Déclaration de M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État, sur le cadrage de la négociation salariale dans la fonction publique, Paris le 8 novembre 2004.

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Circonstance : Ouverture de la négociation salariale 2004 dans la fonction publique, à Paris le 8 novembre 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous recevoir à nouveau aujourd'hui pour évoquer un sujet dont je connais l'importance pour vous et pour les agents publics, qu'ils soient salariés de l'Etat, des collectivités locales ou des hôpitaux : les rémunérations dans la fonction publique.
Lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois, au mois d'avril dernier, vous m'avez tous indiqué votre attachement à ce que le dialogue social puisse reprendre sur la question des salaires dans la fonction publique.
J'ai transmis votre demande au Premier ministre et je l'ai même appuyée. Pourquoi ? Parce que l'existence d'un dialogue constructif sur les rémunérations, entre partenaires sociaux me semble légitime, justifiée et même probablement nécessaire pour assurer, dans la durée, un bon fonctionnement de l'administration et des services publics.
Légitime d'abord, parce qu'il est légitime que l'Etat ait régulièrement un échange avec ses partenaires sociaux ne serait-ce que pour entendre leurs attentes, leurs demandes au moment où il définit sa politique salariale.
Cette légitimité, je vous ai d'ailleurs proposé de la concrétiser en créant un rendez-vous annuel obligatoire sur les salaires dans le cadre de notre négociation sur la rénovation du dialogue social dans la fonction publique.
Justifiée ensuite, parce qu'au moment où le Premier ministre s'est engagé personnellement dans une lutte contre la vie chère, il serait injuste que les fonctionnaires soient les seuls à ne pas profiter des fruits de la croissance.
Nécessaire enfin, parce que ce que veulent les Français, ce sont des services publics performants et donc des fonctionnaires compétents, efficaces, motivés. Or comment peut-on atteindre ce résultat si les agents sont démotivés parce qu'ayant le sentiment que leurs efforts ne sont pas reconnus et rétribués à leur juste valeur ?
La politique salariale est pour tout employeur un élément essentiel de sa gestion des ressources humaines.
L'Etat et les collectivités publiques ne pourront pas éternellement échapper à cette règle.
Voilà pourquoi nous nous retrouvons donc aujourd'hui pour ouvrir ce rendez-vous salarial que vous avez tous appelés de vos voeux.
En préparant cette réunion de cadrage et notamment le dossier salarial qui vous a été remis en début de réunion, j'ai été frappé par un certain nombre de constats que je souhaite vous faire partager.
J'ai d'abord été frappé de constater que la fiche de paye moyenne des fonctionnaires progresse en règle générale chaque année entre 3 et 4 %, soit beaucoup plus que l'inflation moyenne.
La politique salariale de l'Etat semble donc non seulement garantir le pouvoir d'achat des fonctionnaires mais au-delà, elle leur en distribue chaque année un peu plus en fonction de la situation économique et financière du pays : certaines années, elle en distribue beaucoup, d'autres années lorsque la situation est mauvaise, elle en distribue moins.
Pourtant, aucun accord salarial n'a pu être trouvé entre un gouvernement et les fédérations représentatives de la fonction publique depuis 1998. Et la question des salaires reste un sujet de revendication principal pour les organisations syndicales et un sujet de préoccupation pour les agents.
Il y a indéniablement un décalage entre la perception des employeurs publics et celle des représentants des fonctionnaires. Il me paraît difficile de bâtir un dialogue salarial constructif et productif sans identifier et essayer de surmonter cette difficulté.
Comme je vous l'ai déjà indiqué, je n'imposerai aucun préalable méthodologique à notre discussion sur le fond, mais il me semble essentiel que nous allions ensemble le plus loin possible dans l'analyse du constat de ce que sont les rémunérations des fonctionnaires aujourd'hui.
J'ai par ailleurs noté les sujets de préoccupation que vous avez exprimés dans votre récente déclaration commune : revalorisation du point fonction publique, mesures en faveur des bas salaires, amplitude des grilles, blocage des carrières. Je ne sais pas si nous pourrons avancer sur tous les sujets dans le cadre de ce rendez-vous salarial, mais je tiens à vous dire que je n'ai à ce stade ni a priori, ni tabou et que je suis prêt à entendre vos arguments et vos priorités sur l'ensemble de ces sujets avant de définir quel sera le périmètre exact de nos discussions.
En tout état de cause, je tiens à redire qu'il est essentiel que les décisions qui seront prises in fine soient éclairées par un constat objectif et complet.
Il est d'autres éléments que nous devons garder présents à l'esprit tout au long de notre discussion : ce sont les contraintes fortes qui pèsent sur les finances publiques, que ce soit celles de l'Etat, des hôpitaux ou des collectivités locales.
Pour ce qui concerne l'Etat, les marges de manoeuvre sont réduites, vous le savez, par quatre contraintes essentielles :
- les deux premières sont d'un côté la dette dont la charge pèse à hauteur de 14 % dans le budget de l'Etat en 2004 contre 10 % en 1990 (et cette tendance se poursuit) et de l'autre, les charges de pensions des fonctionnaires qui s'accroissent de plus en plus vite selon une tendance de près de 5 % par an.
- les deux autres contraintes sont liées aux grands axes de notre politique. D'un côté la maîtrise des impôts qui reste un enjeu majeur pour le dynamisme de notre économie. De l'autre, les priorités données à la cohésion sociale (1 Md d'euros en 2005), à la société de l'intelligence (1000 emplois créés en 2005 dans l'enseignement supérieur), et au rétablissement du carré régalien diplomatie/ justice/ sécurité intérieure/ défense (1 Md d'euros en 2005 liés aux loi de programmation).
Vous allez peut-être me dire : Ne peut-on pas laisser filer la dette ? Ne peut-on pas augmenter les impôts ? Ne peut-on renoncer aux priorités du Président de la République et du Premier ministre ? A ces trois questions, je répondrai NON ! Et je pense que les fonctionnaires feraient de même parce qu'ils sont eux-mêmes citoyens, contribuables et usagers des services publics.
Mais si vous me posez la question : Doit-on sacrifier le pouvoir d'achat des fonctionnaires sur l'autel de ces contraintes ? A nouveau je vous répondrai NON, car ce ne serait injuste et à terme préjudiciable à la qualité du service public.
Mais nous ne pouvons pas faire abstraction de la situation des finances publiques. Ainsi, s'il est de la responsabilité des employeurs publics de dégager les moyens pour mettre en place une politique salariale juste, équitable et motivante pour les agents, il est de notre responsabilité collective de trouver les meilleurs leviers pour que ces moyens, nécessairement limités, soient utilisés de la façon la plus efficiente possible.
Notre première rencontre aujourd'hui se veut, comme je vous l'avais annoncé, une réunion de cadrage général au cours de laquelle je souhaite que, comme je viens de le faire, vous puissiez m'indiquer vos attentes générales ou particulières concernant nos discussions à venir dans les prochaines semaines.
Je vous propose ensuite de nous retrouver le 23 novembre, à 16h dans cette même salle, pour échanger sur la base du dossier que je vous ai remis et que Jacky Richard vous présentera tout à l'heure.
Je souhaite qu'au cours de cette deuxième réunion, nous puissions aller aussi loin que possible dans l'analyse de la réalité des rémunérations dans la fonction publique et que nous dégagions ensemble, si ce n'est un constat partagé, au moins quelques lignes fortes de consensus.
Je serai alors en mesure de vous annoncer les modalités de la poursuite de nos discussions. Mon objectif, en tout état de cause, est que le rendez-vous salarial qui s'ouvre aujourd'hui, le 8 novembre 2004, soit achevé avant les fêtes de fin d'année. Ni vous, ni moi, et encore moins les agents, n'avons intérêt à faire traîner ces discussions au-delà de la fin de l'année.
Avant de passer à la parole au Directeur général de l'administration et de la fonction publique, je vous propose de faire un tour de table pour que vous puissiez me faire-part de vos souhaits et attentes concernant ce rendez-vous salarial.
Je vous remercie.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 19 novembre 2004)