Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec grand plaisir que j'ouvre aujourd'hui ce colloque sur la mobilisation positive des acteurs publics et privés en faveur de l'accès aux marchés par les PME innovantes. Je souhaite d'abord remercier tout particulièrement le comité Richelieu et l'ANVAR, co-organisateurs de cette journée.
Pour introduire vos débats, je voudrais brièvement essayer de répondre à une double question :
- pourquoi se mobiliser pour les PME innovantes ?
- et pourquoi parler de mobilisation positive ?
1. Tout d'abord, il faut se mobiliser parce que les PME innovantes constituent un levier de croissance essentiel pour notre économie
Les PME européennes et françaises se développent moins vite et plus rarement que leurs homologues américaines. Or ce sont elles, plus encore que les grands groupes, les vecteurs les plus puissants de l'innovation.
C'est une réalité qu'on ne peut sous-estimer puisque l'on sait que l'innovation et les changements technologiques ont un rôle déterminant dans la croissance économique : plus de la moitié de la croissance totale de la production dans les pays développés peut être attribuée au progrès technologique.
Pour favoriser l'innovation, il faut promouvoir de nouvelles connaissances scientifiques, mais aussi leur application sous forme de nouveaux produits et de nouveaux processus de production par les entreprises et notamment par des PME innovantes.
Or l'Europe connaît une situation paradoxale : l'Europe et particulièrement la France se distinguent par un niveau élevé de recherche scientifique, mais elles connaissent un retard très significatif par rapport aux États-Unis en matière d'innovations appliquées et de R D. Ce retard s'explique en grande partie par la faiblesse de nos PME innovantes : les PME américaines assuraient, en 1998, 14 % des dépenses de R D, contre seulement 5 % pour les PME européennes.
Cette différence trouve notamment son origine dans la taille plus modeste des PME européennes : les entreprises de 10 à 500 personnes représentent 21 % des entreprises américaines contre seulement 13 % des entreprises françaises.
Pourquoi cette situation ? Parce que nos PME se développent moins vite et moins souvent que les PME américaines.
2) Face à cette situation, nous ne sommes pas restés inertes
Nous avons mené une politique de soutien à la création et au développement des entreprises innovantes.
Je ne citerai que quelques exemples des changements réalisés par ce gouvernement :
- nous avons créé un statut fiscal attractif pour les business angels, avec la Société Unipersonnelle d'Investissement à Risque, la SUIR. Les business angels jouent un rôle bien souvent décisif au démarrage des projets.
- Nous avons créé un statut très favorable aux start up qui innovent, avec la Jeune Entreprise Innovante. La Jeune Entreprise Innovante, c'est 8 ans d'exonérations de charges fiscales et sociales pour les entreprises qui réalisent des dépenses de R D qui représentent plus de 15 % de leur chiffre d'affaires.
- Nous avons demandé aux assureurs de s'engager à financer davantage nos PME non cotées : d'ici 2007, ils devront injecter 6 M d'euros dans cette catégorie d'entreprises.
- Nous avons créé un interlocuteur unique pour les PME qui devra assurer un service d'accompagnement complet, et assurer la continuité du financement des PME, de la création d'entreprise à l'introduction en bourse, en regroupant l'ANVAR et la BDPME.
- Nous nous sommes engagés soutenir les pôles de compétitivité de dimension internationale sur notre territoire, qui fédèrent autour d'un projet innovant des entreprises, des laboratoires de recherche et des centres de formation d'un même secteur. En se rassemblant, comme à Crolles, de cette manière, nous serons plus innovants, et plus compétitifs.
3) Pourtant, nous pouvons faire plus
Des handicaps demeurent : les entreprises innovantes souffrent notamment des difficultés d'accès à la commande des grands donneurs d'ordre publics et privés. Elles ne bénéficient pas d'un accès privilégié à la commande publique.
D'abord, parce que les relations entre les grands comptes et les PME innovantes ne vont pas toujours de soi :
o Dans des domaines à fort contenu innovant, il est parfois difficile pour les grandes entreprises d'identifier au bon moment les PME disposant de compétences, de produits ou de services susceptibles d'apporter une valeur ajoutée.
o Les jeunes entreprises souffrent de leur absence de références qui peut amener des acheteurs et notamment des acheteurs publics à les exclure a priori, même lorsqu'elles apportent une solution compétitive.
o Enfin, dans un environnement économique de plus en plus contraint, les grands comptes sont amenés à globaliser leur demande afin de diminuer les coûts, ce qui peut conduire de fait à écarter les PME.
Ensuite, parce que la transposition d'un dispositif de discrimination positive en faveur des PME comparable à celui du Small Business Act américain est incompatible avec notre système juridique.
4) Pour améliorer l'accès des PME à la commande publique et privée, la mobilisation positive constitue une réponse adaptée
Aux Etats-Unis, la Small Business Administration fixe des objectifs de part annuelle de commandes publiques attribuées aux PME. A l'heure actuelle 23 % des contrats directs et 40 % de la sous-traitance doivent ainsi être attribués aux PME.
Il existe également le programme SBIR, ou Small Business Innovation Research, qui vise à ce que les ministères et les agences qui bénéficient des budgets de R D les plus importants, je veux parler des ministères de la défense et de la santé et de la NASA, réservent 2,5 % de leurs crédits aux PME.
Ces programmes ne sont pas transposables en France. Les directives européennes et le code des marchés publics interdisent la discrimination positive en faveur des PME.
Le droit communautaire permet toutefois de prévoir des dispositions en matière de sous-traitance, afin de favoriser l'accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics. Mais il n'existe pas de dispositions opérationnelles en ce sens dans les nouvelles directives elles-mêmes ; c'est donc aux Etats membres qu'il appartient de leur donner corps.
Nous l'avons fait dans l'ordonnance sur les contrats de partenariat public privé, qui a été rédigée en concertation avec les services de la Commission européenne. Nous avons, en effet, introduit une disposition concernant la part d'exécution du contrat que le candidat s'engage à confier à des petites et moyennes entreprises et à des artisans. C'est un premier pas.
Nous le ferons de nouveau, en introduisant la même disposition dans le code des marchés publics, à la faveur de la transposition qui doit être conduite dans le droit français des nouvelles directives européennes sur les marchés publics.
Une mesure de discrimination positive en faveur des PME pose également problème au regard des dispositions de l'Accord plurilatéral sur les marchés publics, dans le cadre de l'OMC qui l'exclut expressément.
Toutefois, force est de constater que certaines parties à l'Accord ont maintenu l'exception à leurs engagements de "marchés réservés aux petites entreprises et aux entreprises détenues par des minorités". Dans le cadre de la révision actuellement en cours de cet accord, le statut d'une telle réserve aurait, à tout le moins, lieu d'être examiné au regard du principe de la réciprocité des engagements des parties.
Il n'est pas légitime que certaines parties, s'en tenant à la lettre du texte, s'interdisent toute initiative nationale pour favoriser l'accès des PME à la commande publique, tandis que d'autres n'entendent pas renoncer aux réserves qu'elles ont prises en la matière. Cette possibilité aurait donc lieu d'être étendue à l'ensemble des parties à la faveur de la révision actuelle de l'Accord.
Si le droit peut évoluer, il nous faut donc aujourd'hui privilégier une démarche volontariste des grands acheteurs en faveur des PME innovantes. La démarche de mobilisation positive, qui va être lancée à l'occasion de ce colloque, ne vise pas à discriminer les PME au détriment des grandes entreprises, mais à corriger les défaillances du marché qui pénalisent les PME. Elle permet d'élargir la concurrence en permettant à des entreprises dynamiques, réactives et porteuses de gains de compétitivité d'accéder aux marchés des grands comptes publics et privés.
Ce n'est donc pas une démarche contraignante, mais une démarche incitative. Elle vise à faire tomber les barrières qui limitent la concurrence et à aider les grands comptes à renforcer leurs relations avec les meilleures PME innovantes. Elle est proposée non seulement aux grands comptes publics, mais également aux grandes entreprises privées.
Je vous propose notamment de vous mobiliser autour d'un "Pacte PME", visant à mettre en place des programmes et des outils facilitant les relations avec les PME innovantes.
Ces programmes et outils devront permettre :
o d'informer les PME innovantes sur les commandes des grands comptes,
o d'inciter les grands comptes à faire appel aux PME innovantes et les aider à identifier celles qui peuvent répondre à leurs besoins,
o de sécuriser les achats effectués par les grands comptes auprès des PME innovantes : ainsi une réflexion doit aboutir en matière de garanties de qualité de l'offre et de garanties financières notamment.
o de développer les échanges de bonnes pratiques.
La nouvelle agence en charge des PME, qui regroupe l'ANVAR et la BDPME, contribuera à atteindre ces objectifs, tout en ayant un rôle d'animation et de mise en contact des partenaires.
Par ailleurs, pour que cette démarche puisse être poursuivie, ses résultats devront être connus : des indicateurs de résultats en matière d'accès des PME à la commande des grands comptes seront donc établis et publiés. A cet effet, un observatoire économique de l'achat public, prévu par le code des marchés publics, va être mis en place.
Ce programme est ambitieux, mais il est réalisable grâce à la volonté commune, qui s'exprime ici, de l'ensemble des partenaires publics et privés.
Au total, je veux souligner les effets bénéfiques de cette démarche de " mobilisation positive ". Elle prend en compte les intérêts de toutes les parties prenantes. Elle améliorera l'accès des PME innovantes aux grands comptes. Elle permettra aussi aux meilleures PME d'étendre leurs marchés et de se développer dans de bonnes conditions. Elle devrait donc contribuer significativement au progrès de la compétitivité de notre économie.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 2 décembre 2004)