Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Nous avons ouvert ce matin la Conférence intergouvernementale. Quelques échanges utiles ont eu lieu pour préciser notre méthode de travail. Je vous rappelle les échanges qui avaient eu lieu ces derniers mois avant Helsinki, sur le fait de savoir si la Conférence intergouvernementale devait se concentrer exclusivement sur ce qu'on appelle les trois reliquats d'Amsterdam ou bien s'ouvrir à d'autres sujets plus fondamentaux, plus ambitieux. Je vous rappelle le compromis intervenu à Helsinki à ce sujet qui était que la Conférence intergouvernementale devait commencer en priorité par ces trois sujets. A charge pour la présidence portugaise d'évaluer, au cours de son déroulement, si les travaux avançaient bien.
A Helsinki, nous nous sommes réservé la possibilité d'ouvrir, d'élargir ce travail à d'autres sujets comme, par exemple, les coopérations renforcées, puisque c'est le sujet qu'on cite le plus souvent. La présidence portugaise a présenté un programme de travail dans cet esprit pour tenir compte des différentes contributions. Il semblerait que la présidence ait l'intention, dans les premières séances, de faire l'inventaire des positions des uns et des autres, à la fois sur les trois reliquats d'Amsterdam et, d'autre part, sur les éventuels autres sujets que tel ou tel autre pays souhaiterait voir aborder. Donc, on constate une synthèse, qui, dans l'esprit d'Helsinki, est une convergence de différentes méthodes. L'essentiel étant que chacun ait l'intention de prendre la question à bras le corps, à commencer par la présidence portugaise. C'est une présidence très importante. Elle peut animer un travail collectif très important jusqu'à sa conclusion au mois de juin. Naturellement, nous prendrons le relais à ce moment-là et nous ferons tout ce qui dépendra de nous pour que la conclusion soit trouvée avant la fin de la présidence française. Un gros travail est devant nous, qui est abordé avec détermination et ambition. Nous voulons tous que l'Union européenne soit capable de tenir un engagement qu'elle a annoncé, c'est à dire d'être prête à partir du début 2003 à accueillir ceux des pays candidats qui, de leurs côtés, auraient accompli les processus nécessaires et seraient prêts à entrer. C'est donc une date très importante pour nous que le lancement de cette Conférence intergouvernementale.
Au déjeuner nous avons eu un long échange sur la question des Balkans. Nous avons pris des décisions en ce qui concerne la suspension, pour six mois, de l'embargo aérien. L'Union européenne reprend l'initiative sur ce dossier.
La situation actuelle dans les Balkans, et, surtout, en Serbie, a été analysée. Nous sommes arrivés à la conclusion, les uns après les autres, - la France, je crois, a été la première à le dire, - que certaines des sanctions, pas toutes, n'avaient pas d'utilité pour atteindre notre objectif, qui est un changement démocratique en Serbie. A travers, notamment, le dialogue avec l'opposition et en nous basant sur ses demandes, nous avons conclu qu'il fallait bouger sur ce point. Ce n'est évidemment pas une concession par rapport au régime, ce n'est en rien le signe d'un affaiblissement de notre détermination par rapport à ce régime. C'est, et je le répète, en réponse aux demandes très clairement exprimées de l'opposition en Serbie et par rapport à leur projet d'avenir d'une Serbie pacifiste et démocratique, que nous décidons cette mesure qui a fait l'objet d'un consensus à quinze.
Dans le même temps, les autres mesures restent en place et nous examinons même sous quelle forme nous pourrions renforcer certaines autres mesures comme, par exemple, l'interdiction de visas pour les dirigeants et les responsables du régime et tous ceux qui leur sont proches.
Je souligne l'importance de cette décision prise aujourd'hui parce que certains d'entre vous se rappelleront que cela doit être le 4ème ou 5ème mois que l'on se pose la question.
Nous avons eu également un échange assez fourni sur la situation au Kosovo et celle du Danube. Après le déjeuner, par ailleurs, nous avons tous pu faire connaissance avec le nouveau Premier ministre de Croatie.
A propos du Kosovo, M. Solana est intervenu pour dire qu'après une visite récente sur place et après des contacts avec le général Reinhardt, contacts qu'il a eus en sa qualité de "Monsieur PESC", il rendait hommage au courage et à l'efficacité du travail accompli par tous les soldats qui appartiennent à la KFOR, y compris le contingent français qui se trouve être dans la zone particulièrement difficile de Mitrovica. Tout le monde le sait depuis le début et c'est en partie pour cela que l'on a demandé au contingent français d'être en première ligne, compte tenu de son expérience et de sa solidité. Il n'en reste pas moins que la situation est difficile et, à certains égards, explosive et qu'il y a malheureusement, au Kosovo, des forces qui n'ont pas forcément envie qu'on apporte la démonstration de la possibilité de faire coexister, en sécurité, une majorité albanophone et des minorités serbes. Mais, pourtant, c'est bien cela notre mission. Notre mission est celle de la résolution 1244 et nous ne pouvons pas avoir d'autre politique.
J'ai remercié M. Solana pour cette déclaration qui rétablissait la vérité sur la question de Mitrovica. Mais la situation est toujours là, dangereuse et difficile, et nous nous employons de toutes nos forces dans le cadre de la structure d'ensemble de la KFOR, car comme vous le savez, il n'y a pas de répartition par nationalités des secteurs au Kosovo. La KFOR est une force multinationale, avec des combinaisons elles-mêmes multinationales de soldats, permettant de couvrir l'ensemble du territoire du Kosovo. Nous avons refait le point avec M. Patten de tous nos engagements pour assurer la réussite de notre politique au Kosovo.
D'autre part, M. Gama nous a fait part de la réussite des conversations menées par la Présidence en ce qui concerne l'organisation d'un sommet Europe/Afrique et il a pu nous confirmer que ce sommet, sous réserve de dernières confirmations qui sont en cours, devrait avoir lieu les 3 et 4 avril. C'est un bon travail effectué par la Présidence, assistée par M. Solana.
En ce qui concerne l'Autriche la ministre autrichienne des Affaires étrangères a demandé la parole et elle lui a été donnée par le président portugais à la fin du déjeuner. Elle a fait une déclaration qu'elle rendra certainement publique sur les thèmes que vous connaissez : le gouvernement autrichien demande a être jugé sur ses actes et non autrement. M. Gama lui a répondu, en notre nom à tous, pour rappeler que l'Union européenne était une union politique et qu'à ce titre il était parfaitement normal et légitime que les Quatorze se soient exprimés politiquement et comme ils l'avaient fait et en soulignant qu'ils conserveraient l'attitude qu'ils avaient adoptée. En dehors de l'intervention de M. Gama, dont il était convenu qu'il parlait pour nous tous, trois autres ministres sont intervenus après. Les ministres belge, italien et grec.
Voilà le résumé de la partie du Conseil Affaires générales qui s'est déjà déroulée.
Q - Sur l'Autriche, les trois ministres qui sont intervenus après M. Gama, le Belge, l'Italien et le Grec, sont-ils intervenus sur le même registre avec la même fermeté ou a-t-on pu voir une certaine césure se dessiner ?
R - Je ne peux d'abord que vous renvoyer vers les ministres en question, pour que vous leur demandiez quelle a été la teneur de leurs propos. J'y ai vu beaucoup de cohésion, de cohérence. Ils intervenaient pour ajouter quelque chose à la déclaration du président qui s'exprimait au nom des Quatorze.
Q - Qu'attendez-vous du Sommet Europe/Afrique ?
R - Il faut entrer dans la phase de préparation. C'est un peu comparable au Sommet Europe/Amérique latine. C'est un Sommet très intéressant qui n'a jamais eu lieu sous cette forme qui va mettre en présence tous les Africains et toute l'Union européenne. Vous voyez bien qu'il y a un champ énorme de sujets à passer en revue. C'est une première. On verra. Mais nous ne cherchons pas à avoir une approche bureaucratique ou institutionnelle.
Q - Sur l'Autriche : est-ce qu'on n'assiste pas à une certaine normalisation des relations ?
R - On ne peut pas dire cela. Les mesures qui ont été adoptées à Quatorze ont commencé à s'appliquer et, par définition, nous ne sommes pas dans une relation tout à fait normale. Donc aujourd'hui il y a beaucoup de clarté et de cohérence à Quatorze pour poursuivre et maintenir les mesures qui ont été prises sur le plan bilatéral, c'est à dire le "gel " et pour constater qu'en ce qui concerne le fonctionnement de l'Europe à Quinze, nous sommes dans une Union de droit. Nous sommes des pays de droit. Le droit s'applique, les traités s'appliquent et, à cet égard, les choses ne peuvent pas être changées, sauf que la confiance ne peut plus être la même ce qui explique la vigilance que nous allons manifester, que nous allons poursuivre. Nous ne sommes pas dans une situation normale parce que la normalité ne se définit pas uniquement sur le plan juridique ou sur le plan politique mais, aussi sur le plan psychologique. Il n'est pas question, non plus, de laisser cette situation prendre en otage le fonctionnement de l'Union européenne et que cela nous empêche de faire notre travail. Or nous avons cette année un travail très important à faire pour l'Union : la Conférence intergouvernementale, les négociations d'élargissement, tous les autres volets de notre politique. Nous devons avoir confiance dans l'Europe, en sa capacité à poursuivre son chemin, à se renforcer sur le plan démocratique et sur le plan de toutes ses politiques, mais nous ne sommes pas, avec le gouvernement autrichien tel qu'il est, dans une situation normale.
Q - Pour revenir à la Yougoslavie : vous avez dit que les autres mesures de sanction étaient à l'étude pour voir si l'on pouvait les renforcer. Vous pensez qu'aujourd'hui cela serait une des contreparties de la suspension de l'embargo aérien ? est-ce que c'est comme cela que ça se présentait ? Sinon quand pensez-vous qu'on pourrait avoir des décisions ?
R - C'est plus difficile à dire dans le détail. On décide de suspendre pour 6 mois l'embargo sur les vols. Parallèlement on décide de renforcer les mesures qui privent de visa les dirigeants du régime et leurs proches. La liste ne se fabrique pas en une minute. C'est cela qui est en train de se mettre en place.
Q - Sur les aspects financiers, on s'est aperçu qu'il y avait des failles dans les sanctions.
R - Un examen détaillé va être demandé, notamment à la Commission, pour savoir exactement où en on est, ce qui s'applique, ce qui peut être renforcé et nous aurons des propositions. L'ensemble forme un paquet qui a été accepté par les Quinze.
Q - La compagnie yougoslave bénéficie-t-elle de la levée de l'embargo aérien ?
R - C'est un raisonnement d'ensemble. Nous avons considéré que les arguments de l'opposition serbe sur la situation actuelle en Serbie, arguments selon lesquels l'embargo aérien en réalité les gênait, gênait le travail de l'opposition démocratique, renforçait le régime, ne présentait pas d'intérêt, pas d'utilité ou d'efficacité par rapport à notre objectif démocratique pour la Serbie. Ces arguments ont finalement convaincu tous les membres de l'Union et c'est un raisonnement global qui s'applique à toutes les compagnies.
Q - Est-ce que vous avez serré la main de votre collègue autrichienne ou sinon la serrerez vous sans problème ? Est-ce que vous approuvez le comportement de Mme Aubry lors de la réunion informelle de Lisbonne ?
R - Aujourd'hui, ce n'est pas la personne de la ministre des Affaires étrangères autrichienne qui est en cause. C'est une situation politique et nous avons de nombreuses façons de manifester notre réprobation et notre détermination. Il se trouve que je ne l'ai pas croisée dans les différentes séances, quand je suis entré ou sorti. Mais je lui aurais serré la main si je l'avais croisée, car j'ai d'autres moyens de m'exprimer par rapport à cela. Il faut voir que la situation était différente à Lisbonne. Elle peut être différente dans d'autres Conseils. Donc, à ces moments-là chaque ministre se déterminera en conscience sur ce point particulier. Mais je répète que ce n'est pas cela l'essentiel. L'essentiel, c'est une situation politique que nous avons voulu empêcher, que nous continuons à désapprouver et que nous regrettons. C'est une situation qui demeure anormale, même si notre responsabilité devant l'histoire est de faire fonctionner l'Europe et de l'amener à se renforcer. Donc, il ne faut peut-être pas mettre cette question au centre de toute l'analyse.
Ce qui est important aujourd'hui c'est de constater que l'Union européenne suit son programme et qu'elle n'est à la merci de personne. Qu'elle commence une très importante Conférence intergouvernementale, qui est nécessaire et qu'il faut faire avancer dans les délais annoncés, et que les Quatorze sont fermes et cohérents sur les positions qu'ils ont annoncées par rapport à l'Autriche.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 février 2000)
Q - Sur la Conférence intergouvernementale, considérez-vous maintenant qu'il existe un consensus pour aborder le moment venu les coopérations renforcées ou y a-t-il toujours quelques pays qui hésitent toujours à élargir l'ordre du jour ?
R - Il me semble que nous avons trouvé à Helsinki la bonne synthèse qui était de nous concentrer, pour commencer, sur les sujets qui n'avaient pas été conclus à Amsterdam, tout en nous autorisant par avance une ouverture plus grande de la CIG si les choses avançaient bien, notamment sur les coopérations renforcées et, peut-être, sur d'autres sujets.
La méthode proposée par la présidence portugaise, à partir des conclusions d'Helsinki, c'est de dire : commençons à travailler sur les trois sujets mais prenons note tout de suite, sans pour autant mener la discussion jusqu'au bout, des autres suggestions qui peuvent être faites sur une série d'autres points comme par exemple les coopérations renforcées. C'est la Présidence qui en a la charge, la responsabilité. Nous lui faisons confiance. L'essentiel c'est d'avancer.
Q - Donc à ce stade, il n'existe pas de consensus pour traiter des coopérations renforcées ?
R - Non. Il y a un consensus sur la méthode mais nous n'allons pas commencer les discussions par une négociation allant jusqu'au bout sur les coopérations renforcées. Là, pour le coup, cela serait trop éloigné par rapport aux conclusions d'Helsinki. Par contre, nous allons commencer par une sorte d'inventaire, en regardant quelle est la position de chacun des pays sur les trois reliquats et quelles sont les suggestions de chacun des pays sur d'éventuels autres sujets. Certains en ajouteront, d'autres non. La présidence portugaise a proposé une méthode qui me paraît bonne et qui va permettre d'avoir une vue d'ensemble de cette situation. N'oubliez pas qu'il y aura, en plus, chaque mois, un point de la Conférence intergouvernementale au Conseil Affaires générales. Cela va être suivi chaque mois. Et dès le Conseil Affaires générales du 20 mars, donc avant le Conseil européen, on aura une première vision du début des travaux. Donc nous pourrons nous adapter, au fur et à mesure que la négociation va avancer. En ce qui concerne le contenu, il n'y a pas d'opposition, il n'y a pas de désaccord, pas de problème méthodologique. C'est ce qu'il faut retenir. Il y a une grande variété de nuances sur la façon dont chaque pays voudrait prendre les choses mais cela n'aboutit pas à des positions antagonistes et il n'y a pas de blocages méthodologiques. Donc, nous allons pouvoir avancer dans de bonnes conditions et nous attaquer, dès demain, au fond des sujets.
Q - Plusieurs sujets ou un seul sujet pour commencer ?
R - La présidence portugaise, d'après ce que je comprends ce n'est pas encore écrit, va proposer que, dans la première ou de la deuxième séance, il y ait un inventaire complet des positions de tous les pays à la fois sur les trois sujets qui sont évidents et qui doivent être traités, et sur d'éventuels autres sujets.
Donc il faut cesser de se demander par quoi on commence. Les Portugais vont faire un inventaire complet. On aura une vision d'ensemble et, après, je pense qu'ils iront dans le sens, déjà décidé à Helsinki, de se concentrer en priorité sur le traitement des trois sujets, sans s'interdire éventuellement, dans la discussion, à la fois intellectuellement et même temps, en termes diplomatiques, de faire le lien avec tel ou tel autre problème parce qu'à certains moments cela peut faciliter un compromis, un point d'équilibre. Ceci étant, à un moment donné, il faut bien choisir par où on commence. Et la logique d'Helsinki c'est de commencer par les trois sujets, après avoir fait cet inventaire complet.
Q - Monsieur le Ministre vous venez de rappeler que l'Union est une Union de droit. La principale argumentation de votre collègue autrichienne est de dire que les Quatorze ont pris une décision dans une sorte de vide juridique. Pensez-vous qu'il faut mettre en accord les décisions politiques des Quatorze avec les institutions européennes en introduisant la possibilité pour la Conférence intergouvernementale de s'intéresser à l'article 7 pour donner la possibilité d'aller plus loin en matière de sanctions lorsqu'un Etat membre est en contradiction avec les valeurs fondamentales de l'Europe.
R - En contradiction dans ses actes ou dans ses arrières pensées ?
Q - ..... vous avez vu que votre collègue belge a proposé jusqu'à l'exclusion d'Etats membres et qu'il faut revoir l'article 7 pour aller vers un durcissement des sanctions ?
R - Je pense que ceux qui font cette proposition doivent la préciser pour savoir sur quoi ils s'appuieraient. Qu'est-ce qui déclencherait ces hypothétiques procédures ? Est-ce que ce sont des actes, des déclarations, des arrière-pensées ? Il y a un champ qui, à la fois sur les plans juridique et politique et même philosophique, est assez délicat.
Quand je parlais de l'Etat de droit, c'est pour rappeler que s'agissant des Traités, du fonctionnement de l'Union européenne, comme nous sommes dans une situation de droit, nous en sommes les hérauts en quelque sorte. Donc nous devons être exemplaires par rapport à cela et reconnaître que dans l'Union européenne un Etat qui n'a pas violé de façon grave et persistante les principes de l'article 6, ne peut pas voir déclencher contre lui les procédures de l'article 7. C'est cela le droit, la démocratie et son exemplarité. C'est dans ce sens là que je parlais d'un Etat de droit. Mais cela ne veut pas dire pour autant que j'accepte l'argument selon lequel les Quatorze n'avaient pas de base pour agir. Ils ont agi politiquement, en fonction de leurs engagements, de leur détermination, de leur conviction, de leurs valeurs et ils n'ont pas eu besoin de traité pour faire cela. C'en est même la démonstration. D'ailleurs, jamais le préambule que le Président autrichien a réussi à faire signer par les partis de la coalition n'aurait été signé s'il n'y avait pas eu cette levée de boucliers en Europe sur une base politique dans le meilleur sens du terme.
Q - Dans l'immédiat, il n'est pas nécessaire, à votre avis, de modifier ou de compléter l'article 7 ?
R - Je ne conclus pas que cela ne soit pas nécessaire et je comprends pour quelle raison certains se posent la question. Simplement compte tenu des difficultés qu'on aperçoit aussitôt quant à la façon dont cela serait à mettre en oeuvre, je pense qu'ils doivent préciser leur proposition.
Q - Votre collègue n'est pas une inconnue. Est-ce que le discours européen autrichien a évolué entre hier et aujourd'hui avec la nouvelle coalition ?
R - En réalité, le gouvernement de Vienne est placé dans une telle situation face à la réprobation européenne qu'en quelque sorte il fait une surenchère de profession de foi européenne. C'est très appuyé dans toutes les déclarations et dans tous les textes. Naturellement, cela ne suffit pas à endormir la vigilance des autres Européens.
Q - Sur le Danube, est-ce que l'Union européenne est prête à donner de l'argent ? Sur le FMI aujourd'hui c'est le dernier jour pour M. Camdessus ?
R - En ce qui concerne le FMI j'ai dit tout à l'heure que la France souscrirait à un consensus européen s'il y en avait un.
Q - Y en a-t-il un ?
R - C'est à la présidence de vous le dire.
En ce qui concerne le Danube, nous avons demandé à la Commission de reprendre nos propositions par rapport au Danube. Nous voulons participer activement au dégagement du Danube et nous ferons des propositions techniques précises sur ce point.
Q - Sur M. Koch Weser
R - Je ne peux répéter que ce que j'ai dit. Si la Présidence portugaise est en mesure de constater un consensus européen, la France ne s'opposera pas au consensus.
Q - Sur le Liban
R - Pas de commentaires nouveaux. Le fond du sujet c'est la négociation plus encore que les questions au Sud-Liban. La situation au Sud-Liban est la traduction d'une situation qui est détestable précisément, les négociations ont pour objet de faire sortir les Israéliens et le Libanais pour aboutir à une situation normale. Nous espérons donc vivement la reprise rapide des négociations entre les Israéliens et les Syriens. Nous avons joué un grand rôle à l'automne pour les convaincre les uns et les autres de commencer la négociation et il me semble que les mêmes arguments plaident aujourd'hui pour cette reprise et, dès que possible, une négociation entre Israéliens et Libanais portant sur tous les aspects : les conditions de retrait de l'armée israélienne du Sud-Liban, et sur la situation du Sud-Liban est le fond du problème et c'est ainsi que nous pourrons résoudre cette question durablement.
En attendant, nous appelons les protagonistes à respecter la lettre et l'esprit de l'accord de 1996 dont la fonction, précisément, est d'épargner les populations civiles et de faire en sorte que les affrontements qui se produisent sans arrêt au Sud-Liban, entre le Hezbollah et l'armée israélienne ne soient pas élargis, qu'il n'y ait pas d'escalade et qu'au bout du compte ce ne soit pas des populations civiles qui en souffrent une fois de plus comme dans tous les conflits. Ce sont toujours les populations civiles qui souffrent le plus atrocement et qui sont, à grande échelle, victimes de la cruauté, comme on le voit en Tchétchénie pour prendre un autre exemple.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 février 2000)
Nous avons ouvert ce matin la Conférence intergouvernementale. Quelques échanges utiles ont eu lieu pour préciser notre méthode de travail. Je vous rappelle les échanges qui avaient eu lieu ces derniers mois avant Helsinki, sur le fait de savoir si la Conférence intergouvernementale devait se concentrer exclusivement sur ce qu'on appelle les trois reliquats d'Amsterdam ou bien s'ouvrir à d'autres sujets plus fondamentaux, plus ambitieux. Je vous rappelle le compromis intervenu à Helsinki à ce sujet qui était que la Conférence intergouvernementale devait commencer en priorité par ces trois sujets. A charge pour la présidence portugaise d'évaluer, au cours de son déroulement, si les travaux avançaient bien.
A Helsinki, nous nous sommes réservé la possibilité d'ouvrir, d'élargir ce travail à d'autres sujets comme, par exemple, les coopérations renforcées, puisque c'est le sujet qu'on cite le plus souvent. La présidence portugaise a présenté un programme de travail dans cet esprit pour tenir compte des différentes contributions. Il semblerait que la présidence ait l'intention, dans les premières séances, de faire l'inventaire des positions des uns et des autres, à la fois sur les trois reliquats d'Amsterdam et, d'autre part, sur les éventuels autres sujets que tel ou tel autre pays souhaiterait voir aborder. Donc, on constate une synthèse, qui, dans l'esprit d'Helsinki, est une convergence de différentes méthodes. L'essentiel étant que chacun ait l'intention de prendre la question à bras le corps, à commencer par la présidence portugaise. C'est une présidence très importante. Elle peut animer un travail collectif très important jusqu'à sa conclusion au mois de juin. Naturellement, nous prendrons le relais à ce moment-là et nous ferons tout ce qui dépendra de nous pour que la conclusion soit trouvée avant la fin de la présidence française. Un gros travail est devant nous, qui est abordé avec détermination et ambition. Nous voulons tous que l'Union européenne soit capable de tenir un engagement qu'elle a annoncé, c'est à dire d'être prête à partir du début 2003 à accueillir ceux des pays candidats qui, de leurs côtés, auraient accompli les processus nécessaires et seraient prêts à entrer. C'est donc une date très importante pour nous que le lancement de cette Conférence intergouvernementale.
Au déjeuner nous avons eu un long échange sur la question des Balkans. Nous avons pris des décisions en ce qui concerne la suspension, pour six mois, de l'embargo aérien. L'Union européenne reprend l'initiative sur ce dossier.
La situation actuelle dans les Balkans, et, surtout, en Serbie, a été analysée. Nous sommes arrivés à la conclusion, les uns après les autres, - la France, je crois, a été la première à le dire, - que certaines des sanctions, pas toutes, n'avaient pas d'utilité pour atteindre notre objectif, qui est un changement démocratique en Serbie. A travers, notamment, le dialogue avec l'opposition et en nous basant sur ses demandes, nous avons conclu qu'il fallait bouger sur ce point. Ce n'est évidemment pas une concession par rapport au régime, ce n'est en rien le signe d'un affaiblissement de notre détermination par rapport à ce régime. C'est, et je le répète, en réponse aux demandes très clairement exprimées de l'opposition en Serbie et par rapport à leur projet d'avenir d'une Serbie pacifiste et démocratique, que nous décidons cette mesure qui a fait l'objet d'un consensus à quinze.
Dans le même temps, les autres mesures restent en place et nous examinons même sous quelle forme nous pourrions renforcer certaines autres mesures comme, par exemple, l'interdiction de visas pour les dirigeants et les responsables du régime et tous ceux qui leur sont proches.
Je souligne l'importance de cette décision prise aujourd'hui parce que certains d'entre vous se rappelleront que cela doit être le 4ème ou 5ème mois que l'on se pose la question.
Nous avons eu également un échange assez fourni sur la situation au Kosovo et celle du Danube. Après le déjeuner, par ailleurs, nous avons tous pu faire connaissance avec le nouveau Premier ministre de Croatie.
A propos du Kosovo, M. Solana est intervenu pour dire qu'après une visite récente sur place et après des contacts avec le général Reinhardt, contacts qu'il a eus en sa qualité de "Monsieur PESC", il rendait hommage au courage et à l'efficacité du travail accompli par tous les soldats qui appartiennent à la KFOR, y compris le contingent français qui se trouve être dans la zone particulièrement difficile de Mitrovica. Tout le monde le sait depuis le début et c'est en partie pour cela que l'on a demandé au contingent français d'être en première ligne, compte tenu de son expérience et de sa solidité. Il n'en reste pas moins que la situation est difficile et, à certains égards, explosive et qu'il y a malheureusement, au Kosovo, des forces qui n'ont pas forcément envie qu'on apporte la démonstration de la possibilité de faire coexister, en sécurité, une majorité albanophone et des minorités serbes. Mais, pourtant, c'est bien cela notre mission. Notre mission est celle de la résolution 1244 et nous ne pouvons pas avoir d'autre politique.
J'ai remercié M. Solana pour cette déclaration qui rétablissait la vérité sur la question de Mitrovica. Mais la situation est toujours là, dangereuse et difficile, et nous nous employons de toutes nos forces dans le cadre de la structure d'ensemble de la KFOR, car comme vous le savez, il n'y a pas de répartition par nationalités des secteurs au Kosovo. La KFOR est une force multinationale, avec des combinaisons elles-mêmes multinationales de soldats, permettant de couvrir l'ensemble du territoire du Kosovo. Nous avons refait le point avec M. Patten de tous nos engagements pour assurer la réussite de notre politique au Kosovo.
D'autre part, M. Gama nous a fait part de la réussite des conversations menées par la Présidence en ce qui concerne l'organisation d'un sommet Europe/Afrique et il a pu nous confirmer que ce sommet, sous réserve de dernières confirmations qui sont en cours, devrait avoir lieu les 3 et 4 avril. C'est un bon travail effectué par la Présidence, assistée par M. Solana.
En ce qui concerne l'Autriche la ministre autrichienne des Affaires étrangères a demandé la parole et elle lui a été donnée par le président portugais à la fin du déjeuner. Elle a fait une déclaration qu'elle rendra certainement publique sur les thèmes que vous connaissez : le gouvernement autrichien demande a être jugé sur ses actes et non autrement. M. Gama lui a répondu, en notre nom à tous, pour rappeler que l'Union européenne était une union politique et qu'à ce titre il était parfaitement normal et légitime que les Quatorze se soient exprimés politiquement et comme ils l'avaient fait et en soulignant qu'ils conserveraient l'attitude qu'ils avaient adoptée. En dehors de l'intervention de M. Gama, dont il était convenu qu'il parlait pour nous tous, trois autres ministres sont intervenus après. Les ministres belge, italien et grec.
Voilà le résumé de la partie du Conseil Affaires générales qui s'est déjà déroulée.
Q - Sur l'Autriche, les trois ministres qui sont intervenus après M. Gama, le Belge, l'Italien et le Grec, sont-ils intervenus sur le même registre avec la même fermeté ou a-t-on pu voir une certaine césure se dessiner ?
R - Je ne peux d'abord que vous renvoyer vers les ministres en question, pour que vous leur demandiez quelle a été la teneur de leurs propos. J'y ai vu beaucoup de cohésion, de cohérence. Ils intervenaient pour ajouter quelque chose à la déclaration du président qui s'exprimait au nom des Quatorze.
Q - Qu'attendez-vous du Sommet Europe/Afrique ?
R - Il faut entrer dans la phase de préparation. C'est un peu comparable au Sommet Europe/Amérique latine. C'est un Sommet très intéressant qui n'a jamais eu lieu sous cette forme qui va mettre en présence tous les Africains et toute l'Union européenne. Vous voyez bien qu'il y a un champ énorme de sujets à passer en revue. C'est une première. On verra. Mais nous ne cherchons pas à avoir une approche bureaucratique ou institutionnelle.
Q - Sur l'Autriche : est-ce qu'on n'assiste pas à une certaine normalisation des relations ?
R - On ne peut pas dire cela. Les mesures qui ont été adoptées à Quatorze ont commencé à s'appliquer et, par définition, nous ne sommes pas dans une relation tout à fait normale. Donc aujourd'hui il y a beaucoup de clarté et de cohérence à Quatorze pour poursuivre et maintenir les mesures qui ont été prises sur le plan bilatéral, c'est à dire le "gel " et pour constater qu'en ce qui concerne le fonctionnement de l'Europe à Quinze, nous sommes dans une Union de droit. Nous sommes des pays de droit. Le droit s'applique, les traités s'appliquent et, à cet égard, les choses ne peuvent pas être changées, sauf que la confiance ne peut plus être la même ce qui explique la vigilance que nous allons manifester, que nous allons poursuivre. Nous ne sommes pas dans une situation normale parce que la normalité ne se définit pas uniquement sur le plan juridique ou sur le plan politique mais, aussi sur le plan psychologique. Il n'est pas question, non plus, de laisser cette situation prendre en otage le fonctionnement de l'Union européenne et que cela nous empêche de faire notre travail. Or nous avons cette année un travail très important à faire pour l'Union : la Conférence intergouvernementale, les négociations d'élargissement, tous les autres volets de notre politique. Nous devons avoir confiance dans l'Europe, en sa capacité à poursuivre son chemin, à se renforcer sur le plan démocratique et sur le plan de toutes ses politiques, mais nous ne sommes pas, avec le gouvernement autrichien tel qu'il est, dans une situation normale.
Q - Pour revenir à la Yougoslavie : vous avez dit que les autres mesures de sanction étaient à l'étude pour voir si l'on pouvait les renforcer. Vous pensez qu'aujourd'hui cela serait une des contreparties de la suspension de l'embargo aérien ? est-ce que c'est comme cela que ça se présentait ? Sinon quand pensez-vous qu'on pourrait avoir des décisions ?
R - C'est plus difficile à dire dans le détail. On décide de suspendre pour 6 mois l'embargo sur les vols. Parallèlement on décide de renforcer les mesures qui privent de visa les dirigeants du régime et leurs proches. La liste ne se fabrique pas en une minute. C'est cela qui est en train de se mettre en place.
Q - Sur les aspects financiers, on s'est aperçu qu'il y avait des failles dans les sanctions.
R - Un examen détaillé va être demandé, notamment à la Commission, pour savoir exactement où en on est, ce qui s'applique, ce qui peut être renforcé et nous aurons des propositions. L'ensemble forme un paquet qui a été accepté par les Quinze.
Q - La compagnie yougoslave bénéficie-t-elle de la levée de l'embargo aérien ?
R - C'est un raisonnement d'ensemble. Nous avons considéré que les arguments de l'opposition serbe sur la situation actuelle en Serbie, arguments selon lesquels l'embargo aérien en réalité les gênait, gênait le travail de l'opposition démocratique, renforçait le régime, ne présentait pas d'intérêt, pas d'utilité ou d'efficacité par rapport à notre objectif démocratique pour la Serbie. Ces arguments ont finalement convaincu tous les membres de l'Union et c'est un raisonnement global qui s'applique à toutes les compagnies.
Q - Est-ce que vous avez serré la main de votre collègue autrichienne ou sinon la serrerez vous sans problème ? Est-ce que vous approuvez le comportement de Mme Aubry lors de la réunion informelle de Lisbonne ?
R - Aujourd'hui, ce n'est pas la personne de la ministre des Affaires étrangères autrichienne qui est en cause. C'est une situation politique et nous avons de nombreuses façons de manifester notre réprobation et notre détermination. Il se trouve que je ne l'ai pas croisée dans les différentes séances, quand je suis entré ou sorti. Mais je lui aurais serré la main si je l'avais croisée, car j'ai d'autres moyens de m'exprimer par rapport à cela. Il faut voir que la situation était différente à Lisbonne. Elle peut être différente dans d'autres Conseils. Donc, à ces moments-là chaque ministre se déterminera en conscience sur ce point particulier. Mais je répète que ce n'est pas cela l'essentiel. L'essentiel, c'est une situation politique que nous avons voulu empêcher, que nous continuons à désapprouver et que nous regrettons. C'est une situation qui demeure anormale, même si notre responsabilité devant l'histoire est de faire fonctionner l'Europe et de l'amener à se renforcer. Donc, il ne faut peut-être pas mettre cette question au centre de toute l'analyse.
Ce qui est important aujourd'hui c'est de constater que l'Union européenne suit son programme et qu'elle n'est à la merci de personne. Qu'elle commence une très importante Conférence intergouvernementale, qui est nécessaire et qu'il faut faire avancer dans les délais annoncés, et que les Quatorze sont fermes et cohérents sur les positions qu'ils ont annoncées par rapport à l'Autriche.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 février 2000)
Q - Sur la Conférence intergouvernementale, considérez-vous maintenant qu'il existe un consensus pour aborder le moment venu les coopérations renforcées ou y a-t-il toujours quelques pays qui hésitent toujours à élargir l'ordre du jour ?
R - Il me semble que nous avons trouvé à Helsinki la bonne synthèse qui était de nous concentrer, pour commencer, sur les sujets qui n'avaient pas été conclus à Amsterdam, tout en nous autorisant par avance une ouverture plus grande de la CIG si les choses avançaient bien, notamment sur les coopérations renforcées et, peut-être, sur d'autres sujets.
La méthode proposée par la présidence portugaise, à partir des conclusions d'Helsinki, c'est de dire : commençons à travailler sur les trois sujets mais prenons note tout de suite, sans pour autant mener la discussion jusqu'au bout, des autres suggestions qui peuvent être faites sur une série d'autres points comme par exemple les coopérations renforcées. C'est la Présidence qui en a la charge, la responsabilité. Nous lui faisons confiance. L'essentiel c'est d'avancer.
Q - Donc à ce stade, il n'existe pas de consensus pour traiter des coopérations renforcées ?
R - Non. Il y a un consensus sur la méthode mais nous n'allons pas commencer les discussions par une négociation allant jusqu'au bout sur les coopérations renforcées. Là, pour le coup, cela serait trop éloigné par rapport aux conclusions d'Helsinki. Par contre, nous allons commencer par une sorte d'inventaire, en regardant quelle est la position de chacun des pays sur les trois reliquats et quelles sont les suggestions de chacun des pays sur d'éventuels autres sujets. Certains en ajouteront, d'autres non. La présidence portugaise a proposé une méthode qui me paraît bonne et qui va permettre d'avoir une vue d'ensemble de cette situation. N'oubliez pas qu'il y aura, en plus, chaque mois, un point de la Conférence intergouvernementale au Conseil Affaires générales. Cela va être suivi chaque mois. Et dès le Conseil Affaires générales du 20 mars, donc avant le Conseil européen, on aura une première vision du début des travaux. Donc nous pourrons nous adapter, au fur et à mesure que la négociation va avancer. En ce qui concerne le contenu, il n'y a pas d'opposition, il n'y a pas de désaccord, pas de problème méthodologique. C'est ce qu'il faut retenir. Il y a une grande variété de nuances sur la façon dont chaque pays voudrait prendre les choses mais cela n'aboutit pas à des positions antagonistes et il n'y a pas de blocages méthodologiques. Donc, nous allons pouvoir avancer dans de bonnes conditions et nous attaquer, dès demain, au fond des sujets.
Q - Plusieurs sujets ou un seul sujet pour commencer ?
R - La présidence portugaise, d'après ce que je comprends ce n'est pas encore écrit, va proposer que, dans la première ou de la deuxième séance, il y ait un inventaire complet des positions de tous les pays à la fois sur les trois sujets qui sont évidents et qui doivent être traités, et sur d'éventuels autres sujets.
Donc il faut cesser de se demander par quoi on commence. Les Portugais vont faire un inventaire complet. On aura une vision d'ensemble et, après, je pense qu'ils iront dans le sens, déjà décidé à Helsinki, de se concentrer en priorité sur le traitement des trois sujets, sans s'interdire éventuellement, dans la discussion, à la fois intellectuellement et même temps, en termes diplomatiques, de faire le lien avec tel ou tel autre problème parce qu'à certains moments cela peut faciliter un compromis, un point d'équilibre. Ceci étant, à un moment donné, il faut bien choisir par où on commence. Et la logique d'Helsinki c'est de commencer par les trois sujets, après avoir fait cet inventaire complet.
Q - Monsieur le Ministre vous venez de rappeler que l'Union est une Union de droit. La principale argumentation de votre collègue autrichienne est de dire que les Quatorze ont pris une décision dans une sorte de vide juridique. Pensez-vous qu'il faut mettre en accord les décisions politiques des Quatorze avec les institutions européennes en introduisant la possibilité pour la Conférence intergouvernementale de s'intéresser à l'article 7 pour donner la possibilité d'aller plus loin en matière de sanctions lorsqu'un Etat membre est en contradiction avec les valeurs fondamentales de l'Europe.
R - En contradiction dans ses actes ou dans ses arrières pensées ?
Q - ..... vous avez vu que votre collègue belge a proposé jusqu'à l'exclusion d'Etats membres et qu'il faut revoir l'article 7 pour aller vers un durcissement des sanctions ?
R - Je pense que ceux qui font cette proposition doivent la préciser pour savoir sur quoi ils s'appuieraient. Qu'est-ce qui déclencherait ces hypothétiques procédures ? Est-ce que ce sont des actes, des déclarations, des arrière-pensées ? Il y a un champ qui, à la fois sur les plans juridique et politique et même philosophique, est assez délicat.
Quand je parlais de l'Etat de droit, c'est pour rappeler que s'agissant des Traités, du fonctionnement de l'Union européenne, comme nous sommes dans une situation de droit, nous en sommes les hérauts en quelque sorte. Donc nous devons être exemplaires par rapport à cela et reconnaître que dans l'Union européenne un Etat qui n'a pas violé de façon grave et persistante les principes de l'article 6, ne peut pas voir déclencher contre lui les procédures de l'article 7. C'est cela le droit, la démocratie et son exemplarité. C'est dans ce sens là que je parlais d'un Etat de droit. Mais cela ne veut pas dire pour autant que j'accepte l'argument selon lequel les Quatorze n'avaient pas de base pour agir. Ils ont agi politiquement, en fonction de leurs engagements, de leur détermination, de leur conviction, de leurs valeurs et ils n'ont pas eu besoin de traité pour faire cela. C'en est même la démonstration. D'ailleurs, jamais le préambule que le Président autrichien a réussi à faire signer par les partis de la coalition n'aurait été signé s'il n'y avait pas eu cette levée de boucliers en Europe sur une base politique dans le meilleur sens du terme.
Q - Dans l'immédiat, il n'est pas nécessaire, à votre avis, de modifier ou de compléter l'article 7 ?
R - Je ne conclus pas que cela ne soit pas nécessaire et je comprends pour quelle raison certains se posent la question. Simplement compte tenu des difficultés qu'on aperçoit aussitôt quant à la façon dont cela serait à mettre en oeuvre, je pense qu'ils doivent préciser leur proposition.
Q - Votre collègue n'est pas une inconnue. Est-ce que le discours européen autrichien a évolué entre hier et aujourd'hui avec la nouvelle coalition ?
R - En réalité, le gouvernement de Vienne est placé dans une telle situation face à la réprobation européenne qu'en quelque sorte il fait une surenchère de profession de foi européenne. C'est très appuyé dans toutes les déclarations et dans tous les textes. Naturellement, cela ne suffit pas à endormir la vigilance des autres Européens.
Q - Sur le Danube, est-ce que l'Union européenne est prête à donner de l'argent ? Sur le FMI aujourd'hui c'est le dernier jour pour M. Camdessus ?
R - En ce qui concerne le FMI j'ai dit tout à l'heure que la France souscrirait à un consensus européen s'il y en avait un.
Q - Y en a-t-il un ?
R - C'est à la présidence de vous le dire.
En ce qui concerne le Danube, nous avons demandé à la Commission de reprendre nos propositions par rapport au Danube. Nous voulons participer activement au dégagement du Danube et nous ferons des propositions techniques précises sur ce point.
Q - Sur M. Koch Weser
R - Je ne peux répéter que ce que j'ai dit. Si la Présidence portugaise est en mesure de constater un consensus européen, la France ne s'opposera pas au consensus.
Q - Sur le Liban
R - Pas de commentaires nouveaux. Le fond du sujet c'est la négociation plus encore que les questions au Sud-Liban. La situation au Sud-Liban est la traduction d'une situation qui est détestable précisément, les négociations ont pour objet de faire sortir les Israéliens et le Libanais pour aboutir à une situation normale. Nous espérons donc vivement la reprise rapide des négociations entre les Israéliens et les Syriens. Nous avons joué un grand rôle à l'automne pour les convaincre les uns et les autres de commencer la négociation et il me semble que les mêmes arguments plaident aujourd'hui pour cette reprise et, dès que possible, une négociation entre Israéliens et Libanais portant sur tous les aspects : les conditions de retrait de l'armée israélienne du Sud-Liban, et sur la situation du Sud-Liban est le fond du problème et c'est ainsi que nous pourrons résoudre cette question durablement.
En attendant, nous appelons les protagonistes à respecter la lettre et l'esprit de l'accord de 1996 dont la fonction, précisément, est d'épargner les populations civiles et de faire en sorte que les affrontements qui se produisent sans arrêt au Sud-Liban, entre le Hezbollah et l'armée israélienne ne soient pas élargis, qu'il n'y ait pas d'escalade et qu'au bout du compte ce ne soit pas des populations civiles qui en souffrent une fois de plus comme dans tous les conflits. Ce sont toujours les populations civiles qui souffrent le plus atrocement et qui sont, à grande échelle, victimes de la cruauté, comme on le voit en Tchétchénie pour prendre un autre exemple.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 février 2000)