Déclaration de Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur la politique du tourisme social favorisant le droit aux vacances pour tous : rôle accru de l'Agence nationale pour les chèques vacances et des associations et comités d'entreprises-création en 1999 de la Bourse Solidarité Vacances et sur l'action du Bureau international du tourisme social pour promouvoir le tourisme social en Europe, Paris, le 16 mars 2000.

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Circonstance : Séminaire sur les aides au départ en vacances dans l'Union européenne, Paris, le 16 mars 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais, en premier lieu, au nom de Madame Michelle DEMESSINE, exprimer toute ma sympathie à la famille et aux proches de Monsieur Hans TEUSCHER, dont le décès est intervenu quelques jours avant la tenue de ce colloque dont nous savions l'intérêt qu'il y portait.
Il avait été l'un des participants actifs aux premiers États généraux du tourisme social et associatif organisés en mai denier en France. Nous avions pu mesurer son investissement, son engagement pour faire vivre le tourisme social et accroître le rayonnement du Bureau International du Tourisme Social (BITS) dont il fut, jusqu'au bout, et malgré ses difficultés et sa lutte contre la maladie, un président actif.
Vous dire également combien Madame la Ministre, retenue par une réunion extraordinaire du Gouvernement français, aurait souhaité être parmi vous aujourd'hui tant elle porte d'intérêt à ce qu'une organisation comme le Bureau International du Tourisme Social qui regroupe plus de 100 organisations du tourisme social sur 4 continents, mette au centre de ses préoccupations les aides au départ en vacances.
Votre souhait de lui donner une dimension internationale et européenne, en choisissant le Parlement européen comme lieu de vos débats, témoigne de votre ambition à mettre cette question essentielle au cur d'une problématique tant internationale que communautaire ou nationale.
Mais avant d'aborder la situation en France et la politique engagée par mon département ministériel, permettez-moi d'évoquer rapidement l'état des lieux et les perspectives qui s'offrent à nous.
L'état des lieux est que le tourisme est aujourd'hui une activité en plein développement. Le continent européen est ainsi la première destination touristique choisie au monde.
Les perspectives à 20 ans prévoient un doublement des flux touristiques au plan européen, un triplement au niveau mondial. C'est donc une place grandissante que les voyages, les séjours, les vacances continueront à prendre dans les années à venir.
C'est un enjeu majeur auquel nous devons faire face pour faire en sorte que cette croissance de l'activité touristique bénéficie au plus grand nombre de nos concitoyens.
Car dans nos sociétés où les inégalités demeurent fortes, où une partie de la population n'a pas accès à des droits élémentaires, comme le droit au travail, à se loger, à se soigner, le non départ en vacances concourt à renforcer l'exclusion et la mise au ban de la société.
Et ce d'autant plus que ces dernières décennies ont été marquées par la réduction du temps passé au travail, par la démocratisation de l'accès aux loisirs et aux vacances.
Ce mouvement entamé dans les années 1930, à travers les premiers congés payés, le développement des mouvements d'éducation populaire et l'engagement de fédérations ou associations de tourisme social, poursuivi à la Libération par la création des comités d'entreprises et porté également par les collectivités locales, témoigne d'une histoire singulière de la France.
Histoire singulière où secteur privé, institutionnel et associatif coexistent et où ce dernier a permis à nombre de nos concitoyens un premier départ en vacances et l'accès par la suite à d'autres formes de tourisme.
Pour autant, dans la première destination touristique au monde, 40 % de nos concitoyens ne partent pas en vacances, dont 15 % sont des non partants absolus. Il s'agit donc de 15 millions de Français qui sont exclus du droit aux vacances.
Aussi, ne me résolvant pas à cette fatalité, j'ai mis en uvre depuis 3 ans une politique sociale du tourisme pour que vive le droit aux vacances pour tous, c'est à dire pour que toutes les catégories de la population puissent véritablement y avoir accès sans exclusion ni ghettoïsation.
Elle se décline par la prise en compte des réalités de la jeunesse, des personnes handicapées, des retraités, des familles, des salariés, ou encore des personnes en situation d'exclusion.
C'est pourquoi j'ai fait en sorte que ce droit trouve sa traduction concrète dans les différents aspects d'aide au départ en vacances.
Tout d'abord, j'ai conforté et développé le rôle de l'Agence Nationale pour les Chèques Vacances, qui n'a pas d'équivalent en Europe à l'exception de la caisse Reka.
Ce système original d'épargne et d'abondement de celle-ci par l'employeur permet à plusieurs millions de salariés dont, depuis l'été dernier, ceux des petites et moyennes entreprises, de bénéficier d'une aide substantielle au départ en vacances.
Je ne développerai pas plus avant ce point puisque vous aurez l'occasion, cet après-midi, d'en appréhender les réalités au cours de la présentation des expériences du chèque vacances telles qu'elles existent en France et en Suisse.
Je rappellerai toutefois qu'en 1999, plus de 4 milliards de francs de chèques vacances ont été émis, générant une consommation touristique trois fois plus élevée.
Ainsi faisons-nous la démonstration que justice sociale et développement économique peuvent aller de pair et générer richesses et emplois.
L'activité de l'ANCV ne se limite pas, à l'émission ou au remboursement des chèques. Son statut original contribue par la redistribution de ses excédents à conforter les structures de tourisme social et associatif, mais également, d'aider au départ en vacances des familles les plus défavorisées.
Toutefois, la politique sociale du tourisme dans notre pays ne se limite pas au seul dispositif du chèque vacances.
Nous disposons en France, je l'ai évoqué en propos liminaire, d'un fort tissu de tourisme social et associatif composé d'associations et de comités d'entreprises, qui représente près de 500.000 lits.
Pour leur part, les comités d'entreprises consacrent plus de 12 milliards de francs par an à leurs activités sociales et culturelles, permettant ainsi aux salariés d'accéder à la culture et aux loisirs.
De même, l'existence d'associations de tourisme à caractère non lucratif, a permis et permet le départ en vacances dans des conditions d'hébergement et de confort tout à fait comparables à celles du secteur privé, à des coûts inférieurs de 25 % en moyenne à ceux proposés par ce dernier.
Aussi, compte tenu de l'apport important du tourisme social et associatif dans la démocratisation de l'accès aux vacances et aux loisirs, contribuant par ailleurs à l'aménagement de notre territoire et au rayonnement de la France touristique, ai-je souhaité conforter ce secteur.
A l'occasion des premiers États généraux du tourisme social et associatif, les 6 et 7 mai 1999, j'ai eu l'occasion de le souligner en souhaitant que soient ainsi confrontées les idées, que s'expriment les besoins et les attentes de ses principaux acteurs, pour redonner un sang neuf au tourisme social et associatif.
Dans le même temps, j'ai fait en sorte que le patrimoine des associations de tourisme, puisse être rénové.
Ainsi, nous consacrons chaque année plus de 20 millions de francs à la réhabilitation de ce patrimoine auquel il faut ajouter 28 millions de francs résultant des excédents de l'Agence Nationale du Chèque Vacances.
Par ailleurs, d'autres partenaires publics, telles que les communes, les départements, les régions, mais aussi les caisses d'allocations familiales participent, en partenariat bien souvent avec l'État, à l'aide au départ en vacances, que ce soit par le biais de soutien direct aux équipements ou d'aides à la personne.
Donner du contenu au droit aux vacances pour tous c'est aussi, faire en sorte que les familles les plus défavorisées puissent accéder aux vacances.
C'est ainsi que nous avons créé au début de l'année 1999 la Bourse Solidarité Vacances dont l'objet est de mettre en relation les offres de séjours et d'hébergements des professionnels du tourisme, qu'ils soient du secteur privé, associatif ou institutionnel, avec les demandes de départ en vacances des associations caritatives et associations de chômeurs.
Nous avons ainsi, dès l'été 1999, pu faire partir en vacances 1.300 personnes.
Notre objectif pour cette année est de permettre à 10.000 de nos concitoyens de bénéficier du droit aux vacances dans des centres de séjours où ils seront à même de côtoyer dans la richesse de la mixité et du brassage social d'autres vacanciers.
Cela montre, à l'évidence, qu'en matière d'aide au départ en vacances, la diversité des situations sociales, la prise en compte des différentes demandes, doit nous conduire à envisager la mise en place de dispositifs variés.
C'est d'ailleurs ce qui a conduit de nombreux pays représentés ici à mettre en place des systèmes d'aide au départ en vacances, par un soutien aux structures ou par des aides à la personne.
A l'heure où émergent sur la scène européenne les salariés et leurs organisations, à l'heure où il s'agit de construire l'Europe sociale, il me semble essentiel que le tourisme participe à cette ambition en favorisant les échanges entre les peuples, les familles et les jeunes et en contribuant à ce que s'expriment les vraies valeurs du tourisme, celles de l'amitié, de la solidarité, du respect mutuel, de la tolérance et de la paix.
Il est à cet égard de notre responsabilité de donner du contenu aux droits sociaux fondamentaux dont celui, bien entendu, aux vacances et aux loisirs.
Le séminaire organisé par le Bureau International du Tourisme Social nous y aidera tout comme la confrontation et l'enrichissement des expériences menées dans les différents pays de l'Union européenne.
Je note à ce sujet, avec intérêt, que des pays, tels que l'Italie, dans le cadre de l'examen au Parlement de la loi relative à l'organisation du tourisme, sont en train de mettre en uvre un dispositif comparable aux chèques vacances français.
Cette démarche permettra, je le pense de donner un nouveau souffle à des coopérations bi ou multilatérales. C'est d'ailleurs dans cet esprit qu'à l'occasion de l'examen de la loi portant extension du bénéfice du chèque vacances aux salariés des petites et moyennes entreprises, adoptée en juillet, la possibilité d'utiliser cet outil d'aide au départ a été étendue aux pays membres de l'Union européenne.
Nous avons voulu par là même montrer l'engagement résolu du gouvernement français, dans une construction européenne soucieuse d'une plus grande justice sociale et d'une efficacité économique accrue.
Ainsi que le rappelait le Président Hans TEUSCHER lors des États Généraux du Tourisme Social et Associatif, le Bureau International du Tourisme Social, de par sa force, sa présence sur quatre continents a un rôle particulier à jouer pour faire vivre cette ambition que je sais partagée.
Force de propositions, lieu de débats de confrontations, il est en effet un interlocuteur reconnu et actif de la promotion du tourisme social et associatif dont il porte les valeurs de partage, de solidarité et de paix.
Je souhaite que vos travaux permettent de donner une nouvelle dimension au droit aux vacances pour tous en Europe.
Bon travail. Je vous remercie.
(source http://www.tourisme.gouv.fr. le 22 mars 2000)