Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur un rapport consacré à l'exploitation et la surexploitation des ressources marines vivantes, Paris le 15 janvier 2004.

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Circonstance : Remise du rapport de l'Académie des sciences "Exploitation et surexploitation des ressources marines vivantes", à Paris, le 15 janvier 2004

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie beaucoup pour l'élaboration et la remise de ce rapport sur l'exploitation et la surexploitation des ressources marines vivantes.
Je tiens avant tout à adresser mes félicitations et mes remerciements à l'Académie des Sciences, au Comité de l'environnement de l'Académie, au groupe de travail qui a préparé ce rapport et à son animateur Lucien Laubier.
Permettez-moi d'abord de vous faire part de ma réaction personnelle : ce rapport est excellent.
Sa lecture en est passionnante. Il a le mérite de concilier plusieurs objectifs exigeants.
Ainsi, il couvre l'ensemble du sujet depuis la politique de la pêche jusqu'aux méthodes scientifiques de gestion des stocks de poissons, et associe des observations génériques et des études de cas concrets.
Je tiens de plus à souligner la grande clarté, la rigueur de ce rapport, sa vision d'ensemble qui facilite une compréhension globale et sereine du sujet. En effet, il s'appuie sur des avis très divers, et a été présenté, selon la procédure que vient d'évoquer le Secrétaire Perpétuel Jean Dercourt, à tous les responsables concernés par son contenu, les scientifiques, les professionnels, les politiques, comme les associations de protection de la nature, et leurs commentaires viennent compléter de manière particulièrement heureuse le contenu du rapport.
Les rédacteurs de ce rapport ont de plus su éviter l'écueil de la polémique stérile, et en ceci l'Académie a montré une fois encore sa capacité d'écoute et de dialogue. Je souhaite que cette attitude continue d'être celle de tous les acteurs concernés.
Que tous ceux qui ont permis d'atteindre ce résultat en soient remerciés.
Nous allons étudier ce rapport, ses analyses et ses recommandations avec le plus grand soin.
L'un des enseignements de ce rapport est que nous devons nous placer dans une démarche à long terme en réfléchissant à des évolutions progressives.
La question des ressources marines vivantes est un sujet clé pour l'avenir de l'humanité. En effet, cette question présente des aspects économiques, sociaux mais aussi écologiques et juridiques dont la dimension est internationale. D'ailleurs, les Conférences des Nations Unies sur le droit de la mer, ont précédé la convention internationale sur la diversité biologique.
Aujourd'hui, une cinquantaine de Commissions internationales de pêche contribuent à la conservation et la gestion des ressources marines vivantes, en particulier dans le domaine océanique. A la conférence de Johannesburg en 2002, sur le développement durable, les gouvernements ont signé un engagement afin de mettre fin à la surexploitation des stocks menacés.
Cette problématique est exemplaire d'une approche de développement durable.
Nous devons tout à la fois trouver les voies et les moyens pour garantir et même améliorer l'accès aux protéines animales issues de la pêche compte tenu de leur intérêt alimentaire, favoriser l'évolution des métiers de la pêche qui constituent une richesse économique, sociale et culturelle de notre pays et de notre continent, élaborer une approche à long terme qui fasse de la gestion des ressources marines vivantes un modèle de développement durable, et donner aux recherches halieutiques les moyens d'être un des fers de lance des recherches biologiques et écologiques.
Ces objectifs ne sont pas utopiques. Ils peuvent être atteints dès lors que l'on se place dans le long terme, que cette évolution progressive permet de tenir compte des différentes contraintes, que l'on évite les irréversibilités, qu'elles soient non seulement écologiques, mais aussi économiques et sociales.
C'est dans ce sens qu'a été signée le 28 octobre 2003 une charte entre la Direction des Pêches Maritimes et de l'Aquaculture (DPMA), le Comité National des Pêches Maritimes et des Élevages Marins (CNPMEM) et l'IFREMER, pour une meilleure coordination de leurs actions dans le domaine des pêches maritimes.
Cette première charte entre pêcheurs, chercheurs et responsables ministériels, véritable code de bonne conduite des signataires, s'inscrit dans une perspective de développement durable.
Cette charte se traduira par la mise en place de méthodes de travail communes incluant une démarche de communication.
Ce rapport indique les orientations prioritaires vers lesquelles devraient se concentrer les recherches, pour améliorer les modèles et les techniques d'évaluation actuelles, notamment du point de vue de la rigueur statistique. Pour autant, des modèles, aussi sophistiqués soient-ils, ne pourront jamais pallier les déficiences des données sur les captures, qui restent encore parfois imprécises. L'influence de l'environnement et des changements climatiques sur les variations d'abondance de certaines espèces constitue un sujet de recherche particulièrement important, où halieutes et océanographes devront collaborer étroitement.
Les interactions entre les différentes espèces, une connaissance approfondie du fonctionnement des écosystèmes, les modifications du réseau alimentaire liées à la raréfaction des grands prédateurs, autant de sujets qui permettront de compléter l'approche démographique actuelle.
Enfin, l'élevage en milieu marin représente un complément indispensable à l'activité de pêche. La recherche devra aussi faire bénéficier l'aquaculture des avancées de la biologie afin que les produits d'élevage, qui constituent déjà aujourd'hui une part significative de notre consommation en produits de la mer, puissent conforter cette position. Tout en restant conscient des limites de l'aquaculture, sa production permet de soulager, pour certaines espèces spécifiques, les prélèvements opérés par les activités de pêche.
Nous allons travailler en étroite collaboration avec Hervé Gaymard, Ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires Rurales, pour tirer les enseignements de votre rapport, contribution scientifique essentielle à la compréhension des enjeux liés à l'exploitation des ressources marines. Soyez en tous remerciés.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 3 février 2004)