Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur le site internet des Jeunes UMP, le 25 mai 2005, sur les arguments en faveur du "oui" référendum sur le traité constitutionnel européen, la mobilisation des jeunes de l'UMP en faveur du "oui", la campagne électorale et les enjeux du scrutin du 29 mai, le risque de discrédit de la France en cas de rejet du traité.

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QUESTION : Monsieur le Premier Ministre, quel est, selon vous, l'argument le plus percutant en faveur du OUI ?
Jean-Pierre RAFFARIN : J'ai envie de vous citer deux arguments qui ne sont pas relatifs aux progrès considérables que le traité représente sur le plan institutionnel afin de mieux faire fonctionner l'Europe à 25.
Le premier argument tient à l'avenir de notre pays. Si la France dit " Non ", elle aura manqué un grand rendez-vous avec son Histoire. Elle aura manqué à ses partenaires européens, elle aura fait défaut au continent.
Si la France dit " Oui ", elle prend la tête de la construction européenne car nous serons alors le seul pays fondateur à avoir approuvé le texte par référendum. Notre voix sera écoutée, y compris pour infléchir les politiques européennes pour qu'elles soient encore davantage favorables à la croissance et à l'emploi.
Le second argument tient au traité lui-même et aux Français. Dans la Charte des Droits fondamentaux, il donne la liste des droits de l'Homme la plus complète qui ait jamais existé. C'est un progrès démocratique pour toute l'Europe, mais c'est aussi une avancée pour nous Français, car on reconnaît pour la première fois la protection des données personnelles, le droit à une bonne administration, le droit à une vie familiale et professionnelle Cette Constitution, c'est plus de droits, plus de garanties, et la reconnaissance de notre mode de vie européen qui est distinct des modes de vie chinois et américain.
QUESTION : L'engouement de la jeunesse pour le OUI, plus que toutes les autres catégories d'âge, vous surprend il ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Les plus anciens d'entre nous se souviennent des horreurs que nous avons connues au XXe siècle et des murs dressés pour diviser l'Europe, notamment par certains de ceux qui défendent aujourd'hui le " Non ". C'est pour cela qu'ils sont attachés à l'Europe, ils ne veulent plus "revoir cela".
Le plus jeunes sont aussi complètement mobilisés, vous avez raison, parce qu'ils savent que la Constitution européenne est faite pour eux, pour leur génération, pas pour les gouvernements qui ont négocié le traité. C'est un texte d'avenir.
Nous aimons tous la France qui est notre pays et qui doit garder son identité et son existence propre. Avec l'Europe, la France conserve la liberté de ses choix vitaux, sur la défense, sur la culture, sur l'immigration. Elle peut même leur donner plus de force, plus d'ampleur. Nous n'avons rien à craindre de l'Europe. C'est pourquoi les jeunes se sentent à la fois patriotes et Européens. Ils connaissent mieux l'Europe que leurs parents. Ils étudient à Londres, travaillent à Berlin, partent en week-end à Prague et à Madrid. Ils ne croient pas une seconde que leurs emplois soient menacés par le "plombier polonais". Ils savent que l'Europe nous donne la taille critique pour préparer l'économie de demain et pour construire les solidarités du présent notamment envers les territoires ruraux. Ils savent que nous avons notre carte à jouer si nous restons dans l'équipe européenne.
QUESTION : Dimanche prochain, les Français se prononceront : comment avez vous perçu cette campagne dont les débats ont été nombreux et intenses ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Cette campagne a été à l'image de notre pays, comme le cur battant d'une grande démocratie. Je suis fier de travailler au service d'un peuple aussi soucieux de son destin et qui est capable de s'impliquer aussi entièrement dans le débat démocratique. Les Français ont participé à des milliers de réunions, beaucoup ont lu le traité, qui n'est pourtant pas facile. Ils ont demandé des explications à leurs élus, aux partis politiques. Et je salue à cet égard le rôle de l'UMP qui a été exemplaire dans cette campagne, avec une pensée particulière pour les nombreux jeunes de l'UMP que j'ai croisés dans toutes mes réunions publiques et qui n'ont pas économisé leur enthousiasme.
Au-delà de la complexité inévitable d'un tel texte, je crois que les Français ont bien perçu les enjeux du scrutin qui dépassent le caractère technique du traité. Il s'agit à la fois de réaffirmer notre union avec les autres peuples d'Europe pour affronter ensemble les défis du futur et de se donner les moyens de peser sur l'avenir du monde, pour résister aux nouvelles puissances qui émergent en Asie et en Amérique.
QUESTION : Que diriez-vous à un jeune qui voudrait voter NON au traité constitutionnel ou qui serait indécis ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Nous avons tous nos humeurs contre l'Europe. Elle apparaît souvent comme la cause de nos difficultés. Moi-même, j'ai dénoncé il y a quelques temps les "bureaux" de Bruxelles qui voulaient appliquer le Pacte de stabilité avec pointillisme. J'ai eu tort, et les Français aussi auraient tort d'oublier tous les bienfaits que l'Europe nous apporte.
Je suis fier d'être Européen. Je suis fier de voter OUI à l'Europe de demain, une Europe ouverte et porteuse d'avenir, mais aussi une Europe responsable qui occupe sa place dans le monde. Le traité n'est pas parfait, mais il comprend de très nombreuses avancées. Il n'est pas figé contrairement à ce que j'ai entendu, il évoluera au fil des ans, il y a des clauses de rendez-vous. En revanche, si la France dit Non, c'est l'Europe qui est cassée et la France qui est discréditée.
Que penseront nos amis européens si nous votons avec Le Pen et Besancenot ? Ils diront que la France n'est plus capable d'occuper son rang dans le concert des Nations et qu'elle a renoncé à faire entendre son message humaniste. C'est proprement impensable, c'est pourquoi la mobilisation des derniers jours de campagne ne doit pas faiblir. Je demande à tous les jeunes de bien expliquer cela à ceux qui doutent ou qui hésitent. Le 29 mai, contrairement à avril 2002, il n'y aura qu'un tour.
(Source : Mouvement des jeunes UMP, http://www.jeunespopulaires.com, le 26 mai 2005)