Déclarations de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur les atouts de la Normandie, la politique urbaine et l'aide de l'Etat, à Rouen le 20 janvier 1995.

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Circonstance : Déplacement de M. Edouard Balladur à Rouen et en Normandie le 20 janvier 1995 notamment pour l'inauguration du Pont de Normandie.

Média : Paris Normandie - Presse régionale

Texte intégral

(Allocution prononcé à l'Hôtel de Ville de Rouen)
Monsieur le Maire,
Madame et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Élus,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie, Monsieur le Maire, des aimables propos que vous avez bien voulu tenir à mon endroit.
Nous allons tout à l'heure inaugurer le pont de Normandie. C'est bien le signe que la Normandie, comme la ville de Rouen, vont de l'avant.
Je tiens, Monsieur le Maire, à rendre hommage à l'oeuvre que vous accomplissez à la tête de la municipalité depuis quelques mois. Vous avez ainsi pris la digne suite de M. Jean LECANUET.
L'aménagement du quartier Pasteur, comme celui des quartiers ouest, le développement de l'Université, le "métrobus", les transformations du port, autant de projets que vous mettez en oeuvre, autant d'actions qui permettront à la ville de ROUEN de rayonner davantage et d'attirer des investissements créateurs d'emplois.
L'augmentation du nombre d'étudiants, la reprise de l'activité portuaire, la transformation du paysage urbain, sont les premiers résultats de votre politique.
L'État a maintes fois depuis deux ans, contribué aux côtés de la Région au développement de l'université en Normandie.
J'ai d'autre part, décidé que l'Institut National de Recherche Pédagogique viendrait s'installer à ROUEN, accroissant encore le dynamisme intellectuel de la région.
De plus l'État versera une aide de 90 MF à la construction de la nouvelle ligne de métrobus qui sera engagée en 1995.
Un contrat de ville a été conclu l'année dernière. Il a pour objectif de traiter les problèmes des quartiers difficiles.
La politique de la Ville constitue, en effet, une priorité de mon Gouvernement.
Dès le mois d'avril 1993, j'ai demandé à l'Assemblée Nationale de réfléchir sur cette question.
Le problème des banlieues en difficulté fut naturellement au coeur du débat national sur l'aménagement du territoire. La loi d'orientation votée à la fin de l'année dernière en a tiré les conclusions nécessaires.
La croissance des villes, celle de métropoles régionales comme l'agglomération de Rouen en particulier, est bénéfique pour notre économie nationale et régionale. Elle a cependant entraîné des déséquilibres.
Ces déséquilibres, nous les connaissons : la délinquance ordinaire, tous les phénomènes de violence qui nuisent à la paix républicaine, en sont les maux les plus visibles. Ils témoignent d'une crise dont les causes sont aussi profondes que diverses : des logements surpeuplés, un habitat dégradé et souvent inadapté, la coexistence de communautés aux traditions différentes, l'échec scolaire, le chômage. Près du quart de la population de notre pays est, chaque jour, confronté à un environnement moins accueillant et moins sûr.
Ces difficultés constituaient un défi que nous devions relever. Il fallait trouver des réponses simples, claires et efficaces aux problèmes, qui se posent à nos concitoyens.
A partir des conclusions que le débat parlementaire du printemps 93 a dégagées, le Gouvernement, à l'initiative de Madame Simone VEIL, a conduit un important travail de réflexion. Celui-ci a permis de définir cinq priorités :
- L'éducation,
- La formation, l'insertion professionnelle et l'emploi,
- La place de l'État dans la ville, en matière de présence du service public, de justice, de sécurité et de santé,
- Le logement,
- L'environnement et la qualité de la vie.
Pour traduire dans les faits ces priorités, l'action du Gouvernement s'est déployée selon trois axes :
* Des moyens accrus :
- un effort budgétaire, sans précédent à partir de 1993,
* Le choix du partenariat :
- une méthode fondée sur la contractualisation, de façon à mobiliser l'État et les collectivités locales, ainsi que les associations. 214 contrats de ville ont été signés l'année dernière.

* Le souci de l'efficacité :
- une exigence de qualité, de simplicité, de réalisme, dans le choix des actions et dans les procédures de mise en oeuvre.
L'État consacrera, hors contrats de plan en 1995, plus de 8 milliards de francs à la politique de la Ville. Cela signifie une augmentation de près de 4 % par rapport à 1994, après les fortes hausses de 1993.
A ces dotations s'ajoutent plus d'1 milliard de crédits des différents ministères.
On ne peut se contenter de réhabiliter le cadre de vie. Il faut aussi mener des actions d'accompagnement social.
C'est pourquoi, nous avons décidé de favoriser les crédits de fonctionnement qui auront doublé par rapport à 1993 et augmenteront encore de 26 % cette année.
S'agissant de Rouen, l'ensemble de ces actions s'est traduit par une enveloppe de l'État de 2,4 MF, doublée par la Région et venue soutenir les efforts importants que le département et la municipalité ont accomplis.
Pour l'ensemble de la Seine-Maritime, l'État a alloué 15 MF aux actions de la politique de la Ville.
Je tiens à saluer l'engagement de tous les partenaires qui concourent à la réussite des actions menées au titre de la politique de la Ville dans l'agglomération rouennaise : la ville de Rouen et les autres municipalités concernées, le conseil général et le conseil régional, les agents de l'État, les associations et les habitants des quartiers, tous font preuve d'une créativité et d'un dévouement qui sont nécessaires au succès des opérations engagées.
Les problèmes de sécurité, méritent une attention particulière.
"L'État Républicain, c'est aussi une meilleure sécurité pour tous", je l'ai dit le 8 avril 1993. Je continuerai à le dire.
Il fallait inverser la progression constante que la criminalité a connue ces dernières années. Ce phénomène frappe d'abord les plus vulnérables d'entre nous. Il n'est pas tolérable que nos concitoyens subissent la pression de la délinquance. Le Gouvernement se devait de réagir fermement.
Tout a été mis en oeuvre, sous la direction de M. Charles PASQUA, pour arrêter et inverser cette dégradation.
Le Gouvernement a proposé des mesures législatives importantes.
Elles ont été votées par le Parlement au cours des deux dernières années : révision de la procédure pénale, rétablissement des contrôles d'identité, lois sur l'immigration clandestine. Afin de donner toute leur portée pratique à ces textes, l'augmentation des personnels et un effort budgétaire sans précédent étaient décidés. La loi sur la sécurité prévoit, dans les 5 années à venir, la création de 5 000 emplois administratifs et un accroissement crédits de 10 Milliards de Francs.
La loi sur la Justice prévoit, pour la même période de créer 6 000 emplois et d'augmenter le budget de 8 Milliards de Francs.
En matière de sécurité, comme dans bien d'autres domaines, le handicap à surmonter était lourd. Des résultats encourageants ont été pourtant obtenus à l'échelle de la nation dans la lutte que nous menons contre la criminalité.
De 1988 à 1992, la délinquance avait augmenté de 7 % par an en moyenne. En 1993 et 1994, ce phénomène s'est ralenti et est en passe d'être maîtrisé. La croissance est aujourd'hui inférieure à 1 %.
La criminalité de voie publique, celle que la population ressent tout particulièrement a baissé de 2,2 %.
Beaucoup a été fait. Beaucoup reste à faire pour que les secteurs les plus sensibles retrouvent à nouveau la paix publique. L'agglomération de Rouen a encore trop souffert en 1994, dans certains quartiers, de la violence.
Ces difficultés le montrent bien notre équilibre social doit être soigneusement garanti.
Dans les périodes de tension dont certaines zones de l'agglomération rouennaise ont été victimes en 1994, les forces de l'ordre ont su ramener et maintenir le calme.
Celles-ci jouent un rôle de tout premier plan. Je tiens à rendre hommage à l'action quotidienne, délicate et parfois mal comprise, qu'elles mènent sur le terrain.
Je tiens à leur dire la reconnaissance de la Nation.
Le plan départemental de sécurité, que le préfet et le procureur de la République ont mis en place, permet de mieux coordonner l'activité des divers services de l'État et de la rendre plus efficace.
En ce qui concerne les effectifs, un effort tout particulier est fait pour les réajuster en fonction des besoins. A cet effet, je peux vous annoncer que dans les deux prochains mois, un renfort d'une trentaine de fonctionnaires sera affecté en Seine-Maritime.
Dans certains secteurs de nos grandes agglomérations, des économies parallèles ont proliféré, le trafic de stupéfiants s'est développé.
Les drogues, toutes les drogues, constituent un asservissement moral et physique, dont les jeunes sont les premières victimes. Ce n'est pas admissible. On ne peut s'y résigner.
La drogue est, bien souvent, au coeur du phénomène criminel. Outre les ravages qu'elle provoque sur le plan familial, moral et humain, elle est à l'origine de la moitié des délits que l'on constate dans nos villes.
Dans ce domaine, les résultats obtenus en 1994 font apparaître une progression spectaculaire du nombre des personnes interpellées pour infraction à la législation sur les stupéfiants : 581 personnes en 1993, 1 158 en 1994.
Plusieurs filières ont été démantelées au sein des cités durant l'année écoulée, 1 500 kg de cannabis. 300 kg de cocaïne et 10 kg d'héroïne ont été saisis.
Mais cette action serait insuffisante, si elle n'était relayée et accompagnée par celle des divers acteurs qui composent le tissu social. Je me réjouis de la mise en oeuvre d'un schéma régional de prévention et de lutte contre la toxicomanie, à l'initiative de l'État et de la Région.
Bien sûr, elle s'inscrit dans une perspective économique plus générale. Les résultats auxquels nous parvenons, bénéficieront en premier lieu aux habitants des quartiers les plus fragiles. L'insuffisante qualification de certains groupes de population impose des mesures gouvernementales particulières, comme celles que le plan de lutte contre l'exclusion a définies.
Quelles sont-elles ?
- le dispositif d'aide à l'embauche de titulaires du R.M.I. depuis plus de deux ans,
- la priorité donnée aux personnes les plus en difficulté pour l'obtention de contrats de retour à l'emploi,
- l'augmentation du nombre des contrats emploi-solidarité consolidés,
- l'expérimentation de programmes nouveaux d'emplois d'utilité collective.
La reprise de notre économie, d'ores et déjà concrétisée par la création de 210 000 emplois nouveaux en 1994. Il faut tirer parti de ce regain d'activité afin que tous nos concitoyens puissent jouir des bienfaits de la croissance retrouvée.
L'oeuvre dans laquelle la France est engagée est une oeuvre de longue haleine ; le défi est immense, mais il doit être relevé.
Je ne conçois pas de progrès économique qui ne soit pas partagé. La Nation doit se rassembler dans le combat que nous livrons contre toutes les formes d'exclusion et de marginalisation. C'est la condition de notre réussite commune. C'est ainsi que nous rendrons aux Français l'espoir et la confiance dans l'avenir.
(Allocution au Centre d'Etudes Supérieures Industrielles de Normandie)
Mesdames et Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir et d'intérêt que je suis venu aujourd'hui à votre rencontre, en ce Centre d'Études Supérieures Industrielles de Normandie.
D'emblée, je tiens à vous dire à quel point les témoignages, que je viens d'entendre, ceux des jeunes en apprentissage et qualification comme ceux des chefs d'entreprise de la région qui sont réunis au C.E.S.I., sont précieux.
Il est en effet essentiel, quand on a la responsabilité de la conduite des affaires gouvernementales, quand on doit présenter au Parlement des projets de loi puis en assurer l'entrée en vigueur par des décrets, bref, élaborer des politiques publiques, de voir comment celles-ci se traduisent pour ceux auxquels elles sont destinées.
L'occasion m'en est donnée aujourd'hui, en votre Centre d'Études, qui est l'un des plus importants pour la formation du personnel d'encadrement en Haute et Basse Normandie et dans lequel on met en place, avec des financements nationaux ou régionaux, des cycles de formation rendant concrètes toutes les possibilités ouvertes par la loi. C'est pourquoi, après avoir en quelques mots rappelé quel a été le sens de l'action du Gouvernement en faveur de l'emploi et de la formation, des jeunes en particulier, je voudrais revenir sur vos propos et vous dire la vision que j'ai de l'apprentissage, de la pratique de l'alternance et du rôle tout à fait bénéfique que cette organisation des études peut avoir pour faciliter la vie des jeunes.
La lutte contre le chômage et en particulier le chômage des jeunes a toujours été la priorité du Gouvernement. Le rétablissement de la confiance et la reprise de la croissance de l'activité économique ont déjà permis le retour des créations d'emploi. Plus de 210 000 emplois salariés ont ainsi été créés dans le secteur marchand, en 1994. Le taux de chômage des jeunes a diminué l'an dernier : le nombre de chômeurs de moins de 25 ans s'est réduit de plus de 20 000 durant les onze premiers mois de 1994.
Ces résultats ont été obtenus grâce aux actions mises en oeuvre par le Gouvernement.
L'aide au premier emploi des jeunes, qui favorise une insertion durable dans l'entreprise, a eu 60 000 bénéficiaires, sur les 7 derniers mois de l'année 1994.
La priorité donnée par le Gouvernement à la formation en alternance a donné des résultats concrets puisque, dès 1994, les contrats d'apprentissage et de qualification se sont fortement accrus :
- près de 160 000 jeunes sont entrés en apprentissage l'an dernier, soit 30 000 de plus qu'en 1992 et en 1993.
- plus de 115 000 jeunes ont été embauchés sur un contrat de qualification, c'est-à-dire 20 000 de plus qu'en 1993.
Le nombre de jeunes en apprentissage, au début de l'année 1995, est ainsi le plus élevé depuis 25 ans.
Un tel résultat a pu être atteint grâce à l'effort de tous :
- l'État a augmenté les aides aux entreprises qui embauchent des jeunes en formation et a simplifié les procédures administratives,
- les partenaires sociaux, au sein des branches professionnelles, ont su mobiliser les entreprises et développer l'offre de formation,
- les chambres consulaires, comme les régions, ont accru leur effort.
Cet essor des formations en alternance, vous qui travaillez au sein du Centre d'Études Supérieures Industrielles le savez bien, a concerné tous les niveaux de formation, du certificat d'aptitude professionnelle au diplôme d'ingénieur.
Le développement de la formation en alternance est, à mes yeux, un symbole de l'action de réforme qui doit être engagée dans notre pays, en recueillant l'adhésion de tous ceux qui sont concernés.
Certes, des difficultés demeurent et doivent être résolues : le succès de cette politique a entraîné des contraintes sur son financement. Mais un mouvement est lancé, un mouvement d'envergure puisqu'en 1994 ce sont 50 000 jeunes de plus qui ont été accueillis en formation dans des entreprises. Je ne doute pas que la poursuite de l'effort de tous permettra de réduire de façon très importante le chômage des jeunes.
Une bonne formation est en quelque sorte un "passeport pour l'emploi". J'entendais tout à l'heure certains intervenants expliquer leurs motivations. Pour les jeunes qui vivent cette alternance entre théorie et pratique, les raisons mises en avant sont très claires : acquérir simultanément une formation et une expérience professionnelle permet d'aborder le marché du travail sans le handicap du débutant dépourvu de références ; de plus, on se familiarise avec le milieu professionnel, on apprend à trouver sa place dans l'entreprise.
Ce que vous avez dit correspond d'ailleurs tout à fait à l'un des enseignements forts que nous avons retiré de la grande Consultation nationale des jeunes, organisée l'an dernier avec l'envoi d'un questionnaire auquel certains d'entre vous ont, j'imagine, répondu. Une part très importante des réponses à la partie ouverte du questionnaire était consacrée à l'évocation de ce passage souvent délicat de l'école à l'entreprise, de la formation à la vie professionnelle et à l'emploi.
Le Comité d'experts que j'avais chargé d'organiser et de faire vivre cette Consultation, qui a bien travaillé, a décrit ce passage comme le franchissement d'un "mur". Et c'est malheureusement la traduction imagée d'un sentiment qu'ont encore de trop nombreux jeunes : ils se sentent mal préparés à entrer dans le monde du travail, trop peu informés sur ce qu'est une entreprise, sur la façon dont on y trouve sa place, sur la manière de s'y comporter, même.
Ce "mur", il faut le réduire, nous devons tous nous y attacher. C'est pourquoi plusieurs mesures ont déjà été prises, qui vont en ce sens.
La préparation à la vie active doit être acquise de plus en plus tôt. C'est pourquoi plusieurs réformes inscrites dans le Nouveau Contrat pour l'École, mises en oeuvre lors de la dernière rentrée ou qui le seront en septembre 1995, vont développer l'information sur le monde du travail, à l'école.
Les jeunes y ont intérêt, mais aussi les chefs d'entreprise. ? J'entendais tout à l'heure certains responsables de la région dire tout le bien qu'ils pensaient des formations en alternance. Ils y voient un moyen d'adapter aux besoins de leurs entreprises les compétences des jeunes, une façon de transmettre des connaissances, un savoir-faire professionnel qu'on n'acquiert souvent qu'au contact direct de salariés déjà expérimentés. Ils y voient aussi une façon de préparer l'avenir de l'entreprise en y intégrant des jeunes, sans les substituer aux plus anciens, mais en leur permettant au contraire de se côtoyer. Ils y voient enfin, de façon plus large, une bonne manière d'insérer les jeunes dans la vie professionnelle et même dans la vie au sens le plus général. Ils répondent ainsi à une demande des jeunes eux-mêmes que là encore, la Consultation a mis en évidence. Le désir de participer à la vie de la collectivité, de s'engager, de jouer le jeu des institutions, y compris de l'Entreprise est apparu très grand. Il faut que tous y répondent. Le Gouvernement a commencé pour sa part à le faire en prenant de nombreuses mesures de nature à mieux associer notre jeunesse à la vie de la Cité.
Il reste que près du quart des jeunes de moins de vingt ans qui ne poursuivent pas leurs études restent privés d'emplois. Nous ne pouvons à aucun titre nous accommoder de cette situation.
C'est pourquoi j'ai proposé, voici quelques semaines, qu'ensemble nous puissions conforter les premiers résultats obtenus et mettre en place, au bénéfice de jeunes de moins de vingt ans, une "garantie emploi-formation".
Il s'agit de proposer aux intéressés, à la recherche d'un emploi depuis plus de six mois, une formation ou un emploi leur permettant d'acquérir une première expérience professionnelle.
Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement entend mobiliser tous les moyens dont il dispose. Aussi ai-je décidé que le nombre des postes de crédit-formation individualisé serait accru de 10 000 au cours du premier semestre, et que le service public de l'emploi et le réseau local d'accueil, d'information et d'orientation se verrait assigner pour tâche de proposer à chaque jeune de moins de vingt ans confronté à des difficultés particulières d'insertion un stage de formation, une action de formation en alternance ou un emploi.
J'ai demandé qu'en ce qui les concerne, les organisations professionnelles et syndicales ne ménagent aucun effort pour faire en sorte qu'un plus grand nombre de contrats d'apprentissage, de qualification ou d'orientation soit offert aux jeunes.
Ainsi, pourrons-nous aider ceux qui aspirent à entrer dans la vie active à franchir cette étape dans des conditions dignes d'une société plus juste, plus fraternelle et plus efficace.
A vous qui vivez l'alternance entre l'école et l'entreprise, et qui semblez en être heureux, j'ai envie de dire encore quelques mots. On a beaucoup écrit sur l'apprentissage sous toutes ses formes, techniques ou intellectuelles. Le grand poète allemand Goethe a décrit, à travers son héros, le jeune Wilhelm Meister, l'importance des "années d'apprentissage" : l'esprit se forme, chaque expérience prépare mieux à affronter la suivante, tout est gravé dans la mémoire et l'on entre dans "l'âge d'homme". Ce que je souhaite le plus vivement, pour vous et pour toute la jeunesse de notre pays, c'est d'entrer le plus facilement et avec le plus d'atouts dans cet âge. Rien ne doit être négligé pour que le passage de l'école à l'emploi ne soit pas vécu comme un déchirement, mais comme un accomplissement, un épanouissement. Même si, ici, on voit que l'alternance prépare bien à la vie, je sais que tout n'est pas encore parfait, je sais que certains jeunes se sentent encore laissés au bord de la route.
Aussi ai-je une ambition très forte : faire en sorte, par les réformes engagées, par la mise en place de tous les moyens nécessaires, qu'aucun jeune ne reste au milieu du gué, entre la fin de l'école et le début de l'emploi. Cette vision forte peut même trouver une expression encore plus large : faire en sorte qu'aucun Français ne reste sur l'ancienne rive, alors que notre pays s'apprête à toucher, renforcé, en voie d'assainissement, à la rive nouvelle, celle du XXIe siècle. Cette ambition, je veux que tous en soient convaincus, est une ambition pour le pays, c'est ce qui doit être chaque jour, pour tous, une exigence impérieuse : penser à se rassembler, à s'associer dans l'effort, pour se réunir dans le succès.
(Inauguration du Pont de Normandie)
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires et les Élus,
Mesdames et Messieurs,
En construisant le Pont de Normandie, que j'ai le plaisir d'inaugurer avec vous aujourd'hui, vous avez exprimé deux valeurs essentielles pour le progrès de notre pays : l'esprit d'entreprise, le souci d'unité.
1- Votre esprit d'initiative a fait naître cet ouvrage, qui associe heureusement l'élégance et la performance technique. Je vous en félicite, en remerciant tous ceux qui, dans les institutions consulaires, les collectivités territoriales, les administrations et les entreprises se sont engagés dans l'oeuvre commune.
Votre détermination, votre capacité à mobiliser les ressources régionales, apportées par les collectivités et la Chambre de Commerce du Havre, grâce au Pont de Tancarville, ont été soutenues par l'État, qui a assuré la maîtrise d'oeuvre.
La qualité de votre réalisation est un encouragement pour tous ceux qui, comme moi, croient dans l'aptitude de la France et des Français à répondre aux défis qu'elle trouve sur sa route. La France affronte depuis maintenant de nombreuses années une compétition économique mondiale que la récente récession a encore avivée. Elle a su faire face. Elle commence maintenant de sortir de cette période difficile avec une puissance et une ambition intactes.
La France peut, je le crois, envisager son avenir avec confiance et un optimisme raisonné. Elle saura trouver ses propres réponses conformes à son histoire et à sa manière d'être aux questions particulièrement graves que constituent le chômage et l'exclusion. Mais cela ne sera possible qu'en faisant appel au travail et au savoir faire de tous les Français, dans une démarche qui ne peut être que collective. La réalisation qui nous réunit aujourd'hui est à cet égard un encouragement et un exemple.
2- Deuxième valeur essentielle : le souci d'unité. Par ce magnifique ouvrage, vous avez voulu renforcer l'union des deux Normandie. Vous l'avez dit tout à l'heure : chacun a pris sa part dans cette aventure.
L'intérêt de la France commande d'agir comme vous et de toujours privilégier ce qui unit par rapport à ce qui divise. Depuis deux ans, le souci du Gouvernement a été un souci constant de rassemblement, parce que seule l'union permet d'obtenir un progrès direct pour la société française.
Je lance un appel à tous les Français, et en particulier à ceux qui occupent une responsabilité dans la vie de la collectivité, pour qu'ils aient présent à l'esprit ce même souci de dialoguer, de respecter les hommes par delà les différences légitimes des opinions, de se garder des polémiques inutiles. C'est, j'insiste, le meilleur gage d'un débat public digne et serein auquel aspirent nos concitoyens.
Les efforts accomplis pour réaliser le Pont de Normandie sont également le fruit d'une exigence de solidarité.
Il s'agit de promouvoir un développement équilibré du territoire pour que nul ne soit exclu des progrès réalisés par la nation. C'est aussi un des éléments dont notre pays a besoin pour favoriser la croissance économique.
Ces objectifs sont à notre portée, et les régions de Haute et Basse-Normandie ont une part importante à prendre dans leur réalisation.
Je ne méconnais pas les difficultés de l'heure, tout particulièrement dans vos régions qui ont subi de manière douloureuse la crise économique de ces dernières années.
Mais la Normandie, riche d'une activité industrielle importante et d'une agriculture forte, doit prendre conscience de ses atouts, et les jouer avec confiance.
Cette région dispose de trois forces particulières qui lui confèrent une dimension européenne :
- la puissance de son industrie pétro-chimique, puisqu'ici, en Basse Seine sont concentrés le tiers de la capacité du raffinage français et 90 % de la production française d'additifs et de lubrifiants ;
- sa plate-forme portuaire qui est l'ouverture naturelle du Grand Bassin Parisien, et lui donne la vocation d'un grand port européen ;
- sa position stratégique, à proximité du bassin parisien et des grandes zones d'activité du nord de l'Europe, qui en fait un territoire de liaison avec la façade atlantique, et le sud de la Grande Bretagne.
Ces atouts ont été analysés minutieusement par les élus normands. J'ai pu mesurer qu'ils étaient prêts à faire, avec l'État, des choix, certes difficiles mais déterminants.
C'est le sens des Contrats de Plan, et celui du Contrat de Plan Interrégional du Bassin Parisien, dont le Conseil d'Aménagement a été installé au Havre, il y a peu de temps.
Je veux y voir plus qu'un symbole : le signe de la reconnaissance de l'éminence du rôle de la Normandie.
L'essentiel des questions qui ont été évoquées par les élus havrais, lors de notre réunion du 30 mars 1994, ont trouvé des réponses positives. Mais il faut aller plus loin. Il faut soutenir les atouts d'envergure internationale dont dispose le Havre.
Le projet de conversion profonde à Gonfreville fait l'objet d'un examen particulièrement attentif du Gouvernement. Vous le savez. En complément de l'effort que consentent les collectivités concernées, toutes les procédures susceptibles de favoriser cet investissement seront mises en oeuvre. Les négociations sont en voie de se conclure et l'on peut espérer une issue répondant à nos aspirations.
Ce projet devrait conforter la vocation pétrolière de la Basse-Seine. Il contribuera également à l'amélioration de l'environnement.
Je rappelle que le comité de ministres qui s'est tenu à Troyes le 20 septembre sur l'aménagement du territoire, a fixé pour objectif l'élaboration d'un programme concerté pour le développement de l'estuaire de la Seine. Il s'agit d'associer croissance des activités économiques et préservation de l'environnement.
En ce qui concerne les chantiers navals, j'avais depuis longtemps donné mon accord pour faciliter la réalisation du paquebot "Tahiti-Nui" destiné au développement du tourisme en Polynésie. Je suis heureux qu'après plusieurs mois de mise au point technique, le projet définitif ait pu être présenté et approuvé il y a deux jours.
Le Gouvernement s'est par ailleurs battu auprès de l'OCDE pour différer l'application aux chantiers navals français de l'interdiction des aides à la commande. Nous avons obtenu satisfaction : trois ans ont ainsi pu être gagnés, à l'issue desquels l'accord sera réexaminé.
Cette victoire a permis et permettra d'instruire de nouveaux projets au bénéfice des Ateliers et Chantiers du Havre.
Les conditions de desserte ferroviaire de la région ont également été évoquées, il y a un instant.
En ce qui concerne l'accès à Paris et à son agglomération, force est de reconnaître que la qualité du service s'est dégradée au cours des 20 dernières années. Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation. Entre 1994 et 2002, plus d'un milliard de francs seront dépensés pour aménager les voies entre Vernon et Paris.
La création d'une gare à la Défense permettrait de réduire le nombre de circulations à l'approche de la gare Saint-Lazare, et d'améliorer le service rendu aux Normands. Elle assurerait en outre le raccordement de la Normandie au réseau TGV. Cela me paraît une hypothèse de travail intéressante. Je sais que les collectivités normandes ont lancé une étude sur le sujet. Elle devrait être achevée dans quelques semaines. J'en attends les conclusions, mais d'ores et déjà je peux vous dire que je suis prêt à examiner favorablement la constitution d'un comité de pilotage qui, réunissant les élus, l'État et l'opérateur ferroviaire, permettrait de préciser les modalités de mise en oeuvre de cette orientation.
En ce qui concerne les liaisons Paris-Granville et Paris-Caen-Cherbourg, je sais les engagements pris en Basse-Normandie. J'ai demandé au ministre de l'Équipement et des Transports de veiller avec une attention soutenue à ce que les négociations avec la SNCF se déroulent dans les meilleures conditions.
Le Pont de Normandie facilitera le développement économique dans les deux Normandie Les conditions de raccordement avec une prochaine autoroute dans le Calvados, viennent de m'être exposées. Le Gouvernement a réalisé un effort exceptionnel pour moderniser les liaisons routières à l'Ouest du pays, avec, notamment, la route des Estuaires. Cet effort était nécessaire depuis longtemps. C'est ce Gouvernement qui l'a engagé.
Avec le Pont de Normandie, depuis la frontière belge jusqu'à l'Espagne, sur 1200 kilomètres, la route des Estuaires dessert plus de 11 millions d'habitants. Avec l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans l'Union Européenne, et avec la mise en service du Tunnel sous la Manche, les échanges entre la péninsule ibérique, les îles britanniques et l'Europe du Nord sont destinés à une forte évolution.
Le Pont de Normandie est donc une pièce majeure de l'échiquier économique qui se dessine à l'ouest de la France.
En outre, la liaison autoroutière vers Amiens sera réalisée avant cinq ans, ouvrant de nouvelles ouvertures vers l'Europe du nord et de l'est.
Tout ceci facilitera la création d'activités au plan local.
Ainsi, en Basse-Normandie, dans le Calvados, la société pour le développement de l'industrie et de l'emploi interviendra, dorénavant, dans le pays d'Auge, dans les bassins de Honfleur et de Lisieux. Une contribution exceptionnelle de 3 MF sera par ailleurs accordée pour l'aménagement d'une zone de technologie avancée à Honfleur.
Le Pont de Normandie est un exemple éminent de ce que les technologies les plus avancées peuvent apporter au développement d'un territoire. Mais il existe une autre sorte d'infrastructures, bien moins visibles mais tout aussi utiles à notre pays, je veux parler de ce qu'il est convenu d'appeler les autoroutes de l'information.
Le Gouvernement a fixé l'objectif ambitieux, d'une couverture progressive du territoire national par les autoroutes de l'information d'ici 2015.
Afin d'encourager les initiatives et d'évaluer les marchés potentiels de ces nouvelles technologies et de ces nouveaux services, j'ai demandé au ministre de l'Industrie de lancer un appel à propositions pour des expérimentations en vraie grandeur.
Tous les élus concernés m'ont fait connaître leur souhait de voir Caen et le pays d'Auge devenir le lieu d'une telle expérimentation. Je me réjouis de cette initiative ; elle répond au souci du Gouvernement d'associer les collectivités à la démarche qu'il a engagée.
Je ne doute pas qu'un ou plusieurs projets d'expérimentations pourront naître des efforts conjugués de tous les partenaires locaux.
Je puis quant à moi vous assurer que de tels projets seront examinés avec toute la bienveillance nécessaire.
Le caractère exceptionnel de ce qui nous rassemble aujourd'hui illustre ce qui inspire l'aménagement du territoire : l'esprit d'entreprise et le souci d'unité, qui sont des facteurs de développement et de progrès.
Personne ne conteste que la politique d'aménagement du territoire a été relancée avec vigueur depuis vingt mois à l'initiative de M. Charles PASQUA, Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire. Mais surtout, cette politique a été modernisée. Elle l'a été de deux manières :
- dans son élaboration d'abord.
La nouvelle politique d'aménagement du territoire est le fruit d'une concertation qui n'avait jamais été pratiquée à un tel niveau. Le débat national qui a duré près de dix mois et auquel j'ai personnellement participé dans dix régions, et l'intensité du travail parlementaire en ont été les éléments essentiels.
- Cette politique a également été modernisée dans son contenu.
L'aménagement du territoire, ce ne sont plus seulement les grands projets de l'État. C'est aussi l'enseignement supérieur, la recherche, la culture, et une meilleure répartition des centres de décision. Ce n'est plus seulement l'État, mais aussi l'Union Européenne, les collectivités territoriales, les entreprises chargées d'un service public. En somme, l'aménagement du territoire est devenu un état d'esprit, une appréhension globale qui s'impose aux autres actions publiques.
La modernisation de l'aménagement du territoire est dorénavant inscrite dans la loi. Charles PASQUA et Daniel HOEFFEL ont porté jusqu'à son aboutissement un texte qui est fondateur des nouveaux droits des territoires.
Des réformes importantes ont été réalisées. Elles l'ont été à partir de deux principes : restaurer l'équité, renforcer la solidarité.
- Restaurer l'équité, c'est traiter différemment les situations en fonction de leurs caractéristiques propres. C'est corriger les handicaps imposés par la géographie ou par les évolutions trop soudaines de l'activité économique.
Deux exemples de ce qu'a fait le Gouvernement. Pour la première fois, l'État a adapté le volume de ses dotations pour les contrats de plan, aux situations réelles des régions. Par ailleurs, les zones d'aménagement du territoire bénéficient désormais d'un régime préférentiel en matière de charges fiscales et sociales des entreprises, et d'attribution des subventions qui relèvent de l'État. Ces souplesses, cette volonté de s'adapter à la réalité des choses sont bien garantes d'une plus grande équité.
- Second principe : renforcer la solidarité. Notre ambition est d'assurer la cohésion de nos territoires et par là la cohésion nationale. Cette cohésion est le gage de l'unité de notre pays, et de sa force.
Je rappellerai la profonde réforme du système autoroutier qui, au-delà d'une accélération des travaux, a créé une péréquation entre les sociétés concessionnaires. Je rappellerai les fonds nationaux qui ont été créés en faveur du développement des territoires, des voies de communication et pour la création d'entreprises, et qui, avec environ 5 milliards de francs en 1995, sont l'expression de solidarités nationales. Je rappellerai enfin les nouvelles modalités de péréquation entre les collectivités territoriales qui ont été décidées depuis l'automne 1993. Tout ceci contribue à l'unité de notre pays.
Le Gouvernement a engagé de manière irréversible l'effort de la Nation pour développer et aménager le territoire. Il s'est efforcé de voir loin, à l'horizon 2015, d'anticiper, pour composer la France que nous léguerons à nos enfants.
La voie est ouverte à d'autres réformes, toutes nécessaires pour s'approcher de l'objectif que nous nous sommes fixé : retrouver l'unité du pays, accélérer son progrès.
C'est ainsi qu'une meilleure utilisation des ressources existantes s'impose. Il s'agit d'adapter la fiscalité locale. Il s'agit de mieux intégrer l'impératif de service public dans le fonctionnement des grandes institutions nationales. Il s'agit de réaliser de grands projets ou, comme ici, d'exploiter au mieux les grands équipements qui viennent d'être achevés.
C'est ainsi également que les institutions doivent connaître une nouvelle évolution. Il en est de l'État qui doit se renforcer dans ses échelons locaux, et des collectivités dont les compétences méritent d'être élargies et simplifiées. Il nous faut trouver plus de clarté et plus de simplicité pour que la démocratie locale vive pleinement.
Sur tous ces sujets, le Gouvernement a suscité nombre de propositions. Il a engagé la concertation.
La loi pour le développement et l'aménagement du territoire n'est qu'une étape dans une action qui ne saurait porter ses fruits que progressivement. Elle est appelée à de multiples développements. L'aménagement du territoire doit, à mes yeux, être pour longtemps encore au centre des préoccupations de l'État.
Mesdames et messieurs,
Lorsque le Gouvernement a pris ses fonctions, il y a deux ans, la France connaissait une période de difficultés à cause de la récession, des déficits, des périls menaçant la protection sociale, du chômage, qui la conduisaient parfois à douter d'elle même.
En deux ans à peine, beaucoup a été fait. La croissance est revenue en 1994 et s'accélère en 1995. Les déficits publics sont revenus sous contrôle. Le chômage s'est stabilisé : les créations d'emplois ont repris en 1994 et le nombre de chômeurs devrait connaître une première baisse en 1995, c'est du moins l'espoir qui est aujourd'hui raisonnablement le nôtre.
Tous ces résultats, j'en suis le premier convaincu, ne sont pas suffisants. Il faudra par un effort collectif auquel chacun est appelé, accentuer la baisse du chômage, trouver de nouveaux remèdes aux problèmes de l'exclusion, développer une économie toujours plus compétitive. Ce sera une tâche patiente et exigeante pour les prochaines années.
La France ne manque pas d'atouts pour la mener à bien.
En ce jour d'inauguration du Pont de Normandie, la France peut être fière d'elle-même et avoir confiance en son avenir. Qu'aucun Français ne vienne à douter de la France : tel est le voeu que je forme aujourd'hui pour notre pays.