Texte intégral
Q - Malgré les remous qui ont suivi les régionales, le groupe UMP que vous présidez depuis trois mois semble épargné par la crise qui secoue cette même UMP à l'échelon national...
R - Il faut du temps pour créer un mouvement unitaire à partir de structures et d'hommes venus d'horizons différents, même s'ils étaient déjà unis sur l'essentiel. Notre chance à nous, c'est d'avoir pris instantanément conscience de notre unité : composé d'hommes et de femmes élus le même jour, dans le sillage de l'élection de Jacques Chirac, sous une même étiquette, sur un même programme - et immergés ensemble dans le travail législatif -, le groupe UMP est le produit de cette onction démocratique. Nous savons d'où nous venons, et du coup, où nous voulons aller...
Q - Quitte à être parfois plus turbulents que ne l'étaient les groupes parlementaires qui vous ont précédés ?
R - Le droit d'amendement, revendiqué légitimement par les députés, et que j'ai choisi de pousser le plus loin possible, n'est pas seulement une soupape pour un groupe aussi nombreux que le nôtre : c'est un gage d'efficacité politique, le moyen aussi de rester fidèles à nos engagements. Qui est mieux placé qu'un élu pour faire remonter vers l'exécutif les messages de ses électeurs ?
J'ai décidé, en outre, de généraliser ce que mon prédécesseur, Jacques Barrot, avait eu l'intelligence d'initier : un travail d'amont systématique entre les députés et le gouvernement, afin de défricher les grands dossiers avant même qu'ils n'arrivent en commission sous forme de projets de loi.
Q - Sur l'assurance maladie, par exemple, quels amendements le gouvernement a-t-il décidé de retenir ?
R - Je n'en citerai que deux, fondamentaux à mes yeux : le premier introduit un crédit d'impôt afin d'aider les plus modestes à acquérir une complémentaire santé. Nous généralisons, de ce fait, ce que beaucoup de départements de droite avaient expérimenté avant l'instauration de la CMU : un dispositif ciblé destiné à aider ceux qui en ont le plus besoin.
Nous allions ainsi justice sociale et efficacité, en tournant le dos à ce que savent si bien faire les socialistes : des mécanismes généraux et sans contrôle, qui stérilisent le vrai travail social au bénéfice d'une assistance aveugle et ruineuse.
Autre amendement décisif pour la gestion de la Sécurité sociale : celui déléguant des responsabilités et une indépendance accrues à la direction de l'assurance maladie. Celle-ci doit disposer des moyens d'agir en permanence sur les périmètres de remboursement, en fonction de l'évolution des technologies et de la situation financière des caisses. Attendre les arbitrages de l'État avant de prendre ses responsabilités dans un environnement mouvant par définition, c'était se condamner à l'inaction. L'État est là pour déléguer une gestion, le cas échéant, pas pour paralyser ceux auxquels il délègue des pouvoirs.
Q - Cette évolution du travail parlementaire, vous l'avez voulue, et le gouvernement l'a acceptée. Mais est-ce que ce n'est pas, aussi, une conséquence inattendue du quinquennat ?
R - Oui, dans la mesure où, dans les faits, la fin du mandat parlementaire correspond avec la fin du mandat présidentiel...
Q - Sauf dissolution...
R - Certes ! Mais dans la mesure où le président et les députés travaillent dans la même durée, leur communauté de destin politique est une donnée fondamentale.
Q - Vous voulez dire que les députés sont plus attentifs qu'autrefois au respect des engagements électoraux de l'exécutif ?
R - On peut le dire. Le quinquennat conduit à un renforcement du travail en commun. Il impose aux députés de soutenir sans faiblir l'action du gouvernement, mais il impose symétriquement au gouvernement de ne pas ignorer les messages de ceux qui restent en permanence en contact avec la base électorale de la majorité. Le raccourcissement du temps politique peut être, de ce point de vue, une chance pour la cohésion majoritaire...
Q - Sauf quand les députés remettent en question certaines priorités du Premier ministre (en l'espèce, la décentralisation), comme on l'a vu après les régionales...
R - Cette discussion, certes un peu vive, à laquelle vous faites allusion, nous a au contraire permis d'évacuer certains non-dits qui risquaient d'empoisonner la suite. Je dois dire que le Premier ministre a accepté la discussion avec une sérénité et une élégance qui ne m'a certes pas étonné, venant de lui, mais qui illustre parfaitement mon propos : la solidarité n'est pas à sens unique. Nous faisons d'autant mieux bloc que nous sommes écoutés.
Q - L'accélération du temps politique dont vous parlez s'exprime aussi par une caractéristique : la moitié du quinquennat n'est pas achevée que nous entrons déjà en précampagne présidentielle... Je pense à François Bayrou, je pense aussi à ce qui se noue autour de la présidence de l'UMP...
R - S'agissant de François Bayrou, les choses sont claires : il est en campagne personnelle depuis la réélection de Jacques Chirac.
Quant à l'UMP, qui correspond, je le maintiens, à ce que souhaitent l'immense majorité des électeurs de droite, qui peut nier qu'elle traverse une crise de croissance ? Mais qui peut nier aussi qu'une crise de croissance est la condition de toute croissance ?
Pour moi, il ne fait pas l'ombre d'un doute qu'une fois le nouveau président du mouvement désigné, l'UMP sera rapidement en ordre de bataille pour les échéances de 2007. J'irai même plus loin : il ne peut pas en être autrement, faute de quoi de très graves déconvenues nous attendent au bout du chemin. Est-ce ce que nous voulons ? En un mot comme en cent, nous allons nous entendre car nous sommes obligés de nous entendre.
Q - Mais faut-il, pour cela, empêcher le ministre le plus populaire du gouvernement de rester au gouvernement s'il veut se présenter à la présidence de l'UMP ?
R - Trois remarques : la première c'est que, sous la Ve République, le chef de la majorité, c'est le Premier ministre. Peut-on imaginer un Premier ministre qui cohabiterait au gouvernement avec le chef du parti détenant la majorité absolue à l'Assemblée nationale et au Sénat ? Deuxième réflexion : il est tout autant difficile d'admettre que le Premier ministre devienne lui-même président de l'UMP sans une refonte profonde de l'organigramme du parti, bref, sans un vice-président ou un secrétaire général désigné pour le décharger du quotidien. Je pense que nous avons mieux à faire qu'à provoquer une effervescence statutaire qui nous éloignerait de l'essentiel, à savoir l'action...
Q - Jacques Chirac et Alain Juppé ont, tous deux, occupé Matignon en même temps que la présidence du RPR...
R - Certes, et c'est ma troisième remarque : les temps ont changé. D'abord, nous ne sommes plus en cohabitation (ce qui était le cas pour Chirac, en 1986) ; ensuite, l'opinion a considérablement évolué sur la question du cumul. Celui-ci n'est plus toléré comme il l'était auparavant. Et nous en avons tiré toutes les conséquences en nous efforçant de faire en sorte que les ministres ne soient plus distraits de leur action par la responsabilité d'un exécutif important. Or qu'est-ce qu'un parti de la taille de l'UMP, sinon un exécutif majeur ?
Enfin, et justement parce que Nicolas Sarkozy incarne une chance déterminante pour la réussite du quinquennat de Jacques Chirac, je souhaite que les questions de personnes ne viennent pas handicaper cette réussite...
Celui qui portera les couleurs de la droite en 2007 ne peut l'emporter que s'il a la confiance de tous. Cette confiance ne peut se forger que dans le respect de nos engagements. Trois ans s'offrent à nous pour agir. Ne les gâchons pas en offrant à nos électeurs le spectacle d'écuries présidentielles concurrentes.
(Source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 22 juillet 2004)