Editoriaux de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de LO, dans "Lutte Ouvrière" les 2, 5, 30 juillet 2004 sur la réforme de l'assurance-maladie, le changement de statut d'EDF-GDF, la réforme des 35 heures, les chantages aux délocalisations.

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Média : Lutte Ouvrière

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2 juillet 2004
Stopper leur offensive
Le gouvernement a beau avoir été désavoué aux élections régionales comme aux élections européennes, il continue ses attaques contre le monde du travail comme si de rien n'était. Ainsi cette semaine il soumettait successivement à l'Assemblée sa "réforme" de l'assurance-maladie, puis le changement de statut d'EDF-GDF et, enfin, un plan au nom passablement cynique de "cohésion sociale".
Les députés se préparaient donc à voter cette réforme de l'assurance-maladie qui consiste à faire payer aux malades et aux retraités le déficit dû au fait que le patronat ne paie pas ce qu'il doit.
Les mesures proposées n'étaient même pas encore votées qu'une note du ministère de l'Économie indiquait que la "réforme" de l'assurance-maladie ne résorbera pas le déficit. Cette note du ministère de Sarkozy comme le démenti du ministère de Douste-Blazy se placent certes dans le cadre de la petite guerre que se mènent les clans de la majorité. Mais son contenu est clair. D'autres mesures suivront: l'euro à verser à chaque consultation passera à deux euros ou plus, le forfait hospitalier sera encore augmenté et d'autres médicaments seront déremboursés. L'assuré devra payer plus pour être moins couvert.
On incitera ceux qui en ont les moyens à compléter l'assurance-maladie par des mutuelles ou à s'adresser à des assurances privées. Et ceux qui n'en ont pas les moyens, tant pis pour eux!
Quant au changement de statut d'EDF-GDF qui devait être voté cette semaine, il constitue le premier pas vers la privatisation. Quelques groupes privés auront désormais la possibilité de mettre la main sur les bénéfices d'EDF-GDF. Mais, pour la masse des usagers, cela se traduira par une augmentation des tarifs. Quant aux travailleurs du secteur, ils ont toutes les raisons de craindre des réductions d'effectifs et des attaques contre leur système de retraite.
Par ailleurs, le secrétaire d'État au Budget annonce que 17000 emplois seront supprimés dans le secteur public: autant d'emplois en moins pour les jeunes.
Et ce n'est certainement pas le plan Borloo, dit de "cohésion sociale", qui soulagera la pauvreté aggravée qui découle des décisions précédentes. Ce plan prétend notamment enrayer les expulsions de locataires de logements privés. Mais il consiste surtout à venir en aide aux logeurs, en mettant à la charge de l'État les impayés de ceux qui, du fait d'une perte d'emploi ou d'une maladie, sont dans l'incapacité de payer leur loyer.
Cela résoudra peut-être quelques milliers de cas mais sera loin d'éviter toutes les expulsions et n'assurera pas un logement correct aux trois millions de personnes qui en manquent dans ce pays.
Ce que les différentes mesures du gouvernement ont en commun, c'est qu'elles frappent toutes les classes populaires, et souvent les plus démunis.
Le PS dans l'opposition critique ces mesures. Mais il admet la nécessité de "réformer" l'assurance-maladie alors que la seule réforme nécessaire est de faire payer au patronat ce qu'il doit!
Quant à l'ouverture d'EDF-GDF aux capitaux privés, comment croire les critiques du PS, alors que le gouvernement Jospin en a fait autant à France Télécom et à Air France, et avec la même hypocrisie pour éviter le mot "privatisation"?
Surtout, le PS ne propose pas d'annuler la "réforme" de l'assurance-maladie ou la privatisation d'EDF-GDF au cas où il reviendrait au pouvoir dans trois ans, pas plus qu'il ne propose de revenir sur aucune des mesures réactionnaires du gouvernement.
Si le monde du travail ne veut pas voir ses conditions d'existence démolies au fil des ans, il faut stopper ces attaques du gouvernement qui s'ajoutent à celles du grand patronat. Mais il ne peut compter que sur sa propre force, dans une lutte commune, pas corporatiste, visant aussi bien l'interdiction des licenciements que le rattrapage du pouvoir d'achat, aussi bien les suppressions de toutes les mesures contre les retraites, contre l'assurance-maladie, que l'annulation des privatisations et le rétablissement des services publics.
(source http://www.lutte-ouvriere.org, le 1er juillet 2004)
05/07/2004
PAS DE TREVE ESTIVALE
La période des congés qui commence ne se traduira pas, bien au contraire, par une trêve dans l'offensive du gouvernement et du patronat contre le monde du travail.
On sait ce qui est au menu.
Tout d'abord, la mainmise des capitaux privés sur l'EDF-GDF. Cette privatisation, car c'en est une, même si on se refuse à prononcer le mot, ne va pas se traduire par une amélioration de la qualité du service rendu à la population, ni par une baisse des tarifs. Les exemples de privatisations de l'énergie qui nous viennent d'autres pays le prouvent. Les salariés d'EDF, eux, ne se font aucune illusion sur le sort qui leur est promis. Ils se défendent, avec les moyens dont ils disposent, comme d'autres catégories soumises aux appétits des puissances d'argent. Et ils ont raison. Du même coup, ils défendent les intérêts des usagers, qui n'ont rien à gagner, et pas mal à perdre de la mainmise des milieux d'affaires sur l'énergie. Et du même coup, ils défendent d'autres services publics, tels La Poste, la SNCF menacées d'être privatisées dans un avenir proche.
On assiste aussi au pilonnage organisé par les ministres contre la loi sur les 35 heures, qui s'inscrit dans une campagne visant à faire croire que les salariés en France ne travaillent pas assez. Sarkozy vient de déclarer devant des patrons des petites et moyennes entreprises "qu'il ne fallait pas craindre de réformer les 35 heures" et de supprimer toute majoration des heures supplémentaires". Propos destinés à cette opinion de droite qui, dans sa bêtise réactionnaire, croit que les salariés sont des fainéants. Mais, à part ceux qui en sont encore à penser que ce sont les patrons qui font vivre les salariés à ne rien faire, alors que toute personne de bon sens sait que c'est l'inverse, qui peut prendre au sérieux de telles sornettes ? Pas Sarkozy en tout cas qui, lui, sait bien que la loi sur les 35 heures ne lèse en aucune façon le patronat. C'est tout le contraire, grâce à l'annualisation et à la flexibilité introduite par Martine Aubry dans sa loi, n'importe quel patron peut en réalité faire travailler ses salariés le temps qu'il veut, en payant les heures supplémentaires bien moins qu'elles ne l'étaient auparavant.
S'il y a un "coût" des 35 heures, ce n'est pas le patronat qui le paye, c'est l'État en accordant de généreuses subventions et des exonérations aux patrons pour compenser les effets d'une mesure qui ne leur coûte rien quand elle ne leur rapporte pas ! Ces subventions pèsent sur le budget de la Sécurité sociale et expliquent en grande partie le fameux "trou" dont on veut faire un épouvantail...
La réforme de la Sécu est aussi au menu de ce que mijote le gouvernement. L'annonce de l'augmentation du forfait hospitalier, la taxe d'un euro prélevée par consultation, le déremboursement de médicaments ne sont qu'un hors-d'oeuvre qui prépare une addition bien plus salée. Rien n'est encore précisé sur la façon dont le gouvernement va s'y prendre, pour imposer sa "réforme". Pour l'instant, il se contente de conditionner l'opinion, invoquant pêle-mêle le vieillissement de la population, l'augmentation des prix des soins et des médicaments, le comportement des malades et des médecins, qui mèneraient droit à la catastrophe.
Mais qu'est-ce donc que ce système, dans lequel vivre plus longtemps, pouvoir soigner des maladies contre lesquelles on était impuissant il y a quelques années, est considéré comme des calamités !
Mais ceux qui prétendent que la Sécu coûterait trop cher, omettent de dire que les laboratoires pharmaceutiques font d'immenses profits, que la Sécu paye la construction, l'entretien des hôpitaux, etc...
Ce gouvernement ne s'attaque pas seulement au monde du travail. Il organise la régression sociale pour qu'une minorité de riches s'enrichisse plus encore.
L'offensive gouvernementale est programmée. Nous, travailleurs, devrons mettre au menu de la rentrée la préparation d'une riposte des victimes annoncées de cette politique.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 7 juillet 2004)
30 juillet 2004
La "jungle sociale", c'est le capitalisme!
Après le prétendu référendum organisé par Bosch-Vénissieux pour imposer au personnel une augmentation de temps de travail sans compensation salariale, et l'annonce par Doux, le numéro un du conditionnement de la volaille, de son intention de suivre la même voie, le Journal du Dimanche a demandé à Raffarin s'il s'agissait de "chantages à la délocalisation". "Dans certains cas, j'y vois un abus de rapport de force", a-t-il répondu, parlant aussi de "jungle sociale". Mais dans quels cas y a-t-il de tels abus? Il s'est bien gardé de le préciser. Et il s'est surtout bien gardé de promettre des mesures pour empêcher ces pratiques qu'il fait mine de condamner.
En matière d'hypocrisie, Raffarin est bien dans la ligne de Chirac. Lorsque les patrons de Métaleurop avaient fermé purement et simplement l'entreprise en janvier 2003, jetant son personnel à la rue, sans respecter la moindre procédure légale, Chirac avait parlé de "patrons-voyous". Mais dix-huit mois plus tard, aucune mesure n'a été prise contre ces "patrons-voyous".
Pour les travailleurs, Chirac et Raffarin ont de temps en temps des mots compatissants. Mais dans les faits, toutes leurs décisions sont au service du patronat.
D'ailleurs, sur le fond, Raffarin n'a fait que confirmer qu'il restait partisan "d'assouplir" encore plus la loi sur les 35heures, par des "discussions entre les partenaires sociaux", en précisant qu'il n'était "pas hostile à la discussion dans l'entreprise". Mais c'est précisément ce qui s'est passé chez Bosch, "une discussion dans l'entreprise", car il y a toujours une "discussion", par la force des choses, entre un maître-chanteur et ses victimes!
Évidemment, les patrons qui veulent faire travailler plus leur personnel sans augmentation du salaire ne facilitent pas les choses à Chirac et Raffarin, dont le principal argument, pour justifier de nouvelles entorses aux règles actuelles sur les heures supplémentaires, c'est qu'il faudrait "permettre à ceux qui veulent travailler plus de gagner plus". Mais cela aussi est une escroquerie. Les patrons ne font pas faire des heures supplémentaires à leurs salariés pour leur permettre de gagner plus. Mais seulement quand ils en ont besoin. Et quand les carnets de commande sont moins pleins, ils diminuent les horaires, sans se soucier de savoir si cela entraîne des baisses de salaire. L'annualisation du temps de travail, que permettait la loi Jospin-Aubry sur les 35 heures, a été un cadeau pour le patronat, en lui permettant de faire effectuer des heures supplémentaires non majorées, et s'est traduite par une baisse de salaire pour de nombreux travailleurs. Augmenter encore le contingent d'heures supplémentaires autorisées, comme le réclame le Medef, et comme Chirac et Raffarin s'en montrent partisans, irait exactement dans le même sens. La seule manière pour les travailleurs de gagner mieux leur vie, c'est d'imposer au patronat des concessions salariales.
La "jungle sociale" à laquelle Raffarin prétend être opposé, c'est pourtant la caractéristique même du système économique dans lequel nous vivons, un système qui fait passer avant tout la recherche du profit capitaliste, qui tient pour quantité négligeable le sort des travailleurs, et dont Chirac et Raffarin, tout comme leurs prédécesseurs, sont les serviteurs.
Et pour survivre quand règne la loi de la jungle, rien ne sert de réclamer plus de concertation, de réunions autour du tapis vert, comme se contentent trop souvent de le faire les grandes confédérations syndicales, plus soucieuses d'être reconnues comme des interlocuteurs valables par le gouvernement et le patronat, que de défendre les intérêts généraux du monde du travail. Il faut mener la lutte de classe aussi résolument que le patronat. Et si ces vacances d'été doivent nous permettre de récupérer des forces, que ce ne soit pas seulement pour mieux supporter une nouvelle année d'exploitation, mais aussi pour mener les luttes nécessaires pour mettre un coup d'arrêt aux prétentions du patronat.
(source http://www.lutte-ouvriere.org, le 29 juillet 2004)