Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord vous remercier de m'inviter, bien que je sois entre temps devenu ministre de l'Economie. Si j'ai bien compris, le Président m'engage à devenir adhérent de la CGPME... Avec plaisir, mais je vous promets, je ne penserai pas à la présidence... de la CGPME. C'est un engagement pour la CGPME !
Mesdames et Messieurs,
Comme tout ministre des Finances, on m'a préparé un discours, je vous le laisserai par l'intermédiaire de votre président, et si vous le permettez, je voudrais m'en éloigner pour vous parler franchement et simplement, sur la situation qui est la nôtre et sur la façon dont on peut répondre aux défis.
D'abord, vous avez bien voulu dire, monsieur le Président, que ma tâche n'était pas facile. Raison de plus pour multiplier les initiatives. C'est justement parce qu'il n'y a pas de marge de manoeuvre, qu'il faut par l'action et par le volontarisme, en dégager pour apporter des réponses.
Je crois que la première raison qui explique le désintérêt d'une partie de nos compatriotes pour la politique, c'est cette espèce de chape de plomb du fatalisme, les gens se demandant si la politique finit par servir à quelque chose. Si on nous met là où nous sommes, c'est justement pour agir et non pas pour dire que c'est difficile. Est-ce qu'il y a quelque chose à faire ? Oui. Est-ce que tout a été tenté ? Non.
Est-ce qu'il faut lever un certain nombre de tabous, la pensée unique qui participe à une idée que je conteste : " On ne peut pas dire toute la vérité aux Français parce qu'ils ne la comprendraient pas ". Ce sont au contraire des Français exaspérés qu'on ne leur dise pas toute la vérité sur des sujets qu'ils sont parfaitement capables par ailleurs d'appréhender.
Vous m'avez interpellé sur un certains nombre de questions. Je vais y répondre.
D'abord la question des 35 heures. Moi, j'essaie sur les 35 heures de ne pas avoir une réaction idéologique car c'est la meilleure façon de bloquer tout. Je me contenterai de deux remarques. Mais dans mon esprit, elles ont du poids.
Les 35 heures d'abord, ce fut une erreur au regard de la valeur du travail. Un pays comme le nôtre n'a pas besoin d'allocations en plus mais de travail en plus, et il n'y a pas une société à qui on puisse promettre le progrès en travaillant moins. Je connais parfaitement l'évolution du temps de travail au regard de l'histoire de notre pays, et cette évolution est incontournable. Et ce qui est choquant, ce n'est pas que des gens veulent travailler moins, ce qui est choquant c'est qu'on ait voulu empêcher ceux de nos compatriotes qui veulent gagner davantage de pouvoir travailler davantage. C'est cela qui est choquant.
La deuxième remarque que je me permettrai de faire, c'est que la France n'a pas les moyens de consacrer 16 milliards d'euros par an de façon récurrente, presque 100 milliards de francs, plus de 100 milliards de francs, pour empêcher les gens de travailler. Nous sommes le seul pays au monde qui consacre une telle somme d'argent pour se donner tant de mal, alors qu'on a besoin de tellement de travail, pour que les gens ne travaillent pas !
Imaginez ce qu'on pourrait faire avec ces 16 milliards d'euros : des hôpitaux, des routes, des infrastructures, des TGV, des moyens pour la recherche, des abaissements de fiscalité...
Quel est le seul pays au monde qui s'est donné ces boulets aux pieds : payer 16 milliards d'euros définitivement, chaque année, pour qu'il y ait moins de travail ? Sans faire de politique et sans faire d'idéologie, c'est quand même une idée curieuse. Je ne me souviens pas qui a eu cette idée, mais elle n'était pas très bonne.
Alors maintenant, est-ce qu'on peut s'en sortir ?
Evidemment, c'est la question que vous attendez. Moi, je crois que oui. Comment peut-on s'en sortir, monsieur le Président ? Je crois d'ailleurs, et vous avez employé un mot qui est très important, c'est le mot choix. Et bien, voyez-vous, je pense que ce mot choix est plus compréhensible pour nos compatriotes que le mot liberté. Car la liberté, au fil des années, est vécue par une partie de nos compatriotes comme la liberté du fort au faible. C'est donc un mot qui a fini par inquiéter, alors que dans une société moderne chacun doit pouvoir choisir au maximum le rythme de sa vie.
Il faut donc engager un débat et un dialogue sur la question des 35 heures de la façon suivante : " Que ceux qui veulent rester aux 35 heures y restent, que ceux qui veulent sortir des 35 heures pour gagner davantage puissent le faire ! ". Ça c'est le libre choix. C'est une société moderne !
Ainsi on pourrait parfaitement garder les 35 heures comme durée hebdomadaire pour ne pas lancer la France dans un de ces débats idéologiques qu'elle adore, qui stérilise tout et qui condamne tout le monde à l'immobilisme.
Et en même temps, laisser le libre choix à ceux qui veulent travailler davantage de pouvoir le faire.
Avec tout le dialogue que nous pourrions avoir, il faut supprimer toute forme de taxation sur les heures supplémentaires. Je ne vois vraiment pas pourquoi on devrait pénaliser un entrepreneur qui veut donner davantage de travail ou un salarié qui veut en faire davantage. C'est quand même curieux, dans une société qui a des vraies valeurs. On devrait plutôt récompenser celui qui donne davantage de travail ou celui qui veut en faire davantage, plutôt que de penser à le pénaliser.
Il y a la question des charges sociales qui pèsent sur les 35 heures.
Il y a la question du montant du salaire pour les heures supplémentaires. Et naturellement, monsieur le Président, s'agissant des engagements d'exonération pour l'augmentation du SMIC, puisque c'est un engagement de l'Etat, la parole de l'Etat doit être respectée.
Voyez-vous mesdames et messieurs, sur une question aussi sensible, où en général, c'est la chape de plomb et la pensée unique, moi j'ai un raisonnement très simple :
Si on considère que les 35 heures, ce n'était que du positif, alors il faut les garder !
Et si l'on considère que les 35 heures, comme je le pense, c'est beaucoup d'inconvénients, alors il ne faut pas craindre d'engager une réforme profonde. Ca s'appelle la franchise !
Je voudrais faire une deuxième remarque, car il y a là un certain nombre de présidents, d'organisations de chefs d'entreprises, de commerçants de l'hôtellerie, sur l'affaire de la TVA dans la restauration.
Je voudrais en dire un mot parce que j'ai entendu beaucoup d'inexactitudes, du moins de mon point de vue sur cette question.
D'abord, ceux d'entre vous qui travaillent dans la restauration et dans l'hôtellerie n'ont pas le sentiment de demander un avantage exorbitant - alors que ce sont des activités de services qui donnent de l'emploi à nombre de nos compatriotes - en demandant une TVA qui soit la même que celle de leurs concurrents qui ne donnent pas d'emploi à nos compatriotes.
Ce n'est quand même pas un avantage exorbitant que d'accorder l'égalité de concurrence entre une restauration qui a un service et donc de l'emploi, et une autre qui est tout à fait légitime, mais qui n'a pas de service et donc pas d'emploi. On aurait pu entendre d'ailleurs que la TVA la plus minorée soit sur celles et ceux d'entre vous qui donnent des emplois, pas sur ceux qui en donnent moins. En tous cas, dans un pays qui a le nombre de chômeurs que nous connaissons aujourd'hui.
J'ajoute que nous avons engagé avec la profession une discussion qui a abouti à un accord, qui me semble un accord juste, parce que s'il y a 70 000 offres d'emplois qui ne sont pas satisfaites, c'est parce que ces métiers sont durs, et que les salaires sont petits. Et donc la prime que nous allons donner va permettre d'augmenter les salaires, donc de rendre ces métiers dans l'hôtellerie et la restauration plus attractifs.
Cela en embête certains, mais c'est une mesure qui soutient l'entreprise, vos entreprises, et c'est en même temps une mesure sociale. Cela ne rentre pas dans les critères idéologiques habituels, et pourtant c'est ce que, avec la profession, on a réussi à faire. Et c'est un très bon exemple du mouvement de réforme, monsieur le Président, que je souhaite impulser dans notre pays.
Plutôt que de désigner des adversaires pour que tout le monde soit perdant, essayons d'additionner nos énergies, nos compétences, pour créer un mouvement formidable de réformes et de changements dans notre vieux pays qui en a besoin.
Le monde change, nous ne pouvons pas rester immobiles. Nous l'avons prouvé pour la restauration et pour l'hôtellerie.
Monsieur le Président, un sujet plus sensible encore. Je vous remercie d'avoir accepté de participer à l'accord sur la distribution. Là encore, les dés étaient pipés.
D'abord, on ne se parle pas entre différents partenaires. J'aimerais qu'on m'explique comment on peut résoudre les problèmes si on ne se rencontre pas. Deuxièmement, tout le monde était mécontent de la situation et personne ne voulait qu'elle bouge. Les agriculteurs pensaient que les prix auxquels on leur achetait les produits étaient trop faibles, et ils avaient raison. Les petits commerçants considéraient, et ils ont raison, que jamais il n'y en avait autant qui disparaissaient de nos centres-villes. Les PME considéraient que dans les linéaires, du fait des accords de gamme, ils n'avaient pas assez de place sur la grande distribution. Les marques considéraient que partout ailleurs cela reprenait, sauf en France. Les grandes surfaces considéraient qu'ils ne pouvaient pas négocier leurs prix. Et les consommateurs, qui depuis 1997 voient les prix augmenter plus que l'inflation en France, et plus que dans tous les autres pays de la Communauté européenne. Beau bilan !
Et bien, tenez-vous bien, et je parle sous le contrôle de votre Président, malgré ce bilan accablant, tout le monde me disait " Nicolas, tiens-toi tranquille, il n'y a rien à changer ! ". Et bien, écoutez monsieur le Président, continuons comme ça ! On ne changera rien sur rien, on cumulera tous les inconvénients, sans avoir les avantages. C'est pareil, remarquez, sur les 35 heures, on n'en parle pas ! "Ça va faire un problème".
Ce n'est pas parce qu'on ne parle pas des problèmes qu'on les résout ! Et bien moi, je vais vous le dire, ma philosophie d'action est simple : il n'y a pas de pire risque que celui qui consiste à ne pas en prendre. Je suis là pour prendre des initiatives, pour essayer de résoudre des problèmes, pour trouver des solutions, sans avoir une grille de lecture idéologique, mais pour essayer de mettre ensemble des énergies pour moderniser notre pays.
C'est ce que nous avons fait avec cet accord que vous avez signé. Bien sûr, ça n'a pas été simple. Il y a eu des nuits plus petites que d'autres, il y avait des gens plus ou moins enthousiastes. Mais à l'arrivée, vous étiez tous là et vous avez tous signé. Et qu'est-ce qu'on a obtenu ? D'abord, on a obtenu une chose qui est très juste, c'est que les prix des produits agricoles ne peuvent pas être définis comme les prix des grandes marques : on ne fixe pas le prix d'une bouteille de Coca Cola comme le prix d'un bien agricole. Parce que l'agriculture c'est une richesse, il y a des aléas, et on ne peut pas calculer les choses de la même façon. C'est la première fois que la distribution acceptait, en signant un accord, de reconnaître cette réalité.
La deuxième chose que nous avons obtenue, c'est qu'avec les accords de gamme pour les PME, pour ceux qui sont ici, ces accords de gamme qui permettent à de grandes marques de mettre tous leurs produits dans les linéaires, où sont les places pour les PME, pour les PMI et pour les produits régionaux ?
Ces accords de gamme, en grande partie, sont levés. Et qui va en profiter si ce n'est les PME et les PMI ? Parce que la PME, l'accord de gamme, ce n'est pas pour elle.
Troisième chose que nous avons obtenue, et je crois que c'est important.
Oui, les prix des 5 000 produits des grandes marques vont diminuer de 3 %. On me dit que ce n'est pas assez et je suis le premier à reconnaître que ce n'est pas assez ! Mais ceux qui me disent ça, qu'est-ce qu'ils ont fait avant ? Vous connaissez ce proverbe : " quand je m'ausculte, je m'inquiète, quand je me compare, je me rassure ". Franchement, je n'étais pas inquiet à l'arrivée monsieur le Président.
Et puis, j'ai demandé et nous allons le vérifier par la DGCRL et avec vous, qu'on ouvre aux produits régionaux, aux PME PMI. Ce n'est quand même pas moi qui ai inventé que 65 % des consommateurs vont dans des grandes surfaces, il faut qu'on comprenne ça. Ce sont les consommateurs qui en ont décidé.
Et à partir de ce moment-là, que veut-on ? Est-ce qu'on veut qu'il n'y ait que du hard discount en France ? Qu'est-ce que c'est que le hard discount ? Ce sont des produits qui viennent exclusivement de l'extérieur, que l'on met sur des palettes qu'on éventre, il n'y a même pas d'emplois créés. Peut-on avoir en même temps une distribution et des commerçants de centres-villes ? C'est ce que j'ai essayé de faire - autre élément de cet accord - en supprimant toute forme d'impôt sur les plus-values pour les ventes de fonds de commerce. Depuis combien de temps le demandiez-vous les uns et les autres ?
C'est un point sur lequel je veux dire un mot, car c'est un point qui me tient à coeur, monsieur le Président, non pas pour des raisons fiscales, mais pour les valeurs qui sont les nôtres. Qu'est-ce que c'est l'histoire d'un commerçant ou d'un artisan ? C'est l'histoire d'une femme ou d'un homme qui travaille toute sa vie, et qui joue sa retraite, au moment où il vend son fonds de commerce. S'il vend bien, il aura une retraite, s'il vend mal, sa vie de travail n'aura servi à rien. Et c'est la raison pour laquelle, j'ai voulu ces exonérations, sur les droits de mutation et sur les plus-values. Ça n'est que justice et ça permettra aux commerçants et artisans de vendre à des femmes et à des hommes de la même filière de métier.
En arrivant, j'entendais un intervenant et je me suis reconnu dans ce qu'il disait. Il disait " vous savez, on parle beaucoup d'argent quand on parle des chefs d'entreprise. Le chef d'entreprise, il peut avoir une vie confortable le jour où il est parti à la retraite ". Ce qu'il disait était plein de bon sens.
Et j'aurais rajouté autre chose : quand on a travaillé dur toute sa vie et qu'on a créé le patrimoine en terme d'entreprise qui est le sien, qu'est ce qu'il y a de plus beau que de vouloir le laisser à ses enfants sans être, au moment de la transmission, accablé d'impôts par un Etat, qui par ailleurs vous a déjà levé des impôts toute votre vie durant sur le fruit de votre travail ?
Ce n'est pas une petite question, ce n'est d'ailleurs, si vous me le permettez, pas simplement une question fiscale. J'aimerais - ce n'était pas du tout dans le discours - je m'éloigne, mais j'y crois beaucoup, j'aimerais qu'on réfléchisse à cela.
On parle toujours de la famille comme valeur principale et fondement de notre société. C'est vrai, mais qu'est ce que ça veut dire une politique familiale quand on ne peut pas transmettre à ses enfants le produit d'une vie de travail ?
Qu'est ce que c'est qu'une politique familiale, si ce n'est l'espérance que chacun d'entre nous peut obtenir, quelque soit notre place dans la hiérarchie sociale, que nos enfants aient un peu moins de mal que nous, qu'ils commenceront un peu plus haut que nous, et qu'ils réussiront un peu mieux que nous. Ca s'appelle la confiance dans l'avenir, c'est le sens d'une société !
Et plutôt que de pénaliser celles et ceux d'entres vous qui ont travaillé toute leur vie pour laisser à leurs enfants une partie de ce qu'ils ont créé, nous ferions mieux de mobiliser notre énergie à aider davantage ceux de nos compatriotes qui n'ont pas eu la chance d'avoir des parents qui ont travaillé toute leur vie. Plutôt que d'ennuyer les uns, on ferait mieux d'aider les autres ! Voila une société moderne, une société qui promeut au lieu d'être une société qui confisque !
Cela m'amène à un point qui est la réalité de mon occupation de ces jours-ci : la préparation du budget 2005.
Vous savez qu'au mois de juillet, j'arbitre les dépenses et au mois d'août, j'arbitrerai les recettes. Nous dépensons 100 milliards d'euros de plus de dépenses publiques que la moyenne des pays de la zone euro. On ne peut pas continuer comme ça ! Quand le président de la CGPME se tourne vers le ministre des Finances, en lui disant : "il faut baisser les impôts", mais vous avez parfaitement raison !
Mais pour baisser les impôts, il faut d'abord réduire les dépenses ! Et pour obtenir la réduction des dépenses, j'ai besoin que vous me souteniez ! Parce qu'une réduction d'impôts qui n'est pas gagée par une réduction de dépenses, et bien cela fait du déficit. Et le déficit, il y en a assez ! En 2003, la France a eu 25 % de dépenses en plus que de recettes, 25 % parce que l'affaire des 4 % par rapport au PIB, elle est fausse et je vais essayer de m'en expliquer.
Quand on compare le déficit du budget de la Nation à la richesse nationale, c'est un peu comme si le Président Roubaud allait voir son banquier, et lui disait : " bon, ce mois-ci, mon compte courant est déficitaire, mais c'est pas grave, parce que si vous additionnez mon compte courant aux comptes courants des voisins de mon immeuble, nous sommes tous ensemble créditeurs ! ".
Et bien c'est ça, la comparaison du budget de l'Etat avec la richesse nationale. Mais en vérité, ce que vous devez retenir, c'est qu'en 2003, il y a eu 25 % de dépenses de plus que de recettes.
Il y a une deuxième chose qu'il vous faut retenir : cela fait 23 ans consécutivement que le budget de l'Etat est présenté en déficit ! J'ai été nommé ministre des Finances pour essayer d'avoir une gestion sérieuse et raisonnable et bien c'est ce que je ferai. Cela veut dire deux choses :
- Le budget 2005 devra répondre à une augmentation zéro des dépenses, parce que nous dépensons trop et que cela ne peut pas continuer comme ça.
Je ne peux pas dire oui à toutes les demandes parce qu'à l'arrivée, c'est vous qui payez, et que ces déficits inquiètent les compatriotes.
- La deuxième chose que je veux dire, c'est qu'il y a un certain nombre de fonctionnaires qui partent en retraite et il faudra diminuer l'emploi public si nous voulons équilibrer le budget de la nation. On ne peut pas éviter ce rendez-vous !
Vous savez, c'est simple et si on vous présente les choses de façon plus compliquée, c'est parce qu'on ne veut pas vous les dire. Le budget, c'est très simple, 45 % représentent les salaires et les pensions dans la fonction publique et vous rajoutez 15 % qui représente la dette, ça fait 60 % ! Alors si on ne réduit pas les emplois publics et si on ne réduit les déficits, comment peut-on équilibrer le budget de la Nation ?
Je ne dis pas cela contre les uns parce que je suis persuadé que dans un pays comme le nôtre, la France moderne, nous avons besoin aussi de fonctionnaires. Et que la performance n'existe pas que dans le privé, elle existe aussi dans le public. Mais il faut faire des économies pour préparer l'avenir justement, et pour dégager des marges de manoeuvres. Sans marge de manoeuvre on ne pourra pas investir dans la recherche, dans les pôles de compétitivité.
Je regardais quelque chose qui m'interpellait : un grand nombre d'entreprises d'une certaine taille délocalisent ce qu'on appelle le " back office " - des missions répétitives de gestion, de feuilles de paie, j'y reviendrai - en Inde, au Maroc, ou ailleurs.
Mais moi je me demandais pourquoi l'on ne délocaliserait pas en France ?
Je m'explique, il y a des régions françaises qui sont économiquement sinistrées, il y a des zones entières où les hommes et les femmes ne peuvent pas retrouver de travail parce qu'il n'y a pas d'activité. Et bien si nous créions dans ces zones sinistrées des zones avec des avantages en terme d'exonérations sociales et fiscales, cela permettrait à des entreprises de délocaliser leurs emplois en France, et ça ne coûterait rien au budget de la Nation pour la raison simple que si nous ne faisons pas ça, nous n'aurions pas ces emplois.
C'est donc un système gagnant-gagnant, il n'y a pas de fatalité en la matière. Moi je n'ai rien contre à ce qu'on délocalise au bout du monde, à une seule condition : c'est que nous aussi nous puisions faire comme cela.
D'ailleurs je veux le dire parce que je le pense profondément : bien sûr que je crois à la concurrence, à l'ouverture des marchés, à la liberté. Mais nous ne devons pas être naïfs, nous ne pouvons faire l'ouverture de nos marchés et la concurrence que sur la base de réciprocité parfaite. Il n'y a aucune raison que nous ouvrions et que nos concurrents, eux, n'ouvrent pas. Parce que ça voudrait dire qu'on perd nos emplois sans en gagner chez les autres. Et cela, ce n'est pas acceptable, ça ne peut l'être.
Je prends l'exemple de l'Europe. L'Europe à 25, c'est une chance, c'est incontestable. Et les 10 nouveaux, c'est une opportunité pour nous, y compris pour vous, PME PMI. Mais je vois ce que font un certain nombre de pays qui ramènent dans ces 10 nouveaux leur taux d'imposition quasiment à zéro.
C'est leur droit, tant mieux et bonne chance, mais je n'accepte pas que dans le même temps, on ait ramené à zéro sa fiscalité et l'on se tourne vers nous pour nous demander de financer des fonds structurels pour eux, fonds que nous ne pouvons pas utiliser pour nos régions qui en auraient besoin. Parce que ça c'est pas de la concurrence loyale, c'est du dumping fiscal, c'est du dumping social et je ne suis pas décidé à l'accepter !
Est-ce que je me fais comprendre ?
Je proposerai donc, car il faut garder la liberté pour chacun, d'avoir sa fiscalité. Vous voulez baisser vos impôts ? Tant mieux ! Mais si vous les diminuez en dessous d'une certaine moyenne, alors il sera convenu que vous ne pourrez plus accéder à des fonds structurels. Moi, je me demande bien comment on va expliquer aux Français que des emplois sont délocalisés en Europe de l'Est et que dans le même temps, on devra financer des fonds structurels que nous ne pourrons pas utiliser pour un certain nombre de nos régions.
Oui à la concurrence mais non à la concurrence déloyale ! Oui bien sûr à l'Europe mais à une Europe où chacun s'applique un minimum de règles, sinon c'est la loi de la jungle ! Je veux dire d'ailleurs de ce point de vue et je terminerai si vous le voulez bien, par une ou deux choses comme cela.
On a beaucoup glosé sur le fait que j'ai osé intervenir - vous vous rendez compte - osé donné mon avis dans l'affaire Sanofi-Aventis, dans l'affaire Alstom.
Mais enfin, Mesdames et Messieurs, c'est pas un droit pour le ministre des Finances de la France d'intervenir, c'est un devoir. Quand deux grandes entreprises françaises n'arrivent pas à trouver les moyens de parler, est-ce que je devais rester les bras ballants ou est-ce que je devais essayer qu'ils parlent ?
Si Aventis avait été rachetée par l'autre grande société Novartis, cela voulait dire que Sanofi était rachetée, elle aussi, dans les 6 mois suivants. Et bien moi je ne me résous pas à ce que la France soit uniquement un parc de loisirs avec des banques et des compagnies d'assurance, même si les banques et les compagnies d'assurance, on en a besoin, il faut aussi une industrie, il faut aussi une activité multiple.
Pareil pour Alstom. Vous allez me dire Monsieur le Président, ce n'est pas une PME ! Oui, mais moi l'idée que je me fais des responsables des Petites et Moyennes Entreprises, c'est l'idée qu'on puisse évoquer devant eux des sujets qui les concernent, parce que derrière ces grandes boutiques, il y a combien de PME qui vivent ? Combien ?
Si demain, une grande entreprise qui fabrique des pneus ferme en Auvergne, il y a combien de petites entreprises derrière qui seront condamnées ? Quant à Monsieur Monti - j'ai dû batailler dur avec lui pour sauver Alstom -, je vais essayer de lui expliquer une chose : demain s'il n'y a plus que Siemens en Europe, où est la concurrence ? Avec qui vous la ferez la concurrence ?
J'aimerais qu'on m'explique ce qu'on doit dire à cette femme ou à cet homme qui travaille depuis 22 ans pour fabriquer le Queen Mary au chantier de l'Atlantique. Ce n'est pas rien de savoir faire ça ! Ou qui fabrique le TGV, ce n'est pas rien de savoir faire ça ! De lui dire du jour au lendemain : "tu ne vaux plus rien, à la casse !"
Je parlais avec des économistes avant-hier. Il y en a un qui a osé me dire : "vous savez, vous vous donnez beaucoup de mal pour les délocalisations mais ça n'a aucun intérêt". J'ai dit : continuez ! Il a pris un risque, il a continué. Parce que vous savez, ils ne s'écoutent qu'eux-mêmes. Il m'a dit " c'est de l'écume les emplois qui se suppriment, il y en a d'autres qui se créent ". C'est faux : les emplois qui se créent, ce n'est pas pour les mêmes et pas pour les mêmes régions. Et l'on peut être pour la liberté de choix, croire en l'économie de marché et demeurer un être humain.
Le premier dossier que j'ai reçu en arrivant à Bercy, c'était un dossier sur Alstom. Parfait ! Les additions étaient exactes et il concluait qu'il n'y avait rien à faire. J'ai demandé au rédacteur de venir me voir, il savait tout. On lui avait tout appris. Je lui ai dit " vous allez refaire le dossier monsieur. Il n'y aura qu'un détail qui va changer : vous imaginez que c'est votre père ou votre mère qui travaille depuis 20 ans à Alstom. Venez me raconter la même histoire après. "
Parce que vous savez dans les PME et les PMI, il y a une grande différence avec les grandes entreprises. La France a besoin des deux. Mais qu'un patron de PME PMI, il connaît tous ses collaborateurs et il doit les regarder dans les yeux quand il prend une décision, et bien cela change beaucoup quand on parle les yeux dans les yeux à quelqu'un, au lieu d'annoter un papier en disant " allez-y ".
Ce n'est pas la même chose et voilà pourquoi je suis à l'aise avec vous, parce que nous partageons les mêmes valeurs : pour être efficace, il faut en même temps être humain, et ça c'est une réalité que malheureusement, on a souvent oublié.
Pour répondre à votre dernière question, monsieur le Président, la feuille de paie, c'est invraisemblable, c'est comme la feuille d'impôts.
Alors qu'est-ce qu'on va essayer de faire avec ça ? D'abord, je vous propose qu'on mette en place tout de suite les conditions d'un chantier interministériel sur la simplification de la feuille de paie. Faites-nous des propositions avec une méthode. Et je vous propose qu'elle soit la nôtre.
Une bonne idée, c'est une idée que l'on retient tout de suite, une mauvaise idée, c'est une idée dont on ne parle plus jamais. Soit l'idée est bonne et on la réalise, soit l'idée n'est pas bonne et on arrête d'en parler.
C'est exactement ce que j'ai fais pour les pôles de compétitivité. J'ai reçu le rapport de Christian Blanc, il y a un mois, et bien les conséquences en seront dans le projet de loi de finances pour 2005, présenté en septembre.
Je vous propose la même stratégie pour la feuille de paie ou pour tout autre débat que vous souhaiteriez que nous ayons. Pareil pour la feuille d'impôts. Je fais travailler les services sur une idée qui me parait très porteuse qui est la feuille d'impôts pré remplie.
Le prélèvement à la source est un débat éternel depuis des années qui se heurte à beaucoup de problèmes : par exemple, la simplification.
On peut déduire de ses impôts une partie de ses cotisations politiques ou syndicales. Si c'est le chef d'entreprise qui fait votre déclaration dans le prélèvement à la source, qu'est-ce que vous avez envie de lui dire ? Oui, pour la CGPME ce n'est pas gênant, mais pour d'autres ? En revanche, nous devons aller plus vite et c'est ce que j'ai demandé au service sur l'élaboration d'une feuille d'impôts pré remplie.
Entre le prélèvement automatique et la feuille d'impôts pré remplie, je crois qu'on a là une posture de simplification. Et vous avez raison, Monsieur le Président, tout le monde est exaspéré par cette complication. Je vous propose qu'on en parle moins et qu'on agisse davantage. Et si vous le voulez bien, moi je suis prêt à inscrire dès le projet de loi de finances 2005, tout ce sur quoi nous aurons pu travailler cet été et qui vous préoccupe.
Vous voyez et j'en terminerai par là chers amis, je n'ai pas changé entre le ministère de Intérieur et le ministère des Finances.
Je crois à deux choses : la première, c'est que je crois à la passion. Il faut mettre davantage d'engagement dans tout ce que nous faisons. Parce que si nous nous n'y croyons pas, personne ne le croira pour nous.
Et la deuxième chose à laquelle je crois, c'est qu'il est urgent de réconcilier notre pays avec le succès, avec la réussite, avec l'initiative, et avec la prise de risques. Dire aux Français qu'on peut réussir en France, qu'on n'a pas besoin de s'expatrier pour réussir et pour construire sa vie, et leur donner des preuves !
C'est ça un pays moderne, un pays qui fait toute sa place à ceux qui veulent prendre davantage de risques, sans menacer ceux, et c'est leur droit, qui n'ont pas envie de les prendre. En fait, quelle est la situation ?
Dès que l'un d'entre vous échoue, il est marqué comme au fer rouge : il a échoué. Et alors ? Lesquels parmi nous ne savent pas que la vie est faite d'échecs et de réussites, et que même parfois on apprend de ses échecs ? Je suis un spécialiste. Vous savez quand on a été beaucoup sifflé, ça aide à garder les pieds sur terre quand on est un peu applaudi. Et bien, on devrait prendre beaucoup plus de distance par rapport à l'échec, dans notre société. Et il n'y a rien de plus urgent que de donner une autre chance à celui que la vie a obligé à mettre un genou à terre, qui s'est trompé dans son projet d'entreprise, qui s'est trompé dans le choix de son commerce ou de son artisanat. Peu importe, il a essayé, il a tenté, il a essayé de faire bouger les montagnes, et c'est ça qui est important !
Et un pays a besoin de quoi ? Qu'une part sans cesse croissante de ces concitoyens prennent des risques, bâtissent des projets, espèrent dans l'avenir. Je le vois, y compris sur la question du surendettement. Il faut encourager les Français à construire des projets et à emprunter. C'est une formidable preuve de confiance dans l'avenir. On pense que sa vie va s'améliorer, on ne peut pas simplement n'être que des épargnants qui thésaurisent en se disant " Mon Dieu, le ciel va nous tomber sur la tête dans quelques années ". C'est ça un pays qui bouge !
Ecoutez, je n'étais pas fatigué en sortant de Beauvau, je ne le suis pas davantage à Bercy.
Merci.
(source http://www.cgpme.fr, le 26 juillet 2004)
Je voudrais d'abord vous remercier de m'inviter, bien que je sois entre temps devenu ministre de l'Economie. Si j'ai bien compris, le Président m'engage à devenir adhérent de la CGPME... Avec plaisir, mais je vous promets, je ne penserai pas à la présidence... de la CGPME. C'est un engagement pour la CGPME !
Mesdames et Messieurs,
Comme tout ministre des Finances, on m'a préparé un discours, je vous le laisserai par l'intermédiaire de votre président, et si vous le permettez, je voudrais m'en éloigner pour vous parler franchement et simplement, sur la situation qui est la nôtre et sur la façon dont on peut répondre aux défis.
D'abord, vous avez bien voulu dire, monsieur le Président, que ma tâche n'était pas facile. Raison de plus pour multiplier les initiatives. C'est justement parce qu'il n'y a pas de marge de manoeuvre, qu'il faut par l'action et par le volontarisme, en dégager pour apporter des réponses.
Je crois que la première raison qui explique le désintérêt d'une partie de nos compatriotes pour la politique, c'est cette espèce de chape de plomb du fatalisme, les gens se demandant si la politique finit par servir à quelque chose. Si on nous met là où nous sommes, c'est justement pour agir et non pas pour dire que c'est difficile. Est-ce qu'il y a quelque chose à faire ? Oui. Est-ce que tout a été tenté ? Non.
Est-ce qu'il faut lever un certain nombre de tabous, la pensée unique qui participe à une idée que je conteste : " On ne peut pas dire toute la vérité aux Français parce qu'ils ne la comprendraient pas ". Ce sont au contraire des Français exaspérés qu'on ne leur dise pas toute la vérité sur des sujets qu'ils sont parfaitement capables par ailleurs d'appréhender.
Vous m'avez interpellé sur un certains nombre de questions. Je vais y répondre.
D'abord la question des 35 heures. Moi, j'essaie sur les 35 heures de ne pas avoir une réaction idéologique car c'est la meilleure façon de bloquer tout. Je me contenterai de deux remarques. Mais dans mon esprit, elles ont du poids.
Les 35 heures d'abord, ce fut une erreur au regard de la valeur du travail. Un pays comme le nôtre n'a pas besoin d'allocations en plus mais de travail en plus, et il n'y a pas une société à qui on puisse promettre le progrès en travaillant moins. Je connais parfaitement l'évolution du temps de travail au regard de l'histoire de notre pays, et cette évolution est incontournable. Et ce qui est choquant, ce n'est pas que des gens veulent travailler moins, ce qui est choquant c'est qu'on ait voulu empêcher ceux de nos compatriotes qui veulent gagner davantage de pouvoir travailler davantage. C'est cela qui est choquant.
La deuxième remarque que je me permettrai de faire, c'est que la France n'a pas les moyens de consacrer 16 milliards d'euros par an de façon récurrente, presque 100 milliards de francs, plus de 100 milliards de francs, pour empêcher les gens de travailler. Nous sommes le seul pays au monde qui consacre une telle somme d'argent pour se donner tant de mal, alors qu'on a besoin de tellement de travail, pour que les gens ne travaillent pas !
Imaginez ce qu'on pourrait faire avec ces 16 milliards d'euros : des hôpitaux, des routes, des infrastructures, des TGV, des moyens pour la recherche, des abaissements de fiscalité...
Quel est le seul pays au monde qui s'est donné ces boulets aux pieds : payer 16 milliards d'euros définitivement, chaque année, pour qu'il y ait moins de travail ? Sans faire de politique et sans faire d'idéologie, c'est quand même une idée curieuse. Je ne me souviens pas qui a eu cette idée, mais elle n'était pas très bonne.
Alors maintenant, est-ce qu'on peut s'en sortir ?
Evidemment, c'est la question que vous attendez. Moi, je crois que oui. Comment peut-on s'en sortir, monsieur le Président ? Je crois d'ailleurs, et vous avez employé un mot qui est très important, c'est le mot choix. Et bien, voyez-vous, je pense que ce mot choix est plus compréhensible pour nos compatriotes que le mot liberté. Car la liberté, au fil des années, est vécue par une partie de nos compatriotes comme la liberté du fort au faible. C'est donc un mot qui a fini par inquiéter, alors que dans une société moderne chacun doit pouvoir choisir au maximum le rythme de sa vie.
Il faut donc engager un débat et un dialogue sur la question des 35 heures de la façon suivante : " Que ceux qui veulent rester aux 35 heures y restent, que ceux qui veulent sortir des 35 heures pour gagner davantage puissent le faire ! ". Ça c'est le libre choix. C'est une société moderne !
Ainsi on pourrait parfaitement garder les 35 heures comme durée hebdomadaire pour ne pas lancer la France dans un de ces débats idéologiques qu'elle adore, qui stérilise tout et qui condamne tout le monde à l'immobilisme.
Et en même temps, laisser le libre choix à ceux qui veulent travailler davantage de pouvoir le faire.
Avec tout le dialogue que nous pourrions avoir, il faut supprimer toute forme de taxation sur les heures supplémentaires. Je ne vois vraiment pas pourquoi on devrait pénaliser un entrepreneur qui veut donner davantage de travail ou un salarié qui veut en faire davantage. C'est quand même curieux, dans une société qui a des vraies valeurs. On devrait plutôt récompenser celui qui donne davantage de travail ou celui qui veut en faire davantage, plutôt que de penser à le pénaliser.
Il y a la question des charges sociales qui pèsent sur les 35 heures.
Il y a la question du montant du salaire pour les heures supplémentaires. Et naturellement, monsieur le Président, s'agissant des engagements d'exonération pour l'augmentation du SMIC, puisque c'est un engagement de l'Etat, la parole de l'Etat doit être respectée.
Voyez-vous mesdames et messieurs, sur une question aussi sensible, où en général, c'est la chape de plomb et la pensée unique, moi j'ai un raisonnement très simple :
Si on considère que les 35 heures, ce n'était que du positif, alors il faut les garder !
Et si l'on considère que les 35 heures, comme je le pense, c'est beaucoup d'inconvénients, alors il ne faut pas craindre d'engager une réforme profonde. Ca s'appelle la franchise !
Je voudrais faire une deuxième remarque, car il y a là un certain nombre de présidents, d'organisations de chefs d'entreprises, de commerçants de l'hôtellerie, sur l'affaire de la TVA dans la restauration.
Je voudrais en dire un mot parce que j'ai entendu beaucoup d'inexactitudes, du moins de mon point de vue sur cette question.
D'abord, ceux d'entre vous qui travaillent dans la restauration et dans l'hôtellerie n'ont pas le sentiment de demander un avantage exorbitant - alors que ce sont des activités de services qui donnent de l'emploi à nombre de nos compatriotes - en demandant une TVA qui soit la même que celle de leurs concurrents qui ne donnent pas d'emploi à nos compatriotes.
Ce n'est quand même pas un avantage exorbitant que d'accorder l'égalité de concurrence entre une restauration qui a un service et donc de l'emploi, et une autre qui est tout à fait légitime, mais qui n'a pas de service et donc pas d'emploi. On aurait pu entendre d'ailleurs que la TVA la plus minorée soit sur celles et ceux d'entre vous qui donnent des emplois, pas sur ceux qui en donnent moins. En tous cas, dans un pays qui a le nombre de chômeurs que nous connaissons aujourd'hui.
J'ajoute que nous avons engagé avec la profession une discussion qui a abouti à un accord, qui me semble un accord juste, parce que s'il y a 70 000 offres d'emplois qui ne sont pas satisfaites, c'est parce que ces métiers sont durs, et que les salaires sont petits. Et donc la prime que nous allons donner va permettre d'augmenter les salaires, donc de rendre ces métiers dans l'hôtellerie et la restauration plus attractifs.
Cela en embête certains, mais c'est une mesure qui soutient l'entreprise, vos entreprises, et c'est en même temps une mesure sociale. Cela ne rentre pas dans les critères idéologiques habituels, et pourtant c'est ce que, avec la profession, on a réussi à faire. Et c'est un très bon exemple du mouvement de réforme, monsieur le Président, que je souhaite impulser dans notre pays.
Plutôt que de désigner des adversaires pour que tout le monde soit perdant, essayons d'additionner nos énergies, nos compétences, pour créer un mouvement formidable de réformes et de changements dans notre vieux pays qui en a besoin.
Le monde change, nous ne pouvons pas rester immobiles. Nous l'avons prouvé pour la restauration et pour l'hôtellerie.
Monsieur le Président, un sujet plus sensible encore. Je vous remercie d'avoir accepté de participer à l'accord sur la distribution. Là encore, les dés étaient pipés.
D'abord, on ne se parle pas entre différents partenaires. J'aimerais qu'on m'explique comment on peut résoudre les problèmes si on ne se rencontre pas. Deuxièmement, tout le monde était mécontent de la situation et personne ne voulait qu'elle bouge. Les agriculteurs pensaient que les prix auxquels on leur achetait les produits étaient trop faibles, et ils avaient raison. Les petits commerçants considéraient, et ils ont raison, que jamais il n'y en avait autant qui disparaissaient de nos centres-villes. Les PME considéraient que dans les linéaires, du fait des accords de gamme, ils n'avaient pas assez de place sur la grande distribution. Les marques considéraient que partout ailleurs cela reprenait, sauf en France. Les grandes surfaces considéraient qu'ils ne pouvaient pas négocier leurs prix. Et les consommateurs, qui depuis 1997 voient les prix augmenter plus que l'inflation en France, et plus que dans tous les autres pays de la Communauté européenne. Beau bilan !
Et bien, tenez-vous bien, et je parle sous le contrôle de votre Président, malgré ce bilan accablant, tout le monde me disait " Nicolas, tiens-toi tranquille, il n'y a rien à changer ! ". Et bien, écoutez monsieur le Président, continuons comme ça ! On ne changera rien sur rien, on cumulera tous les inconvénients, sans avoir les avantages. C'est pareil, remarquez, sur les 35 heures, on n'en parle pas ! "Ça va faire un problème".
Ce n'est pas parce qu'on ne parle pas des problèmes qu'on les résout ! Et bien moi, je vais vous le dire, ma philosophie d'action est simple : il n'y a pas de pire risque que celui qui consiste à ne pas en prendre. Je suis là pour prendre des initiatives, pour essayer de résoudre des problèmes, pour trouver des solutions, sans avoir une grille de lecture idéologique, mais pour essayer de mettre ensemble des énergies pour moderniser notre pays.
C'est ce que nous avons fait avec cet accord que vous avez signé. Bien sûr, ça n'a pas été simple. Il y a eu des nuits plus petites que d'autres, il y avait des gens plus ou moins enthousiastes. Mais à l'arrivée, vous étiez tous là et vous avez tous signé. Et qu'est-ce qu'on a obtenu ? D'abord, on a obtenu une chose qui est très juste, c'est que les prix des produits agricoles ne peuvent pas être définis comme les prix des grandes marques : on ne fixe pas le prix d'une bouteille de Coca Cola comme le prix d'un bien agricole. Parce que l'agriculture c'est une richesse, il y a des aléas, et on ne peut pas calculer les choses de la même façon. C'est la première fois que la distribution acceptait, en signant un accord, de reconnaître cette réalité.
La deuxième chose que nous avons obtenue, c'est qu'avec les accords de gamme pour les PME, pour ceux qui sont ici, ces accords de gamme qui permettent à de grandes marques de mettre tous leurs produits dans les linéaires, où sont les places pour les PME, pour les PMI et pour les produits régionaux ?
Ces accords de gamme, en grande partie, sont levés. Et qui va en profiter si ce n'est les PME et les PMI ? Parce que la PME, l'accord de gamme, ce n'est pas pour elle.
Troisième chose que nous avons obtenue, et je crois que c'est important.
Oui, les prix des 5 000 produits des grandes marques vont diminuer de 3 %. On me dit que ce n'est pas assez et je suis le premier à reconnaître que ce n'est pas assez ! Mais ceux qui me disent ça, qu'est-ce qu'ils ont fait avant ? Vous connaissez ce proverbe : " quand je m'ausculte, je m'inquiète, quand je me compare, je me rassure ". Franchement, je n'étais pas inquiet à l'arrivée monsieur le Président.
Et puis, j'ai demandé et nous allons le vérifier par la DGCRL et avec vous, qu'on ouvre aux produits régionaux, aux PME PMI. Ce n'est quand même pas moi qui ai inventé que 65 % des consommateurs vont dans des grandes surfaces, il faut qu'on comprenne ça. Ce sont les consommateurs qui en ont décidé.
Et à partir de ce moment-là, que veut-on ? Est-ce qu'on veut qu'il n'y ait que du hard discount en France ? Qu'est-ce que c'est que le hard discount ? Ce sont des produits qui viennent exclusivement de l'extérieur, que l'on met sur des palettes qu'on éventre, il n'y a même pas d'emplois créés. Peut-on avoir en même temps une distribution et des commerçants de centres-villes ? C'est ce que j'ai essayé de faire - autre élément de cet accord - en supprimant toute forme d'impôt sur les plus-values pour les ventes de fonds de commerce. Depuis combien de temps le demandiez-vous les uns et les autres ?
C'est un point sur lequel je veux dire un mot, car c'est un point qui me tient à coeur, monsieur le Président, non pas pour des raisons fiscales, mais pour les valeurs qui sont les nôtres. Qu'est-ce que c'est l'histoire d'un commerçant ou d'un artisan ? C'est l'histoire d'une femme ou d'un homme qui travaille toute sa vie, et qui joue sa retraite, au moment où il vend son fonds de commerce. S'il vend bien, il aura une retraite, s'il vend mal, sa vie de travail n'aura servi à rien. Et c'est la raison pour laquelle, j'ai voulu ces exonérations, sur les droits de mutation et sur les plus-values. Ça n'est que justice et ça permettra aux commerçants et artisans de vendre à des femmes et à des hommes de la même filière de métier.
En arrivant, j'entendais un intervenant et je me suis reconnu dans ce qu'il disait. Il disait " vous savez, on parle beaucoup d'argent quand on parle des chefs d'entreprise. Le chef d'entreprise, il peut avoir une vie confortable le jour où il est parti à la retraite ". Ce qu'il disait était plein de bon sens.
Et j'aurais rajouté autre chose : quand on a travaillé dur toute sa vie et qu'on a créé le patrimoine en terme d'entreprise qui est le sien, qu'est ce qu'il y a de plus beau que de vouloir le laisser à ses enfants sans être, au moment de la transmission, accablé d'impôts par un Etat, qui par ailleurs vous a déjà levé des impôts toute votre vie durant sur le fruit de votre travail ?
Ce n'est pas une petite question, ce n'est d'ailleurs, si vous me le permettez, pas simplement une question fiscale. J'aimerais - ce n'était pas du tout dans le discours - je m'éloigne, mais j'y crois beaucoup, j'aimerais qu'on réfléchisse à cela.
On parle toujours de la famille comme valeur principale et fondement de notre société. C'est vrai, mais qu'est ce que ça veut dire une politique familiale quand on ne peut pas transmettre à ses enfants le produit d'une vie de travail ?
Qu'est ce que c'est qu'une politique familiale, si ce n'est l'espérance que chacun d'entre nous peut obtenir, quelque soit notre place dans la hiérarchie sociale, que nos enfants aient un peu moins de mal que nous, qu'ils commenceront un peu plus haut que nous, et qu'ils réussiront un peu mieux que nous. Ca s'appelle la confiance dans l'avenir, c'est le sens d'une société !
Et plutôt que de pénaliser celles et ceux d'entres vous qui ont travaillé toute leur vie pour laisser à leurs enfants une partie de ce qu'ils ont créé, nous ferions mieux de mobiliser notre énergie à aider davantage ceux de nos compatriotes qui n'ont pas eu la chance d'avoir des parents qui ont travaillé toute leur vie. Plutôt que d'ennuyer les uns, on ferait mieux d'aider les autres ! Voila une société moderne, une société qui promeut au lieu d'être une société qui confisque !
Cela m'amène à un point qui est la réalité de mon occupation de ces jours-ci : la préparation du budget 2005.
Vous savez qu'au mois de juillet, j'arbitre les dépenses et au mois d'août, j'arbitrerai les recettes. Nous dépensons 100 milliards d'euros de plus de dépenses publiques que la moyenne des pays de la zone euro. On ne peut pas continuer comme ça ! Quand le président de la CGPME se tourne vers le ministre des Finances, en lui disant : "il faut baisser les impôts", mais vous avez parfaitement raison !
Mais pour baisser les impôts, il faut d'abord réduire les dépenses ! Et pour obtenir la réduction des dépenses, j'ai besoin que vous me souteniez ! Parce qu'une réduction d'impôts qui n'est pas gagée par une réduction de dépenses, et bien cela fait du déficit. Et le déficit, il y en a assez ! En 2003, la France a eu 25 % de dépenses en plus que de recettes, 25 % parce que l'affaire des 4 % par rapport au PIB, elle est fausse et je vais essayer de m'en expliquer.
Quand on compare le déficit du budget de la Nation à la richesse nationale, c'est un peu comme si le Président Roubaud allait voir son banquier, et lui disait : " bon, ce mois-ci, mon compte courant est déficitaire, mais c'est pas grave, parce que si vous additionnez mon compte courant aux comptes courants des voisins de mon immeuble, nous sommes tous ensemble créditeurs ! ".
Et bien c'est ça, la comparaison du budget de l'Etat avec la richesse nationale. Mais en vérité, ce que vous devez retenir, c'est qu'en 2003, il y a eu 25 % de dépenses de plus que de recettes.
Il y a une deuxième chose qu'il vous faut retenir : cela fait 23 ans consécutivement que le budget de l'Etat est présenté en déficit ! J'ai été nommé ministre des Finances pour essayer d'avoir une gestion sérieuse et raisonnable et bien c'est ce que je ferai. Cela veut dire deux choses :
- Le budget 2005 devra répondre à une augmentation zéro des dépenses, parce que nous dépensons trop et que cela ne peut pas continuer comme ça.
Je ne peux pas dire oui à toutes les demandes parce qu'à l'arrivée, c'est vous qui payez, et que ces déficits inquiètent les compatriotes.
- La deuxième chose que je veux dire, c'est qu'il y a un certain nombre de fonctionnaires qui partent en retraite et il faudra diminuer l'emploi public si nous voulons équilibrer le budget de la nation. On ne peut pas éviter ce rendez-vous !
Vous savez, c'est simple et si on vous présente les choses de façon plus compliquée, c'est parce qu'on ne veut pas vous les dire. Le budget, c'est très simple, 45 % représentent les salaires et les pensions dans la fonction publique et vous rajoutez 15 % qui représente la dette, ça fait 60 % ! Alors si on ne réduit pas les emplois publics et si on ne réduit les déficits, comment peut-on équilibrer le budget de la Nation ?
Je ne dis pas cela contre les uns parce que je suis persuadé que dans un pays comme le nôtre, la France moderne, nous avons besoin aussi de fonctionnaires. Et que la performance n'existe pas que dans le privé, elle existe aussi dans le public. Mais il faut faire des économies pour préparer l'avenir justement, et pour dégager des marges de manoeuvres. Sans marge de manoeuvre on ne pourra pas investir dans la recherche, dans les pôles de compétitivité.
Je regardais quelque chose qui m'interpellait : un grand nombre d'entreprises d'une certaine taille délocalisent ce qu'on appelle le " back office " - des missions répétitives de gestion, de feuilles de paie, j'y reviendrai - en Inde, au Maroc, ou ailleurs.
Mais moi je me demandais pourquoi l'on ne délocaliserait pas en France ?
Je m'explique, il y a des régions françaises qui sont économiquement sinistrées, il y a des zones entières où les hommes et les femmes ne peuvent pas retrouver de travail parce qu'il n'y a pas d'activité. Et bien si nous créions dans ces zones sinistrées des zones avec des avantages en terme d'exonérations sociales et fiscales, cela permettrait à des entreprises de délocaliser leurs emplois en France, et ça ne coûterait rien au budget de la Nation pour la raison simple que si nous ne faisons pas ça, nous n'aurions pas ces emplois.
C'est donc un système gagnant-gagnant, il n'y a pas de fatalité en la matière. Moi je n'ai rien contre à ce qu'on délocalise au bout du monde, à une seule condition : c'est que nous aussi nous puisions faire comme cela.
D'ailleurs je veux le dire parce que je le pense profondément : bien sûr que je crois à la concurrence, à l'ouverture des marchés, à la liberté. Mais nous ne devons pas être naïfs, nous ne pouvons faire l'ouverture de nos marchés et la concurrence que sur la base de réciprocité parfaite. Il n'y a aucune raison que nous ouvrions et que nos concurrents, eux, n'ouvrent pas. Parce que ça voudrait dire qu'on perd nos emplois sans en gagner chez les autres. Et cela, ce n'est pas acceptable, ça ne peut l'être.
Je prends l'exemple de l'Europe. L'Europe à 25, c'est une chance, c'est incontestable. Et les 10 nouveaux, c'est une opportunité pour nous, y compris pour vous, PME PMI. Mais je vois ce que font un certain nombre de pays qui ramènent dans ces 10 nouveaux leur taux d'imposition quasiment à zéro.
C'est leur droit, tant mieux et bonne chance, mais je n'accepte pas que dans le même temps, on ait ramené à zéro sa fiscalité et l'on se tourne vers nous pour nous demander de financer des fonds structurels pour eux, fonds que nous ne pouvons pas utiliser pour nos régions qui en auraient besoin. Parce que ça c'est pas de la concurrence loyale, c'est du dumping fiscal, c'est du dumping social et je ne suis pas décidé à l'accepter !
Est-ce que je me fais comprendre ?
Je proposerai donc, car il faut garder la liberté pour chacun, d'avoir sa fiscalité. Vous voulez baisser vos impôts ? Tant mieux ! Mais si vous les diminuez en dessous d'une certaine moyenne, alors il sera convenu que vous ne pourrez plus accéder à des fonds structurels. Moi, je me demande bien comment on va expliquer aux Français que des emplois sont délocalisés en Europe de l'Est et que dans le même temps, on devra financer des fonds structurels que nous ne pourrons pas utiliser pour un certain nombre de nos régions.
Oui à la concurrence mais non à la concurrence déloyale ! Oui bien sûr à l'Europe mais à une Europe où chacun s'applique un minimum de règles, sinon c'est la loi de la jungle ! Je veux dire d'ailleurs de ce point de vue et je terminerai si vous le voulez bien, par une ou deux choses comme cela.
On a beaucoup glosé sur le fait que j'ai osé intervenir - vous vous rendez compte - osé donné mon avis dans l'affaire Sanofi-Aventis, dans l'affaire Alstom.
Mais enfin, Mesdames et Messieurs, c'est pas un droit pour le ministre des Finances de la France d'intervenir, c'est un devoir. Quand deux grandes entreprises françaises n'arrivent pas à trouver les moyens de parler, est-ce que je devais rester les bras ballants ou est-ce que je devais essayer qu'ils parlent ?
Si Aventis avait été rachetée par l'autre grande société Novartis, cela voulait dire que Sanofi était rachetée, elle aussi, dans les 6 mois suivants. Et bien moi je ne me résous pas à ce que la France soit uniquement un parc de loisirs avec des banques et des compagnies d'assurance, même si les banques et les compagnies d'assurance, on en a besoin, il faut aussi une industrie, il faut aussi une activité multiple.
Pareil pour Alstom. Vous allez me dire Monsieur le Président, ce n'est pas une PME ! Oui, mais moi l'idée que je me fais des responsables des Petites et Moyennes Entreprises, c'est l'idée qu'on puisse évoquer devant eux des sujets qui les concernent, parce que derrière ces grandes boutiques, il y a combien de PME qui vivent ? Combien ?
Si demain, une grande entreprise qui fabrique des pneus ferme en Auvergne, il y a combien de petites entreprises derrière qui seront condamnées ? Quant à Monsieur Monti - j'ai dû batailler dur avec lui pour sauver Alstom -, je vais essayer de lui expliquer une chose : demain s'il n'y a plus que Siemens en Europe, où est la concurrence ? Avec qui vous la ferez la concurrence ?
J'aimerais qu'on m'explique ce qu'on doit dire à cette femme ou à cet homme qui travaille depuis 22 ans pour fabriquer le Queen Mary au chantier de l'Atlantique. Ce n'est pas rien de savoir faire ça ! Ou qui fabrique le TGV, ce n'est pas rien de savoir faire ça ! De lui dire du jour au lendemain : "tu ne vaux plus rien, à la casse !"
Je parlais avec des économistes avant-hier. Il y en a un qui a osé me dire : "vous savez, vous vous donnez beaucoup de mal pour les délocalisations mais ça n'a aucun intérêt". J'ai dit : continuez ! Il a pris un risque, il a continué. Parce que vous savez, ils ne s'écoutent qu'eux-mêmes. Il m'a dit " c'est de l'écume les emplois qui se suppriment, il y en a d'autres qui se créent ". C'est faux : les emplois qui se créent, ce n'est pas pour les mêmes et pas pour les mêmes régions. Et l'on peut être pour la liberté de choix, croire en l'économie de marché et demeurer un être humain.
Le premier dossier que j'ai reçu en arrivant à Bercy, c'était un dossier sur Alstom. Parfait ! Les additions étaient exactes et il concluait qu'il n'y avait rien à faire. J'ai demandé au rédacteur de venir me voir, il savait tout. On lui avait tout appris. Je lui ai dit " vous allez refaire le dossier monsieur. Il n'y aura qu'un détail qui va changer : vous imaginez que c'est votre père ou votre mère qui travaille depuis 20 ans à Alstom. Venez me raconter la même histoire après. "
Parce que vous savez dans les PME et les PMI, il y a une grande différence avec les grandes entreprises. La France a besoin des deux. Mais qu'un patron de PME PMI, il connaît tous ses collaborateurs et il doit les regarder dans les yeux quand il prend une décision, et bien cela change beaucoup quand on parle les yeux dans les yeux à quelqu'un, au lieu d'annoter un papier en disant " allez-y ".
Ce n'est pas la même chose et voilà pourquoi je suis à l'aise avec vous, parce que nous partageons les mêmes valeurs : pour être efficace, il faut en même temps être humain, et ça c'est une réalité que malheureusement, on a souvent oublié.
Pour répondre à votre dernière question, monsieur le Président, la feuille de paie, c'est invraisemblable, c'est comme la feuille d'impôts.
Alors qu'est-ce qu'on va essayer de faire avec ça ? D'abord, je vous propose qu'on mette en place tout de suite les conditions d'un chantier interministériel sur la simplification de la feuille de paie. Faites-nous des propositions avec une méthode. Et je vous propose qu'elle soit la nôtre.
Une bonne idée, c'est une idée que l'on retient tout de suite, une mauvaise idée, c'est une idée dont on ne parle plus jamais. Soit l'idée est bonne et on la réalise, soit l'idée n'est pas bonne et on arrête d'en parler.
C'est exactement ce que j'ai fais pour les pôles de compétitivité. J'ai reçu le rapport de Christian Blanc, il y a un mois, et bien les conséquences en seront dans le projet de loi de finances pour 2005, présenté en septembre.
Je vous propose la même stratégie pour la feuille de paie ou pour tout autre débat que vous souhaiteriez que nous ayons. Pareil pour la feuille d'impôts. Je fais travailler les services sur une idée qui me parait très porteuse qui est la feuille d'impôts pré remplie.
Le prélèvement à la source est un débat éternel depuis des années qui se heurte à beaucoup de problèmes : par exemple, la simplification.
On peut déduire de ses impôts une partie de ses cotisations politiques ou syndicales. Si c'est le chef d'entreprise qui fait votre déclaration dans le prélèvement à la source, qu'est-ce que vous avez envie de lui dire ? Oui, pour la CGPME ce n'est pas gênant, mais pour d'autres ? En revanche, nous devons aller plus vite et c'est ce que j'ai demandé au service sur l'élaboration d'une feuille d'impôts pré remplie.
Entre le prélèvement automatique et la feuille d'impôts pré remplie, je crois qu'on a là une posture de simplification. Et vous avez raison, Monsieur le Président, tout le monde est exaspéré par cette complication. Je vous propose qu'on en parle moins et qu'on agisse davantage. Et si vous le voulez bien, moi je suis prêt à inscrire dès le projet de loi de finances 2005, tout ce sur quoi nous aurons pu travailler cet été et qui vous préoccupe.
Vous voyez et j'en terminerai par là chers amis, je n'ai pas changé entre le ministère de Intérieur et le ministère des Finances.
Je crois à deux choses : la première, c'est que je crois à la passion. Il faut mettre davantage d'engagement dans tout ce que nous faisons. Parce que si nous nous n'y croyons pas, personne ne le croira pour nous.
Et la deuxième chose à laquelle je crois, c'est qu'il est urgent de réconcilier notre pays avec le succès, avec la réussite, avec l'initiative, et avec la prise de risques. Dire aux Français qu'on peut réussir en France, qu'on n'a pas besoin de s'expatrier pour réussir et pour construire sa vie, et leur donner des preuves !
C'est ça un pays moderne, un pays qui fait toute sa place à ceux qui veulent prendre davantage de risques, sans menacer ceux, et c'est leur droit, qui n'ont pas envie de les prendre. En fait, quelle est la situation ?
Dès que l'un d'entre vous échoue, il est marqué comme au fer rouge : il a échoué. Et alors ? Lesquels parmi nous ne savent pas que la vie est faite d'échecs et de réussites, et que même parfois on apprend de ses échecs ? Je suis un spécialiste. Vous savez quand on a été beaucoup sifflé, ça aide à garder les pieds sur terre quand on est un peu applaudi. Et bien, on devrait prendre beaucoup plus de distance par rapport à l'échec, dans notre société. Et il n'y a rien de plus urgent que de donner une autre chance à celui que la vie a obligé à mettre un genou à terre, qui s'est trompé dans son projet d'entreprise, qui s'est trompé dans le choix de son commerce ou de son artisanat. Peu importe, il a essayé, il a tenté, il a essayé de faire bouger les montagnes, et c'est ça qui est important !
Et un pays a besoin de quoi ? Qu'une part sans cesse croissante de ces concitoyens prennent des risques, bâtissent des projets, espèrent dans l'avenir. Je le vois, y compris sur la question du surendettement. Il faut encourager les Français à construire des projets et à emprunter. C'est une formidable preuve de confiance dans l'avenir. On pense que sa vie va s'améliorer, on ne peut pas simplement n'être que des épargnants qui thésaurisent en se disant " Mon Dieu, le ciel va nous tomber sur la tête dans quelques années ". C'est ça un pays qui bouge !
Ecoutez, je n'étais pas fatigué en sortant de Beauvau, je ne le suis pas davantage à Bercy.
Merci.
(source http://www.cgpme.fr, le 26 juillet 2004)