Texte intégral
Q- Avec A. Bocquet, nous allons évoquer la campagne pour le référendum sur la Constitution européenne. Bonjour ! Mais avant d'aborder ces questions européennes, un mot sur les déclarations de J.-P. Raffarin. Hier, le Premier ministre a dit que finalement l'objectif de réduction du chômage ne serait pas exactement tenu dans les termes qu'il avait annoncés.
R- Il ne le tiendra pas du tout cet objectif puisque la politique de monsieur Raffarin depuis qu'il est aux affaires, c'est 280.000 chômeurs en plus, on vient de passer la barre des 10%, 2,5 % de plus que l'an dernier, et avec cette logique, avec cette politique, ces choix qui privilégient la rentabilité financière des grandes sociétés financières et industrielles plutôt que le développement du pouvoir d'achat, la consommation, la création de l'emploi, on va tout droit dans le mur, avec ce chômage qui va grandir.
Q- Il dit aussi qu'il n'y aura pas 2,5 % de croissance, il n'y aura que 2 % de croissance. Cela n'aide pas ça pour l'emploi et il n'est peut-être pas directement responsable de ça.
R- La croissance pour qui et pourquoi ? Si la croissance consiste à développer la rentabilité financière du capital, à augmenter les salaires, comme ceux de monsieur Fourtou, qui a vu son salaire augmenter de 60 % l'an dernier, le PDG de Vivendi...
Q- Oui, PDG de Vivendi Universal, en effet.
R- PDG de Vivendi, oui, c'est-à-dire 3 .500.000 euros par an, 300 fois le salaire d'un ouvrier payé au SMIC...
Q- Mais pourquoi le salaire de monsieur Fourtou vous choque-t-il tant que ça ?
R- Eh bien, écoutez, parce que les inégalités ne sont que croissantes dans ce pays. On a la France des centimes et la France des dividendes. Or le Gouvernement actuel, UMP, Union pour une minorité de privilégiés, soutient considérablement par sa politique des choix qui favorisent le grand capital financier et méprise totalement les revenus, le pouvoir d'achat du monde du travail et de la création dans ce pays.
Q- Mais revenons à la Constitution européenne ; est-ce que, de votre point de vue, au fond l'Europe, qui existe déjà dans la Constitution actuelle, n'est pas une Europe déjà libérale ?
R- Bien entendu, oui.
Q- Et, au fond, la Constitution ça met un peu de politique sur une activité libérale, non ?
R- Non, ça constitutionnalise le libéralisme. Quand on prend ce texte de la Constitution, on s'aperçoit qu'on a inscrit dans le marbre pour des décennies - Giscard d'Estaing parlait même de cinquante années - un système économique avec un credo qui est la concurrence libre et non faussée. C'est la première fois dans l'histoire de l'Union européenne qu'on inscrit dans un texte constitutionnel, un traité, la concurrence comme le fin du fin, l'objectif de l'Union européenne. Alors, écoutez, si l'objectif, c'est la mise en concurrence, c'est le marché, qui est d'ailleurs cité, 79 fois dans ce texte, c'est vraiment l'organisation de l'Europe pour les banques, les coffres-forts, les grandes fortunes et la mise en concurrence des salariés, des peuples. Il faut savoir qu'on est dans une Europe aujourd'hui où il y a 65 millions de personnes, presque 18 %, qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, il y a 25 millions de chômeurs, et on va mettre tout ce monde en concurrence avec des politiques, avec des directives, telle la directive Bolkestein, où on va tirer vers le bas la situation sociale des Françaises et des Français et de l'ensemble du monde européen.
Q- La directive Bolkestein, la directive sur le temps de travail qui va être discutée...
R- Qui est actuellement en discussion, oui.
Q- On voit bien qu'elles arrivent maintenant et ce n'est pas lié à la nouvelle Constitution.
R- Bah, si. Si tout est dans tout et le reste dans la Constitution, comme dirait l'autre. Si on décide actuellement de mettre en place cette directive temps de travail où, je le rappelle, le temps de travail...
Q- Alors la directive temps de travail, il faut le signaler, vient après le projet Bolkestein et l'objectif c'est d'harmoniser la durée du temps de travail dans tous les pays européens, sachant qu'entre la Grande-Bretagne, par exemple, et la France, je le dis pour les téléspectateurs qui nous regardent, il y a des écarts considérables.
R- Tout à fait. Nous, nous avions obtenu les 35 heures qui ont été mises en éclats par la politique du Gouvernement, on en est à 38 heures, 38-39 heures. Il faut que les Françaises et les Français sachent que le temps de travail hebdomadaire légal au niveau européen, il est de 48 heures. Et comme l'objectif de tout ce petit monde n'est pas de tirer vers le haut, si j'ose dire, en matière de droit social, c'est-à-dire de ramener tout le monde un jour à 35, 37, 38 heures, mais de tirer vers le bas, en l'occurrence à monter vers 48 heures le temps de travail pour tous, on s'imagine ce que ça peut faire comme dégâts. Quand en plus nos amis britanniques veulent qu'on introduise dans cette directive la notion de " up out ", comme ils disent, qui consiste à mettre en place la possibilité pour un salarié en accord avec son patron effectivement d'aller jusqu'à 60 heures par semaine, on imagine les reculs en matière sociale, les reculs en matière de société et, je dirais tout de go, les reculs en matière de civilisation. Parce que la question de la Constitution, c'est justement une question de choix de société, de choix de civilisation. Ou on continue dans cette voie et l'Europe va droit dans le mur, l'Europe à laquelle on rêve, l'Europe de paix, de fraternité, de solidarité, elle va droit dans le mur ou alors on crée les conditions pour qu'il y ait un électrochoc positif et il faut pour cela que le " non " l'emporte.
Q- L'électrochoc politique, c'est quoi ; c'est obliger J. Chirac à changer de Gouvernement, c'est le départ de J.-P. Raffarin ?
R- Non, c'est obliger à ce qu'on remette les choses à plat, qu'on rediscute d'un nouveau traité, de nouvelles règles en Europe où on prendra en compte plutôt les valeurs humaines que les valeurs boursières.
Q- Vous savez que vous dites à peu près la même chose que P. de Villiers, sous forme un peu différente. Cela vous dérange d'être dans le camp du " non " avec d'autres qui ont...
R- Non, vous savez, moi je suis moi, nous nous sommes nous. Nous avons un combat pour un " non " progressiste et populaire, un " non " de gauche, un " non " communiste pour transformer cette société où il est de plus en plus difficile de vivre, de joindre les deux bouts, d'avoir un emploi. Quand je vois que monsieur Chirac, cette semaine, a monté un spectacle avec les jeunes alors que la plupart des jeunes bardés de diplômes ne trouvent pas d'emploi...
Q- Vous faites référence à l'émission sur TF1.
R- Un sur quatre, alors que monsieur Chirac vient de mépriser complètement les lycéens qui exigent le droit d'étudier dans de bonnes conditions et que la seule réponse qu'il apporte, comme dans ma région, à Lille, c'est un coup de tatane dans la figure d'un jeune lycéen qui luttait pacifiquement, je me dis trop c'est trop, il faut que vraiment les choses changent.
Q- Est-ce que vous dites comme, je ne sais pas, Mélenchon au PS, que le camp du " non " est un peu maltraité parce que certains se plaignent justement de l'amalgame qui est fait ; vous avez ce sentiment-là vous ?
R- C'est évident que ceux qui défendent un " non " et notamment un " non " de gauche, un " non " progressiste, sont forcément défavorisés, on le voit bien dans les médias. Il a fallu même que le Parti communiste, dans sa grande générosité, accorde du temps de parole aux autres partisans du " non " de gauche qui n'avaient aucun lieu pour s'exprimer. Ce qui prouve bien que si nous on n'existait pas, il faudrait nous inventer pour défendre la démocratie et la liberté d'expression.
Q- Certes, A. Bocquet, mais on voit aussi qu'il y a un certain nombre de chefs d'état qui ne sont pas à droite et qui viennent dire il faut voter " oui ". Par exemple, c'est le cas de l'Espagnol qui dit qu'il est pour le " oui " et pourtant, j'allais dire, " ce n'est pas une famille politique très éloignée ".
R- Ecoutez, oui, mais ça le problème du Parti socialiste, c'est le problème du Parti socialiste. Je considère très franchement et je le dis très fraternellement qu'il a fait un choix officiel, ce n'est pas l'esprit de la majorité de ses électeurs, si j'en crois les sondages qui, historiquement, est quand même regrettable. Qu'on puisse venir en se disant de gauche et voler au secours d'une Constitution libérale, ça interpelle, ça m'interpelle, mais ça interpelle beaucoup de monde.
Q- Le président portugais va parler demain au Palais Bourbon...
R- Ah ! Bah, oui, ces temps-ci c'est curieux alors que nous sommes évidemment nous, le groupe communiste, pour accueillir des chefs d'Etat, ça se fait... en général ils viennent au rythme d'un tous les ans, tous les ans et demi, ici il y a une sorte de boulimie. On a transformé le Palais Bourbon en salle de meeting électoral en vue des européennes. Mais je crois que le camp du " oui " en fait trop, il ne faut pas prendre les Françaises et les Français pour des grands benêts, ils réfléchissent. Nous, nous souhaitons qu'il y ait un dialogue, une discussion de fond, sereine et efficace et je crois que le " non " dans ces conditions va l'emporter et ce sera salutaire pour le développement européen de demain.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 avril 2005)
R- Il ne le tiendra pas du tout cet objectif puisque la politique de monsieur Raffarin depuis qu'il est aux affaires, c'est 280.000 chômeurs en plus, on vient de passer la barre des 10%, 2,5 % de plus que l'an dernier, et avec cette logique, avec cette politique, ces choix qui privilégient la rentabilité financière des grandes sociétés financières et industrielles plutôt que le développement du pouvoir d'achat, la consommation, la création de l'emploi, on va tout droit dans le mur, avec ce chômage qui va grandir.
Q- Il dit aussi qu'il n'y aura pas 2,5 % de croissance, il n'y aura que 2 % de croissance. Cela n'aide pas ça pour l'emploi et il n'est peut-être pas directement responsable de ça.
R- La croissance pour qui et pourquoi ? Si la croissance consiste à développer la rentabilité financière du capital, à augmenter les salaires, comme ceux de monsieur Fourtou, qui a vu son salaire augmenter de 60 % l'an dernier, le PDG de Vivendi...
Q- Oui, PDG de Vivendi Universal, en effet.
R- PDG de Vivendi, oui, c'est-à-dire 3 .500.000 euros par an, 300 fois le salaire d'un ouvrier payé au SMIC...
Q- Mais pourquoi le salaire de monsieur Fourtou vous choque-t-il tant que ça ?
R- Eh bien, écoutez, parce que les inégalités ne sont que croissantes dans ce pays. On a la France des centimes et la France des dividendes. Or le Gouvernement actuel, UMP, Union pour une minorité de privilégiés, soutient considérablement par sa politique des choix qui favorisent le grand capital financier et méprise totalement les revenus, le pouvoir d'achat du monde du travail et de la création dans ce pays.
Q- Mais revenons à la Constitution européenne ; est-ce que, de votre point de vue, au fond l'Europe, qui existe déjà dans la Constitution actuelle, n'est pas une Europe déjà libérale ?
R- Bien entendu, oui.
Q- Et, au fond, la Constitution ça met un peu de politique sur une activité libérale, non ?
R- Non, ça constitutionnalise le libéralisme. Quand on prend ce texte de la Constitution, on s'aperçoit qu'on a inscrit dans le marbre pour des décennies - Giscard d'Estaing parlait même de cinquante années - un système économique avec un credo qui est la concurrence libre et non faussée. C'est la première fois dans l'histoire de l'Union européenne qu'on inscrit dans un texte constitutionnel, un traité, la concurrence comme le fin du fin, l'objectif de l'Union européenne. Alors, écoutez, si l'objectif, c'est la mise en concurrence, c'est le marché, qui est d'ailleurs cité, 79 fois dans ce texte, c'est vraiment l'organisation de l'Europe pour les banques, les coffres-forts, les grandes fortunes et la mise en concurrence des salariés, des peuples. Il faut savoir qu'on est dans une Europe aujourd'hui où il y a 65 millions de personnes, presque 18 %, qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, il y a 25 millions de chômeurs, et on va mettre tout ce monde en concurrence avec des politiques, avec des directives, telle la directive Bolkestein, où on va tirer vers le bas la situation sociale des Françaises et des Français et de l'ensemble du monde européen.
Q- La directive Bolkestein, la directive sur le temps de travail qui va être discutée...
R- Qui est actuellement en discussion, oui.
Q- On voit bien qu'elles arrivent maintenant et ce n'est pas lié à la nouvelle Constitution.
R- Bah, si. Si tout est dans tout et le reste dans la Constitution, comme dirait l'autre. Si on décide actuellement de mettre en place cette directive temps de travail où, je le rappelle, le temps de travail...
Q- Alors la directive temps de travail, il faut le signaler, vient après le projet Bolkestein et l'objectif c'est d'harmoniser la durée du temps de travail dans tous les pays européens, sachant qu'entre la Grande-Bretagne, par exemple, et la France, je le dis pour les téléspectateurs qui nous regardent, il y a des écarts considérables.
R- Tout à fait. Nous, nous avions obtenu les 35 heures qui ont été mises en éclats par la politique du Gouvernement, on en est à 38 heures, 38-39 heures. Il faut que les Françaises et les Français sachent que le temps de travail hebdomadaire légal au niveau européen, il est de 48 heures. Et comme l'objectif de tout ce petit monde n'est pas de tirer vers le haut, si j'ose dire, en matière de droit social, c'est-à-dire de ramener tout le monde un jour à 35, 37, 38 heures, mais de tirer vers le bas, en l'occurrence à monter vers 48 heures le temps de travail pour tous, on s'imagine ce que ça peut faire comme dégâts. Quand en plus nos amis britanniques veulent qu'on introduise dans cette directive la notion de " up out ", comme ils disent, qui consiste à mettre en place la possibilité pour un salarié en accord avec son patron effectivement d'aller jusqu'à 60 heures par semaine, on imagine les reculs en matière sociale, les reculs en matière de société et, je dirais tout de go, les reculs en matière de civilisation. Parce que la question de la Constitution, c'est justement une question de choix de société, de choix de civilisation. Ou on continue dans cette voie et l'Europe va droit dans le mur, l'Europe à laquelle on rêve, l'Europe de paix, de fraternité, de solidarité, elle va droit dans le mur ou alors on crée les conditions pour qu'il y ait un électrochoc positif et il faut pour cela que le " non " l'emporte.
Q- L'électrochoc politique, c'est quoi ; c'est obliger J. Chirac à changer de Gouvernement, c'est le départ de J.-P. Raffarin ?
R- Non, c'est obliger à ce qu'on remette les choses à plat, qu'on rediscute d'un nouveau traité, de nouvelles règles en Europe où on prendra en compte plutôt les valeurs humaines que les valeurs boursières.
Q- Vous savez que vous dites à peu près la même chose que P. de Villiers, sous forme un peu différente. Cela vous dérange d'être dans le camp du " non " avec d'autres qui ont...
R- Non, vous savez, moi je suis moi, nous nous sommes nous. Nous avons un combat pour un " non " progressiste et populaire, un " non " de gauche, un " non " communiste pour transformer cette société où il est de plus en plus difficile de vivre, de joindre les deux bouts, d'avoir un emploi. Quand je vois que monsieur Chirac, cette semaine, a monté un spectacle avec les jeunes alors que la plupart des jeunes bardés de diplômes ne trouvent pas d'emploi...
Q- Vous faites référence à l'émission sur TF1.
R- Un sur quatre, alors que monsieur Chirac vient de mépriser complètement les lycéens qui exigent le droit d'étudier dans de bonnes conditions et que la seule réponse qu'il apporte, comme dans ma région, à Lille, c'est un coup de tatane dans la figure d'un jeune lycéen qui luttait pacifiquement, je me dis trop c'est trop, il faut que vraiment les choses changent.
Q- Est-ce que vous dites comme, je ne sais pas, Mélenchon au PS, que le camp du " non " est un peu maltraité parce que certains se plaignent justement de l'amalgame qui est fait ; vous avez ce sentiment-là vous ?
R- C'est évident que ceux qui défendent un " non " et notamment un " non " de gauche, un " non " progressiste, sont forcément défavorisés, on le voit bien dans les médias. Il a fallu même que le Parti communiste, dans sa grande générosité, accorde du temps de parole aux autres partisans du " non " de gauche qui n'avaient aucun lieu pour s'exprimer. Ce qui prouve bien que si nous on n'existait pas, il faudrait nous inventer pour défendre la démocratie et la liberté d'expression.
Q- Certes, A. Bocquet, mais on voit aussi qu'il y a un certain nombre de chefs d'état qui ne sont pas à droite et qui viennent dire il faut voter " oui ". Par exemple, c'est le cas de l'Espagnol qui dit qu'il est pour le " oui " et pourtant, j'allais dire, " ce n'est pas une famille politique très éloignée ".
R- Ecoutez, oui, mais ça le problème du Parti socialiste, c'est le problème du Parti socialiste. Je considère très franchement et je le dis très fraternellement qu'il a fait un choix officiel, ce n'est pas l'esprit de la majorité de ses électeurs, si j'en crois les sondages qui, historiquement, est quand même regrettable. Qu'on puisse venir en se disant de gauche et voler au secours d'une Constitution libérale, ça interpelle, ça m'interpelle, mais ça interpelle beaucoup de monde.
Q- Le président portugais va parler demain au Palais Bourbon...
R- Ah ! Bah, oui, ces temps-ci c'est curieux alors que nous sommes évidemment nous, le groupe communiste, pour accueillir des chefs d'Etat, ça se fait... en général ils viennent au rythme d'un tous les ans, tous les ans et demi, ici il y a une sorte de boulimie. On a transformé le Palais Bourbon en salle de meeting électoral en vue des européennes. Mais je crois que le camp du " oui " en fait trop, il ne faut pas prendre les Françaises et les Français pour des grands benêts, ils réfléchissent. Nous, nous souhaitons qu'il y ait un dialogue, une discussion de fond, sereine et efficace et je crois que le " non " dans ces conditions va l'emporter et ce sera salutaire pour le développement européen de demain.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 avril 2005)