Texte intégral
Le 12/07/2004 par La Tribune
Jean-Christophe Chanut : Que répondez-vous à Ernest-Antoine Seillière et à Nicolas Sarkozy sur les 35 heures ?
Jean-Luc Cazettes : Je ne pense pas que le président du Medef ait consulté les entreprises qu'il est pourtant censé représenter. Les grandes entreprises ont réussi à se débrouiller avec les 35 heures et elles ne veulent plus que l'on touche aux accords au risque de réintroduire de l'instabilité. Quant aux petits établissements de vingt salariés ou moins, ils ne sont pas concernés, il reste donc les PME. Or je ne vois pas l'intérêt de tout remettre en cause alors qu'elles aussi arrivent grosso modo à régler les choses sans trop de difficultés.
JCC : S'agissant des cadres, il n'y a vraiment rien à négocier ?
JLC : Les cadres se sont payés les 35 heures avec trois ans de blocage des salaires et ils travaillent jusqu'à 13 heures par jour. Leur charge de travail a donc terriblement augmenté. Il n'est pas question, maintenant, de toucher à leurs jours de RTT. Si c'était le cas je me fais fort de mettre plusieurs dizaines de milliers de cadres dans la rue.
JCC : Mais l'idée de Nicolas Sarkozy repose sur l'idée du volontariat, seuls travailleraient plus ceux qui le souhaitent.
JLC : Comment être sûrs que les dérogations seraient seulement réservées à ceux qui le souhaitent ? Car c'est l'employeur qui fixe la durée du travail, pas les salariés. En outre, est-on certain qu'il y a assez de travail pour tout le monde ? Sarkozy veut faire travailler plus les salariés alors que dans le même temps, avec son plan de cohésion sociale, Jean-Louis Borloo veut remettre quatre millions de personnes au boulot !
JCC : Plus globalement, que pensez-vous de l'offensive du Medef en faveur d'une déréglementation du droit du travail ?
JLC : Ernest-Antoine Seillière prône le contrat et la négociation quand la gauche est au pouvoir et, à l'inverse, devient dirigiste quand la droite revient aux affaires. C'est pourquoi il refuse de négocier avec nous sur la modernisation du droit du travail et demande au gouvernement de légiférer. Si le gouvernement répond aux injonctions du président du Medef, je lui prédis qu'il y aura une alternance politique en 2007 car la force de la CGC ne s'apprécie pas dans la rue mais dans les urnes.
JCC : Cela signifie donc que vous répondez positivement à la proposition de négociation que vous a adressée Gérard Larcher, le ministre des Relations du travail ?
JLC : Oui, je suis tout a fait d'accord pour ouvrir une négociation interprofessionnelle sur les différents thèmes évoqués par Gérard Larcher.Y compris, à la différence du Medef, sur la modernisation du droit du travail..
Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut
(source http://www.cfecgc.org, le 16 juillet 2004)
Le 15/07/2004 par BFM
Emmanuel Duteil : 80 minutes pour convaincre. Jacques Chirac s'est exprimé hier à l'occasion de la traditionnelle intervention du 14 juillet ; une intervention, on peut le dire, riche en annonces. Le président de la République a salué notamment le retour de la croissance. Pour autant il a annoncé une pause d'un an dans la baisse de l'impôt sur le revenu, il s'est dit favorable à de nouveaux assouplissements sur les 35 heures et demande une solution définitive pour ce qui concerne les intermittents.
Jacques Chirac a demandé au gouvernement d'engager, avec les partenaires sociaux, les concertations nécessaires sur les 35 heures en vue de possibles assouplissements. C'est un soulagement, il n'y aura pas de renégociation par la loi.
Jean-Luc Cazettes : Oui, c'est déjà un soulagement parce qu'on avait quand même des tentations et des expressions à l'intérieur même de la majorité actuelle sur la nécessité de faire, je dirais, table rase des 35 heures. Le président de la République a été très clair, les 35 heures restent la référence du temps de travail, maintenant qu'il y ait des assouplissements négociés, je veux bien, sauf que j'ai lu quand même, à plusieurs reprises, que le Medef n'entendait pas négocier et demandait au gouvernement de décréter directement par la loi.
ED : Et maintenant que Jacques CHIRAC, semble t-il, a mis un point final, d'une certaine manière, à la polémique, le libre choix, en tout cas, c'est le mot à la mode dans le camp gouvernemental, autrement dit ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus doivent pouvoir le faire, est-ce que finalement ça ne correspond pas à ce que demandent les cadres que vous représentez ?
JLC : Le libre choix s'il est vraiment libre, le problème c'est de savoir entre un salarié et la direction de l'entreprise s'il y a égalité dans les rapports de force et dans la nécessité de dire je travaille plus, ou je travaille moins. Donc ça c'est un premier point et deuxièmement dans les négociations, j'ai bien noté que le président de la République disait bien que les négociations d'entreprise dans les limites des accords de branche, et nous entendons bien normaliser quand même tout ça, de façon à éviter que se multiplient les exemples du style Bosch.
ED : Mais justement en quoi ça peut empêcher ce genre d'exemple, parce que Bosch pourrait très bien continuer à faire ce genre de chantage d'une certaine manière, on peut employer le mot, dans l'avenir ?
JLC : Je pense que nos collègues de chez Bosch se sont un peu laissés abuser parce que je ne suis pas persuadé, ils vont gagner trois ans, ça c'est clair, mais je ne suis pas persuadé que dans trois ans Bosch ne va pas quand même, et malgré tout, délocaliser sa production dans un pays soit d'Europe de l'Est, soit carrément d'Extrême-Orient. Je crois quand même que ce sont des méthodes qui ne doivent pas se multiplier. D'ailleurs le président de la République en a dit deux mots hier aussi en disant qu'il ne souhaitait pas que se renouvellen ce type d'opération. Il y en a eu une, c'est une usine allemande, on sait ce qui se passe également en Allemagne dans la remise en cause du temps de travail, je ne suis pas sûr qu'on va développer ça en France.
ED : Alors justement, négocier pour essayer que ça ne se reproduise pas ce genre d'exemple. Au niveau des chômeurs Jacques Chirac affirme, en revanche, qu'il est inacceptable qu'un chômeur refuse éternellement un emploi, il a été assez ferme sur ce point. On sait que Jean-Louis Borloo prépare des mesures sur ce point, qu'en pensez-vous ?
JLC : Sur le principe, c'est vrai qu'il ne faut pas qu'un chômeur refuse systématiquement un emploi, mais je dirais un emploi répondant à ses qualifications, répondant aux mêmes critères de rémunération etc. Si c'est pour reprendre systématiquement des emplois sous-payés et sous-qualifiés, là on ne sera plus d'accord et j'ai noté quand même, avec regret, que le président de la République se référait à l'accord minoritaire de juin 2000 qui avait été refusé à l'époque par le gouvernement et qui mettait, effectivement, que les chômeurs devaient accepter n'importe quel emploi répondant à leur concurrence mais sans tenir compte de l'ancienneté, du niveau de salaire ou de la qualification. Je pense qu'il est mal informé sur ce qui s'était passé en juin 2000 et on va faire en sorte de l'informer davantage et d'informer le ministre pour éviter qu'on revienne sur quelque chose qui avait été largement condamné à l'époque. Je pense d'ailleurs que la loi Fillon, maintenant, avec le principe d'opposition majoritaire nous permettra de rectifier le tir si, par malheur, il y avait dérive.
(source http://www.cfecgc.org, le 16 juillet 2004)
RTL - 23 juillet 2004
R. Arzt - Bonjour J.-L. Cazettes. En quelques jours sont apparus les exemples concrets de remise en cause des 35 heures des entreprises comme Bosch, et hier Cattinair. On parle aussi de Seb. A chaque fois la direction avance le besoin que l'entreprise soit plus compétitive. Est-ce qu'il y a des cas où cet argument peut être admis ?
R - "A ce rythme-là, il faut transférer la totalité de nos industries en Turquie - puisqu'on vient d'en parler -, ou dans les pays d'Extrême Orient. On trouvera toujours des exemples de cette nature. Moi ce que je trouve, c'est que si on pouvait estimer que le problème Bosch était un problème ponctuel, l'évolution depuis, et la précipitation d'un certain nombre de patrons à vouloir traiter les problèmes de la même façon, font que nous allons être amenés à changer totalement d'attitude. Autant je n'ai pas condamné la signature de notre délégué syndical dans l'entreprise Bosch"
R. Arzt - Sauf qu'il s'est rétracté quand même. C'était une erreur de parcours ?
R - "Plus ou moins, c'était une erreur de parcours. Mais je suis sûr qu'il ne s'était pas imaginé que ça lancerait un débat de cette nature. Mais là, c'est clair, je vais donner des directives pour que systématiquement les délégués de la CFE-CGC, qui se laisseraient aller à signer des accords de ce type, soient immédiatement démandatés de façon à ce qu'il n'y ait pas de signature CFE-CGC dans des textes de cette nature."
R. Arzt - Oui mais alors si dans l'entreprise il y a quand même acceptation par une majorité des salariés, et notamment des cadres, ce qui est arrivé par exemple chez Cattinair, ils sont 79 % des cadres à avoir accepté la suppression de leurs jours de RTT.
R - "Je pense qu'il faut leur faire prendre conscience du fait que ce n'est pas en cédant au chantage qu'on arrive à régler les problèmes. Le chantage pour moi c'est synonyme de terrorisme et donc on a des patrons terroristes à l'heure actuelle dans ce pays ! Et il il n'est pas nécessaire de céder à ce terrorisme."
R. Arzt - A part les entreprises que j'ai citées au début, vous en connaissez d'autres où c'est en train de se préparer de la même façon ?
R - "Il y a des dangers, y compris dans des grands groupes. Moi j'ai entendu des dirigeants d'Airbus, par exemple, nous dire : oui, mais si en Allemagne, Daimler-Chrysler remonte à 40 heures, il y aura un différentiel de rentabilité entre Hambourg et Toulouse. Et ça risque d'entraîner des conséquences. Bon, pour l'instant on n'en est que là. Mais c'est vrai que si le mouvement s'étend, y compris sur le continent européen, on va avoir de vrais problèmes !"
R. Arzt - Vous avez dit les consignes que vous alliez donner, mais qu'est-ce que, d'un autre côté, vous pouvez demander au gouvernement de faire face à ces situations ?
R - "Je pense qu'il faut qu'on ouvre un débat, une négociation. On ne peut pas laisser ce type de problèmes se négocier uniquement dans les entreprises, surtout dans les petites et moyennes, où on sait très bien que les rapports de force n'existent pas ! Il faut que nous ayons une concertation avec le Gouvernement, avec le Medef au niveau interprofessionnel, et dans les branches professionnelles. Tous ces accords qui sont signés actuellement sont illégaux, par rapport à la loi Fillon sur la démocratie sociale, où on ne peut pas déroger au principe de faveur pour tous les accords déjà signés, c'est-à-dire sur les 35 heures."
R. Arzt - S'ils sont illégaux, vous allez attaquer en justice ?
R - "On est en train de regarder. Moi j'ai demandé à mes avocats de regarder si on ne peut pas attaquer ce type d'accords, parce qu'ils ne correspondent pas à la loi française au moment où ils sont pris."
R. Arzt - Ca ce sont donc les positions de la Confédération des cadres. Les autres syndicats sont à peu près sur la même ligne. Vous avez communiqué un petit peu ces temps-ci ?
R - "Oui, je pense que ça aura au moins le mérite de reformer un front syndical, qui était quand même bien ébréché depuis l'année dernière et la négociation sur les retraites. Mais que là, sur la remise en cause des 35 heures, on va retrouver tout le monde, et d'une façon très unie."
R. Arzt - Vous pourriez dire un peu la même chose, cohésion syndicale, pour la question du contrôle des chômeurs ? Ce projet de loi qui prévoit de baisser les allocations.
R - "Sur le contrôle des chômeurs, il ne faudrait pas que le Gouvernement imagine qu'il va nous refiler comme ça ce que nous avons réussi à éviter en juin 2000, c'est-à-dire le projet de la refondation sociale de Monsieur D. Kessler, obligeant les chômeurs à prendre n'importe quel emploi, du moment qu'il correspond à ses compétences, sans tenir compte des qualifications, des niveaux de salaires, etc... Et en particulier pour la population que je représente au niveau des cadres. C'est sûr qu'un ingénieur, il sait tirer des traits, on va lui proposer un emploi de dessinateur, à 30 % de son dernier revenu, et on va lui dire : si tu ne prends pas cet emploi de dessinateur, on te supprime tes indemnités. Donc tout ça, il est bien évident que nous ne pouvons pas le tolérer ! On avait fait échec, avec M. Aubry d'ailleurs, grâce à M. Aubry à l'époque, à cette volonté du Medef et de D. Kessler. Je pense qu'on va expliquer au Gouvernement qu'il ne faut pas recommencer les mêmes erreurs !
R. Arzt - EDF et GDF depuis hier, ça y est, c'est fait. Ce ne sont plus des établissements publics, c'est devenu des sociétés anonymes. Le Parlement l'a voté. Là, vous approuvez plutôt, je crois.
R - "Oui, notre syndicat a là-dessus une position totalement différente de celle des quatre autres organisations syndicales. Nous pensons que depuis que Bruxelles a autorisé en 2002 la libre concurrence dans le domaine énergétique, depuis cette date-là, les entreprises étrangères peuvent venir sur le territoire français piquer les contrats les plus intéressants que détiennent actuellement EDF et GDF. Si on ne donne pas les moyens à ces deux entreprises d'aller porter eux aussi la concurrence dans les pays étrangers, à leurs concurrents, eh bien c'est sûr qu'à moyen terme les deux entreprises vont s'étioler et disparaître."
R. Arzt - Donner les moyens, c'est que les capitaux privés puissent entrer.
R - "Voilà. Puisque ça fait partie des conséquences."
R. Arzt - Qu'est-ce que vous dites de cet amendement qui est apparu - au passage, à la demande de Matignon semble-t-il -, et qui supprime la limite d'âge à 65 ans pour les dirigeants d'entreprises publiques ?
R - "Moi je trouve que c'est amusant, parce qu'à une certaine époque, on a pris ce type de décision pour une personne qui était P. Desgraupes qu'on voulait virer de la télévision."
R. Arzt - En 84...
R - "84... Et on est en train maintenant de prendre une décision inverse, pour une personne, F. Mer, qu'on voudrait mettre à EDF. Je pense que c'est quand même très dangereux quand on fait les lois en fonction des individus."
R. Arzt - Vous pensez d'ailleurs que F. Mer sera le prochain président ?
R - "Non je ne pense pas. Ca a fait suffisamment hurler, y compris en interne parmi le personnel d'EDF, pour qu'à mon avis ça n'ait aucune chance d'aboutir."
R. Arzt - Je vous pose une dernière question : je ne sais pas si la Confédération générale des cadres se prononcera sur le référendum d'approbation de la Constitution Européenne, mais en tout cas, vous, vous avez un sentiment là-dessus ?
R - "Moi, je ne donnerai pas d'instructions, parce que c'est vrai que dans le domaine politique, notre organisation est totalement en dehors de tous ces problèmes-là. Mais il est sûr qu'à titre personnel, je voterai "non" à ce projet de Constitution, parce que je me rapproche beaucoup plus des thèses souverainistes que des thèses en vigueur actuellement dans les deux grands partis de Gouvernement."
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 23 juillet 2004)
Le 24/07/2004 France Inter
Rémi Duhamel : Quelle est la réaction des cadres et du personnel d'encadrement face à la remise en cause actuelle des 35 heures ?
Jean-Luc Cazettes : En ce qui concerne les cadres et plus largement tous les agents qui sont actuellement au forfait, ce qui intègre une bonne partie de l'encadrement, la remise en cause des 35 heures serait un très mauvais coup, parce que les 35 heures, d'abord eux ne les appliquent pas, parce que dans la mesure où les forfaits ont été en même temps assortis de l'exclusion de la limitation à 10 heures par jour de la durée maximale du travail pour tous les agents au forfait, ils sont amenés éventuellement donc maintenant 13 heures par jour. Donc pour eux, les 35 heures ça se traduit souvent par 42, 43, 45 heures. Donc on est loin du compte en ce qui les concerne. Et donc cette soi-disant réduction du temps de travail, ils se l'a sont payée sur les salaires qui ont été bloqués, quand même, pendant trois ans, par cette exclusion de la durée maximale du temps de travail de 10 heures par jour qui concerne tous les autres salariés français et qui est prise pour des mesures de santé publique. Et puis maintenant, on va leur dire, on revient sur vos jours de RTT ? Mais ça, ça n'est pas pensable ! On a augmenté leur charge de travail et on veut maintenant revenir sur les quelques avantages qu'ils ont tiré de cette situation, c'est totalement anormal et nous nous opposerons absolument à toute forme de remise en cause des 35 heures pour les cadres.
RD : Mais selon la CFE-CGC, les arguments du patronat sur la nécessité de ne pas pénaliser la compétitivité française ne sont-ils pas fondés ?
JLC : Si mais là, on est dans un tout autre domaine, ce n'est pas forcément avec l'histoire des 35 heures qu'on va arriver à se remettre au niveau du Bengladesh ou de la Chine populaire ou de la Thaïlande. C'est clair que dans ces conditions-là, on ne sera jamais compétitif. En revanche, nous avons proposé, nous, depuis déjà "belle lurette", et petit à petit les rapports d'ailleurs, que ce soit du Sénat ou de l'Assemblée nationale, finissent par nous rejoindre, qu'on supprime toutes les cotisations qui sont actuellement perçues sur les salaires pour les remplacer par une cotisation sur la consommation. Ça aurait un double effet ; premièrement, ça abaisserait le coût des biens et des services fabriqués en France, donc ça nous rend plus compétitif vis à vis des autres produits ; et deux, ça fait payer par tous les produits importés un financement de notre protection sociale qu'ils ne payent pas aujourd'hui.
RD : Qu'allez-vous négocier si des assouplissements de la réduction du temps de travail sont demandés ?
JLC : C'est clair ; en ce qui concerne la CFE-CGC, nous n'avons rien à négocier concernant les cadres et les agents de maîtrise qui sont au forfait jour, parce que déjà aujourd'hui ces gens-là sont susceptibles de travailler jusqu'à 13 heures par jour, 217 jours par an, et donc pour toute cette catégorie de la population, nous ne négocierons rien qui puisse concerner éventuellement des diminutions de jours de RTT ou autres : nous ne négocierons pas dans ce cadre-là.
RD : Une autre question qui fait réagir l'encadrement, la réforme de l'assurance maladie ; selon le baromètre cadres de la CFE-CGC, une forte majorité d'entre eux l'estiment nécessaire mais se considèrent très mal informés à son propos. Cette réforme répond-elle à vos attentes ?
JLC : La réforme répond assez largement à nos attentes ; premièrement, nous avons pu échapper à la transformation de la CSG en un nouvel impôt parce qu'il était question au départ de la rendre progressive et non plus proportionnelle aux revenus. Deux, nous avons échappé au remboursement en fonction des revenus qui aurait fait que plus on gagne sa vie, et moins on était remboursé. Et trois, on a réussi à sauvegarder également nos régimes complémentaires de protection sociale en ce qui concerne l'assurance maladie. Donc on a sauvé l'essentiel. En échange de ça, c'est vrai qu'il y a un euro par consultation dont on se doute bien qu'il ne va pas rester à un euro éternellement, mais je pense que la responsabilisation à la fois du corps médical et des patients et la mise en place du dossier médical qui permettra de mieux suivre chacun d'entre nous devrait normalement entraîner de meilleurs comportements parce que ce sont les comportements qu'il faut changer, et dégager des marges d'économie suffisante, faute de quoi, là aussi, sur le financement, je reviens sur ce que je disais tout à l'heure, il est impératif de mettre en place une cotisation sur la consommation qui viendrait se substituer aux cotisations sur les salaires.
(source http://www.cfecgc.org, le 26 juillet 2004)
Jean-Christophe Chanut : Que répondez-vous à Ernest-Antoine Seillière et à Nicolas Sarkozy sur les 35 heures ?
Jean-Luc Cazettes : Je ne pense pas que le président du Medef ait consulté les entreprises qu'il est pourtant censé représenter. Les grandes entreprises ont réussi à se débrouiller avec les 35 heures et elles ne veulent plus que l'on touche aux accords au risque de réintroduire de l'instabilité. Quant aux petits établissements de vingt salariés ou moins, ils ne sont pas concernés, il reste donc les PME. Or je ne vois pas l'intérêt de tout remettre en cause alors qu'elles aussi arrivent grosso modo à régler les choses sans trop de difficultés.
JCC : S'agissant des cadres, il n'y a vraiment rien à négocier ?
JLC : Les cadres se sont payés les 35 heures avec trois ans de blocage des salaires et ils travaillent jusqu'à 13 heures par jour. Leur charge de travail a donc terriblement augmenté. Il n'est pas question, maintenant, de toucher à leurs jours de RTT. Si c'était le cas je me fais fort de mettre plusieurs dizaines de milliers de cadres dans la rue.
JCC : Mais l'idée de Nicolas Sarkozy repose sur l'idée du volontariat, seuls travailleraient plus ceux qui le souhaitent.
JLC : Comment être sûrs que les dérogations seraient seulement réservées à ceux qui le souhaitent ? Car c'est l'employeur qui fixe la durée du travail, pas les salariés. En outre, est-on certain qu'il y a assez de travail pour tout le monde ? Sarkozy veut faire travailler plus les salariés alors que dans le même temps, avec son plan de cohésion sociale, Jean-Louis Borloo veut remettre quatre millions de personnes au boulot !
JCC : Plus globalement, que pensez-vous de l'offensive du Medef en faveur d'une déréglementation du droit du travail ?
JLC : Ernest-Antoine Seillière prône le contrat et la négociation quand la gauche est au pouvoir et, à l'inverse, devient dirigiste quand la droite revient aux affaires. C'est pourquoi il refuse de négocier avec nous sur la modernisation du droit du travail et demande au gouvernement de légiférer. Si le gouvernement répond aux injonctions du président du Medef, je lui prédis qu'il y aura une alternance politique en 2007 car la force de la CGC ne s'apprécie pas dans la rue mais dans les urnes.
JCC : Cela signifie donc que vous répondez positivement à la proposition de négociation que vous a adressée Gérard Larcher, le ministre des Relations du travail ?
JLC : Oui, je suis tout a fait d'accord pour ouvrir une négociation interprofessionnelle sur les différents thèmes évoqués par Gérard Larcher.Y compris, à la différence du Medef, sur la modernisation du droit du travail..
Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut
(source http://www.cfecgc.org, le 16 juillet 2004)
Le 15/07/2004 par BFM
Emmanuel Duteil : 80 minutes pour convaincre. Jacques Chirac s'est exprimé hier à l'occasion de la traditionnelle intervention du 14 juillet ; une intervention, on peut le dire, riche en annonces. Le président de la République a salué notamment le retour de la croissance. Pour autant il a annoncé une pause d'un an dans la baisse de l'impôt sur le revenu, il s'est dit favorable à de nouveaux assouplissements sur les 35 heures et demande une solution définitive pour ce qui concerne les intermittents.
Jacques Chirac a demandé au gouvernement d'engager, avec les partenaires sociaux, les concertations nécessaires sur les 35 heures en vue de possibles assouplissements. C'est un soulagement, il n'y aura pas de renégociation par la loi.
Jean-Luc Cazettes : Oui, c'est déjà un soulagement parce qu'on avait quand même des tentations et des expressions à l'intérieur même de la majorité actuelle sur la nécessité de faire, je dirais, table rase des 35 heures. Le président de la République a été très clair, les 35 heures restent la référence du temps de travail, maintenant qu'il y ait des assouplissements négociés, je veux bien, sauf que j'ai lu quand même, à plusieurs reprises, que le Medef n'entendait pas négocier et demandait au gouvernement de décréter directement par la loi.
ED : Et maintenant que Jacques CHIRAC, semble t-il, a mis un point final, d'une certaine manière, à la polémique, le libre choix, en tout cas, c'est le mot à la mode dans le camp gouvernemental, autrement dit ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus doivent pouvoir le faire, est-ce que finalement ça ne correspond pas à ce que demandent les cadres que vous représentez ?
JLC : Le libre choix s'il est vraiment libre, le problème c'est de savoir entre un salarié et la direction de l'entreprise s'il y a égalité dans les rapports de force et dans la nécessité de dire je travaille plus, ou je travaille moins. Donc ça c'est un premier point et deuxièmement dans les négociations, j'ai bien noté que le président de la République disait bien que les négociations d'entreprise dans les limites des accords de branche, et nous entendons bien normaliser quand même tout ça, de façon à éviter que se multiplient les exemples du style Bosch.
ED : Mais justement en quoi ça peut empêcher ce genre d'exemple, parce que Bosch pourrait très bien continuer à faire ce genre de chantage d'une certaine manière, on peut employer le mot, dans l'avenir ?
JLC : Je pense que nos collègues de chez Bosch se sont un peu laissés abuser parce que je ne suis pas persuadé, ils vont gagner trois ans, ça c'est clair, mais je ne suis pas persuadé que dans trois ans Bosch ne va pas quand même, et malgré tout, délocaliser sa production dans un pays soit d'Europe de l'Est, soit carrément d'Extrême-Orient. Je crois quand même que ce sont des méthodes qui ne doivent pas se multiplier. D'ailleurs le président de la République en a dit deux mots hier aussi en disant qu'il ne souhaitait pas que se renouvellen ce type d'opération. Il y en a eu une, c'est une usine allemande, on sait ce qui se passe également en Allemagne dans la remise en cause du temps de travail, je ne suis pas sûr qu'on va développer ça en France.
ED : Alors justement, négocier pour essayer que ça ne se reproduise pas ce genre d'exemple. Au niveau des chômeurs Jacques Chirac affirme, en revanche, qu'il est inacceptable qu'un chômeur refuse éternellement un emploi, il a été assez ferme sur ce point. On sait que Jean-Louis Borloo prépare des mesures sur ce point, qu'en pensez-vous ?
JLC : Sur le principe, c'est vrai qu'il ne faut pas qu'un chômeur refuse systématiquement un emploi, mais je dirais un emploi répondant à ses qualifications, répondant aux mêmes critères de rémunération etc. Si c'est pour reprendre systématiquement des emplois sous-payés et sous-qualifiés, là on ne sera plus d'accord et j'ai noté quand même, avec regret, que le président de la République se référait à l'accord minoritaire de juin 2000 qui avait été refusé à l'époque par le gouvernement et qui mettait, effectivement, que les chômeurs devaient accepter n'importe quel emploi répondant à leur concurrence mais sans tenir compte de l'ancienneté, du niveau de salaire ou de la qualification. Je pense qu'il est mal informé sur ce qui s'était passé en juin 2000 et on va faire en sorte de l'informer davantage et d'informer le ministre pour éviter qu'on revienne sur quelque chose qui avait été largement condamné à l'époque. Je pense d'ailleurs que la loi Fillon, maintenant, avec le principe d'opposition majoritaire nous permettra de rectifier le tir si, par malheur, il y avait dérive.
(source http://www.cfecgc.org, le 16 juillet 2004)
RTL - 23 juillet 2004
R. Arzt - Bonjour J.-L. Cazettes. En quelques jours sont apparus les exemples concrets de remise en cause des 35 heures des entreprises comme Bosch, et hier Cattinair. On parle aussi de Seb. A chaque fois la direction avance le besoin que l'entreprise soit plus compétitive. Est-ce qu'il y a des cas où cet argument peut être admis ?
R - "A ce rythme-là, il faut transférer la totalité de nos industries en Turquie - puisqu'on vient d'en parler -, ou dans les pays d'Extrême Orient. On trouvera toujours des exemples de cette nature. Moi ce que je trouve, c'est que si on pouvait estimer que le problème Bosch était un problème ponctuel, l'évolution depuis, et la précipitation d'un certain nombre de patrons à vouloir traiter les problèmes de la même façon, font que nous allons être amenés à changer totalement d'attitude. Autant je n'ai pas condamné la signature de notre délégué syndical dans l'entreprise Bosch"
R. Arzt - Sauf qu'il s'est rétracté quand même. C'était une erreur de parcours ?
R - "Plus ou moins, c'était une erreur de parcours. Mais je suis sûr qu'il ne s'était pas imaginé que ça lancerait un débat de cette nature. Mais là, c'est clair, je vais donner des directives pour que systématiquement les délégués de la CFE-CGC, qui se laisseraient aller à signer des accords de ce type, soient immédiatement démandatés de façon à ce qu'il n'y ait pas de signature CFE-CGC dans des textes de cette nature."
R. Arzt - Oui mais alors si dans l'entreprise il y a quand même acceptation par une majorité des salariés, et notamment des cadres, ce qui est arrivé par exemple chez Cattinair, ils sont 79 % des cadres à avoir accepté la suppression de leurs jours de RTT.
R - "Je pense qu'il faut leur faire prendre conscience du fait que ce n'est pas en cédant au chantage qu'on arrive à régler les problèmes. Le chantage pour moi c'est synonyme de terrorisme et donc on a des patrons terroristes à l'heure actuelle dans ce pays ! Et il il n'est pas nécessaire de céder à ce terrorisme."
R. Arzt - A part les entreprises que j'ai citées au début, vous en connaissez d'autres où c'est en train de se préparer de la même façon ?
R - "Il y a des dangers, y compris dans des grands groupes. Moi j'ai entendu des dirigeants d'Airbus, par exemple, nous dire : oui, mais si en Allemagne, Daimler-Chrysler remonte à 40 heures, il y aura un différentiel de rentabilité entre Hambourg et Toulouse. Et ça risque d'entraîner des conséquences. Bon, pour l'instant on n'en est que là. Mais c'est vrai que si le mouvement s'étend, y compris sur le continent européen, on va avoir de vrais problèmes !"
R. Arzt - Vous avez dit les consignes que vous alliez donner, mais qu'est-ce que, d'un autre côté, vous pouvez demander au gouvernement de faire face à ces situations ?
R - "Je pense qu'il faut qu'on ouvre un débat, une négociation. On ne peut pas laisser ce type de problèmes se négocier uniquement dans les entreprises, surtout dans les petites et moyennes, où on sait très bien que les rapports de force n'existent pas ! Il faut que nous ayons une concertation avec le Gouvernement, avec le Medef au niveau interprofessionnel, et dans les branches professionnelles. Tous ces accords qui sont signés actuellement sont illégaux, par rapport à la loi Fillon sur la démocratie sociale, où on ne peut pas déroger au principe de faveur pour tous les accords déjà signés, c'est-à-dire sur les 35 heures."
R. Arzt - S'ils sont illégaux, vous allez attaquer en justice ?
R - "On est en train de regarder. Moi j'ai demandé à mes avocats de regarder si on ne peut pas attaquer ce type d'accords, parce qu'ils ne correspondent pas à la loi française au moment où ils sont pris."
R. Arzt - Ca ce sont donc les positions de la Confédération des cadres. Les autres syndicats sont à peu près sur la même ligne. Vous avez communiqué un petit peu ces temps-ci ?
R - "Oui, je pense que ça aura au moins le mérite de reformer un front syndical, qui était quand même bien ébréché depuis l'année dernière et la négociation sur les retraites. Mais que là, sur la remise en cause des 35 heures, on va retrouver tout le monde, et d'une façon très unie."
R. Arzt - Vous pourriez dire un peu la même chose, cohésion syndicale, pour la question du contrôle des chômeurs ? Ce projet de loi qui prévoit de baisser les allocations.
R - "Sur le contrôle des chômeurs, il ne faudrait pas que le Gouvernement imagine qu'il va nous refiler comme ça ce que nous avons réussi à éviter en juin 2000, c'est-à-dire le projet de la refondation sociale de Monsieur D. Kessler, obligeant les chômeurs à prendre n'importe quel emploi, du moment qu'il correspond à ses compétences, sans tenir compte des qualifications, des niveaux de salaires, etc... Et en particulier pour la population que je représente au niveau des cadres. C'est sûr qu'un ingénieur, il sait tirer des traits, on va lui proposer un emploi de dessinateur, à 30 % de son dernier revenu, et on va lui dire : si tu ne prends pas cet emploi de dessinateur, on te supprime tes indemnités. Donc tout ça, il est bien évident que nous ne pouvons pas le tolérer ! On avait fait échec, avec M. Aubry d'ailleurs, grâce à M. Aubry à l'époque, à cette volonté du Medef et de D. Kessler. Je pense qu'on va expliquer au Gouvernement qu'il ne faut pas recommencer les mêmes erreurs !
R. Arzt - EDF et GDF depuis hier, ça y est, c'est fait. Ce ne sont plus des établissements publics, c'est devenu des sociétés anonymes. Le Parlement l'a voté. Là, vous approuvez plutôt, je crois.
R - "Oui, notre syndicat a là-dessus une position totalement différente de celle des quatre autres organisations syndicales. Nous pensons que depuis que Bruxelles a autorisé en 2002 la libre concurrence dans le domaine énergétique, depuis cette date-là, les entreprises étrangères peuvent venir sur le territoire français piquer les contrats les plus intéressants que détiennent actuellement EDF et GDF. Si on ne donne pas les moyens à ces deux entreprises d'aller porter eux aussi la concurrence dans les pays étrangers, à leurs concurrents, eh bien c'est sûr qu'à moyen terme les deux entreprises vont s'étioler et disparaître."
R. Arzt - Donner les moyens, c'est que les capitaux privés puissent entrer.
R - "Voilà. Puisque ça fait partie des conséquences."
R. Arzt - Qu'est-ce que vous dites de cet amendement qui est apparu - au passage, à la demande de Matignon semble-t-il -, et qui supprime la limite d'âge à 65 ans pour les dirigeants d'entreprises publiques ?
R - "Moi je trouve que c'est amusant, parce qu'à une certaine époque, on a pris ce type de décision pour une personne qui était P. Desgraupes qu'on voulait virer de la télévision."
R. Arzt - En 84...
R - "84... Et on est en train maintenant de prendre une décision inverse, pour une personne, F. Mer, qu'on voudrait mettre à EDF. Je pense que c'est quand même très dangereux quand on fait les lois en fonction des individus."
R. Arzt - Vous pensez d'ailleurs que F. Mer sera le prochain président ?
R - "Non je ne pense pas. Ca a fait suffisamment hurler, y compris en interne parmi le personnel d'EDF, pour qu'à mon avis ça n'ait aucune chance d'aboutir."
R. Arzt - Je vous pose une dernière question : je ne sais pas si la Confédération générale des cadres se prononcera sur le référendum d'approbation de la Constitution Européenne, mais en tout cas, vous, vous avez un sentiment là-dessus ?
R - "Moi, je ne donnerai pas d'instructions, parce que c'est vrai que dans le domaine politique, notre organisation est totalement en dehors de tous ces problèmes-là. Mais il est sûr qu'à titre personnel, je voterai "non" à ce projet de Constitution, parce que je me rapproche beaucoup plus des thèses souverainistes que des thèses en vigueur actuellement dans les deux grands partis de Gouvernement."
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 23 juillet 2004)
Le 24/07/2004 France Inter
Rémi Duhamel : Quelle est la réaction des cadres et du personnel d'encadrement face à la remise en cause actuelle des 35 heures ?
Jean-Luc Cazettes : En ce qui concerne les cadres et plus largement tous les agents qui sont actuellement au forfait, ce qui intègre une bonne partie de l'encadrement, la remise en cause des 35 heures serait un très mauvais coup, parce que les 35 heures, d'abord eux ne les appliquent pas, parce que dans la mesure où les forfaits ont été en même temps assortis de l'exclusion de la limitation à 10 heures par jour de la durée maximale du travail pour tous les agents au forfait, ils sont amenés éventuellement donc maintenant 13 heures par jour. Donc pour eux, les 35 heures ça se traduit souvent par 42, 43, 45 heures. Donc on est loin du compte en ce qui les concerne. Et donc cette soi-disant réduction du temps de travail, ils se l'a sont payée sur les salaires qui ont été bloqués, quand même, pendant trois ans, par cette exclusion de la durée maximale du temps de travail de 10 heures par jour qui concerne tous les autres salariés français et qui est prise pour des mesures de santé publique. Et puis maintenant, on va leur dire, on revient sur vos jours de RTT ? Mais ça, ça n'est pas pensable ! On a augmenté leur charge de travail et on veut maintenant revenir sur les quelques avantages qu'ils ont tiré de cette situation, c'est totalement anormal et nous nous opposerons absolument à toute forme de remise en cause des 35 heures pour les cadres.
RD : Mais selon la CFE-CGC, les arguments du patronat sur la nécessité de ne pas pénaliser la compétitivité française ne sont-ils pas fondés ?
JLC : Si mais là, on est dans un tout autre domaine, ce n'est pas forcément avec l'histoire des 35 heures qu'on va arriver à se remettre au niveau du Bengladesh ou de la Chine populaire ou de la Thaïlande. C'est clair que dans ces conditions-là, on ne sera jamais compétitif. En revanche, nous avons proposé, nous, depuis déjà "belle lurette", et petit à petit les rapports d'ailleurs, que ce soit du Sénat ou de l'Assemblée nationale, finissent par nous rejoindre, qu'on supprime toutes les cotisations qui sont actuellement perçues sur les salaires pour les remplacer par une cotisation sur la consommation. Ça aurait un double effet ; premièrement, ça abaisserait le coût des biens et des services fabriqués en France, donc ça nous rend plus compétitif vis à vis des autres produits ; et deux, ça fait payer par tous les produits importés un financement de notre protection sociale qu'ils ne payent pas aujourd'hui.
RD : Qu'allez-vous négocier si des assouplissements de la réduction du temps de travail sont demandés ?
JLC : C'est clair ; en ce qui concerne la CFE-CGC, nous n'avons rien à négocier concernant les cadres et les agents de maîtrise qui sont au forfait jour, parce que déjà aujourd'hui ces gens-là sont susceptibles de travailler jusqu'à 13 heures par jour, 217 jours par an, et donc pour toute cette catégorie de la population, nous ne négocierons rien qui puisse concerner éventuellement des diminutions de jours de RTT ou autres : nous ne négocierons pas dans ce cadre-là.
RD : Une autre question qui fait réagir l'encadrement, la réforme de l'assurance maladie ; selon le baromètre cadres de la CFE-CGC, une forte majorité d'entre eux l'estiment nécessaire mais se considèrent très mal informés à son propos. Cette réforme répond-elle à vos attentes ?
JLC : La réforme répond assez largement à nos attentes ; premièrement, nous avons pu échapper à la transformation de la CSG en un nouvel impôt parce qu'il était question au départ de la rendre progressive et non plus proportionnelle aux revenus. Deux, nous avons échappé au remboursement en fonction des revenus qui aurait fait que plus on gagne sa vie, et moins on était remboursé. Et trois, on a réussi à sauvegarder également nos régimes complémentaires de protection sociale en ce qui concerne l'assurance maladie. Donc on a sauvé l'essentiel. En échange de ça, c'est vrai qu'il y a un euro par consultation dont on se doute bien qu'il ne va pas rester à un euro éternellement, mais je pense que la responsabilisation à la fois du corps médical et des patients et la mise en place du dossier médical qui permettra de mieux suivre chacun d'entre nous devrait normalement entraîner de meilleurs comportements parce que ce sont les comportements qu'il faut changer, et dégager des marges d'économie suffisante, faute de quoi, là aussi, sur le financement, je reviens sur ce que je disais tout à l'heure, il est impératif de mettre en place une cotisation sur la consommation qui viendrait se substituer aux cotisations sur les salaires.
(source http://www.cfecgc.org, le 26 juillet 2004)