Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, dans "Sud-Ouest" du 9 décembre 2003, sur le débat en interne sur le syndicalisme réformiste et la démocratie au sein de la CFDT, sur la réforme des retraites et son opposition à une loi sur le service minimum dans les services publics.

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Média : Sud Ouest

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Question : Les retraites suscitent toujours beaucoup de débats à la CFDT. Comment appréciez-vous les critiques qui sont encore formulées ?
(Réponse) François Chérèque : À partir du moment où la direction nationale de la CFDT a choisi de lancer un débat, qui durera jusqu'à l'été, sur la façon dont on fait vivre la démocratie entre nous et sur le syndicalisme réformiste, il est normal que les militants expriment encore aujourd'hui comment ils ont vécu la période passée. Je ne m'attends pas et je ne souhaite pas que le débat s'arrête maintenant. Il faut qu'il aille jusqu'au bout et que l'on parvienne à progresser encore plus. Même si ce débat est contradictoire, je constate que les votes sur les orientations, comme ici en Aquitaine, sont largement positifs. On se dit ce qui ne va pas entre nous mais on est d'accord sur l'essentiel.
Il y a pourtant des militants qui sont partis, notamment des cheminots. Avez-vous une idée plus précise du nombre de départs enregistrés par la CFDT ?
(Réponse) François Chérèque : Les derniers chiffres actualisés dont je dispose font état de 7 400 départs. Ce n'est pas encore un chiffre définitif puisque les syndicats ont jusqu'au premier trimestre de l'année pour finir de payer les cotisations. Nous saurons donc précisément où nous en sommes à la fin du premier trimestre 2004. Ce que je peux d'ores et déjà vous dire, c'est que les arrivées compensent en grande partie les départs. La CFDT est d'abord faite par les militants de terrain. Les cheminots auront toujours leur place dans la CFDT et les salariés des services publics aussi. Ceux qui nous quittent aujourd'hui sont parfois des militants qui étaient en désaccord depuis très longtemps et qui mettent en cohérence leurs idées et leur adhésion. Moi, je les respecte.
Les décrets d'application de la réforme des retraites tardent mais il semble que la possibilité de rachat des années d'études coûtera très cher aux assurés. Qu'en pensez-vous ?
(Réponse) François Chérèque : Pour l'instant, rien n'est arrêté, ce ne sont que des propositions chiffrées qui donneront lieu à négociation. La loi a fixé le principe du rachat des années d'études et nous l'approuvons. Mais nous sommes en désaccord avec le gouvernement lorsqu'il propose ce rachat sur des périodes courtes. Nous, on veut que les gens aient le choix de la durée de paiement, sur trente, vingt ou dix ans. Je ne suis pas inquiet, on ira en discuter.
Je suis plus préoccupé par la mise en oeuvre de la réforme dans le secteur public. Toutes les contreparties à l'harmonisation de la durée de cotisations des fonctionnaires n'arrivent pas assez vite. Qu'il s'agisse du départ anticipé pour les carrières longues 37 000 fonctionnaires pourront en bénéficier en 2004 , de la mise en place de la caisse complémentaire et de la pénibilité, il faut discuter et le gouvernement traîne. On a poussé un petit coup de geule pour être reçus et nous le serons la semaine prochaine par le ministre de la Fonction publique.
Que penseriez-vous d'une loi sur le service minimum dans les services publics ?
(Réponse) François Chérèque : Je pense qu'il serait stupide de faire une loi qui pourrait rendre les choses encore plus difficiles. Il suffit de regarder l'exemple italien que l'on nous cite en modèle. Cette semaine, il y a eu une grève générale des traminots malgré une loi sur le service minimum. Il vaut mieux travailler sur l'anticipation des conflits et l'amélioration du dialogue social. Nous devons concilier le droit individuel de chaque salarié à faire grève et le droit des usagers à la continuité du service public. Pour y parvenir, nous disons qu'il faut engager une négociation nationale sur ce sujet-là et après seulement faire une loi, si c'est nécessaire. Au moment où le gouvernement nous dit par une réforme du dialogue social qu'il veut amener la négociation avant la loi, je lui dis chiche, qu'il le fasse sur ce sujet-là !
Propos recueillis par Régine Jordan
(Source http://www.cfdt.fr, le 9 décembre 2003)