Déclaration de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le bilan de la loi d'orientation relative à la prévention et à la lutte contre les exclusions, notamment la garantie d'accès aux droits fondamentaux, Paris le 13 septembre 2000.

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Circonstance : Bilan de deux ans d'action de lutte contre les exclusions à Paris le 13 septembre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier ministre,
Mes chers collègues,
Deux ans se sont écoulés depuis l'adoption de la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la prévention et à la lutte contre les exclusions, cette loi voulue par les associations, préparée avec elles et qui a mobilisé les services de l'Etat, les collectivités locales et les associations autour de trois principes et d'une méthode : garantir l'accès aux droits fondamentaux ; prévenir les exclusions; répondre efficacement aux situations d'urgence ; mieux agir ensemble contre les exclusions.
C'est la date à laquelle un premier bilan est nécessaire.
La mise en uvre d'une loi ambitieuse, au champ vaste, mettant en jeu des acteurs multiples, constituait une gageure. Deux ans après le vote de la loi, on peut affirmer que le pari a été tenu: de l'élaboration à la mise en uvre, le programme et la loi de lutte contre les exclusions ont fait l'objet d'une mobilisation réelle des acteurs, à un moment où la croissance retrouvée crée une exigence accrue de réduire les inégalités d'accès aux droits fondamentaux. La reprise économique doit, en effet, profiter aussi à ceux de nos concitoyens victimes de l'exclusion. Elle ne saurait les laisser au bord du chemin.
Les instances mises en place par la loi au niveau national, l'observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale et le conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, permettent désormais d'assurer l'observation et la réflexion sur les exclusions et les politiques à mettre en uvre.
La mobilisation des administrations sur la lutte contre les exclusions, avec la mise en place de pôles de compétences réunissant l'ensemble des services de l'Etat concernés, a permis une mise en uvre rapide et concertée des dispositions du programme et de la loi. L'inscription dans la durée de ces politiques se traduit par leur prise en compte dans l'élaboration des projets territoriaux de l'Etat.
Un travail commun entre l'Etat et les collectivités locales - particulièrement les départements - d'une part, entre les institutions publiques et les associations, de l'autre, a amené des progrès certains, même si des améliorations restent possibles.
1 - Les engagements financiers pris lors du vote de la loi ont été tenus et même dépassés
La loi de lutte contre les exclusions était accompagnée d'un programme triennal de 51,4 milliards de francs de moyens nouveaux dont 38,4 à la charge de l'Etat. Les engagements financiers ont été tenus et même dépassés, grâce à un effort financier de l'Etat de 42 milliards de francs en trois ans :
20 milliards sur l'emploi,
8 sur l'action sociale et la revalorisation des minima sociaux,
7,7 sur la santé et la couverture maladie universelle,
5,6 sur le logement et 1 milliard sur l'éducation, les loisirs et la culture.
Le programme a été complété par d'autres réformes importantes Ainsi, le relèvement des minima sociaux fin 1999 a accru les dépenses prévues par le plan triennal de plus de deux milliards de francs ; la couverture maladie universelle a finalement été dotée de sept milliards de francs en année pleine. De même, la procédure d'effacement des dettes fiscales pour les chômeurs surendettés et les personnes en difficulté sociale, mise en uvre en 2000, a coûté 420 millions de francs supplémentaires.
Enfin, la réforme des aides personnelles au logement mobilisera 6,5 milliards de francs supplémentaires qui bénéficieront aux ménages à faibles revenus. Cette réforme harmonise vers le haut les barèmes des aides, et traite de façon identique tous les revenus, qu'il s'agisse de salaires ou de minima sociaux.
Dorénavant, la lutte contre les exclusions est devenue un objectif intégré dans les politiques structurelles de l'Etat, et doté de budgets pérennes.
2 - La mise en place de réponses coordonnées a amélioré l'efficacité des dispositifs
Au niveau départemental, la mise en place des commissions de l'action sociale d'urgence (CASU) depuis 1998 a permis une avancée dans la coordination entre institutions au bénéfice des personnes les plus démunies, pour mieux détecter les situations difficiles, en privilégiant des actions très concrètes telles que la réalisation de formulaires uniques ou de répertoires des aides, et la mise en uvre de formations destinées aux agents en contact avec le public, pour améliorer l'accueil des personnes en difficulté.
La mise en place du dispositif de veille sociale a accentué la coordination des réponses à l'urgence sociale: dans tous les départements le 115, service téléphonique, et la centralisation des places disponibles avant 19 heures, font l'objet d'un pilotage permanent et de mieux en mieux articulé avec les dispositifs d'insertion que sont les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).
3 - Un effort sans précédent a été accompli en faveur de l'insertion professionnelle et de l'aide au retour à l'emploi
Ce sont d'abord les politiques de l'emploi qui ont été réformées pour mieux prendre en compte les problèmes d'exclusion et accompagner vers l'emploi, dans le cadre d'un parcours individualisé, des personnes qui en étaient durablement éloignées.
La réussite du programme "nouveau départ", piloté par l'ANPE, et visant à proposer un parcours individualisé vers l'emploi à tous les demandeurs d'emploi avant qu'ils n'atteignent 12 mois de chômage, à tous les jeunes avant 6 mois , et à tous les chômeurs de très longue durée, est incontestable. Depuis novembre 1998, date de démarrage de la mesure, 1400000 demandeurs d'emploi, indemnisés ou non, ont été accueillis. 55 % des intéressés sont sortis du chômage après un délai de quatre mois.
Le programme TRACE (trajet d'accès à l'emploi), destiné à accompagner vers l'emploi durable des jeunes en grande difficulté pour une durée pouvant aller jusqu'à 18 mois, a déjà permis à plus de 65000 jeunes d'être aidés dans l'élaboration de leur parcours d'insertion. 15 mois après l'entrée dans le dispositif, 80 % d'entre eux sont en emploi ou en formation.
Les emplois de solidarité dans les associations, les collectivités locales et les établissements publics, d'une durée de cinq ans prévus par la loi ont permis, depuis 1999, à 72 000 personnes en difficulté d'accéder à un emploi : pour 44 000 d'entre elles, il s'agit d'un contrat de 5 ans pris en charge à 80 % par l'Etat.
Le nouveau dispositif de contrat de qualification pour adultes a bénéficié à plus de 6000 demandeurs d'emploi de plus de 26 ans, dont 60 % de longue durée, qui disposent ainsi d'un accès à une qualification reconnue, sous contrat de travail.
Le secteur de l'insertion par l'activité économique permet également de proposer un emploi à des personnes en grande difficulté tout en les accompagnant dans la résolution de leurs autres problèmes. Avec l'impulsion donnée à ce secteur, le nombre de salariés en équivalent temps plein reçus en entreprises d'insertion et entreprises de travail temporaire d'insertion est passé de 10 915 en 1998 à 18 927, soit une hausse de 73 %. Environ 170 protocoles d'accord de création ou de renouvellement de plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE) ont été signés (+41% par rapport à 1998), et le potentiel de nouveaux plans locaux est proche de la centaine. Cette augmentation a principalement concerné des villes ayant signé un contrat de ville.
Pour favoriser le retour à l'emploi, la loi de lutte contre les exclusions a généralisé la possibilité de cumuler un minimum social avec un revenu d'activité (3 mois à 100 %, 9 mois à 50 %). Près de 150000 allocataires du RMI, soit 15 % du total, 50000 bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), 10000 allocataires de l'allocation de parent isolé (API) bénéficient de cette mesure.
La plupart des autres freins à la reprise d'emploi ont été corrigés par l'instauration de la couverture maladie universelle, la réforme des dégrèvements et exonérations de taxe d'habitation, la réforme des aides personnelles au logement. La réforme à venir de l'impôt sur le revenu (décote et baisse du taux de la première tranche), l'institution d'une réduction de CSG et de CRDS pour les bas salaires, sont autant de mesures qui vont rendre moins pénalisante financièrement la reprise d'activité et contribuer à réduire encore le chômage structurel.
4 - L'ensemble de nos concitoyens bénéficie désormais d'un accès aux soins de santé
La mise en uvre de la couverture maladie universelle permet désormais aux plus démunis de se faire soigner sans se heurter à une contrainte financière. Après quelques mois de mise en uvre, la réforme est un succès :
-le nombre de personnes couvertes par la CMU complémentaire, 4,5 millions à la rentrée 2000, est déjà supérieur de 1,8 million à celui des bénéficiaires de l'ancienne aide médicale ;
-les associations qui suivent les publics les plus en difficulté témoignent du grand progrès que représente la CMU dans l'accès aux droits : plus grande rapidité, plus grande simplicité ;
-la CMU a permis aussi de faire travailler ensemble des acteurs qui n'en avaient pas toujours l'habitude : caisses d'assurance maladie, organismes complémentaires, associations.
Les obstacles sont inhérents à la mise en uvre d'une réforme d'une telle ampleur. Un nouveau droit se met en place, il faut informer, préciser, répondre à de multiples questions. Un numéro vert, pour les particuliers, et un numéro indigo, destiné aux professionnels de santé, ont répondu à des milliers d'appels chaque semaine. Plusieurs millions de dépliants et de brochures d'information ont été diffusés.
Durant les premières semaines, l'affluence aux guichets des caisses d'assurance maladie a été très forte ; quelques caisses ont eu des difficultés à y faire face, mais grâce aux moyens nouveaux qui leur ont été attribués et grâce au professionnalisme et à la mobilisation des agents, ces difficultés passagères et localisées ont été vite résorbées.
Les associations, les travailleurs sociaux, les élus ont apporté durant toute la phase de préparation des textes, une aide extrêmement précieuse par leur connaissance précise des difficultés que rencontrent les personnes concernées. Depuis le début de la mise en uvre, ils ont beaucoup aidé à résoudre les difficultés pratiques, à apporter les précisions nécessaires et à faire vivre la CMU sur le terrain.
Aussi bien au niveau local qu'au niveau national, la CMU a créé, dans la plupart des cas, une dynamique nouvelle en amenant les acteurs concernés à travailler ensemble pour résoudre les difficultés. Cela se concrétise dans chaque département par de très nombreuses réunions qu'ont organisées les préfets pour veiller à la bonne mise en uvre du dispositif ; au niveau national, par la concertation approfondie dont toutes les dispositions ont fait l'objet, dès leur élaboration.
Par ailleurs, l'élaboration des Programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins a permis d'établir un diagnostic et des priorités partagés. Les hôpitaux, quant à eux, ont mis en place des permanences d'accès aux soins de santé (PASS) qui permettent aux exclus, mais aussi à toutes les autres personnes qui pour une raison ou pour une autre hésitent à s'adresser à la médecine de ville, de pouvoir bénéficier de consultations à tout moment. Près de 300 permanences d'accès aux soins de santé (PASS) ont été financées en 1999.
5 - Le droit au logement a été renforcé et doté de moyens supplémentaires
Pour permettre l'accès ou le maintien dans le logement des personnes en situation difficile, de nouveaux plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) sont ou devraient être adoptés en 2000. Les moyens financiers des fonds de solidarité logement (FSL) ont été doublés, permettant la couverture d'un plus large public. L'appui aux acteurs associatifs par la création d'une aide à la médiation locative a permis de mobiliser 20 000 logements pour un montant de 60 millions de francs.
La réforme des attributions se met en uvre plus progressivement, ce qui s'explique largement par le caractère très novateur de la démarche adoptée, reposant notamment sur le numéro départemental unique d'enregistrement, qui offre à chaque demandeur de logement la garantie que sa demande sera examinée. Après une phase d'expérimentation dans 10 départements, le projet de décret prévoyant la généralisation de ce dispositif à l'ensemble du territoire a été soumis en juin 2000 pour avis au conseil national de l'habitat et au conseil supérieur des HLM, et transmis au Conseil d'Etat.
La taxe sur la vacance, applicable aux logements restés vacants depuis plus de deux ans du fait de la volonté de leur propriétaire, est un outil nouveau pour la mobilisation du parc de logements disponibles. Cette taxe, mise en uvre dans 8 agglomérations, a alimenté à hauteur de 70,4 millions de francs le budget de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), qui majore à cette occasion la subvention aux propriétaires privés effectuant des travaux avant de relouer un logement.
La moitié des départements dispose d'une charte de prévention des expulsions à mi-2000.
Une enveloppe de 75 millions de francs en 2000, a été ouverte pour lutter contre le saturnisme infantile avec d'une part des mesures d'urgence (procédures de signalement des cas de saturnisme et d'injonction au propriétaire de faire des travaux palliatifs), d'autre part des mesures de prévention (obligation d'annexer, à l'occasion de toute transaction dans un périmètre préalablement défini comme zone à risques, un état des risques d'accessibilité au plomb).
L'Etat a mobilisé des moyens nouveaux pour les impayés d'eau, d'énergie et de téléphone :
Depuis 1997, les montants distribués par le "fonds de solidarité énergie" ont crû de67 %
Un accord, signé avec les distributeurs d'eau, prévoit que l'Etat abondera ce dispositif de 30 millions de francs, les distributeurs s'engageant à une hauteur équivalente.
Une réduction de l'abonnement téléphonique de 33 francs pour les titulaires de minima sociaux et des fonds départementaux pour la prise en charge des dettes téléphoniques des ménages en difficulté, dotés au total de 227 millions de francs, ont été mis en place.
6 - L'accès de tous à tous les droits a progressé par la prise en compte de la lutte contre les exclusions dans l'ensemble des politiques publiques
Le droit à des moyens de vie décents
Depuis 1997, le gouvernement a entrepris une politique de revalorisation des minima sociaux, notamment de l'allocation de solidarité spécifique qui n'avait pas été revalorisée depuis 1994 - le principe d'une indexation sur les prix a été inscrit dans la loi, de façon à éviter tout nouveau décrochage - et de l'allocation d'insertion. Le RMI et l'ASS ont ensuite été augmentés fin 1998 de 3 %, avec une application rétroactive qui a permis le versement d'une prime allant de 875 à 2 500 francs, selon la situation familiale, puis à nouveau de 2 % au 1er janvier 2000, soit au total une revalorisation de 5 % du RMI, de 13 % de l'ASS et de 29 % de l'allocation d'insertion.
En 1998, ont été mises en place des mesures conduisant à une sensible amélioration de la situation des titulaires de minima : l'allocation spécifique d'attente permet aux allocataires du RMI ou de l'ASS ayant cotisé pendant 40 ans un gain de 21 000 francs par an. L'allocation de veuvage perçue la seconde année a été augmentée de 12 000 francs. Le cumul du RMI et de l'APJE a été instauré.
Les procédures en matière de surendettement ont été améliorées. Des garanties ont été données aux personnes, qui peuvent être entendues par la commission de surendettement et bénéficient d'une procédure de contrôle des créances et d'une procédure de suspension des voies d'exécution dans les cas d'urgence. Les sommes qui doivent être laissées pour faire face aux charges de la vie courante sont au minimum égales à la part non saisissable des rémunérations. Pour les personnes dont la situation est la plus dégradée, les commissions ont recommandé 4337 moratoires dont 2270 pour la durée maximale de 36 mois, et ont, à l'issue du moratoire, effacé les dettes pour 91 dossiers.
La procédure d'effacement des dettes fiscales pour les chômeurs surendettés et les personnes en difficulté sociale, mise en uvre en 2000, a permis à près de 300000 personnes de bénéficier de dégrèvements. Les dettes fiscales sont d'ailleurs désormais prises en compte dans les procédures de surendettement.
Enfin, la mesure de pré-retraite prise dans le cadre de l'article 132 en faveur des agriculteurs en difficulté leur permet désormais de cesser leur activité dans de meilleures conditions.
L'accès à l'éducation, à la culture, aux loisirs et aux sports
L'extension conséquente de la carte des zones d'éducation prioritaire (ZEP) de l'ordre de 40% pour les collèges a pour effet qu'un élève sur cinq est désormais concerné par la politique d'éducation prioritaire. La mise en uvre du programme "nouvelles chances"bénéficiera à 50000 élèves. Des bourses au mérite sont créées à compter de la rentrée 2000 pour des collégiens issus de familles modestes : il s'agit non seulement d'une aide financière renforcée, mais aussi d'un accompagnement visant à mobiliser les ressources culturelles, sociales et humaines avec l'aide des milieux économiques. Enfin, 11 500 jeunes d'origine modeste bénéficient en 2000 du dispositif d'aide individuelle de 2000 francs pour l'obtention des brevets d'aptitude à la fonction d'animateur ou de directeur (BAFA/BAFD).
Des mesures tarifaires, telles que la gratuité de l'accès aux trente trois musées nationaux le premier dimanche de chaque mois, le tarif réduit (50F) le jeudi dans les cinq théâtres nationaux, l'accès gratuit dans les 98 monuments historiques gérés par le Centre des monuments nationaux, s'ajoutent aux dispositifs en faveur des demandeurs d'emploi.
Le groupement d'intérêt public "Bourse solidarité vacances" a collecté plus de 15000 séjours, qui ont déjà permis à 10000 personnes de partir en vacances en 2000. Pour près de la moitié d'entre elles, il s'agit d'un premier départ.
Pour favoriser l'accès du plus grand nombre de jeunes à une offre sportive diversifiée, différents dispositifs ont été mis en place, parmi lesquels le ticket sport permettant l'ouverture des installations sportives pour offrir des activités gratuites et encadrées aux jeunes qui ne partent pas en vacances, et le coupon sport, aide individuelle de 100 ou 200 francs, qui bénéficiera à 200 000 jeunes en 2000.
Le droit à une vie familiale
La très grande majorité des séparations familiales et des placements d'enfants, a comme arrière fond des situations de pauvreté et de précarité. Ce constat incite à renforcer les dispositifs de prévention et de soutien et à les utiliser de manière plus précoce les actions de promotion familiale; l'intensification des réseaux d'aide à la parentalité, l'accès à des modes de garde diversifiés pour appuyer le retour à l'emploi des parents, les facilités d'accès aux travailleuses familiales sont autant d'actions qui contribuent par la prévention à préserver le cadre familial.
L'amélioration des conditions de vie des familles modestes, avec le quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire, l'instauration du cumul de l'allocation pour jeune enfant avec le RMI, la création d'une prime de 2 000 à 3 000 francs lors de la reprise d'une activité professionnelle pour favoriser l'accès à différents modes de garde des enfants, contribuent également à cet objectif.
Le droit à la citoyenneté
La création d'un réseau de centres départementaux d'accès au droit, réunissant les acteurs locaux des secteurs judiciaire, juridique et social, et qui a permis la mise en place d'actions d'information, d'aide à l'accomplissement des démarches, de consultations juridiques et d'assistance pour la rédaction et la conclusion d'actes juridiques, favorise l'accès au droit des publics qui en étaient jusqu'à présent éloignés.
La possibilité d'inscription des personnes sans domicile fixe sur les listes électorales, la représentation des demandeurs d'emploi auprès du service public de l'emploi ou des personnes en difficulté au conseil d'administration des centres communaux d'action sociale relève du même souci de permettre l'exercice de la citoyenneté.
7 - Cette première évaluation est aussi l'occasion de propositions visant à renforcer l'efficacité du dispositif
Mieux informer les personnes sur leurs droits, sensibiliser l'ensemble de la société
L'accès aux droits est largement conditionné par l'information des personnes elles-mêmes sur ces droits : il est donc nécessaire de renforcer la communication en direction des publics en difficulté et des personnes qui sont à leur contact. Des actions seront entreprises dès octobre 2000, en lien avec les partenaires de la lutte contre les exclusions : le choix a été fait d'une mobilisation au plus près du terrain, en demandant aux préfets d'organiser, en relation étroite avec les conseils généraux et en présence des principaux acteurs, dans la première quinzaine d'octobre, des journées départementales de mobilisation contre les exclusions. Un support complet de communication a été réalisé dans ce but. Il comprend, outre une présentation de la loi et du bilan, des témoignages audio, une documentation, des dépliants d'information du public.
Un forum internet sur le site du ministère de l'emploi et de la solidarité permet, dès aujourd'hui, l'accès à l'information et un dialogue entre les acteurs de la lutte contre les exclusions.
Une campagne d'information sera lancée selon deux axes :
d'une part en direction des acteurs et partenaires de l'Etat, au niveau national ou local, afin de mieux toucher les personnes menacées ou frappées par l'exclusion et ignorant leurs droits,
d'autre part en direction du grand public, afin de faire progresser la solidarité et l'implication de chacun dans la lutte contre les exclusions.
Les élus, les collectivités locales, les associations et fondations seront étroitement associés à l'élaboration de cette campagne. Un comité de pilotage commencera à travailler dès le 4 octobre, pour définir les objectifs d'une telle campagne à court et moyen terme, le contenu des messages à porter, les supports disponibles et nécessaires pour atteindre cet objectif, les partenariats à mettre en uvre avec les associations et éventuellement les fondations et médias.
Les moyens budgétaires nécessaires à cette action - 20 millions de francs - seront dégagés.
Mieux travailler ensemble, mieux mobiliser les acteurs locaux
La qualité des partenariats locaux est essentielle pour parvenir à une mobilisation des élus, des associations, des services de l'Etat et des collectivités locales.
Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d'améliorer l'organisation territoriale de la lutte contre les exclusions. La loi du 29 juillet 1998 a créé de nombreuses instances qui se sont ajoutées aux institutions déjà existantes. Une simplification de l'architecture des comités favoriserait un travail plus efficace, plus transversal. Il est donc utile de lancer une réflexion, avec les différents acteurs locaux, sur une meilleure organisation territoriale.
Améliorer en permanence les dispositifs
Un effort particulier doit être accompli, non en termes de droits nouveaux, mais en termes de relais spécifiques pour certains publics qui ne vont pas d'eux-mêmes vers les structures, notamment les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation de parent isolé (API) présents dans le dispositif depuis plusieurs années et les jeunes sortant d'une prise en charge institutionnelle sous ses formes les plus diverses (aide sociale à l'enfance, prison, post-cure toxicomanie, etc.).
Sur chacun des volets du programme, il est également important de prendre en compte la place des femmes, dont la part dans le chômage de très longue durée demeure importante et dont l'accès aux emplois du secteur marchand reste insuffisant.
Enfin, certains dispositifs qui rencontrent des difficultés certaines de mise en uvre (droit au compte bancaire, service bancaire de base, insaisissabilité des prestations), doivent à nouveau faire l'objet d'un travail approfondi, concerté avec les professionnels et les bénéficiaires potentiels de ces mesures.
Promouvoir la lutte contre les exclusions au niveau européen
La lutte contre l'exclusion sociale doit être une nouvelle dimension de la construction européenne. La mise en uvre du traité d'Amsterdam offre précisément de nouvelles perspectives en la matière, renforcées par la volonté des chefs d'Etat et de gouvernement qui ont, lors du conseil européen extraordinaire de Lisbonne de mars 2000, placé la lutte contre l'exclusion sociale au cur de la modernisation du modèle social européen. Il s'agit d'adopter pour la lutte contre les exclusions la même démarche que celle qui avait été décidée pour l'emploi, à l'initiative de la France, par le Conseil européen extraordinaire de Luxembourg en 1997.
La Présidence française de l'Union européenne entend rechercher l'approbation, par le Conseil, d'objectifs communs de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, sur la base d'une démarche faisant apparaître le caractère multidimensionnel de l'exclusion (accès à l'emploi, à la protection sociale, mais aussi accès de tous aux services sociaux fondamentaux, l'éducation, la formation, la santé, le logement, la justice), en mettant l'accent sur l'accès aux droits, la prévention des risques d'exclusion et la mobilisation de tous les acteurs.
Ces deux ans de mise en uvre du programme et de la loi de lutte contre les exclusions ont déjà produit des résultats positifs en matière de diminution du chômage, notamment de longue durée (-310 000 depuis 1997) et de très longue durée (-22 % en un an). La baisse désormais régulière du nombre de bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (- 10 % en un an), celle, amorcée, du nombre d'allocataires du RMI, l'augmentation du nombre de personnes couvertes par la CMU (4,5 millions) sont autant de signes tangibles d'un recul de l'exclusion. La reconnaissance par ailleurs que la lutte contre les exclusions passe par une facilitation de l'accès à l'ensemble des droits fondamentaux, la mobilisation des acteurs associatifs, des élus et des services de l'Etat autour de cet objectif, constituent une réussite incontestable.
Les améliorations soulignées dans ce point d'étape tracent autant de lignes directrices pour la poursuite de l'effort, dans la continuité du programme précédent, en privilégiant les actions en direction de certains publics, en donnant plus de place à la diffusion de l'information, à la coordination des différents acteurs et à la mobilisation de toute notre société contre les exclusions.
Plus que jamais nous devons remettre à l'ordre du jour ce qui avait constitué le slogan du programme et de la loi en 1998 : "construire ensemble une place pour tous".


(source http://www.social.gouv.fr, le 2 octobre 2000)