Interview de M. Xavier Bertrand, secrétaire d'état à l'assurance maladie, sur BFM le 26 octobre 2004, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, notamment les mesures concernant la progression des dépenses de santé, les dépenses à l'hôpital et les dépenses liées aux arrêts maladie.

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Fabrice Lundy - Les députés entameront en fin d'après midi, l'examen du budget de la Sécurité sociale pour 2005, première étape de la réforme de l'assurance maladie. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale table sur un déficit du régime général de 10 milliards d'euros fin 2005. Dont 7,9 pour la branche maladie, c'est-à-dire un redressement sensible par rapport à 2004. C'est un débat qui va s'ouvrir dans un contexte particulier où apparemment on respire mieux. La folle spirale des dépenses de santé, apparemment, est cassée, c'est vrai que les derniers chiffres de la CNAM marquent une première inflexion des dépenses de santé des Français depuis maintenant de longues années.
Xavier Bertrand - " Oui, c'est une première bonne nouvelle, je suis persuadé que ce n'est pas la dernière, au contraire. Mais seulement on s'aperçoit qu'il y a une évolution des comportements qui est en marche. Et puis, on s'aperçoit qu'une politique constante menée notamment par la Caisse nationale d'assurance maladie, depuis quelques années, concernant les arrêts de travail porte ses fruits. Cela montre donc que tout ce que nous avons indiqué est non seulement possible mais à portée de la main. Si chacun y met du sien, cela va marcher et on va sauver notre système d'assurance maladie ".
Pour 2005, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale table sur une progression des dépenses de santé de "seulement", j'allais dire, 3,2 %. C'est un objectif qui est jugé ambitieux par de nombreux acteurs ; est-ce que ce n'est pas trop optimiste ?
- " C'est tout à fait réaliste comme objectif. Il faut savoir que nous avons mis en place une réforme sans précédent, une réforme qui met en place une maîtrise médicalisée. C'est-à-dire qu'à chaque fois qu'une dépense est justifiée médicalement, elle doit être honorée. Mais en même temps, à chaque fois que l'on met un euro dans le système de santé, il doit être dépensé au mieux. Parce que l'objectif ce n'est pas de dépenser moins pour notre santé, c'est de dépenser mieux. Avec ces 3,2 % de progression de l'ONDAM, c'est-à-dire de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie, à la fin de l'année 2005, nous aurons dépensé pour la santé 4 milliards d'euros de plus qu'à la fin de l'année 2004. Donc, vous voyez que ce n'est pas irréaliste, c'est au contraire tout à fait à portée de la main - mais c'est vrai que nous pouvons faire des efforts dans tous les domaines ".
Pour arriver à cet objectif, vous prévoyez 5 milliards de recettes supplémentaires : il y a l'assiette de la CSG élargie, la hausse du taux de CSG pour les retraités...
- " Ce n'est pas cela le plus important pour la réussite finalement ".
Le Gouvernement prévoit aussi près de 3 milliards d'économies. Alors justement, les hôpitaux demandaient plus de 3 % justement ; comment vous allez fixer le montant des économies à réaliser par les hôpitaux, je crois fixé à 850 millions d'euros sur trois ans ?
- " Je voudrais surtout indiquer que les dépenses à l'hôpital vont augmenter de plus de 3,6 % cette année. C'est 2 milliards d'euros qui seront dépensés en plus à l'hôpital à la fin de l'année 2005 par rapport à 2004. Mais nous pensons, comme d'ailleurs un certain nombre de responsables hospitaliers, qu'à l'hôpital, on peut aussi faire des efforts, notamment en matière de politique d'achat. Vous prenez notamment la feuille de température qu'il y a au bout du lit du patient. Eh bien cette feuille de température peut varier dans un prix de 1 à 5, selon les hôpitaux. C'est la même chose pour notamment l'oxygène médical que l'on respire - cela peut varier dans des fourchettes de 1 à 4. Vous savez si on achetait au mieux, cela nous permettrait de dégager de l'argent pour pouvoir le dépenser plus utilement encore à l'hôpital. Là aussi, il y a des efforts importants à faire ".
Parmi les efforts, vous parliez tout à l'heure, parmi les signes encourageants mis en avant par le Gouvernement, il y a le spectaculaire coup d'arrêt donné aux dépenses liées aux arrêts maladie. La Commission des finances, elle, veut aller plus loin, en adoptant plusieurs amendements qui encadrent plus sévèrement encore le versement des indemnités journalières. Les caisses de sécu pourraient ainsi suspendre le versement de ces indemnités, si le service médical constate qu'elles ne sont plus justifiées médicalement. Est-ce que vous allez poursuivre dans cette voie, est ce que vous irez jusqu'au bout ?
- " Il y a un dialogue qui va s'ouvrir avec les parlementaires à partir de cet après-midi à l'Assemblée nationale. Nous avons le sentiment, avec P. Douste-Blazy, que le texte qui a été voté cet été va déjà loin, assez loin concernant justement l'encadrement du système des arrêts de travail. Parce que vous savez nous sommes attachés à préserver le système des arrêts de travail. Nous voulons tout simplement mettre un terme aux arrêts de travail abusifs. Nous avons mis en place de nouvelles procédures de contrôle, notamment de contrôle à domicile, parce que pour nous c'est important. Et nous avons aussi mis en place des sanctions nouvelles pour tous ceux qui abuseraient, qu'ils soient entrepreneurs, qu'ils soient médecins et qu'ils soient patients. Je pense que nous sommes parvenus à un équilibre. Maintenant, le dialogue va s'engager avec les parlementaires ".
Les socialistes sont contre ce projet de loi, sont contre les mesures. Et puis, il y a l'UDF qui prédit déjà un dérapage supplémentaire d'un à deux milliards. L'UDF qui menace le gouvernement de voter contre ; qu'est-ce que vous avez envie de dire à l'UDF ce matin ?
- " Eh bien qu'il faut voir dans quel sens va la réforme de l'assurance maladie et que si, sincèrement, on est attaché au maintien, à la sauvegarde de notre système d'assurance maladie, il faut prendre ses responsabilités. Nous l'avons fait très clairement ; ce Gouvernement avec P. Douste-Blazy, sous la conduite de J.-P. Raffarin, a mis en place cette réforme. C'est vrai que cette fois-ci on veut avant tout travailler sur l'évolution des comportements des Français. Mais nous ne donnons pas seulement rendez-vous à la fin de l'année 2007, nous donnons rendez-vous dès la fin de l'année 2005, pour voir, si oui ou non, ce pari peut être gagné, nous en sommes intimement persuadés avec P. Douste-Blazy. Maintenant, toutes celles et ceux qui sont attachés à l'avenir du système d'assurance maladie, à mon sens, doivent aller dans le sens de cette réforme. Mais c'est une question de responsabilité de chacun ; nous, nous avons pris les nôtres ".
Il y a un point sensible du projet qui est la soulte qu'EDF et GDF vont devoir verser pour financer le transfert du régime spécial des agents au régime général des retraites. Une soulte estimée à 7 milliards, un petit peu plus de 7 milliards. Est-ce qu'il appartient vraiment aux salariés du privé d'avoir à payer la retraite qui relève d'un régime particulier ?
- " Il ne s'agit pas du tout de cela, il ne s'agit pas du tout que les salariés du privé paient pour les retraites des salariés gaziers ou des salariés électriciens, ce n'est pas du tout ça, au contraire ! "
Parce que cette soulte est sera en partie financée par une taxe que devront verser les consommateurs.
- " Mais pas du tout, il n'y aura pas d'augmentation de l'électricité pour financer les retraites d'EDF-GDF. Je tiens bien à le préciser, je vous remercie de me permettre de mettre les pendules à l'heure, il ne s'agit pas du tout de ça. Au contraire, avec cette soulte, c'est la transparence la plus complète. Il y a le versement au régime des salariés d'une somme importante de 7,7 milliards d'euros, plus l'avantage familial. C'est-à-dire qu'il y bel et bien la prise en charge par EDF-GDF de l'ensemble des financements des retraites pour ses salariés et rien d'autre que ça. Je le dis et je le répète : en aucun cas les salariés du privé ne vont payer pour les retraites d'EDF-GDF, absolument pas, c'est le contraire justement. Et c'est justement écrit noir sur blanc dans la loi qui a été votée cet été ".
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 octobre 2004)