Texte intégral
Monsieur le Ministre de l'Intérieur,
Madame, messieurs les Parlementaires,
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureux aujourd'hui de pouvoir vous exposer le rapport du groupe de travail sur la cybercriminalité que vous m'aviez fait l'honneur de me demander d'animer en juin 2004, alors que j'étais président de France Télécom. Le groupe de travail, et je profite de cette occasion pour en remercier chaque membre, a finalisé neuf propositions à votre attention au début de cette année. Permettez-moi de les remettre en perspective et de rappeler que la cybercriminalité est un sujet majeur pour notre société, qui mérite toute notre attention.
Le développement d'Internet et de l'économie numérique constitue, nous en sommes tous convaincus, une vraie révolution, un phénomène majeur de notre société, dont le développement est loin d'être terminé ! Depuis 2002, grâce à l'action résolue du gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN, la France a connu une accélération très importante de la diffusion des nouvelles technologies et de leurs usages.
Développer la société de l'information supposait avant tout d'élargir en masse le nombre d'entreprises et de particuliers pouvant accéder aux services en ligne de façon sûre, rapide et bon marché. Le résultat est spectaculaire. Depuis trois ans, grâce à une politique énergique, la France connaît la plus forte croissance en Europe dans l'Internet Haut Débit.
Il y avait 700 000 abonnés à l'Internet haut débit en mai 2002, il y en a plus de 7 millions aujourd'hui ! Nous sommes donc bien partis pour atteindre, voire dépasser l'objectif de 10 millions d'abonnés à haut débit en 2007.
Ce développement n'est pas terminé car plus de la moitié de nos compatriotes n'y participe pas encore, notamment les seniors, qui pourraient devenir une cible pour les cybercriminels.
La croissance du nombre d'abonnés à Internet a eu pour conséquence l'explosion de la consommation de services en ligne. En 2004, pour la troisième année consécutive, le commerce électronique a connu un développement annuel de 60 %. Avec 6 Mds d'euros, il représente désormais 3 % du commerce de détail.
Nous le voyons, Internet transforme notre mode de vie et nous ouvre un nouvel espace, dans lequel la criminalité, à l'instar de ce qui se passe dans le monde physique, est présente. La cybercriminalité prend parfois des formes nouvelles différentes du fait des possibilités offertes par Internet, et nous la connaissons encore de façon insuffisante ! Le groupe préconise de mieux cerner le phénomène par deux moyens :
Un développement de l'expertise technique et du savoir-faire des services d'investigation sur les outils leur permettant d'accomplir la mission de veille et de recherche des infractions. A cet effet, le concours des laboratoires de R et D externes au ministère de l'Intérieur, tels que ceux de la recherche publique ou celui de France Telecom, devrait être sollicité.
L'amélioration du système d'information statistique de la cybercriminalité. Cela passe par un rapprochement des outils informatiques de la police et de la gendarmerie. La prochaine enquête de victimation de l'Office National de la Délinquance pourrait prévoir un volet cybercriminalité.
J'ajoute aussi que certains internautes ont des pratiques illégales par simple méconnaissance ou manque de prise de conscience de leurs actes parce qu'ils sont réalisés dans un monde virtuel et nouveau !
Je voudrais vous faire part de ma conviction que la lutte contre la cybercriminalité doit aussi s'appuyer sur une politique de prévention, notamment en direction des plus fragiles, les mineurs et, dans le domaine économique, les professionnels et les PME, pour lesquels il est parfois difficile d'appréhender la complexité de la sécurité informatique.
- La cybercriminalité ne doit pas entamer la confiance sur laquelle repose le développement de l'économie numérique et de la société de l'information. Cette confiance, elle résulte aussi de la clarification progressive des règles juridiques. Au cours de ses travaux, le groupe de travail a recensé tous les fondements légaux qui assoient la lutte contre la cybercriminalité.
Les sanctions pour les cybercriminels
Les lois pour la sécurité quotidienne de 2001, pour la sécurité intérieure de 2003, pour l'adaptation de la justice en 2004, et pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), en 2004 ont déjà sensiblement étendu les sanctions pénales pour les cybercriminels et renforcé les moyens publics de lutte contre la cybercriminalité. Par exemple, e n cas d'accès frauduleux à un système informatique, ou de modification de ses données, les sanctions ont été doublées par rapport à celles prévues par la loi Godfrain de 1988. En matière pénale, le groupe de travail préconise deux mesures :
- sanctionner les propositions sexuelles adressées à des mineurs via l'Internet,
- habiliter les officiers et agents de police judiciaire, dans le cadre de leurs investigations à participer à des échanges électroniques sans être pénalement responsables.
La lutte contre les contenus illicites sur Internet
La loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), adoptée en 2004 est le premier texte français d'ensemble sur Internet. Cette loi a clarifié les règles du jeu sur Internet, a renforcé la lutte contre les contenus illicites et la protection des mineurs
Les débats parlementaires autour de la LCEN ont bien mis en évidence les préoccupations de notre société face à l'existence sur Internet de sites attentatoires à la dignité humaine. La loi prévoit un dispositif pour rehausser le niveau d'engagement, avec des sanctions le cas échéant, des fournisseurs d'accès à Internet dans le signalement des sites pédophiles ou incitant à la haine raciale. Dès l'achèvement du débat législatif, les professionnels ont signé avec le Gouvernement une charte dans laquelle ils prennent trois engagements clés en matière de lutte contre les contenus attentatoires à la dignité humaine :
- signaler ces contenus qui sont portés à leur connaissance aux autorités compétentes ;
- informer les internautes sur les liens de report d'abus et leur proposer une solution de contrôle parental ;
- coopérer avec les autorités compétentes dans le cadre de procédures judiciaires pour permettre à ces autorités d'identifier et de poursuivre les responsables d'abus.
* Je veux insister sur le dispositif de signalement, qui est devenu beaucoup plus accessible et visible depuis la signature de la charte. Il permet à toute personne de porter à la connaissance des prestataires, à travers le " point de contact ", tout contenu en ligne attentatoire à la dignité humaine. Ce dispositif a produit des résultats. Le nombre de signalements reçus et traités par l'AFA (Association des Fournisseurs d'Accès et de Services à Internet) est de 6 900 en 2004 contre 3 350 en 2003. Parmi ces signalements, environ 1 000, deux fois plus qu'en 2003, ont été transmis aux pouvoirs publics, car ils concernent soit l'incitation à la haine raciale (1/3 des cas), soit la pédopornograhie (2/3 des cas).
Pour aller plus loin, le groupe de travail préconise de centraliser l'interface entre les pouvoirs publics et le " point de contact " des professionnels. Un pôle paritaire entre policiers et gendarmes, à vocation interministérielle, ayant un lien privilégié avec les autorités judiciaires, placé auprès de l'OCLCTIC (Office central de lutte contre la criminalité liée aux TIC) pourrait être mis en place.
Les moyens publics d'investigation spécialisés
L'OCLCTIC est l'une des composantes de la capacité publique d'investigations dans le domaine de la cybercriminalité. Le groupe de travail constate que la LOPSI (Loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure) a prévu d'étendre les moyens spécialisés dans ce domaine. Il soutient cette orientation, et recommande de davantage rapprocher et coordonner les services de la gendarmerie et de la police. L'un des moyens pour atteindre cet objectif serait l'organisation des formations communes et le développement d'outils facilitant le travail coopératif.
Le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie, participe également activement à la lutte contre la cybercriminalité. La direction des Douanes a pour mission de lutter contre le blanchiment et les trafics permis par l'utilisation d'Internet. La direction générale de la Consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes traque les fraudes sur les sites de commerce électronique. Il me paraîtrait donc souhaitable que ces directions soient associées aux différentes actions de rapprochement des forces publiques d'investigation.
Parmi les autres propositions, le groupe de travail propose de décerner, au-delà de la charte signée en 2004, dans des conditions restant à préciser, notamment avec le Forum des droits sur l'Internet, un certificat citoyen aux professionnels de l'Internet fournissant des efforts particuliers dans la lutte contre la cybercriminalité.
Mesdames, Messieurs,
Telles sont les principaux éléments dont je souhaitais vous faire part.
Aucune solution ne peut être efficace seule dans la lutte contre la cybercriminalité. Une réponse pertinente suppose d'associer des leviers juridique, technique et pédagogique avec une volonté politique affirmée.
C'est à cette condition que l'Internet pourra nous apporter toute sa valeur en tant qu'outil de communication incomparable au profit de nos concitoyens et de nos entreprises, tout en s'inscrivant sans ambiguïté dans le creuset des valeurs qui fondent notre pacte républicain.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 18 avril 2005)
Madame, messieurs les Parlementaires,
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureux aujourd'hui de pouvoir vous exposer le rapport du groupe de travail sur la cybercriminalité que vous m'aviez fait l'honneur de me demander d'animer en juin 2004, alors que j'étais président de France Télécom. Le groupe de travail, et je profite de cette occasion pour en remercier chaque membre, a finalisé neuf propositions à votre attention au début de cette année. Permettez-moi de les remettre en perspective et de rappeler que la cybercriminalité est un sujet majeur pour notre société, qui mérite toute notre attention.
Le développement d'Internet et de l'économie numérique constitue, nous en sommes tous convaincus, une vraie révolution, un phénomène majeur de notre société, dont le développement est loin d'être terminé ! Depuis 2002, grâce à l'action résolue du gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN, la France a connu une accélération très importante de la diffusion des nouvelles technologies et de leurs usages.
Développer la société de l'information supposait avant tout d'élargir en masse le nombre d'entreprises et de particuliers pouvant accéder aux services en ligne de façon sûre, rapide et bon marché. Le résultat est spectaculaire. Depuis trois ans, grâce à une politique énergique, la France connaît la plus forte croissance en Europe dans l'Internet Haut Débit.
Il y avait 700 000 abonnés à l'Internet haut débit en mai 2002, il y en a plus de 7 millions aujourd'hui ! Nous sommes donc bien partis pour atteindre, voire dépasser l'objectif de 10 millions d'abonnés à haut débit en 2007.
Ce développement n'est pas terminé car plus de la moitié de nos compatriotes n'y participe pas encore, notamment les seniors, qui pourraient devenir une cible pour les cybercriminels.
La croissance du nombre d'abonnés à Internet a eu pour conséquence l'explosion de la consommation de services en ligne. En 2004, pour la troisième année consécutive, le commerce électronique a connu un développement annuel de 60 %. Avec 6 Mds d'euros, il représente désormais 3 % du commerce de détail.
Nous le voyons, Internet transforme notre mode de vie et nous ouvre un nouvel espace, dans lequel la criminalité, à l'instar de ce qui se passe dans le monde physique, est présente. La cybercriminalité prend parfois des formes nouvelles différentes du fait des possibilités offertes par Internet, et nous la connaissons encore de façon insuffisante ! Le groupe préconise de mieux cerner le phénomène par deux moyens :
Un développement de l'expertise technique et du savoir-faire des services d'investigation sur les outils leur permettant d'accomplir la mission de veille et de recherche des infractions. A cet effet, le concours des laboratoires de R et D externes au ministère de l'Intérieur, tels que ceux de la recherche publique ou celui de France Telecom, devrait être sollicité.
L'amélioration du système d'information statistique de la cybercriminalité. Cela passe par un rapprochement des outils informatiques de la police et de la gendarmerie. La prochaine enquête de victimation de l'Office National de la Délinquance pourrait prévoir un volet cybercriminalité.
J'ajoute aussi que certains internautes ont des pratiques illégales par simple méconnaissance ou manque de prise de conscience de leurs actes parce qu'ils sont réalisés dans un monde virtuel et nouveau !
Je voudrais vous faire part de ma conviction que la lutte contre la cybercriminalité doit aussi s'appuyer sur une politique de prévention, notamment en direction des plus fragiles, les mineurs et, dans le domaine économique, les professionnels et les PME, pour lesquels il est parfois difficile d'appréhender la complexité de la sécurité informatique.
- La cybercriminalité ne doit pas entamer la confiance sur laquelle repose le développement de l'économie numérique et de la société de l'information. Cette confiance, elle résulte aussi de la clarification progressive des règles juridiques. Au cours de ses travaux, le groupe de travail a recensé tous les fondements légaux qui assoient la lutte contre la cybercriminalité.
Les sanctions pour les cybercriminels
Les lois pour la sécurité quotidienne de 2001, pour la sécurité intérieure de 2003, pour l'adaptation de la justice en 2004, et pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), en 2004 ont déjà sensiblement étendu les sanctions pénales pour les cybercriminels et renforcé les moyens publics de lutte contre la cybercriminalité. Par exemple, e n cas d'accès frauduleux à un système informatique, ou de modification de ses données, les sanctions ont été doublées par rapport à celles prévues par la loi Godfrain de 1988. En matière pénale, le groupe de travail préconise deux mesures :
- sanctionner les propositions sexuelles adressées à des mineurs via l'Internet,
- habiliter les officiers et agents de police judiciaire, dans le cadre de leurs investigations à participer à des échanges électroniques sans être pénalement responsables.
La lutte contre les contenus illicites sur Internet
La loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), adoptée en 2004 est le premier texte français d'ensemble sur Internet. Cette loi a clarifié les règles du jeu sur Internet, a renforcé la lutte contre les contenus illicites et la protection des mineurs
Les débats parlementaires autour de la LCEN ont bien mis en évidence les préoccupations de notre société face à l'existence sur Internet de sites attentatoires à la dignité humaine. La loi prévoit un dispositif pour rehausser le niveau d'engagement, avec des sanctions le cas échéant, des fournisseurs d'accès à Internet dans le signalement des sites pédophiles ou incitant à la haine raciale. Dès l'achèvement du débat législatif, les professionnels ont signé avec le Gouvernement une charte dans laquelle ils prennent trois engagements clés en matière de lutte contre les contenus attentatoires à la dignité humaine :
- signaler ces contenus qui sont portés à leur connaissance aux autorités compétentes ;
- informer les internautes sur les liens de report d'abus et leur proposer une solution de contrôle parental ;
- coopérer avec les autorités compétentes dans le cadre de procédures judiciaires pour permettre à ces autorités d'identifier et de poursuivre les responsables d'abus.
* Je veux insister sur le dispositif de signalement, qui est devenu beaucoup plus accessible et visible depuis la signature de la charte. Il permet à toute personne de porter à la connaissance des prestataires, à travers le " point de contact ", tout contenu en ligne attentatoire à la dignité humaine. Ce dispositif a produit des résultats. Le nombre de signalements reçus et traités par l'AFA (Association des Fournisseurs d'Accès et de Services à Internet) est de 6 900 en 2004 contre 3 350 en 2003. Parmi ces signalements, environ 1 000, deux fois plus qu'en 2003, ont été transmis aux pouvoirs publics, car ils concernent soit l'incitation à la haine raciale (1/3 des cas), soit la pédopornograhie (2/3 des cas).
Pour aller plus loin, le groupe de travail préconise de centraliser l'interface entre les pouvoirs publics et le " point de contact " des professionnels. Un pôle paritaire entre policiers et gendarmes, à vocation interministérielle, ayant un lien privilégié avec les autorités judiciaires, placé auprès de l'OCLCTIC (Office central de lutte contre la criminalité liée aux TIC) pourrait être mis en place.
Les moyens publics d'investigation spécialisés
L'OCLCTIC est l'une des composantes de la capacité publique d'investigations dans le domaine de la cybercriminalité. Le groupe de travail constate que la LOPSI (Loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure) a prévu d'étendre les moyens spécialisés dans ce domaine. Il soutient cette orientation, et recommande de davantage rapprocher et coordonner les services de la gendarmerie et de la police. L'un des moyens pour atteindre cet objectif serait l'organisation des formations communes et le développement d'outils facilitant le travail coopératif.
Le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie, participe également activement à la lutte contre la cybercriminalité. La direction des Douanes a pour mission de lutter contre le blanchiment et les trafics permis par l'utilisation d'Internet. La direction générale de la Consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes traque les fraudes sur les sites de commerce électronique. Il me paraîtrait donc souhaitable que ces directions soient associées aux différentes actions de rapprochement des forces publiques d'investigation.
Parmi les autres propositions, le groupe de travail propose de décerner, au-delà de la charte signée en 2004, dans des conditions restant à préciser, notamment avec le Forum des droits sur l'Internet, un certificat citoyen aux professionnels de l'Internet fournissant des efforts particuliers dans la lutte contre la cybercriminalité.
Mesdames, Messieurs,
Telles sont les principaux éléments dont je souhaitais vous faire part.
Aucune solution ne peut être efficace seule dans la lutte contre la cybercriminalité. Une réponse pertinente suppose d'associer des leviers juridique, technique et pédagogique avec une volonté politique affirmée.
C'est à cette condition que l'Internet pourra nous apporter toute sa valeur en tant qu'outil de communication incomparable au profit de nos concitoyens et de nos entreprises, tout en s'inscrivant sans ambiguïté dans le creuset des valeurs qui fondent notre pacte républicain.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 18 avril 2005)