Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, notamment l'égalité de l'accès aux soins, la sécurité sanitaire, les droits des malades, la prévention , la prise en charge des malades , la santé des femmes et la santé mentale, Paris le 24 octobre 2000.

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Circonstance : Présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l'Assemblée nationale le 24 octobre 2000

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs les Députés,
L'équilibre des comptes de la sécurité sociale a été atteint ; cet objectif voulu était attendu par nos concitoyens qui savent que sans cet équilibre, il n'y a pas d'égalité, pas de qualité, pas de justice dans l'accès aux soins. Bien sûr c'est grâce à la croissance retrouvée, mais aussi grâce à des mesures de redressement, négociées et efficaces, grâce à des politiques structurelles destinées à maîtriser les dépenses que l'objectif que nous avait fixé les Français a été atteint et nous permet maintenant de voir l'avenir de notre protection sociale avec plus d'optimisme.
Je n'ignore pas le mécontentement qu'expriment certains professionnels de santé ; je n 'ignore pas non plus les efforts réalisés par nombre d'entre eux pour nous aider à atteindre cet objectif.
Mais parce que cet équilibre est encore fragile (la branche maladie continue à être déséquilibrée), nous veillerons toujours à ce qu'aucun dérapage ne vienne compromettre cet équilibre.
Mais nous veillerons plus que jamais à ce que le dialogue indispensable entre les pouvoirs publics et les représentants des professions de santé se poursuive ou soit renoué de sorte que chaque décision soit analysée, expliquée et justifiée devant les intéressés.
L'équilibre retrouvé nous permet de parler aujourd'hui avec sérénité de santé publique et cette sérénité rend encore plus ferme la détermination de l'action du Gouvernement dans ce domaine.
Longtemps sous-estimée voire même ignorée, la définition claire d'une politique de santé publique est devenue en quelques années une exigence des élus, des professionnels, et de façon encore plus large des usagers et des citoyens.
Alors que grâce aux résultats obtenus par la politique menée par le Premier Ministre, l'espoir dans des perspectives professionnelles sociales plus sûres se confirme aujourd'hui, alors que la situation matérielle du plus grand nombre s'améliore, nos concitoyens aspirent maintenant à une politique de santé publique plus transparente, plus juste, plus égalitaire. Cette exigence constitue pour nous un formidable défi.
Les grands axes de cette politique
1) Rendre égal l'accès aux soins
Désormais, l'ensemble de nos concitoyens bénéficie d'un accès aux soins de santé.
Après quelques mois de mise en uvre le nombre de personnes couvertes par la CMU complémentaire est déjà supérieur de 1,9 millions à celui des bénéficiaires de l'ancienne aide médicale .
Seconde avancée notable : l'élaboration des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (PRAPS) qui a dynamisé la mobilisation de l'ensemble des intervenants dans le domaine.
Les hôpitaux, quant à eux, ont mis en place des permanences d'accès aux soins de santé (PASS) qui permettent l'accès à des consultations à tout moment. Près de 300 permanences d'accès aux soins de santé (PASS) ont été financées en 1999 et nous allons renforcer les moyens de ces permanences.
2) Renforcer la sécurité
Le besoin de sécurité sanitaire est une exigence forte de nos concitoyens.
Le 1er janvier 2000, la mise en place prévue par la loi de l'établissement français du sang est venue renforcer le dispositif de prévention sanitaire.
Ce dispositif sera prochainement complété par la création de l'agence de sécurité sanitaire environnementale, chargée d'expertiser et d'évaluer l'impact potentiel des perturbations de l'environnement sur la santé humaine.
En trois ans, la France s'est dotée d'un dispositif permettant l'évaluation scientifique, la gestion des risques et la transparence des décisions. Ce dispositif a acquis une renommée internationale et il permet à la France d'impulser -grâce à un savoir-faire et à une expérience reconnue - une politique européenne de sécurité sanitaire.
Nous poursuivons par ailleurs les programmes de lutte contre les infections nosocomiales et les accidents iatrogènes. Les techniques de fonctionnement de la sécurité anesthésique, de l'accueil et du traitement des urgences sont progressivement encadrées.
3) Développer la transparence et les droits des malades
Nos concitoyens souhaitent un système de soins plus transparent et plus ouvert à leur propre participation.
Le développement de l'accréditation contribue à cet effort. L'ANAES a rendu publics en juin 2000 les premiers comptes rendus d 'accréditation : en juillet, quelques 186 établissements de santé étaient engagés dans la procédure d'accréditation.
Au-delà, les Etats Généraux de la Santé ont montré la forte attente de la population, qui souhaite bénéficier d'un système de santé organisé autour du patient. Nous proposerons dans les semaines qui viennent, à travers le projet de loi de modernisation du système de santé, une réponse aux attentes exprimées, afin :
1 - De reconnaître et de préciser les droits fondamentaux des personnes dans leurs relations avec le système de santé et en particulier le droit au respect de la dignité et à la protection de l'intégrité du corps.
L'accès direct au dossier médical sera instauré et garanti, ses modalités seront clairement édictées.
2 - De rééquilibrer les relations entre le professionnel de santé et le malade, en faisant de ce dernier un véritable acteur.
3 - De mettre en place les bases de l'expression et de la participation des usagers du système de santé en créant un nouveau statut pour les associations de malades et d'usagers : les associations " reconnues d'utilité sanitaire ".
4 - De renforcer la régionalisation en regroupant en un seul conseil régional de santé les différentes instances consultatives qui sont actuellement rattachées soit aux préfets, soit aux ARH.
5- Concernant la prise en compte de la réparation des risques sanitaires. Nous souhaitons mettre fin à une situation ressentie comme injuste car fondées sur des règles de reconnaissance de responsabilité essentiellement jurisprudentielles, évolutives et hétérogènes.
4) Alors que la science, la médecine ont beaucoup progressé et permis un allongement de la longévité conséquent, la prévention doit être au centre de notre système de santé.
4.1 Et d'abord la lutte contre les maladies infectieuses.
- En poursuivant le programme national de lutte contre l'hépatite C.
En 2001, ce programme de dépistage et de prévention sera renforcé en particulier en direction des usagers de drogues, des personnes détenues et des professionnels réalisant des tatouages et des piercing.
- Nous poursuivrons avec détermination la lutte contre le VIH-SIDA. En 2001, nous allons renforcer les actions à destination des publics les plus vulnérables, femmes, migrants, jeunes. Pour améliorer la prise en charge des personnes malades en situation de précarité, nous proposons le transfert du dispositif expérimental d'appartement de coordination thérapeutique dédiée aux personnes atteintes de VIH-SIDA dans le cadre commun de la loi de 1975 relative aux institutions médico-sociales. Pour mieux prendre en compte l'évolution de l'épidémie, ce dispositif accueillera également des personnes atteintes d'autres pathologies chroniques sévères, notamment les hépatites chroniques et les cancers.
4.2 Ensuite prendre en charge et prévenir les pratiques addictives
Il s'agit avant tout du tabagisme et de l'abus d'alcool. Une étude récente montre qu'en France, si nous ne réussissons pas à inverser la tendance, il s'agira probablement dans les prochaines années des causes empêchant la progression de l'espérance de vie.
En ce qui concerne la lutte contre le tabagisme, nous poursuivons les actions annoncées en mai 1999 selon trois axes : renforcement de l'information de la population, aide au sevrage tabagique et protection des non- fumeurs par une meilleure application de la loi relative à la lutte contre le tabagisme.
Le délistage des produits de substitution nicotiniques a ainsi permis de multiplier par 2 le nombre de tentatives de sevrage.
Enfin, le dispositif de prise en charge des dépendances à l'alcool, au tabac, aux drogues illicites a été réorganisé (circulaire d'avril 2000 sur le tabac, de juillet 2000 sur l'alcool et la toxicomanie) et renforcé (65 MF de mesures nouvelles).
Pour consolider les consultations de prévention individuelle de l'alcoolisme réalisées dans les structures d'hébergement, nous proposons une prise en charge par l'assurance maladie des organismes locaux chargés de ces consultations.
Ces efforts s'inscrivent dans la poursuite des objectifs fixés par le plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances adopté en juin 1999.
D'autres programmes de prévention tout aussi importants sont mis en uvre,
* la prévention du suicide, avec le nouveau programme d'actions 2000-2005 que j'ai présenté à Nantes à la fin du mois de septembre,
* l'application de la loi du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé chez les sportifs et à la lutte contre le dopage.
* la nutrition -qui est le thème prioritaire de santé publique porté par la France pendant sa présidence Européenne - et qui serra le thème d'un colloque européen en décembre prochain.
5) Améliorer la prise en charge
5.1 Et tout d'abord pour le cancer
C'est pour tout le Gouvernement, une priorité essentielle de Santé Publique : chaque année, 250 000 nouveaux malades sont diagnostiqués.
Le dispositif français dans ce domaine n'est pas suffisamment organisé.
En février dernier, Martine Aubry et moi même avons annoncé un ambitieux programme national qui s'articule autour de cinq axes.
L'un des axes très attendu de ce programme concerne le dépistage généralisé des cancers du sein, du col de l'utérus et colorectal. En juillet dernier la circulaire précisant les modalités du dépistage du cancer du sein a été publiée, celle sur le cancer colorectal le sera dans les semaines qui viennent. Les discussions tarifaires sont en cours. Ces programmes vont donc pouvoir se généraliser progressivement en garantissant l'égalité d'accès à toutes les personnes.
Pour compléter ce dispositif de lutte contre le cancer, une ambitieuse politique de santé publique du prélèvement et de la greffe a été engagée parallèlement.
Nous poursuivons par ailleurs les programmes que nous avions annoncés : lutte contre la douleur, développement des soins palliatifs, organisation de l'hospitalisation à domicile.
5.2 En ce qui concerne la santé des femmes, vous connaissez l'engagement du Gouvernement dans ce domaine.
Rappelons simplement le projet de loi qui visera à garantir le droit d'accès à l'IVG et à la contraception, en tenant compte des progrès médicaux, de la pharmacopée et des pratiques disponibles aujourd'hui ainsi que le soutien du gouvernement à la proposition d'initiative parlementaire sur la contraception d'urgence.
5.3 Ensuite en matière de santé mentale
Au delà du programme d'actions concernant la prévention du suicide que j'ai évoqué, nous avons entamé une large réflexion nationale dans le domaine de la santé mentale.
L'attente de nos concitoyens évolue en ce domaine alors que l'image traditionnelle de la psychiatrie accuse un décalage grandissant, qui se manifeste désormais aussi par une désaffection des professionnels de santé pour la psychiatrie publique de secteur, qu'il s'agisse des médecins ou des infirmières.
Nous souhaitons ainsi travailler avec tous les professionnels à une intégration renforcée du dispositif de prise en charge des maladies mentales dans le dispositif général de l'offre de soins.
Avant de conclure, j'aimerais rappeler deux autres programmes qui me tiennent à cur :
- la prise en charge des enfants dysphasiques et dyslexiques (4 à 5 % des enfants sont concernés). Avec Jack LANG nous avons mis en place un plan d'actions qui permettra une prévention de ces troubles du langage, un diagnostic plus rapide et plus sûr et une meilleure prise en charge.
- la santé des personnes détenues : depuis trois ans, nous avons renforcé l'accès aux soins, développé la prévention des pratiques addictives, amélioré le dépistage du VIH et des hépatites. Avec Elisabeth GUIGOU, nous souhaitons renforcer ces actions en permettant en particulier que les personnes détenues qui en ont besoin puissent être hospitalisées dans de bonnes conditions. Pour cela des unités hospitalières sécurisées interrégionales seront installées dans huit centres hospitalo-universitaires.
Conclusion
Voici en quelques mots les grandes lignes de la politique de santé publique que nous menons.
Je suis convaincue que cette politique va dans le sens des aspirations et des besoins de nos concitoyens et donc celui de l'amélioration des conditions de santé de tous.
Mais je suis également convaincue que nous devons aujourd'hui nous engager résolument dans la modernisation de notre système de santé, une modernisation voulue et comprise par tous les professionnels de santé et qui doit se traduire par une plus large place faite aux usagers et aux malades.
Aujourd'hui, par la politique que nous menons et notamment par la loi contre les exclusions, nous avons contribué à faire reculer les inégalités de santé.
Demain, pour aller plus loin, nous devons introduire plus de démocratie au cur du système de santé. Vous pouvez compter sur ma détermination à porter cet idéal.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 27 octobre 2000)