et leurs logements. Trop de promesses sont restées lettre morte, notamment après les tremblements de terre de Bam en Iran ou d'Al Hoceima au Maroc. Ma seconde pensée va à vos confrères tombés pour défendre le droit à l'information. La disparition de Guy-André Kieffer en Côte d'Ivoire, l'assassinat d'Enzo Baldoni, la nouvelle prise d'otage de Florence Aubenas et d'Hussein al-Saadi en Irak rappellent la somme de courage et de dévouement que votre métier requiert.
Je souhaite que l'unité nationale et la mobilisation de tous permettent à Florence Aubenas de recouvrer la liberté comme ce fut le cas pour Chesnot et Malbrunot. Je veux cependant exprimer mes plus grandes réserves en ce qui concerne la gestion de l'épisode Julia. Nous avons condamné avec la plus grande force cette équipée ridicule qui a mis en danger la vie des otages. Mais son éclaircissement relève autant du politique que de la justice. Il est souhaitable que M. Julia s'explique devant une commission ou devant le bureau de l'Assemblée afin d'établir la lumière sur les circonstances de cette affaire. Il me paraît scandaleux qu'on empêche l'Assemblée de jouer son rôle en s'abritant derrière l'alibi d'une procédure judiciaire. Mesdames et messieurs, 2005 est une année charnière. A mi-parcours de la législature, le référendum sur la constitution européenne sera une épreuve de vérité pour le pays tout entier. Il est l'occasion de prouver que la France n'est pas la nation déclinante que les conservateurs de tous poils décrivent à satiété. Il est l'occasion de démontrer qu'elle conserve les ressorts pour conduire une ambition historique. Il est l'occasion d'en finir avec le fantôme extrémiste qui enferme la société dans ses peurs et ses renoncements. Comme pour Maastricht, c'est la dimension première de cette consultation : redonner foi à notre peuple, le convaincre qu'il a en lui les forces et la capacité de faire face aux nouvelles donnes européennes et mondiales.
Ce pari de l'optimisme et de la volonté est loin d'être gagné. Entre la panne de notre économie, les échecs cuisants du gouvernement, les incroyables discordes qui règnent dans la majorité, les Français ont de quoi douter. Il est temps que chacun prenne ses responsabilités. Nous avons pris les nôtres lors de notre consultation interne. Notre oui est de conviction et de cohérence. Que la droite fasse de même. Qu'elle sorte de sa confusion et de son irresponsabilité. Qu'attend le président de la République pour changer ses ritournelles sur "l'Europe qui nous rend plus forts" et s'engager sur un véritable projet européen ?
Qu'attend-il pour renvoyer son gouvernement usé jusqu'à la corde, dont l'impopularité risque de rejaillir sur le résultat du référendum ?
Qu'attend-il pour arrêter les provocations législatives, en particulier la nouvelle mise en cause des 35 heures ?
Qu'attendent enfin les chefs de la majorité UMP/UDF pour cesser de jouer la Constitution européenne à la roulette turque ? MM. Bayrou et Sarkozy sont les jumeaux de la peur. Il est hors de question pour les socialistes d'être la béquille d'un pouvoir aux abois. L'adhésion des Français ne naîtra pas de la confusion ou de l'illusion, elle viendra d'une claire conscience des enjeux du traité, des perspectives européennes et des conséquences de leur choix.
J'aurai l'occasion la semaine prochaine de développer nos arguments lors de la révision constitutionnelle qui découle du traité. Notre groupe y est favorable. C'est une question de cohérence après le vote de nos militants. D'ailleurs les modifications de cette révision ne sont pas celles qui ont fait débat entre nous. Elles intègrent au contraire l'essentiel de ce qui nous rassemble : l'extension du vote à la majorité qualifiée, le renforcement des pouvoirs de contrôle des parlements nationaux. Rien dans cette révision n'est contraire à nos principes. Le seul reproche qu'on peut lui adresser est de n'avoir pas été au bout de sa logique : sortir l'Europe du domaine réservé de l'Elysée, donner au Parlement la possibilité de se prononcer sur toutes les négociations qui engagent la France. Nous l'amenderons en ce sens. Quant à l'insertion d'un référendum sur les futurs élargissements, elle relève d'une commodité présidentielle destinée à régler les dissidences de sa majorité sur la question turque, qui n'a rien à faire dans le texte.
Nous présenterons un amendement de suppression. Ces réserves ne sauraient contredire le Oui de nos militants au traité constitutionnel. Je comprends la difficulté que la discipline de vote représente pour ceux qui ont pris une position différente. On ne peut en faire abstraction et je veillerai au respect de leur conviction. Nous ne sommes pas dans une logique de caporalisation. A la condition que la cohérence de notre démarche ne soit pas altérée. Dans ce débat, comme pour la laïcité ou l'Irak, nous sommes fidèles à notre ligne de conduite depuis trois ans. Se définir par nous-mêmes, au regard de nos valeurs et de l'intérêt général, plutôt qu'en fonction de positionnements tactiques. Peu m'importe que ce soit J. Chirac qui pose la question. Ce serait le Pape, j'aurais le même engagement, parce que l'Europe est pour moi le plus grand projet politique de ces cinquante dernières années. Ceux qui croient déceler " un virage à droite " ou un affaiblissement de notre rôle d'opposant se trompent d'époque et de sens.
Devrions-nous renier tout ce à quoi nous croyons au prétexte que la majorité vient sur nos positions ? Devrions-nous renoncer à être le centre de gravité de la vie politique pour se cantonner dans une posture purement protestataire qui n'a jamais été la nôtre ? La mauvaise conscience n'a jamais fait une bonne politique. Je crois au contraire que le langage de vérité et de conviction est l'un des remèdes à la crise de confiance que traverse notre pays. La France n'en peut plus des ahurissants catalogues de promesses que le président de la République lui sert à chaque rentrée. Le moulin brasse le vent dans tous les sens. D'un côté il ressort " la grande ambition industrielle " qu'il a délaissée pendant dix ans.
De l'autre il concasse de nouvelles baisses d'impôts et de cotisations qui dépouillent l'Etat de ses capacités d'investissement. Les recettes de privatisation appelées à financer le dispositif sont déjà gagées pour les retraites et le désendettement. C'est le pouvoir des faux semblants. Il ne parle que de réhabiliter le travail mais ne cesse de le dévaloriser. Jamais depuis le gouvernement Juppé, le pouvoir d'achat des ménages n'avait connu une telle glaciation. Aux blocages des salaires dans la fonction publique et dans les entreprises, s'ajoutent la hausse des prix à la consommation (+12 % depuis quatre ans), la flambée des biens immobiliers (+88 % sur la même période) et l'augmentation globale des prélèvements. Aucune négociation sur les salaires n'existe.
Comment ne pas comprendre la protestation générale des agents publics devenus boucs émissaires d'un gouvernement qui ne les aime pas. Comment ne pas comprendre la colère des salariés du privé qui vivent quotidiennement l'austérité. Ces mouvements étaient prévisibles tant les pénalités se sont accumulées depuis trois ans sur le monde du travail. Le groupe socialiste est à ses côtés. La seule recette qu'ait trouvée le gouvernement est de proposer un nouveau texte contre les 35 heures en faisant des heures supplémentaires la règle générale. Une nouvelle fois, les salariés se voient privés d'un acquis sans vraie contrepartie. On le voit aujourd'hui, nombre d'entreprises reviennent à 37, 38, 39 heures en continuant de les payer 35. Un tel marché de dupes mérite que le monde du travail se mobilise avec nous pour repousser l'assaut. Après c'est le contrat de travail qui est dans le collimateur de la majorité. Enfin ce gouvernement triche. Les assurés sociaux découvrent jour après jour les ponctions douloureuses des prétendues réformes des retraites et de l'assurance maladie. Une protection sociale duale est en train de s'implanter comme en témoigne la fronde des médecins généralistes contre les inégalités de la nouvelle convention médicale. Le pire est que ces réformes ont peu d'effet sur les déficits. En 2007, il faudra tout reprendre pour assurer la pérennité de la sécurité sociale. L'incohérence et la démagogie du pouvoir se paient aujourd'hui très cher. Tous les mécanismes économiques sont grippés : la croissance, l'emploi, la consommation, l'investissement. La France est dans une impasse. C'est ce que Jacques Chirac appelle "être sur la bonne voie ". Une alternative est devenue vitale. Elle ne viendra pas de N. Sarkozy qui est à J. Chirac ce que G. Bush fils et à G. Bush père. La droite plus ultra. La gauche doit répondre au triple défi de la désintégration sociale, de la paupérisation de l'Etat et de la désespérance civique. Comment s'accommoder de l'exclusion massive de millions de Français frappés par la montée de la pauvreté, de la précarité ou du chômage ? Toutes les études démontrent que la France bat ses records d'inégalités. Le temps des plans de colmatage, type Borloo, est révolu. L'Etat doit prendre l'initiative d'un pacte d'intégration social avec les partenaires sociaux où l'emploi, le temps de travail, les salaires, la sécurité professionnelle, la participation des salariés à la gestion de l'entreprise seront négociés sur la durée. Comment accepter l'inflation foncière et immobilière qui interdit à des milliers de familles de se loger décemment ? Il y a urgence à réinventer des mécanismes de modération des prix et des loyers et à redonner aux communes les moyens de relancer la construction de logements sociaux. Comment enfin assumer les politiques du futur (industrie, recherche, innovation, formation) quand les missions et les moyens d'action de la puissance publique sont réduits aux acquêts ? La renaissance et la rénovation de l'Etat sont à mes yeux les fondements du réformisme de gauche. L'élaboration d'une charte de l'Etat qui définit ses missions et ses obligations pourrait servir de base à une véritable modernisation de ses structures. Elle permettrait de clarifier ses rapports avec les autorités indépendantes, les collectivités et les citoyens. L'Etat infirmier qui soigne dans l'urgence doit devenir un Etat ingénieur qui créé, protège, impulse mais aussi qui délègue en garantissant l'égalité de tous. Cette charte pourrait être l'un des axes majeurs de la réforme institutionnelle dont j'avais ici même l'année dernière évoqué l'impérieuse nécessité. Notre démocratie a besoin de clarté et de simplicité. A cet égard l'ingéniosité que met la majorité à préparer une impunité éternelle au président de la République devient franchement risible. Pourquoi sénateur à vie et pas un président à vie tant qu'on y est? Plutôt que ces enfantillages, j'attends que le gouvernement inscrive à notre ordre du jour la réforme du statut pénal du chef de l'Etat, comme le Premier ministre s'y est engagé dans un échange de lettres avec moi. Ce ne sont là que quelques exemples des priorités que portera notre projet. Le retour de la confiance dans notre pays viendra d'un parti socialiste qui redonne un sens à l'idée de progrès, qui assume toutes ses valeurs (l'égalité, la solidarité, la responsabilité, l'intérêt général, la nation, l'Europe) et qui se tient courageusement à ses engagements. Le groupe socialiste sera partie prenante de cette bataille des idées.
Dès aujourd'hui dans la discussion du projet de loi sur la poste où nous défendrons le maintien mais aussi la rénovation du service public en déposant 14 000 amendements symboliques correspondants aux points de contact de la poste.
Dans notre opposition résolue à la proposition de loi contre les 35 heures. Dans notre refus d'une loi d'orientation sur l'école, passéiste et sans envergure qui sera l'occasion pour nous de définir les bases d'un nouveau contrat éducatif. Enfin dans la volonté de rehausser le travail parlementaire. Je partage tout à fait l'idée du président de notre Assemblée. Nous légiférons trop, nous légiférons mal. Je crois qu'en de nombreuses matières il faut éclaircir, simplifier et surtout évaluer ce que nous votons.
La loi doit retrouver sa portée générale et sa force normative. Parallèlement une fois par mois nos groupes de réflexion thématiques présenteront leurs orientations qui pourront servir le cas échéant à la présentation de propositions de loi. Ce travail d'opposition et de propositions s'accompagnera du lancement d'un site Internet /députés-socialistes.fr/. Celui-ci ouvrira demain à 13h. Je veux remercier à cet égard notre service de la communication qui, chaque semaine avec Tribunes socialistes, avec ce site Internet, avec des argumentaires précis sur les projets ou les propositions de loi, contribue à faire mieux connaître nos positions.
Mesdames et Messieurs la France est une grande et vieille Nation qui a traversé nombre d'épreuves et de tempêtes. Elle s'est toujours redressée dès lors qu'elle était mue par un dessein collectif. Contrairement à une idée à la mode, bon nombre des idées ou des projets qui gouvernent aujourd'hui l'Europe et le monde sont d'inspiration française. Il n'y a pas de fatalité du déclin. Notre pays doit retrouver la certitude qu'il a en lui les forces pour retrouver son prestige et son influence. Il nous revient de lui tracer les chemins, de trouver les solutions, en d'autres termes de lui redonner goût à l'optimisme. Alors la France redeviendra elle-même. C'est mon voeu et ma volonté pour cette année et les suivantes.
(Source http://www.deputessocialistes.fr, le 7 février 2005)