Texte intégral
Q - Le oui des militants PS à la Constitution européenne est-il une bonne nouvelle ?
R - C'est une très bonne nouvelle. C'est bien que le PS reste fidèle à l'héritage européen de Mitterrand et de Delors.
Q - Croyez-vous à la victoire du oui lors du référendum national ?
R - Ce sera un débat difficile. Il faudra éviter que la campagne soit perturbée ou détournée. Il ne s'agira pas de se prononcer pour ou contre le gouvernement : ce sera un vote sur la Constitution européenne. Et un vote absolument vital pour l'ensemble des Français comme pour l'avenir d'une Europe dont dépend leur destin.
Q - Si vous aviez trois raisons à donner pour inciter les Français à voter oui...
R - 1. Pour la première fois, les droits des citoyens, y compris leurs droits sociaux, ont valeur constitutionnelle. 2. Nous aurons enfin une vraie politique étrangère et de défense, avec un ministre européen pour l'incarner. 3. La coopération renforcée entre les États qui souhaitent avancer plus vite et plus loin que les autres sur la route commune (la France, l'Allemagne et beaucoup d'autres) devient possible. L'objectif est de faire de l'Europe autre chose qu'un simple marché.
Q - Comment la France va-t-elle aborder, vendredi, à Bruxelles, l'explosif dossier turc ?
R - En disant la vérité. Le pire, ce serait le silence ou la caricature. La vérité, c'est que des négociations d'adhésion ne sont pas l'adhésion. Ceux qui prétendent que la Turquie va inévitablement, dès demain main, entrer dans l'Union mentent. Cela dit, avec les précautions et les étapes nécessaires, sans complaisance ni raccourcis, notre intérêt est qu'une Turquie intégrée soit, le jour venu, notre frontière définitive au sud-est de l'Europe. Ce serait mieux que de la laisser à l'extérieur, avec le risque qu'elle ne devienne un pays instable et tenté par un autre modèle que le nôtre. Jacques Chirac a exprimé cette conviction avec force. Le moment venu, le peuple français, et lui seul, tranchera par référendum. La conclusion des négociations qui vont s'ouvrir n'est, en effet, pas écrite. C'est un processus dont le résultat n'est pas garanti d'avance : la France souhaite d'ailleurs que ceci soit spécifié vendredi à Bruxelles. En toute hypothèse, nous entendons garder un "lien très fort" avec la Turquie.
Q - La situation en Côte d'Ivoire n'est-elle pas désespérante ?
R - Non, nous continuons de penser qu'une issue politique est possible à la crise qui secoue ce pays ami, et le coupe en deux depuis deux ans. Nous continuons donc de travailler à cette solution, dans le cadre des Accords de Marcoussis et d'Accra, et en appui de l'Union africaine et de la médiation actuelle du président sud-africain. Il n'y a pas d'alternative à cela, sauf la violence. Cette crise qui nous a beaucoup touché - et je veux dire ici ma gratitude à nos soldats qui en ont été les premières victimes, et qui ont fait un énorme travail pour sécuriser tant de citoyens français et européens - pose une question de fond. L'Afrique doit relever des défis immenses, et nous voulons l'aider. Mais sans nous imposer. Nous n'avons pas vocation, en effet, à être les gendarmes de l'Afrique, mais à être les partenaires du développement, de la paix et de la stabilité de ce continent. Il faut pour cela être sûrs que, de part et d'autre, nous sommes bien d'accord sur cet état d'esprit.
Q - Faites-vous encore confiance à Laurent Gbagbo ?
R - Il est le président de la Côte d'Ivoire. La France ne conteste pas sa légitimité. Il s'est maintenant engagé à préparer une élection présidentielle ouverte à tous ceux qui voudront se présenter : c'est une des conditions du succès. Ceux qui sont au Nord se sont, eux, engagés à désarmer : ils doivent tenir parole. Aujourd'hui, Gbagbo, Ouattara, Bédié, Soro ont le destin de leur pays entre leurs mains.
Q - La donne au Proche-Orient est-elle vraiment en train d'évoluer ?
R - Il y a incontestablement une situation nouvelle. 2005 doit être là-bas l'année de la paix. C'est possible, compte tenu du nouveau contexte. J'ai longuement rencontré Ariel Sharon le 18 octobre, comme j'avais longuement rencontré en juin Yasser Arafat. J'ai dit alors, et je le répète, que la décision d'Israël de se retirer de Gaza est une décision courageuse à condition d'être la première étape d'un processus conduisant à deux États d'Israël et de Palestine, vivant côte à côte dans des frontières sûres et reconnues. Les Européens sont unis, et disponibles, pour accompagner le processus de paix. Et pas seulement avec de l'argent. Au-delà du désengagement de Gaza, la France propose d'accélérer le calendrier prévu par la Feuille de route, d'entamer sans attendre des discussions sur le statut final, et de limiter les périodes de transition (qui fragilisent la confiance). Nous souhaitons que la conférence internationale, suggérée depuis si longtemps par la France, se tienne vite pour profiter de la "fenêtre d'opportunité".
Q - Et se tenir où ?
R - Ce n'est pas le problème. Mobilisons-nous pour que l'Europe apporte sa garantie à la mise en uvre de l'accord dont les termes figurent dans la Feuille de route. L'exigence numéro un, légitime, des Israéliens : la sécurité. Les Palestiniens doivent la traiter sérieusement, et l'Union peut contribuer à garantir la gestion des frontières internationales autour de Gaza. Seconde question clé : celle des colonies, dont le développement continu en Cisjordanie est un obstacle à la paix. Il faudra progressivement les évacuer, dans des conditions humaines et économiques acceptables.
Q - Dans quel état d'esprit partez-vous mercredi pour Washington ?
R - Nous n'avons pas de leçons à donner ni à recevoir. Nous voulons regarder devant nous. Nous sommes les alliés les plus anciens des États-Unis. Mais l'alliance, ce n'est pas allégeance. On s'écoute, on se respecte, on se donne parfois raison, on peut aussi avoir des analyses différentes. Cela étant, je considère comme fondamental que nous rénovions et consolidions cette alliance transatlantique. Pour moi, le test, c'est le règlement du conflit israélo-palestinien. Il est au cur du dialogue transatlantique relancé.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2004)
R - C'est une très bonne nouvelle. C'est bien que le PS reste fidèle à l'héritage européen de Mitterrand et de Delors.
Q - Croyez-vous à la victoire du oui lors du référendum national ?
R - Ce sera un débat difficile. Il faudra éviter que la campagne soit perturbée ou détournée. Il ne s'agira pas de se prononcer pour ou contre le gouvernement : ce sera un vote sur la Constitution européenne. Et un vote absolument vital pour l'ensemble des Français comme pour l'avenir d'une Europe dont dépend leur destin.
Q - Si vous aviez trois raisons à donner pour inciter les Français à voter oui...
R - 1. Pour la première fois, les droits des citoyens, y compris leurs droits sociaux, ont valeur constitutionnelle. 2. Nous aurons enfin une vraie politique étrangère et de défense, avec un ministre européen pour l'incarner. 3. La coopération renforcée entre les États qui souhaitent avancer plus vite et plus loin que les autres sur la route commune (la France, l'Allemagne et beaucoup d'autres) devient possible. L'objectif est de faire de l'Europe autre chose qu'un simple marché.
Q - Comment la France va-t-elle aborder, vendredi, à Bruxelles, l'explosif dossier turc ?
R - En disant la vérité. Le pire, ce serait le silence ou la caricature. La vérité, c'est que des négociations d'adhésion ne sont pas l'adhésion. Ceux qui prétendent que la Turquie va inévitablement, dès demain main, entrer dans l'Union mentent. Cela dit, avec les précautions et les étapes nécessaires, sans complaisance ni raccourcis, notre intérêt est qu'une Turquie intégrée soit, le jour venu, notre frontière définitive au sud-est de l'Europe. Ce serait mieux que de la laisser à l'extérieur, avec le risque qu'elle ne devienne un pays instable et tenté par un autre modèle que le nôtre. Jacques Chirac a exprimé cette conviction avec force. Le moment venu, le peuple français, et lui seul, tranchera par référendum. La conclusion des négociations qui vont s'ouvrir n'est, en effet, pas écrite. C'est un processus dont le résultat n'est pas garanti d'avance : la France souhaite d'ailleurs que ceci soit spécifié vendredi à Bruxelles. En toute hypothèse, nous entendons garder un "lien très fort" avec la Turquie.
Q - La situation en Côte d'Ivoire n'est-elle pas désespérante ?
R - Non, nous continuons de penser qu'une issue politique est possible à la crise qui secoue ce pays ami, et le coupe en deux depuis deux ans. Nous continuons donc de travailler à cette solution, dans le cadre des Accords de Marcoussis et d'Accra, et en appui de l'Union africaine et de la médiation actuelle du président sud-africain. Il n'y a pas d'alternative à cela, sauf la violence. Cette crise qui nous a beaucoup touché - et je veux dire ici ma gratitude à nos soldats qui en ont été les premières victimes, et qui ont fait un énorme travail pour sécuriser tant de citoyens français et européens - pose une question de fond. L'Afrique doit relever des défis immenses, et nous voulons l'aider. Mais sans nous imposer. Nous n'avons pas vocation, en effet, à être les gendarmes de l'Afrique, mais à être les partenaires du développement, de la paix et de la stabilité de ce continent. Il faut pour cela être sûrs que, de part et d'autre, nous sommes bien d'accord sur cet état d'esprit.
Q - Faites-vous encore confiance à Laurent Gbagbo ?
R - Il est le président de la Côte d'Ivoire. La France ne conteste pas sa légitimité. Il s'est maintenant engagé à préparer une élection présidentielle ouverte à tous ceux qui voudront se présenter : c'est une des conditions du succès. Ceux qui sont au Nord se sont, eux, engagés à désarmer : ils doivent tenir parole. Aujourd'hui, Gbagbo, Ouattara, Bédié, Soro ont le destin de leur pays entre leurs mains.
Q - La donne au Proche-Orient est-elle vraiment en train d'évoluer ?
R - Il y a incontestablement une situation nouvelle. 2005 doit être là-bas l'année de la paix. C'est possible, compte tenu du nouveau contexte. J'ai longuement rencontré Ariel Sharon le 18 octobre, comme j'avais longuement rencontré en juin Yasser Arafat. J'ai dit alors, et je le répète, que la décision d'Israël de se retirer de Gaza est une décision courageuse à condition d'être la première étape d'un processus conduisant à deux États d'Israël et de Palestine, vivant côte à côte dans des frontières sûres et reconnues. Les Européens sont unis, et disponibles, pour accompagner le processus de paix. Et pas seulement avec de l'argent. Au-delà du désengagement de Gaza, la France propose d'accélérer le calendrier prévu par la Feuille de route, d'entamer sans attendre des discussions sur le statut final, et de limiter les périodes de transition (qui fragilisent la confiance). Nous souhaitons que la conférence internationale, suggérée depuis si longtemps par la France, se tienne vite pour profiter de la "fenêtre d'opportunité".
Q - Et se tenir où ?
R - Ce n'est pas le problème. Mobilisons-nous pour que l'Europe apporte sa garantie à la mise en uvre de l'accord dont les termes figurent dans la Feuille de route. L'exigence numéro un, légitime, des Israéliens : la sécurité. Les Palestiniens doivent la traiter sérieusement, et l'Union peut contribuer à garantir la gestion des frontières internationales autour de Gaza. Seconde question clé : celle des colonies, dont le développement continu en Cisjordanie est un obstacle à la paix. Il faudra progressivement les évacuer, dans des conditions humaines et économiques acceptables.
Q - Dans quel état d'esprit partez-vous mercredi pour Washington ?
R - Nous n'avons pas de leçons à donner ni à recevoir. Nous voulons regarder devant nous. Nous sommes les alliés les plus anciens des États-Unis. Mais l'alliance, ce n'est pas allégeance. On s'écoute, on se respecte, on se donne parfois raison, on peut aussi avoir des analyses différentes. Cela étant, je considère comme fondamental que nous rénovions et consolidions cette alliance transatlantique. Pour moi, le test, c'est le règlement du conflit israélo-palestinien. Il est au cur du dialogue transatlantique relancé.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2004)