Déclaration de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur le projet de loi relatif à la politique de santé publique, au Sénat, le 13 janvier 2004.

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Circonstance : Première lecture du projet de loi relatif à la politique de santé publique, au Sénat, le 13 janvier 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Une loi fondatrice et moderne
Je suis particulièrement heureux que nous puissions nous retrouver à partir de ce soir pour débattre du texte de Loi de Santé Publique. Avec le développement de la médecine moderne, notre système de santé s'est en effet constitué ces dernières années autour d'une démarche essentiellement curative. Malgré les progrès majeurs en matière d'hygiène et malgré une meilleure connaissance des déterminants de santé, la prévention occupe toujours une place secondaire dans notre pays avec les mauvais résultats que chacun d'entre vous connaît.
Il est grand temps de renforcer cette deuxième composante de notre système de Santé et c'est précisément la responsabilité qui est la notre dans l'élaboration du texte dont nous allons débattre ces trois jours à venir. Je vous le redis encore, cette loi est fondatrice. Les évènements de chaque jour montrent qu'elle répond à une nécessité mais aussi qu'elle correspond à une attente forte de nos concitoyens qui refusent de plus en plus la fatalité dans le domaine sanitaire et réclament que l'Etat affiche sa responsabilité.
Le droit à la protection de la santé, c'est le devoir qu'ont les pouvoirs publics de
protéger collectivement les populations contre les risques qui pourraient menacer leur santé. A ce droit, qui s'inscrit dans une longue tradition, celle de la police sanitaire, s'attachent aujourd'hui une signification, une demande et une urgence nouvelles.
Une signification nouvelle, tout d'abord.
La prévention fut très tôt une lutte acharnée contre les maladies contagieuses : Au moyen âge, c'est à la lutte contre la lèpre que l'on doit les premières mesures de prévention collective : le lépreux était exclu de la communauté des fidèles et de toute vie sociétale. Au XIVème siècle la grande épidémie de peste qui fit périr sept des vingt et un millions d'habitants que comptait la France ne fût vaincue que par des mesures d'hygiène individuelles et collectives rigoureuses.
Plus près de nous, qui se souvient que sous Napoléon III, les grands travaux menés par le préfet Haussmann et qui ont donné à Paris son prestige architectural d'aujourd'hui avaient d'abord des motivations hygiénistes visant à "aérer" les quartiers insalubres !
Enfin comment pourrait-on passer sous silence le pas de géant que fit franchir l'approche scientifique de l'Ecole Pastorienne Française avec la vaccination et dont les prolongements plus récents conduisirent à prévenir diphtérie, peste et tuberculose ?
Toutes ces dernières années, et du fait de l'allongement de la vie résultant des progrès de notre médecine curative, nos approches en matière de prévention se sont déplacés des maladies épidémiques aux affections chroniques, c'est " la transition épidémiologique " ! Parce que les alertes sanitaires nous y rappellent au quotidien, je vous le dis, gardons en mémoire les leçons de nos prestigieuses écoles hygiénistes françaises.
De nos jours, c'est surtout l'approche biomédicale de la prévention qui est mise en avant et insiste sur le moyen de traiter très en amont les déterminants des maladies, grâce à des politiques de dépistage précoce et à des thérapeutiques performantes. En faisant progresser l'éducation sanitaire de nos concitoyens on peut espérer qu'ils évitent des conduites qui nuisent gravement à leur santé.
Il est indispensable que la prévention en matière de santé soit aussi une politique globale prenant en considération l'environnement dans lequel évolue la personne (travail, logement, environnement, précarité).
Enfin, les connaissances que la recherche biomédicale est en train d'accumuler pourraient donner naissance à une médecine prédictive qui, si l'on encadre ses dérives possibles, est une chance formidable pour la santé publique.
La politique de santé publique fait ensuite l'objet d'une demande nouvelle de la part de nos concitoyens.
Longtemps, l'idée même de santé publique est restée incomprise. L'intervention de l'Etat en matière sanitaire n'échappait jamais au soupçon qui la dénonçait comme une tentative de moralisation et de redressement de comportements individuels jugés condamnables.
Mais aujourd'hui, ces stigmates me semblent oubliés. La légitimité pour l'Etat
d'intervenir dans les affaires de santé pour protéger la population n'est plus questionnée. Chaque fois que leur santé ou celle de leurs proches est menacée, c'est bien vers l'Etat et ses agents que les Français et les Françaises se tournent pour exiger une protection efficace.
Aujourd'hui, le rôle de l'Etat n'est plus contesté, il est réclamé.
A raison. L'actualité le dit assez : seul l'Etat peut organiser efficacement la lutte contre les épidémies comme le syndrome respiratoire aigu sévère, la légionelle, les méningites, le sida, la grippe ou l'hépatite B.
Une urgence nouvelle s'attache enfin à la politique de santé publique car, à cette demande de nos concitoyens, nous répondons de manière insuffisante.
Deux constats jettent une lumière malheureusement éloquente sur les conséquences de cette négligence dans laquelle a été tenue la santé publique.
Premièrement, la mortalité prématurée,celle qui survient avant l'âge de 65 ans, reste en France à un niveau anormalement élevé alors que les causes en sont connues et que l'on sait qu'elle est évitable. D'autres pays développés - l'Allemagne, l'Italie, le Japon - bénéficient d'une mortalité aux âges adultes inférieure à la nôtre. Ces résultats sont choquants, d'autant qu'ils contrastent avec la performance de nos professionnels et de nos établissements de santé.
L'Etat peut agir et les Français attendent qu'il le fasse.
Nous avons déclaré une guerre sans merci au tabac parce qu'il est la principale cause de cancer et qu'il faut protéger les plus jeunes des dégâts de sa consommation prolongée.
La politique de prix élevé que nous avons engagée nous a d'ores et déjà permis d'atteindre des résultats jamais obtenus jusqu'alors . Ce sont des dizaines de milliers de décès prématurés que nous allons ainsi éviter.
Chacun comprend aussi qu'il faut agir contre la consommation de drogues, quand la France détient le record de la consommation de cannabis chez les jeunes : cinq millions, soit 50% d'entre eux, ont fumé du cannabis et environ 10% d'entre eux en feraient un usage très régulier.
Deuxièmement, l'inégalité des Français devant la maladie et la mort est grande. Selon qu'ils résident en Bretagne, Alsace, Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées, mais aussi selon leur milieu social, nos concitoyens sont affectés différemment par la maladie et n'ont pas la même espérance de vie. Partout les moins favorisés font les frais de l'absence de priorités de santé publique.
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Autre exemple qui heurte l'équité : j'ai trouvé, en prenant mes fonctions, une situation dans laquelle seuls un tiers des départements offraient des programmes de dépistage des cancers du sein chez les femmes. La généralisation de ce dépistage avait pourtant été annoncée par mes prédécesseurs. Tous les départements, sauf la Guyane, sont désormais engagés ou prêts à engager ce dépistage.
De telles inégalités ne peuvent que rappeler à l'Etat son rôle de garant de la santé de la population et de la solidarité nationale.
L'objet détaillé de ce projet de loi
Il y a donc fort à faire et c'est la raison d'être de ce projet de loi
Déposé dès le mois de mai 2003 sur le bureau de l'Assemblée, il avait l'ambition de donner à l'Etat les moyens de tenir son rôle de garant de la protection de la santé. Il fait justice d'une compréhension des faiblesses structurelles les plus graves de notre système de santé : profond déséquilibre entre le soin et la prévention, responsabilité de l'Etat mal affermie dans ce dernier domaine, cloisonnement des acteurs et dispersion des efforts.
Délaissement de la prévention, tout d'abord. Les efforts que nous déployons pour soigner les malades ne trouvent pas leur équivalent lorsqu'il s'agit de chercher à prévenir, éduquer, dépister. Sur 150 milliards de dépenses de santé, seulement 3,6 milliards, soit 2,3%, sont consacrés à la prévention définie strictement - une estimation très large et exploratoire nous permettant au maximum d'atteindre le chiffre de 7% !
Ensuite, responsabilité de l'Etat dans le domaine de la santé publique mal définie et insuffisamment organisée.
C'est en effet à coup de catastrophes écologiques - le naufrage de l'Amoco Cadiz, de "scandales" - la vache folle, le sang contaminé - de craintes plus ou moins fondées scientifiquement - l'ozone - ou d'accidents hospitaliers (anesthésiques ou obstétriques) que l'Etat s'est trouvé pour ainsi dire acculé à trouver, à la hâte, de nouvelles formes d'intervention. La santé publique, en effet, n'a jamais été consacrée en tant que telle comme une responsabilité de l'Etat et un domaine prioritaire d'action des pouvoirs publics.
En l'absence de politique d'ensemble, l'organisation actuelle est ainsi le résultat de réformes successives qui manquaient d'une vision globale et dont la prévention n'était pas l'objet principal.
Ce projet de loi vise à fonder en France une politique pérenne de santé publique.
Nous ne partons pas de rien.
En 1998, notre pays s'est doté d'un premier ensemble complet d'outils destinés à garantir la sécurité sanitaire de notre environnement, de notre alimentation et des produits de santé, tels les médicaments, et à organiser un réseau de veille sanitaire ; la création, à cette époque, des agences sanitaires correspond à une première étape sur la voie d'une meilleure approche du devoir de santé publique et le Parlement a, à ce moment déjà, joué un rôle prééminent.
Ce projet de loi se veut une nouvelle étape majeure, plus structurante et plus aboutie; il affirme la responsabilité l'Etat en matière de santé publique et s'attelle à une tâche difficile, tirer le meilleur parti possible de l'extraordinaire dispersion des acteurs et des efforts qui caractérise le monde de la prévention.
Dispersion des acteurs et des moyens, enfin. L'Etat est le garant de la protection de la santé. Mais il n'a pas vocation à être l'acteur unique de la politique de santé publique. Le rôle que nous entendons donner aux pouvoirs publics en ce domaine est conforme à ce que doit faire un Etat moderne : garantir, plutôt que gérer, s'adresser à tous et partout, s'inscrire dans la durée. Organiser, impulser, mais non pas faire à la place des autres. Tracer la direction à suivre et évaluer les résultats, mais non marcher sur les brisées des acteurs de la santé publique sur le terrain.
Ce rôle de garant et de responsable de la politique de santé publique que les Français demandent à l'Etat de tenir doit se traduire de deux façons.
Premièrement, c'est à l'Etat qu'il appartient, après une large concertation, d'arrêter les priorités qu'il faut s'assigner pour améliorer l'état de santé des Français.
Pour que chaque acteur puisse situer son rôle et comprendre le sens de son action, il doit pouvoir inscrire celle-ci dans un cadre de référence explicite ; il faut le mettre en mesure de se référer à une série d'objectifs pour juger si l'action va dans le bon sens. La mise sous objectifs du système de santé sur un horizon de cinq ans est ainsi le premier axe directeur de ce projet.
Jusqu'à présent, lorsque l'on parlait d'objectifs, l'on faisait référence aux dépenses d'assurance maladie. Cette logique est non seulement inflationniste par nature. Elle est encore appauvrissante. Car la vraie question est de savoir si les ressources consacrées au système de santé ont le meilleur impact possible sur l'état de santé de la population.
C'est pourquoi nous fixons cinq grandes priorités à la politique de santé publique, dont nous aurons à répondre dans cinq ans :
- la lutte contre le cancer,
- la santé environnementale incluant la santé au travail,
- la violence et les comportements à risque,
- les maladies rares et, enfin,
- la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques.
Par ailleurs, ce projet comporte un rapport annexé, qui propose une centaine d'objectifs qui ont vocation à constituer un tableau de bord pour améliorer le pilotage de notre système, pour mieux analyser ses forces et ses faiblesses et pour évaluer sa performance. Qu'on ne s'y trompe pas : ces objectifs n'ont pas vocation à être exhaustifs. Ce sont des marqueurs, des indicateurs, destinés à faire périodiquement le point sur les évolutions de la situation sanitaire du pays, de repérer les progrès et les manques.
Deuxièmement, si l'Etat n'a évidemment pas le monopole de l'action en matière de santé publique, il lui revient d'organiser, sous son autorité, un partenariat associant les différents acteurs publics et privés qui sont nombreux à concourir à l'amélioration de la santé. Ce projet de loi vise à organiser l'action sur le terrain car c'est sur le terrain que se gagne la bataille de la santé : Décloisonner, rapprocher les professionnels du soin, rapprocher les professionnels de l'action sociale, les soins de ville et les soins hospitaliers. Rapprocher : la nécessité pressentie dans l'élaboration de cette loi s'est dramatiquement confirmée cet été.
S'il n'est pas facile de prédire si cette meilleure coordination permettra de mieux maîtriser nos coûts, il n'y a aucun doute à garantir qu'elle permettra d'obtenir une meilleure efficience de nos actions.
A côté des deux grands acteurs que sont l'Etat, ses services, ses agences et l'Assurance Maladie avec ses caisses, il existe aujourd'hui et selon les endroits de nombreux organismes plus ou moins impliqués dans la prévention : observatoires régionaux de la santé, comités départementaux d'éducation pour la santé, multiples associations spécialisées, espaces santé jeunes, centres d'éducation à la santé et à la citoyenneté en milieu scolaire, observatoires de la santé au travail ... La répartition des responsabilités est confuse. Ce projet de loi propose, sans exclure personne, un mécanisme pour associer avec davantage de cohérence tous ceux qui souhaitent concourir à la politique de santé publique.
Au plan national, nous simplifions et rationalisons le paysage institutionnel en organisant trois niveaux.
D'abord un niveau de concertation, d'expertise et de coordination, autour de trois instances : la conférence nationale de santé, instance permanente de débat entre les associations, les professionnels, les sociétés savantes ; le Haut Conseil de la santé publique, qui reprend les missions du Conseil supérieur d'hygiène publique de France et celles du Haut comité de la santé publique ; le Comité national de la santé publique, instance de coordination interministérielle et de gestion politique.
Puis un niveau politique : grâce aux travaux de ces instances, le gouvernement soumettra tous les cinq ans à l'approbation du Parlement une loi fixant les priorités de la politique de santé publique et le ministre de la santé arrêtera les plans nationaux de santé publique.
Enfin, un niveau de mise en uvre par les agences sanitaires, les organismes de recherche, les associations et l'assurance maladie.
J'ajoute en un mot que, ce faisant, nous simplifions notablement le paysage institutionnel actuel.
On trouve un schéma similaire au plan régional. La région apparaît comme le meilleur niveau pour mettre en oeuvre la politique de santé publique. C'est à cette échelle que les objectifs nationaux doivent être déclinés en tenant compte des spécificités locales et que tous les acteurs de la santé publique peuvent et doivent travailler ensemble.
La concertation est assurée au sein de la conférence régionale de santé, qui réunira tous les acteurs concernés - collectivités, professionnels, associations, assurance maladie etc. - et proposera des objectifs pour le plan régional de santé publique, arrêté par le préfet de région après due concertation. La mise en uvre opérationnelle de ce plan sera elle confiée à une structure partenariale, le "groupement régional de santé publique".
Je sais que parmi vous d'aucuns s'inquiètent de voir par trop étatisée la santé publique.
Je tiens à les rassurer : mon souhait est au contraire de tout faire pour que les collectivités locales et l'assurance maladie affermissent leurs compétences et développent leurs interventions et nous prévoyons d'ailleurs que le conseil régional puisse développer des actions particulières en matière de santé de publique.
Je propose donc un mécanisme souple d'association au sein d'un groupement d'intérêt public, instance opérationnelle chargée de la mise en oeuvre du plan régional de santé publique. Tout en respectant la personnalité et l'identité de chacun des acteurs, ce GIP doit permettre de mutualiser les financements au niveau régional. Il garantira la coordination des actions sur la base de priorités établies par son conseil d'administration, où siégeront, outre l'Etat, l'assurance maladie, les collectivités locales qui le voudront et l'ARH.
De même qu'à l'Assemblée nous avons clarifié ces questions institutionnelles, je compte sur le travail que nous ferons ensemble pour améliorer les conditions de fonctionnement et de pilotage de cette structure.
Telles sont, Mesdames et Messieurs les sénateurs, les grandes orientations de ce projet.
Avant d'en venir rapidement à ses cinq titres, je voudrais encore vous dire que je me suis aussi attaché à porter au plan international le message du caractère primordial de la santé publique. Au cours des derniers mois, grâce à l'intervention de la France, trois sujets ont pu déboucher ou progresser significativement : nous avons vaincu les dernières hésitations de nos partenaires pour permettre, en décembre dernier, l'adoption d'une directive interdisant la publicité transfrontalière du tabac, que je souhaite que nous transposions dans ce projet de loi. C'est encore à l'initiative de la France que les ministres de la santé européens ont adopté, en mai dernier, un certain nombre de recommandations qui ont été décisives pour contrôler l'épidémie naissante de SRAS. Enfin, depuis ma prise de fonctions, je me suis employé à ce que voit le jour un Centre européen de contrôle des maladies transmissibles (ECDC), sur le modèle du CDC d'Atlanta, afin de doter l'Europe d'une capacité opérationnelle pour répondre efficacement aux enjeux des grandes épidémies et maladies transmissibles. Début décembre le conseil des ministres de la santé européens a décidé de créer en 2005 cet ECDC dont le siège sera en Suède.
Le projet de loi comporte cinq titres dont je vais vous donner une très rapide présentation.
Le titre I est relatif à la politique de santé publique. Il définit le périmètre de celle-ci, clarifie les responsabilités et simplifie les instances impliquées dans la politique de santé publique. Je n'y reviens pas, sinon pour souligner que le gouvernement a été guidé par le souci de parvenir à une architecture efficace et beaucoup plus simple que celle que nous connaissons actuellement.
Le titre II est relatif aux outils d'intervention de l'Etat. Il précise les missions de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, institue des consultations de prévention et établit de nouvelles dispositions relatives à la politique vaccinale.
Dès la première lecture de ce texte à l'Assemblée nationale, nous avons proposé de nombreux amendements, regroupés dans le nouveau titre II bis, afin de tirer rapidement un certain nombre de conclusions de la crise de l'été.
Le projet de loi initial comportait déjà des dispositions relatives à la prévention et à la gestion des crises sanitaires permettant d'améliorer notablement la mobilisation des moyens en cas de menace sanitaire. Il renforçait les contrôles sur la production et l'utilisation de microorganismes et de leurs toxines, en particulier dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme. Il permettait aussi de renforcer les systèmes d'information sanitaire, en ménageant un équilibre entre la nécessité d'avoir accès à des données importantes pour la protection de la santé et celle de protéger la vie privée.
En première lecture à l'Assemblée nationale, nous avons complété ces dispositions dans trois directions.
Notre système de veille et d'alerte sanitaires, cinq ans après sa création, appelait des renforcements et des précisions. Sans en changer le périmètre, nous avons mieux précisé les différentes tâches de l'Institut de veille sanitaire, afin de manifester que cet organisme doit mener une réflexion prospective sur les facteurs de risque sanitaire non identifié, compléter son approche par pathologie par une approche par population à risque et bâtir des systèmes d'information lui permettant d'élaborer des indicateurs d'alerte.
A l'article 11, l'obligation faite aux médecins et aux établissements publics de signaler aux autorités sanitaires les risques dont ils auraient connaissance a été étendue à l'ensemble des professionnels de la sphère sanitaire et médico-sociale.
Les moyens d'action des pouvoirs publics pour prévenir une menace sanitaire grave ou atténuer l'impact d'une crise sanitaire ont été nettement renforcés. L'article 10 donne au ministre de la santé la capacité de prescrire les dispositions appropriées en cas de crise sanitaire grave et d'habiliter le préfet à mettre en uvre ces prescriptions en prenant, dans des conditions strictement encadrées, les mesures individuelles et collectives qui s'imposent.
Nous avons aussi donné une base légale au plan blanc hospitalier, précisé les conditions dans lesquelles ce plan peut être déclenché en cas d'afflux de victimes ou de situation sanitaire exceptionnelle et donné au préfet la possibilité de recourir à des plans blancs " élargis ".
Il s'agit d'associer, selon les besoins, de requérir le concours de la médecine de ville, des infirmières libérales, des transports sanitaires et des établissements médico-sociaux en cas de crise grave.
Enfin, nous avons amélioré le système de remontée des certificats de décès, depuis le médecin qui constate le décès jusqu'au centre d'analyse des décès de l'INSERM. L'objectif est double : d'une part, simplifier le circuit afin de permettre son informatisation et, par là même, la remontée presque en temps réel des cas de décès constatés ; d'autre part, permettre à l'INVS de s'appuyer sur ce circuit, pour construire un dispositif d'alerte et de mesure au jour le jour des décès constatés.
Le titre III comporte les dispositions relatives aux cinq plans de santé publique nationaux, qui sont les priorités que le gouvernement assigne à son action.
Dans le domaine du cancer, nous créons l'Institut national du cancer conformément aux engagements annoncés le 24 mars dernier par le Président de la République. Cet Institut permettra de mieux coordonner les acteurs du cancer ; il sera, en quelque sorte, la " tour de contrôle " du dispositif de lutte contre le cancer, capable d'en embrasser tous les aspects, veillant à la mise en uvre et au bon déroulement du plan cancer, de la prévention au soin, de l'observation à la participation à l'organisation de la formation médicale, à la coordination et au financement des actions de recherche, dans un souci constant de développer les synergies européennes et internationales. Il sera la maison commune des patients et des soignants.
En matière de recherche, cet Institut permettra, sans évidemment se substituer à elles, de renforcer le potentiel des institutions de recherche comme l'INSERM, le CNRS et les structures hospitalo-universitaires, en finançant des programmes d'action coordonnés au niveau national et en aidant à la structuration régionale des cancéropôles.
Dans le domaine de l'environnement, comme l'a demandé le Président de la République, un plan national en santé-environnement sera élaboré ; il comportera un volet relatif aux situations météorologiques extrêmes. Par ailleurs, nous facilitons la surveillance épidémiologique en milieu de travail. Nous actualisons les dispositions relatives à la préservation de la qualité de l'eau et simplifions les autorisations d'exploitation des sources d'eaux minérales naturelles et thermales. Devant la menace que fait courir le risque de prolifération de légionnelles, je vous propose de renforcer la législation. Les pouvoirs du préfet seront renforcés pour les contaminations issues des réseaux d'eau des particuliers ou d'établissements recevant du public. Au regard de ce qui se passe dans le Pas-de-Calais et en parallèle au renforcement de la réglementation relative aux installations classées qu'a annoncée Mme Roselyne Bachelot, je vous proposerai un amendement permettant, d'une part, d'assurer le recensement de toutes les tours aéroréfrigérantes qui ne sont pas des installations classées et, d'autre part, de réglementer très précisément leurs conditions de fonctionnement, d'entretien et de contrôle.
Enfin, le texte de loi prévoit de renforcer les mesures de lutte contre le saturnisme.
Les dispositions du titre IV ont trait à la recherche et à la formation en santé.
Elles créent, en premier lieu, l'Ecole des hautes études en santé publique.
Nous disposons actuellement des ressources des facultés de médecine et de celles de l'Ecole nationale de la santé publique de Rennes. Cette dernière forme les agents de l'Etat et de la fonction publique hospitalière uvrant dans le domaine sanitaire et social, dont les personnels de direction et d'encadrement des hôpitaux. Les facultés de médecine ne forment que les médecins tandis que l'ENSP ne délivre pas de diplômes reconnus au plan universitaire.
Le gouvernement a donc choisi de créer un grand établissement d'enseignement supérieur permettant d'animer un réseau national de formation en santé publique, de mettre en commun les expériences et les compétences et de hisser notre système de formation au meilleur niveau. Dans ce domaine, certains de nos partenaires sont extrêmement performants, anglais, belges et nord-américains notamment. Il faut que nous nous donnions les moyens de les acquérir et de professionnaliser ce champ, de former des techniciens du bruit ou de la qualité des eaux et d'offrir aux professionnels de la santé une formation continue en matière de sécurité sanitaire, au sein d'un établissement disposant d'une visibilité internationale.
La création de cette école profitera à l'ensemble des professionnels aujourd'hui formés à l'ENSP. Celle-ci ne sera atteinte ni dans sa mission ni dans sa localisation, mais gagnera en notoriété et en attrait en délivrant des diplômes nationaux et en étant adossée à un réseau performant d'enseignement universitaire en matière de santé publique.
En deuxième lieu, le projet de loi actualise le dispositif d'encadrement des recherches biomédicales issu de la loi du 20 décembre 1988 dite loi Huriet-Sérusclat.
Cette révision s'impose par la nécessité de transposer en droit interne la directive 2001/20/CE relative aux essais cliniques de médicaments, mais aussi par le besoin, exprimé précisément par tous les acteurs de la recherche en santé, d'adapter le dispositif existant.
La directive nous conduit sur le terrain des principes et des droits fondamentaux de la personne ; le gouvernement a donc souhaité définir, au-delà du médicament, des règles et un cadre communs à toutes les recherches biomédicales.
Le projet de loi procède à trois modifications principales. Il remplace l'actuel régime déclaratif par un régime d'autorisation. Il supprime la distinction entre recherche sans bénéfice individuel direct et recherche avec bénéfice individuel direct, souvent difficile à manier et trompeuse pour les personnes qui se prêtent à la recherche, au profit de l'appréciation plus fine d'un bilan bénéfice-risque. Il organise enfin la participation à la recherche des personnes vulnérables ou hors d'état d'exprimer leur consentement, afin qu'elles puissent bénéficier mieux qu'aujourd'hui du progrès scientifique et médical - je songe, en particulier, aux personnes atteintes d'affections neuro-dégénératives comme la maladie d'Alzheimer.
En dernier lieu, ce projet de loi simplifie le dispositif de formation médicale continue. La formation continue des médecins - comme celle de tous les autres professionnels de santé - est une des conditions du succès de la politique de qualité des soins que je souhaite enraciner au cur de notre système de santé.
Les médecins perçoivent très bien la nécessité où ils sont de se former pour continuer à délivrer les soins de meilleure qualité et ils souscrivent de manière responsable à cette obligation. Je souhaite lier l'obligation de formation médicale continue à des mécanismes d'incitation et de valorisation professionnelle, qui devront se développer dans une politique conventionnelle bien comprise.
Ainsi, l'accès à certaines fonctions de responsabilité ou de représentation professionnelle pourrait être conditionné par le respect de l'obligation de formation. Cela pourrait être le cas des fonctions électives dans les CME des établissements de santé ou dans les unions de médecins libéraux ou de certaines fonctions pédagogiques. Les primes d'assurances professionnelles pourraient être modulées dès lors que les praticiens s'engageraient à s'acquitter de l'obligation de formation - des discussions préliminaires sont d'ores et déjà ouvertes avec les assureurs dans ce sens.
J'en finis en vous disant que je compte beaucoup sur le travail du Sénat pour améliorer certaines dispositions de ce texte - je songe à l'encadrement des psychothérapies, mais nous y reviendrons certainement lors de la discussion - et que le gouvernement portera, pour régler une série de difficultés dans le champ de la santé publique, un certain nombre d'amendements dont l'utilité et la maturité se sont révélées récemment : modifications nécessaires à l'activation de l'agrément des associations de malades, extension de l'obligation de formation continue à toutes les professions médicales ou para-médicales, simplification de l'organisation de certains ordres professionnels.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, s'investir dans le domaine de la Santé Publique et de la prévention est une aventure exaltante qui nous oblige à dépasser les repères auxquels nous nous étions cantonnés jusqu'alors :
La démarche individuelle de soins si largement investie ces trois dernières décennies s'enrichit ainsi d'une démarche plus collective où la société nous interpelle sur nos capacités à assurer et couvrir les besoins.
Le concept de Santé qui dépasse considérablement celui du soin nous oblige à prendre en compte notre environnement et ses déterminants externes ouvrant ainsi le champ à de nouveaux acteurs et à de nouveaux partenaires.
L'exigence légitime de nos concitoyens refusant de plus en plus la fatalité, nous assigne avec fierté à une responsabilité accrue que nous ne devons pas redouter.
L'humilité que nous devons garder face à un domaine qui touche aussi profondément les comportements doit nous inciter à inscrire nos actions dans la durée et la détermination.
Le gouvernement vous invite aujourd'hui à prendre part à cette aventure en écrivant dans l'histoire de la politique de santé publique une page qu'il veut structurante ; à marquer une étape qui réponde aux faiblesses structurelles de notre système et qui donne à tous les acteurs de la santé publique les moyens d'améliorer significativement l'état de santé des Français.
J'attends donc beaucoup du débat au Sénat, qui sera un moment fort pour signifier l'engagement de la Nation pour la protection et l'amélioration de la santé, et qui s'ouvre opportunément quelques jours seulement avant la conclusion des travaux de diagnostic partagé du Haut-Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, première étape du grand chantier de modernisation et de consolidation de notre assurance maladie.
Je vous remercie.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 15 janvier 2004)