Texte intégral
Chers camarades,
Depuis notre rencontre l'an passé, beaucoup de chemin a été parcouru. Le fait que nous soyons deux fois plus nombreux, et surtout la richesse et la vivacité de nos débats en témoigne.
A partir de nos analyses sur les raisons de notre affaiblissement, de nos choix novateurs de congrès, nous nous sommes positionnés en reconquête, avec la volonté de faire rayonner le sens du combat communiste. Dans les luttes, nous avons donné à voir des propositions alternatives aux politiques libérales avec notamment l'apport du travail de nos parlementaires. Avec les chercheurs, les enseignants, les intermittents, les électriciens et les gaziers, les cheminots, mais également avec les femmes contre les violences et les discriminations, avec les associations dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, avec les chômeurs et les hommes et femmes sans papiers, pour le droit au logement, nous avons été solidaires, présents dans les manifs, mais surtout nous avons mené au cur de ces conflits le débat sur les logiques dominantes des politiques menées, sur les propositions alternatives sur chaque question, les conditions à réunir sur les contenus et la pratique pour qu'une autre politique soit possible. J'en ai fait l'expérience, avec les chercheurs, lors de leurs Etats Généraux de Grenoble.
Nous avons dans le même temps affronté de façon offensive les échéances électorales - régionales, européennes, cantonales et les récentes partielles - et lancé, dès septembre 2003, le combat contre le projet de traité constitutionnel et pour un référendum lors d'une conférence de presse avec Francis Wurtz.
Nous avons pris des initiatives comme le lancement d'une campagne sur l'emploi, avec des actes pour une sécurité d'emploi et de formation, la création des comités de défense de la sécurité sociale, pour un service public de l'habitat, contre les coupures d'électricité, pour le pouvoir d'achat avec la pétition pour les 300 euros que nous avons déposée hier à Matignon.
En fait, les communistes ont engagé une dynamique patiente et titanesque pour refaire de la politique une propriété populaire.
Faire de la politique une propriété populaire, c'est bien sûr mettre les choix politiques entre les mains du plus grand nombre, mais c'est de façon indissociable, redonner du sens à la politique, poser les questions du contenu au niveau nécessaire. C'est à dire celui d'une rupture claire avec les politiques libérales, celui d'un projet de transformation sociale.
J'insiste sur ce point car chacune, chacun, ici, a conscience de l'énorme poids des idées de renoncements, du découragement voire de la désespérance auxquels notre peuple a été conduit durant toutes ces années; par la bataille idéologique et les coups de butoir des tenants de l'ordre établi, mais aussi par les reculs idéologiques et politiques à gauche. Cela doit-il nous conduire à en rabattre, à plier les gaules, à nous adapter ? Cette voie, je le pense profondément, serait prendre la responsabilité de tuer tout espoir à gauche. Car, modestement, lucide sur la force actuelle du PCF, je pense que le fait qu'un parti comme le nôtre, enraciné dans notre peuple, porteur d'un héritage exceptionnel, disposant d'un potentiel humain engagé, étant à la fois force de résistance, de proposition et de gestion, oui, je crois que le fait que ce parti maintienne haut et fort la non acceptation des logiques capitalistes et des politiques ultra-libérales qui l'accompagnent ; que ce parti maintienne l'objectif de dépasser le capitalisme, de combattre toutes les formes de domination, d'exploitation, d'aliénation pour construire d'autres rapports sociaux, d'autres rapports entre les individus et entre les peuples, un monde de justice, de solidarité, de paix ; oui, un tel parti porteur de ces objectifs peut permettre que se lève à partir des souffrances, des colères, des révoltes, une dynamique de changement qui bouscule la donne actuelle.
Permettez-moi de vous lire ce que disait le réalisateur Robert Guédiguian lors d'un récent interview : " Le sentiment que tout combat est inutile paralyse la terre entière. On manque de grandes victoires. Les actions d'aujourd'hui ne servent qu'à freiner des processus qui semblent inéluctables, et qui pourtant ne le sont pas. Même sur des problèmes extrêmement concrets (retraite, chômage), on a l'impression de n'être que des ralentisseurs. C'est une satisfaction trop mince pas du tout mobilisatrice. Pour être mobilisé, il faut croire à la possibilité d'un monde meilleur. On ne peut pas vivre sans ce rêve. "
Personnellement, je crois que les communistes, nous sommes de ceux et celles, parmi d'autres, qui peuvent redonner à voir la possibilité d'un monde meilleur et contribuent ainsi à la montée des luttes, à la construction d'un rassemblement populaire majoritaire porteur d'une véritable alternative politique.
Est-ce un objectif raisonnable ? Ce qui est certain, c'est que cet objectif est nécessaire, à moins de se résoudre à panser les plaies du capitalisme mondialisé. Est-ce un objectif raisonnable? Dans l'état actuel des positionnements à gauche, faudrait-il y renoncer? Soit en s'isolant, soit en s'illusionnant sur un cartel à gauche de la gauche, soit en renonçant, en se lovant dans un PS dominant. Non, c'est un objectif qui vaut que nous menions partout le débat sur les contenus, avec les syndicats, les associations, les hommes, les femmes, mais aussi les forces politiques. C'est toute la gauche que nous voulons interpeller et faire bouger.
Est-ce un objectif raisonnable ? Oui, car il répond aux attentes de ceux et celles qui, aujourd'hui, n'acceptent pas et cherchent le chemin d'un changement réel. Et ce sont ces hommes, ces femmes qui peuvent se retrouver dans les forums.
A t-on les moyens, nous les communistes, de contribuer à cet objectif ? Je le pense.
Dans un monde déshumanisé, où on cherche à faire peur, la présence solidaire, l'appel à l'intelligence des communistes est un levier fort.
Dans un monde, où on veut imposer au peuple l'ordre établi, le politiquement correct, les propositions alternatives, le projet des communistes sont un levier fort.
Dans un monde où on veut diviser, opposer, mettre en concurrence les salariés, où certains rêvent d'un communautarisme brisant le tous ensemble, l'appel au débat, à la confrontation d'idées pour rassembler sur un socle solide est un levier fort.
Pourquoi je dis tout cela ? Parce que je crois qu'il faut que nous allions tranquillement, sereinement vers les autres, l'heure n'est pas au repli. " Notre identité ", ce n'est pas d'être seuls et sûrs de nous, notre identité c'est que des millions d'individus soient dans notre pays acteurs, rassemblés pour dans les luttes, les mouvements, les institutions, faire vivre une politique de transformation sociale.
Notre identité, c'est face à l'état du monde, de contribuer à lever une mobilisation la plus large pour que les rapports de domination reculent ; de contribuer à lever une mobilisation la plus large pour qu'enfin le peuple palestinien puisse vivre libre dans un Etat en coopération avec le peuple israélien- c'est le sens de la campagne que nous lançons "Faisons tomber les murs"- de contribuer à une mobilisation pour une autre mondialisation.
Oui, nous pouvons être utiles et ouvrir d'autres possibles si nous sommes audacieux sur nos propositions, déterminés dans le débat d'idées, ouverts et rassembleurs.
Permettez-moi d'illustrer mon propos avec notre positionnement et notre démarche sur le projet de traité constitutionnel.
Dès septembre 2003, à partir de l'analyse de ce texte, nous avons dénoncé la camisole libérale qu'il constituait. Notre positionnement a été clair : il faut stopper la construction libérale de l'Europe. Pour répondre aux attentes des peuples, il faut une autre Europe, il faut dire NON.
Et c'est à partir de ce positionnement net, fort que nous pouvons aujourd'hui ouvrir des espaces où tous ceux et toutes celles qui veulent, à gauche, s'opposer à ce texte libéral et travailler à une autre Europe puissent s'exprimer, agir.
Marie-Claire a évoqué le meeting de Toulouse où toutes les forces de gauche étaient présentes. En sortant de la salle, je me suis fait arrêter par un groupe de participants au meeting, ils m'ont tout simplement dit " on est des militants socialistes, ce soir on était bien".
Oui, nous avons la volonté sur ce contenu clair sur l'Europe, de rassembler majoritairement sur le non.
Est-ce que sur l'emploi, l'école, la santé, le service public, l'utilisation du crédit, la fiscalité, la conception du pouvoir, les droits des résidents étrangers, nous sommes aussi pôle de référence, acteurs actrices de rassemblement, c'est cela l'enjeu des forum programmes.
Peut-on penser qu'il y aurait un calendrier pour nous qui serait :
- D'abord être dans la résistance, les luttes ;
- Puis, faire gagner le non au référendum ;
- Puis, parler programme, rassemblement ;
- Et enfin élections.
Penser comme cela, me semble nous placer hors de la vie politique, hors de la vie tout court.
Permettez-moi de revenir sur les forum des cheminots. On avait prévu un premier débat sur la SNCF et un autre sur la construction de la perspective. Dès la seconde intervention, un syndicaliste a posé, à partir des menaces pesant sur la SNCF, la question du positionnement par rapport à la Constitution et les 3ème et 4ème intervenants revenaient sur l'expérience de la gauche plurielle et sur quelles garanties demain dans la pratique du pouvoir
Je crois qu'aujourd'hui développement des luttes et contenu, possibilité d'une alternative sont intimement mêlés. Comme sont mêlés le débat à gauche sur le projet de Constitution et le débat sur rupture ou non avec le sillon libéral.
Lorsqu'on se bat pour faire gagner le non, et c'est pour nous central, on agit aussi sur quelles réponses à gauche demain en France. Quand on se bat contre les délocalisations, les licenciements, contre la précarisation de la société, on mesure que les réponses ne peuvent être partielles et qu'au contraire elles appellent un projet porteur d'une autre logique.
Nous travaillons à rendre visible, accessible ce projet à partir de nos propositions, des exigences portées dans les luttes. Dès le mois de janvier, je souhaite qu'on puisse verser dans un grand débat populaire nos propositions donnant à voir des changements nécessaires pour en finir avec le chômage, la misère, garantir les droits, la sécurité d'emploi, fonder une pleine démocratie populaire, changer la construction européenne, promouvoir une autre mondialisation, à l'entreprise comme dans la cité et bien d'autres objectifs.
Ce débat populaire, nous voulons le mener au corps à corps dans les entreprises et les cités, au cur des luttes, dans notre campagne pour le non à la constitution Giscard, et dans les forums. Dans des forums où les citoyens et citoyennes, les syndicalistes, les militants associatifs, peuvent débattre entre eux avec les communistes, mais aussi avec les représentants d'autres forces de gauche. De ces forums, rencontres, nous pourrons travailler à une grande rencontre nationale de leurs délégués venus de toute la France, dont la date dépendra bien sûr de celle du référendum
Il s'agit par ce grand débat populaire de faire en sorte qu'à aucun moment les hommes et les femmes qui aujourd'hui souffrent, se révoltent, agissent pour certains, qu'à aucun moment, ils, elles, ne soient dessaisis des décisions concernant le contenu politique, les contours de rassemblement, les contours de l'union, et demain ne soient pas dessaisis de l'exercice du pouvoir.
Il serait paradoxal, dans une période aussi décisive, que nos choix de congrès sur le rôle et l'intervention populaire ne guident pas notre pratique.
Mesurons bien après avoir subi tant de déceptions à quel point des hommes et des femmes doutent " des politiques ", comme ils disent, tout en cherchant les réponses politiques, les chemins leur permettant de peser. Soyons le parti qui prend en mains cette exigence d'être acteurs, actrices de leurs vies, du cours du monde.
Vous le voyez, à chaque moment, en évoquant luttes, débats politiques, campagne pour le non, construction de l'alternative, je suis amenée à souligner les responsabilités, les potentialités du parti. C'est par la qualité de son apport dans le mouvement populaire qu'il sera reconnu et non par l'affirmation, même sans cesse répétée de son rôle.
Des dynamiques se cherchent, imaginons ce que nous pouvons faire germer pour que l'exigence de transformation sociale en France et en Europe grandisse et devienne une force apte à peser dans le débat public, à faire bouger la donne à gauche.
Certains voudraient bien effacer cet apport du PCF ou du moins le réduire à la marge comme aiguillon ou bonne conscience d'une vie politique française rythmée par des alternances qui ne bousculent rien.
La droite et la gauche, ce n'est pas pareil, disons-nous, et souvent on ajoute, on le voit bien aujourd'hui avec le terrible bilan de la droite au pouvoir. C'est vrai. Mais j'ai envie de prendre les choses un peu autrement.
Face à une offensive ultra libérale d'une telle violence en France, en Europe et dans le monde, la réponse à gauche ne peut plus être pareille à celle qu'elle a été dans le passé.
On a parlé de droite décomplexée. Il est certain qu'en Europe, comme en France, les forces conservatrices estiment qu'elles ont les moyens de passer une étape spectaculaire dans la casse des droits et des garanties individuelles et collectives gagnées par les luttes et dans la loi depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Le sacre de Monsieur Sarkozy témoigne d'une radicalisation de la droite sur des positions ultralibérales, atlantistes, liberticides, d'ordre moral, populistes, on l'a entendu avec Dassault, mais cela n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Réélection de Bush, glissement de l'Europe sur des bases de plus en plus libérales, tel est le contexte.
Le grand patronat, les forces conservatrices surfent sur les échecs des " alternatives proposées " aux peuples : pays socialistes, gouvernement de gauche. Ils surfent également sur le fait qu'à gauche une partie des forces prend acte que le seul chemin possible serait dans le cadre qu'ils ont eux-mêmes fixé.
Cette offensive réactionnaire, qui vise à enlever toute entrave au capitalisme mondialisé, appelle une réponse autre des forces progressistes. Beaucoup d'hommes et de femmes le perçoivent, le libéralisme est sur la sellette, le contenu de l'alternative aussi. C'est le sens du contenu de l'appel que nous proposons de leur lancer.
C'est pour cela que se lève enfin un vrai débat à gauche. Celui que nous avions soulevé au lendemain du 21 avril : rupture ou non avec la politique libérale, mise en cause ou non des logiques capitalistes, nouvelle conception ou non de la pratique du pouvoir.
Mesurons l'ampleur, l'importance du débat à gauche à partir du positionnement sur la Constitution européenne. Un débat qui traverse le PS, les Verts et bien des hommes et des femmes engagés.
Jeudi soir, au nom du oui majoritaire, François Hollande a de façon nouvelle affirmé, assumé le choix du congrès de Dijon d'un réformisme de gauche. Ne sous-estimons pas le poids de ce positionnement sur la réflexion des hommes et des femmes de gauche et donc la responsabilité du PS dans une acceptation possible d'une Europe libérale. Mais voyons aussi les résistances, les exigences de clarification qui se font jour. Nous sommes à une période charnière, décisive à gauche. Il y a une sorte de course de vitesse à gauche entre une démarche des choix de renoncement et une démarche, des choix de transformation.
Par le fait des événements, nous pouvons être la force qui fait sens, repère dans ce débat. A travers " notre non " à l'Europe libérale, à travers nos propositions pour changer la vie, nous pouvons être source d'une dynamique sociale, populaire, citoyenne à gauche.
Une dynamique qui porte " une gauche durable " non parce qu'elle s'accommode du cours des choses, mais parce qu'elle le transforme et ainsi répond aux aspirations populaires.
Souvent, j'ai le sentiment que, peut être comme jamais, le combat communiste est d'actualité.
Il apparaît décisif aujourd'hui. Décisif pour que le non l'emporte parce que nous aurons créé les conditions d'un large rassemblement populaire à partir des aspirations des hommes et des femmes de gauche.
Décisif pour que ceux qui résistent se voient reconnus, à tous les niveaux de décision.
Décisif pour que se lève un débat populaire sur le contenu de l'alternative dans les luttes, les forums-programme.
J'entends parfois des camarades dire " on ne peut pas tout faire, il nous faut plus de temps ". J'ai envie de leur dire : nous ne sommes maîtres ni du calendrier, ni des urgences C'est à chaque mauvais coup qu'il faut riposter sans attendre, c'est maintenant qu'il faut gagner un par un les votes pour le non au référendum, c'est maintenant qu'il faut disputer le terrain à gauche sur le contenu de l'alternative, pas à la veille des élections. C'est maintenant qu'il faut faire grandir le rassemblement sur une politique apte à répondre aux attentes populaires, pas à la veille des élections.
Mais surtout, j'ai envie de leur dire : certes, le travail est colossal mais il est à la portée de l'engagement des communistes, de leur lucidité sur les enjeux actuels, de leur envie d'être de toutes les résistances, de leur volonté d'être des constructeurs de l'alternative politique.
Bien sûr, cela exige que nous fassions exploser les potentiels humains, militants du parti. Cela passe par la qualité de nos débats internes, l'ambition dans nos objectifs, et surtout, surtout de multiplier les rencontres avec d'autres, le débat avec d'autres, l'action avec d'autres.
Chaque fois, c'est mon expérience, chaque fois à la porte de l'entreprise, dans les meetings, au cours des forums, il se passe quelque chose, les exigences montent, le rassemblement sur le non se construit, le débat sur l'alternative grandit : devant Citroën, avec les cheminots, à Toulouse, ou dans les quartiers populaires, je constate que le geste, la parole sont payant
Ces expériences vous les faites aussi.
Alors, gagnons chaque militant, cela vaut le coup d'être communiste. Et c'est aussi très efficace. Le militantisme est une richesse incomparable qu'il nous faut encore mieux valoriser. Et nous allons mettre en place ce réseau des animateurs et animatrices de section proposé aujourd'hui pour y contribuer.
Nous constatons aussi le retour d'anciens adhérents dans notre parti. Poursuivons nos efforts pour qu'un nombre toujours plus grand d'entre elles et eux nous rejoignent. Mais, créons aussi les condition d'en gagner beaucoup de nouveaux, de nouvelles. Ne ménageons pas nos efforts non plus pour élargir la diffusion de l'Humanité dont chacun, chacune reconnaît le rôle irremplaçable pour tout ce que nous entreprenons.
Chers camarades,
Il y a du grain à moudre, on va faire bouger les choses.
On va faire gagner le non.
On va lever une dynamique pour changer la donne politique, pour changer la gauche et ouvrir dans notre pays une véritable alternative de progrès humain et de justice sociale
Alors allons-y
(Source http://www.pcf.fr, le 14 décembre 2004)
Depuis notre rencontre l'an passé, beaucoup de chemin a été parcouru. Le fait que nous soyons deux fois plus nombreux, et surtout la richesse et la vivacité de nos débats en témoigne.
A partir de nos analyses sur les raisons de notre affaiblissement, de nos choix novateurs de congrès, nous nous sommes positionnés en reconquête, avec la volonté de faire rayonner le sens du combat communiste. Dans les luttes, nous avons donné à voir des propositions alternatives aux politiques libérales avec notamment l'apport du travail de nos parlementaires. Avec les chercheurs, les enseignants, les intermittents, les électriciens et les gaziers, les cheminots, mais également avec les femmes contre les violences et les discriminations, avec les associations dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, avec les chômeurs et les hommes et femmes sans papiers, pour le droit au logement, nous avons été solidaires, présents dans les manifs, mais surtout nous avons mené au cur de ces conflits le débat sur les logiques dominantes des politiques menées, sur les propositions alternatives sur chaque question, les conditions à réunir sur les contenus et la pratique pour qu'une autre politique soit possible. J'en ai fait l'expérience, avec les chercheurs, lors de leurs Etats Généraux de Grenoble.
Nous avons dans le même temps affronté de façon offensive les échéances électorales - régionales, européennes, cantonales et les récentes partielles - et lancé, dès septembre 2003, le combat contre le projet de traité constitutionnel et pour un référendum lors d'une conférence de presse avec Francis Wurtz.
Nous avons pris des initiatives comme le lancement d'une campagne sur l'emploi, avec des actes pour une sécurité d'emploi et de formation, la création des comités de défense de la sécurité sociale, pour un service public de l'habitat, contre les coupures d'électricité, pour le pouvoir d'achat avec la pétition pour les 300 euros que nous avons déposée hier à Matignon.
En fait, les communistes ont engagé une dynamique patiente et titanesque pour refaire de la politique une propriété populaire.
Faire de la politique une propriété populaire, c'est bien sûr mettre les choix politiques entre les mains du plus grand nombre, mais c'est de façon indissociable, redonner du sens à la politique, poser les questions du contenu au niveau nécessaire. C'est à dire celui d'une rupture claire avec les politiques libérales, celui d'un projet de transformation sociale.
J'insiste sur ce point car chacune, chacun, ici, a conscience de l'énorme poids des idées de renoncements, du découragement voire de la désespérance auxquels notre peuple a été conduit durant toutes ces années; par la bataille idéologique et les coups de butoir des tenants de l'ordre établi, mais aussi par les reculs idéologiques et politiques à gauche. Cela doit-il nous conduire à en rabattre, à plier les gaules, à nous adapter ? Cette voie, je le pense profondément, serait prendre la responsabilité de tuer tout espoir à gauche. Car, modestement, lucide sur la force actuelle du PCF, je pense que le fait qu'un parti comme le nôtre, enraciné dans notre peuple, porteur d'un héritage exceptionnel, disposant d'un potentiel humain engagé, étant à la fois force de résistance, de proposition et de gestion, oui, je crois que le fait que ce parti maintienne haut et fort la non acceptation des logiques capitalistes et des politiques ultra-libérales qui l'accompagnent ; que ce parti maintienne l'objectif de dépasser le capitalisme, de combattre toutes les formes de domination, d'exploitation, d'aliénation pour construire d'autres rapports sociaux, d'autres rapports entre les individus et entre les peuples, un monde de justice, de solidarité, de paix ; oui, un tel parti porteur de ces objectifs peut permettre que se lève à partir des souffrances, des colères, des révoltes, une dynamique de changement qui bouscule la donne actuelle.
Permettez-moi de vous lire ce que disait le réalisateur Robert Guédiguian lors d'un récent interview : " Le sentiment que tout combat est inutile paralyse la terre entière. On manque de grandes victoires. Les actions d'aujourd'hui ne servent qu'à freiner des processus qui semblent inéluctables, et qui pourtant ne le sont pas. Même sur des problèmes extrêmement concrets (retraite, chômage), on a l'impression de n'être que des ralentisseurs. C'est une satisfaction trop mince pas du tout mobilisatrice. Pour être mobilisé, il faut croire à la possibilité d'un monde meilleur. On ne peut pas vivre sans ce rêve. "
Personnellement, je crois que les communistes, nous sommes de ceux et celles, parmi d'autres, qui peuvent redonner à voir la possibilité d'un monde meilleur et contribuent ainsi à la montée des luttes, à la construction d'un rassemblement populaire majoritaire porteur d'une véritable alternative politique.
Est-ce un objectif raisonnable ? Ce qui est certain, c'est que cet objectif est nécessaire, à moins de se résoudre à panser les plaies du capitalisme mondialisé. Est-ce un objectif raisonnable? Dans l'état actuel des positionnements à gauche, faudrait-il y renoncer? Soit en s'isolant, soit en s'illusionnant sur un cartel à gauche de la gauche, soit en renonçant, en se lovant dans un PS dominant. Non, c'est un objectif qui vaut que nous menions partout le débat sur les contenus, avec les syndicats, les associations, les hommes, les femmes, mais aussi les forces politiques. C'est toute la gauche que nous voulons interpeller et faire bouger.
Est-ce un objectif raisonnable ? Oui, car il répond aux attentes de ceux et celles qui, aujourd'hui, n'acceptent pas et cherchent le chemin d'un changement réel. Et ce sont ces hommes, ces femmes qui peuvent se retrouver dans les forums.
A t-on les moyens, nous les communistes, de contribuer à cet objectif ? Je le pense.
Dans un monde déshumanisé, où on cherche à faire peur, la présence solidaire, l'appel à l'intelligence des communistes est un levier fort.
Dans un monde, où on veut imposer au peuple l'ordre établi, le politiquement correct, les propositions alternatives, le projet des communistes sont un levier fort.
Dans un monde où on veut diviser, opposer, mettre en concurrence les salariés, où certains rêvent d'un communautarisme brisant le tous ensemble, l'appel au débat, à la confrontation d'idées pour rassembler sur un socle solide est un levier fort.
Pourquoi je dis tout cela ? Parce que je crois qu'il faut que nous allions tranquillement, sereinement vers les autres, l'heure n'est pas au repli. " Notre identité ", ce n'est pas d'être seuls et sûrs de nous, notre identité c'est que des millions d'individus soient dans notre pays acteurs, rassemblés pour dans les luttes, les mouvements, les institutions, faire vivre une politique de transformation sociale.
Notre identité, c'est face à l'état du monde, de contribuer à lever une mobilisation la plus large pour que les rapports de domination reculent ; de contribuer à lever une mobilisation la plus large pour qu'enfin le peuple palestinien puisse vivre libre dans un Etat en coopération avec le peuple israélien- c'est le sens de la campagne que nous lançons "Faisons tomber les murs"- de contribuer à une mobilisation pour une autre mondialisation.
Oui, nous pouvons être utiles et ouvrir d'autres possibles si nous sommes audacieux sur nos propositions, déterminés dans le débat d'idées, ouverts et rassembleurs.
Permettez-moi d'illustrer mon propos avec notre positionnement et notre démarche sur le projet de traité constitutionnel.
Dès septembre 2003, à partir de l'analyse de ce texte, nous avons dénoncé la camisole libérale qu'il constituait. Notre positionnement a été clair : il faut stopper la construction libérale de l'Europe. Pour répondre aux attentes des peuples, il faut une autre Europe, il faut dire NON.
Et c'est à partir de ce positionnement net, fort que nous pouvons aujourd'hui ouvrir des espaces où tous ceux et toutes celles qui veulent, à gauche, s'opposer à ce texte libéral et travailler à une autre Europe puissent s'exprimer, agir.
Marie-Claire a évoqué le meeting de Toulouse où toutes les forces de gauche étaient présentes. En sortant de la salle, je me suis fait arrêter par un groupe de participants au meeting, ils m'ont tout simplement dit " on est des militants socialistes, ce soir on était bien".
Oui, nous avons la volonté sur ce contenu clair sur l'Europe, de rassembler majoritairement sur le non.
Est-ce que sur l'emploi, l'école, la santé, le service public, l'utilisation du crédit, la fiscalité, la conception du pouvoir, les droits des résidents étrangers, nous sommes aussi pôle de référence, acteurs actrices de rassemblement, c'est cela l'enjeu des forum programmes.
Peut-on penser qu'il y aurait un calendrier pour nous qui serait :
- D'abord être dans la résistance, les luttes ;
- Puis, faire gagner le non au référendum ;
- Puis, parler programme, rassemblement ;
- Et enfin élections.
Penser comme cela, me semble nous placer hors de la vie politique, hors de la vie tout court.
Permettez-moi de revenir sur les forum des cheminots. On avait prévu un premier débat sur la SNCF et un autre sur la construction de la perspective. Dès la seconde intervention, un syndicaliste a posé, à partir des menaces pesant sur la SNCF, la question du positionnement par rapport à la Constitution et les 3ème et 4ème intervenants revenaient sur l'expérience de la gauche plurielle et sur quelles garanties demain dans la pratique du pouvoir
Je crois qu'aujourd'hui développement des luttes et contenu, possibilité d'une alternative sont intimement mêlés. Comme sont mêlés le débat à gauche sur le projet de Constitution et le débat sur rupture ou non avec le sillon libéral.
Lorsqu'on se bat pour faire gagner le non, et c'est pour nous central, on agit aussi sur quelles réponses à gauche demain en France. Quand on se bat contre les délocalisations, les licenciements, contre la précarisation de la société, on mesure que les réponses ne peuvent être partielles et qu'au contraire elles appellent un projet porteur d'une autre logique.
Nous travaillons à rendre visible, accessible ce projet à partir de nos propositions, des exigences portées dans les luttes. Dès le mois de janvier, je souhaite qu'on puisse verser dans un grand débat populaire nos propositions donnant à voir des changements nécessaires pour en finir avec le chômage, la misère, garantir les droits, la sécurité d'emploi, fonder une pleine démocratie populaire, changer la construction européenne, promouvoir une autre mondialisation, à l'entreprise comme dans la cité et bien d'autres objectifs.
Ce débat populaire, nous voulons le mener au corps à corps dans les entreprises et les cités, au cur des luttes, dans notre campagne pour le non à la constitution Giscard, et dans les forums. Dans des forums où les citoyens et citoyennes, les syndicalistes, les militants associatifs, peuvent débattre entre eux avec les communistes, mais aussi avec les représentants d'autres forces de gauche. De ces forums, rencontres, nous pourrons travailler à une grande rencontre nationale de leurs délégués venus de toute la France, dont la date dépendra bien sûr de celle du référendum
Il s'agit par ce grand débat populaire de faire en sorte qu'à aucun moment les hommes et les femmes qui aujourd'hui souffrent, se révoltent, agissent pour certains, qu'à aucun moment, ils, elles, ne soient dessaisis des décisions concernant le contenu politique, les contours de rassemblement, les contours de l'union, et demain ne soient pas dessaisis de l'exercice du pouvoir.
Il serait paradoxal, dans une période aussi décisive, que nos choix de congrès sur le rôle et l'intervention populaire ne guident pas notre pratique.
Mesurons bien après avoir subi tant de déceptions à quel point des hommes et des femmes doutent " des politiques ", comme ils disent, tout en cherchant les réponses politiques, les chemins leur permettant de peser. Soyons le parti qui prend en mains cette exigence d'être acteurs, actrices de leurs vies, du cours du monde.
Vous le voyez, à chaque moment, en évoquant luttes, débats politiques, campagne pour le non, construction de l'alternative, je suis amenée à souligner les responsabilités, les potentialités du parti. C'est par la qualité de son apport dans le mouvement populaire qu'il sera reconnu et non par l'affirmation, même sans cesse répétée de son rôle.
Des dynamiques se cherchent, imaginons ce que nous pouvons faire germer pour que l'exigence de transformation sociale en France et en Europe grandisse et devienne une force apte à peser dans le débat public, à faire bouger la donne à gauche.
Certains voudraient bien effacer cet apport du PCF ou du moins le réduire à la marge comme aiguillon ou bonne conscience d'une vie politique française rythmée par des alternances qui ne bousculent rien.
La droite et la gauche, ce n'est pas pareil, disons-nous, et souvent on ajoute, on le voit bien aujourd'hui avec le terrible bilan de la droite au pouvoir. C'est vrai. Mais j'ai envie de prendre les choses un peu autrement.
Face à une offensive ultra libérale d'une telle violence en France, en Europe et dans le monde, la réponse à gauche ne peut plus être pareille à celle qu'elle a été dans le passé.
On a parlé de droite décomplexée. Il est certain qu'en Europe, comme en France, les forces conservatrices estiment qu'elles ont les moyens de passer une étape spectaculaire dans la casse des droits et des garanties individuelles et collectives gagnées par les luttes et dans la loi depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Le sacre de Monsieur Sarkozy témoigne d'une radicalisation de la droite sur des positions ultralibérales, atlantistes, liberticides, d'ordre moral, populistes, on l'a entendu avec Dassault, mais cela n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Réélection de Bush, glissement de l'Europe sur des bases de plus en plus libérales, tel est le contexte.
Le grand patronat, les forces conservatrices surfent sur les échecs des " alternatives proposées " aux peuples : pays socialistes, gouvernement de gauche. Ils surfent également sur le fait qu'à gauche une partie des forces prend acte que le seul chemin possible serait dans le cadre qu'ils ont eux-mêmes fixé.
Cette offensive réactionnaire, qui vise à enlever toute entrave au capitalisme mondialisé, appelle une réponse autre des forces progressistes. Beaucoup d'hommes et de femmes le perçoivent, le libéralisme est sur la sellette, le contenu de l'alternative aussi. C'est le sens du contenu de l'appel que nous proposons de leur lancer.
C'est pour cela que se lève enfin un vrai débat à gauche. Celui que nous avions soulevé au lendemain du 21 avril : rupture ou non avec la politique libérale, mise en cause ou non des logiques capitalistes, nouvelle conception ou non de la pratique du pouvoir.
Mesurons l'ampleur, l'importance du débat à gauche à partir du positionnement sur la Constitution européenne. Un débat qui traverse le PS, les Verts et bien des hommes et des femmes engagés.
Jeudi soir, au nom du oui majoritaire, François Hollande a de façon nouvelle affirmé, assumé le choix du congrès de Dijon d'un réformisme de gauche. Ne sous-estimons pas le poids de ce positionnement sur la réflexion des hommes et des femmes de gauche et donc la responsabilité du PS dans une acceptation possible d'une Europe libérale. Mais voyons aussi les résistances, les exigences de clarification qui se font jour. Nous sommes à une période charnière, décisive à gauche. Il y a une sorte de course de vitesse à gauche entre une démarche des choix de renoncement et une démarche, des choix de transformation.
Par le fait des événements, nous pouvons être la force qui fait sens, repère dans ce débat. A travers " notre non " à l'Europe libérale, à travers nos propositions pour changer la vie, nous pouvons être source d'une dynamique sociale, populaire, citoyenne à gauche.
Une dynamique qui porte " une gauche durable " non parce qu'elle s'accommode du cours des choses, mais parce qu'elle le transforme et ainsi répond aux aspirations populaires.
Souvent, j'ai le sentiment que, peut être comme jamais, le combat communiste est d'actualité.
Il apparaît décisif aujourd'hui. Décisif pour que le non l'emporte parce que nous aurons créé les conditions d'un large rassemblement populaire à partir des aspirations des hommes et des femmes de gauche.
Décisif pour que ceux qui résistent se voient reconnus, à tous les niveaux de décision.
Décisif pour que se lève un débat populaire sur le contenu de l'alternative dans les luttes, les forums-programme.
J'entends parfois des camarades dire " on ne peut pas tout faire, il nous faut plus de temps ". J'ai envie de leur dire : nous ne sommes maîtres ni du calendrier, ni des urgences C'est à chaque mauvais coup qu'il faut riposter sans attendre, c'est maintenant qu'il faut gagner un par un les votes pour le non au référendum, c'est maintenant qu'il faut disputer le terrain à gauche sur le contenu de l'alternative, pas à la veille des élections. C'est maintenant qu'il faut faire grandir le rassemblement sur une politique apte à répondre aux attentes populaires, pas à la veille des élections.
Mais surtout, j'ai envie de leur dire : certes, le travail est colossal mais il est à la portée de l'engagement des communistes, de leur lucidité sur les enjeux actuels, de leur envie d'être de toutes les résistances, de leur volonté d'être des constructeurs de l'alternative politique.
Bien sûr, cela exige que nous fassions exploser les potentiels humains, militants du parti. Cela passe par la qualité de nos débats internes, l'ambition dans nos objectifs, et surtout, surtout de multiplier les rencontres avec d'autres, le débat avec d'autres, l'action avec d'autres.
Chaque fois, c'est mon expérience, chaque fois à la porte de l'entreprise, dans les meetings, au cours des forums, il se passe quelque chose, les exigences montent, le rassemblement sur le non se construit, le débat sur l'alternative grandit : devant Citroën, avec les cheminots, à Toulouse, ou dans les quartiers populaires, je constate que le geste, la parole sont payant
Ces expériences vous les faites aussi.
Alors, gagnons chaque militant, cela vaut le coup d'être communiste. Et c'est aussi très efficace. Le militantisme est une richesse incomparable qu'il nous faut encore mieux valoriser. Et nous allons mettre en place ce réseau des animateurs et animatrices de section proposé aujourd'hui pour y contribuer.
Nous constatons aussi le retour d'anciens adhérents dans notre parti. Poursuivons nos efforts pour qu'un nombre toujours plus grand d'entre elles et eux nous rejoignent. Mais, créons aussi les condition d'en gagner beaucoup de nouveaux, de nouvelles. Ne ménageons pas nos efforts non plus pour élargir la diffusion de l'Humanité dont chacun, chacune reconnaît le rôle irremplaçable pour tout ce que nous entreprenons.
Chers camarades,
Il y a du grain à moudre, on va faire bouger les choses.
On va faire gagner le non.
On va lever une dynamique pour changer la donne politique, pour changer la gauche et ouvrir dans notre pays une véritable alternative de progrès humain et de justice sociale
Alors allons-y
(Source http://www.pcf.fr, le 14 décembre 2004)