Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du gouvernement, à "France 2", sur l'élection du nouveau Pape, sur le succès des déclarations d'impôt sur internet, la Constitution européenne, les délocalisations, le lundi de Pentecôte travaillé.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

R. Sicard - On va parler du référendum sur la Constitution, on va parler de la crise au Gouvernement entre J.-P. Raffarin et D. de Villepin, mais d'abord l'élection du Pape. C'est finalement un Allemand qui a été élu, un fidèle de Jean-Paul II. Quelle est la réaction du gouvernement français ?
R - Le président de la République a adressé au nom de la France ses messages de félicitations au nouveau Pape. Cela a été l'occasion de rappeler que le dialogue très intense, qui s'était déroulé tout au long du pontificat de Jean-Paul II entre la France et le Vatican, notamment pour ce qui concerne la paix, le respect de l'homme, les droits de l'homme sur l'ensemble de notre planète, tout cela avait vocation naturellement à se poursuivre, et je crois de ce point de vue qu'il y a quelque esprit de continuité, en tout cas c'est le souhait de la France.
Q - En France il y a une montée des tensions entre les communautés religieuses et une montée de l'intolérance. Est-ce que le nouveau Pape a un rôle à jouer là dedans ?
R - En tant que, bien sûr, autorité religieuse universelle, c'est bien un message universel dont il s'agit, celui de la paix, de la tolérance. Ce message a vocation à être entendu sur toute la planète et donc bien sûr aussi dans notre pays. C'est aussi à travers le dialogue entre les religions. De ce point de vue, Jean-Paul II avait, chacun s'en souvient, accompli une mission tout à fait exceptionnelle, et je crois que tout cela évidemment contribue à atténuer les tensions, à faire que les uns et les autres se parlent, s'écoutent, se respectent. Le rôle des responsables politiques est majeur dans ce domaine. Mais les autorités religieuses, quelles qu'elles soient, ont aussi vocation à adresser un message universel.
Q - Avant de parler politique, un mot sur les impôts. Pour les internautes, le délai pour la déclaration d'impôt a été une nouvelle fois repoussée. Cela veut dire qu'il y a des problèmes avec ce système ?
R - Pas du tout. Ça veut dire surtout que nous sommes les...
Q - Vous êtes victimes de votre succès ?
R - C'est ça que j'allais vous dire. Alors le mot "victimes" est un peu difficile parce que... On avait fixé un objectif de 1,5 million de télédéclarations, et nous allons atteindre 3 millions, là, dans les jours qui viennent. C'est absolument considérable. A partir de là, et afin que tout le monde puisse faire sa télédéclaration...

Q - Et donc les internautes ont du mal à se connecter, il y a des soucis.
R - Il y en a pratiquement 3 millions qui se sont déjà connectés. C'est pour ça que j'ai décidé de reporter au 15 mai minuit la date limite de télédéclaration. Ce succès montre quoi ? Il montre que les Français adhèrent totalement à la démarche qui a été engagée par le Gouvernement pour moderniser l'Etat. C'est, je crois, une illustration très concrète de l'administration qui se modernise, de la facilité dans la relation entre le contribuable et l'administration fiscale, et vous comprenez que dans ce domaine, j'ai à cur d'aller le plus loin possible dans cette modernisation. Il m'a donc semblé qu'il fallait faire ça de manière concrète et pragmatique. Compte tenu de tous ces éléments, on reporte la date au 15 mai minuit, de telle sorte que là, cette fois, tous les internautes pourront naturellement déclarer par Internet leurs impôts.
Q - Alors la politique. On a assisté à une crise ouverte entre D. de Villepin et J.-P. Raffarin. Au sein d'un Gouvernement, honnêtement, ça fait un peu désordre.
R - Tout a été dit sur ce sujet. Je crois que maintenant, vraiment, la préoccupation qui est la nôtre, elle est de faire en sorte que le débat sur l'Europe, et le rendez-vous historique du 29 mai, chacun en mesure totalement les enjeux. Et je le vois bien à titre personnel, à travers les débats que je peux faire à la télévision, les réunions publiques - je suis ce soir en réunion publique en Seine-et-Marne, demain dans l'Orne - dans tous les départements, les uns comme les autres, il nous faut faire passer le message que cette Constitution européenne n'apporte que du plus pour les Français, que des avantages.
Q - Mais les Français ne s'en aperçoivent pas. Ils pensent au contraire ou ils ont l'air de penser - c'est les sondages qui le montrent - qu'elle est beaucoup trop libérale et qu'elle ne les protége pas.
R - Oui, mais je crois qu'il faut absolument lever ce malentendu. Vous savez, c'est le monde qui est libéral, qui est ultra libéral, ce n'est pas l'Europe. L'Europe, à travers en particulier cette Constitution, elle propose, et c'est ça qui est fantastique, une occasion formidable de développer un modèle dans lequel il y a la liberté d'entreprendre, il y a l'économie de marché. Evidemment, on n'a pas choisi l'économie soviétique ; il y a de l'économie de marché, il y a la possibilité de s'engager, de créer des entreprises, des emplois, des activités, de consommer, d'embaucher, d'investir, et en même temps un modèle de protection sociale qui, en Europe, est le plus moderne du monde, c'est-à-dire dans lequel on peut assurer une protection sociale, à l'image de ce que nous faisons en France, par exemple. Alors bien sûr qu'il y a des défauts, bien sûr qu'ici ou là, il peut y avoir des faiblesses dans nos systèmes nationaux, mais enfin je crois que de temps en temps, il faut regarder ce qui se passe dans le reste du monde pour comprendre que si on veut faire durer notre système, le moderniser, le préserver, on a besoin de travailler ensemble, et de ce point de vue, 450 millions d'habitants, c'est-à-dire l'Europe, eh bien elle est à l'échelle du monde.
Q - Il y a plusieurs rapports qui sont sortis et qui montrent que les délocalisations, on n'en est qu'au début. Ça ce n'est pas un argument en faveur de la Constitution.
R - Oui, mais sauf qu'il faut quand même regarder où vont les entreprises qui quittent notre territoire. L'essentiel d'entre elles, elles vont en Chine, elles vont en Inde, elles vont sur le continent américain...
Q - Il y a aussi des délocalisations en Europe.
R - Sans doute, mais je voudrais appeler votre attention sur la chose suivante. D'abord la part des entreprises qui vont dans par exemple les nouveaux entrants, les anciens pays de l'Est, n'est pas très importante, et que la plupart du temps, elles génèrent beaucoup d'activités aussi pour la France. Parce qu'en réalité, quand il y a une activité qui va s'implanter dans tel ou tel pays d'Europe, en même temps cela génère des exportations, parce que l'activité continue, ça génère des créations d'emplois - regardez le cas des entreprises automobiles, Renault par exemple, qui crée de l'emploi en France, tout en ayant une activité supplémentaire en Pologne ou en Hongrie. Je crois que c'est très important que les français prennent la mesure que le vrai défi par rapport aux délocalisations dans les autres grands blocs du monde, c'est d'avoir une Europe qui soit à 450 millions d'habitants. Moi, je vais vous dire, l'une des raisons pour lesquelles je vote "oui" à cette Constitution, c'est que je ne veux pas que le destin de mon pays se fasse à Wall Street ou se défasse à Pékin. Et ça, ça veut dire qu'il faut qu'on se bouge et qu'on s'organise maintenant. C'est ça l'intérêt de cette Constitution.
Q - J. Chirac est intervenu dans le débat à la télévision, les sondages n'ont pas été modifiés, est-ce qu'il doit réintervenir ?
R - Il le fera naturellement, il le fera naturellement tout au long de cette campagne.
Q - Un mot sur le lundi de Pentecôte. Le Gouvernement a dit que ça ne serait plus un jour férié, en solidarité avec les personnes âgées. Il y a de la grogne un peu partout à ce sujet. Le Gouvernement a dit qu'il allait réfléchir, qu'il allait faire le point. Qu'est-ce qui peut se passer ? Est-ce qu'on peut revenir sur cette mesure ?
R - Je crois que chaque Français doit comprendre que nous avons vocation à nous préparer par rapport à une société qui évolue et qui va se traduire par l'exigence d'avoir les moyens d'accueillir dans de meilleures conditions nos aînés, les personnes âgées, et les personnes dépendantes et handicapées. Nous sommes en retard aujourd'hui par rapport aux autres pays européens, il faut que chacun le comprenne bien, et donc à partir de là il faut trouver les moyens pour le faire. Cette journée de solidarité, le produit du travail des Français, va donner lieu à des cotisations supplémentaires par les entreprises et les administrations, et c'est ça qui financera les équipements supplémentaires. C'est l'équivalent de 2 milliards...
Q - Pas question de revenir dessus ?
R - Non, mais en revanche ce que chacun doit comprendre c'est que cette journée de solidarité elle a un lien avec l'attente des Français, que montrent d'ailleurs tous les sondages, qui en appellent à plus de solidarité vis-à-vis de nos concitoyens. Il faut des moyens et ces moyens plutôt que de créer des impôts supplémentaires, qui auraient cassé l'économie, et qui auraient provoqué bien des difficultés, mieux vaut à travers cette journée de solidarité, le produit de ce travail donnera lieu à une cotisation des entreprises, qui financera en totalité les équipements supplémentaires, c'est quand même 2 milliards d'euros et tout cela va dans une caisse qui est autonome, pour ce financement.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 20 avril 2005)