Texte intégral
Le Bureau politique de ce matin avait pour objet de fixer les grandes lignes de la campagne pour le référendum sur la Constitution européenne que nous allons vivre.
La détention de Florence AUBENAS
Naturellement, je ne veux pas commencer cette conclusion sans avoir une pensée pour Florence AUBENAS et ceux qui sont détenus avec elle, après les développements dramatiques de la journée d'hier.
Il me semble que le moment est venu de demander au Premier ministre de reprendre les réunions que nous avions régulièrement lors de l'enlèvement de Christian Chesnot et Georges Malbruneau pour que les grandes familles de convictions du pays soient informées. Elles ont toujours su garder la discrétion nécessaire. Cela nous permettra de dire notre solidarité, à la fois à l'égard de Florence AUBENAS et de ses amis, et de ceux qui au Gouvernement et dans les services de la France s'occupent de cette affaire.
J'ai déjà indiqué que notre attitude était de se serrer les coudes, de refuser toute polémique, de refuser de remuer la boue des hypothèses dans un moment où les chances de libération reposent en particulier sur la solidarité de la Nation.
Je souhaite que le Premier ministre annonce rapidement la reprise de ces rencontres afin de partager l'information et manifester la solidarité.
Le calendrier du référendum
Je rencontrerai cet après-midi le Président de la République à propos du calendrier du référendum. Je lui dirai que, pour nous, choisir une précipitation, une accélération du calendrier, ne serait pas rendre un bon service au " Oui ".
Il me semble au contraire que si l'on veut répondre à toutes les interrogations des Français, si l'on veut que les questions qu'ils se posent soient entendues et trouvent réponses, il faut prendre le temps de l'information et de la conviction.
Le temps de l'information, parce que beaucoup de Français ne savent pas naturellement ce qu'il y a dans le texte de la Constitution ; parce que beaucoup s'interrogent sur le fonctionnement de l'Europe elle-même, il faut pouvoir apporter les réponses. Il faut donc le temps nécessaire.
J'essaierai de convaincre le Président de la République.
Ceux qui lui conseillent de prendre les Français par surprise ne rendent pas un bon service à la cause de la Constitution et du " Oui ".
La campagne de l'UDF pour le " Oui "
Nous avons choisi de répondre à toutes les interrogations, à toutes les questions et à toutes les objections en refusant la condescendance des experts qui croient qu'ils savent, et qui font sentir aux citoyens qu'ils ne savent pas.
Nous pensons que toutes les questions que les Français se posent sur l'Europe et son avenir sont légitimes. Toutes leurs attentes, leurs interrogations méritent attention et réponse. C'est en tout cas le style de campagne que nous avons l'intention de mener.
Nous avons choisi notre slogan de campagne : " L'EUROPE A BESOIN DE NOTRE OUI ". Ce slogan fait écho à celui que nous avions choisi pour les élections européennes : " NOUS AVONS BESOIN D'EUROPE ".
Au jour le jour, chaque Français a besoin d'Europe mais aujourd'hui, c'est l'Europe qui a besoin de chaque Français. C'est la dignité d'un référendum que de pouvoir rendre chacun des citoyens français, décideur de l'avenir du pays. Nous avons soutenu cette démarche de responsabilité de chacun des citoyens français. C'est dans ce cadre que nous avons l'intention de persuader chacun des Français, qu'au sens propre le destin de l'Europe est entre ses mains, car cela peut se jouer à peu de voix. L'Europe a besoin de notre Oui, du Oui de chacun des Français.
Il y aura deux grandes questions dans ce référendum.
La première : est-ce que l'Europe est vitale pour nous, Françaises et Français ?
La deuxième : est-ce que l'Europe doit devenir une démocratie ?
Ce sont les deux questions du référendum.
Est ce que l'Europe est vitale pour nous ?
Notre conviction, la certitude que nous portons est que, dans le monde tel qu'il est, de plus en plus dur, exposé et soumis aux rapports de force, la France seule, et aucun autre pays de la dimension de la France, seul, ne peut s'en sortir et défendre son modèle.
Lorsqu'on regarde le monde, on voit ce qu'est la puissance impérieuse des Etats-Unis. On voit le modèle économique et politique que cette puissance porte. On voit l'ascension de la Chine et on voit le modèle économique et politique qu'elle porte. Politique : communiste, parti unique, dictatorial ; économique : ultra, ultra-libéral. Le mélange de ces deux modèles est naturellement pour nous, Européens, un défi, une interrogation, une question.
En face de ces deux puissances, il y a le modèle européen.
Il est temps de dire ceci : l'Europe, c'est la région du monde où la solidarité, la protection des plus faibles, la diversité culturelle, les droits de l'Homme, sont le mieux défendus et le plus respectés. Il n'y a aucune autre région, aucun autre pays dans le monde, qui puisse prétendre avoir un pacte social du niveau du pacte social que nous avons en Europe. Il n'y a aucune autre zone, aucun autre pays dans le monde qui puisse prétendre avoir un pacte démocratique et un socle de valeurs du niveau de celui que nous avons en Europe.
Nous appartenons à l'ensemble politique le plus solidaire et le plus généreux de la planète.
Alors, la question qui se pose est celle-ci. Comment défendre et promouvoir ce modèle ? Pouvons-nous le défendre seuls, ou devons-nous le défendre ensemble ? Notre réponse est celle-ci : pour défendre ce modèle unique, il n'y a qu'une voie : nous devons construire l'Europe politique.
Je voudrais simplement vous rendre attentif à ceci : quel serait, le soir du résultat du référendum, l'écho de la réponse de la France selon qu'elle sera " Oui " ou " Non " ?
Si nous nous projetons par l'imagination dans le bureau ovale du Président des Etats-Unis ou dans le bureau du numéro Un chinois, je voudrais que vous imaginiez leurs réactions selon que la dépêche qu'on leur apportera, indiquera que la France aura dit " Oui " ou aura dit " Non ".
Si la France dit " Oui ", ils comprendront immédiatement que l'Europe a décidé d'exister en fonction de la réponse du pays qui a toujours porté l'ambition européenne.
Si la France dit " Non ", ils comprendront immédiatement que l'Europe est devant une crise de première importance, puisque c'est la France qui a voulu la Constitution et ce serait la France qui l'écarterait ou la refuserait.
Les conclusions pour les dirigeants politiques de ces deux grandes puissances, américaine et chinoise, seraient, vous l'imaginez, sans ambiguïtés.
Dans un cas, ils verront se construire un monde où se préparerait un équilibre ; dans l'autre cas, ils comprendront que, désormais, l'Europe a renoncé à compter et à peser dans cet univers.
Pour nous, en tout cas, notre réponse ne changera pas. Si nous voulons défendre ce que nous avons de plus précieux -notre modèle de société, notre valeur et nos acquis- l'Europe est vitale pour nous, Français et pour tous les Européens.
Il n'est aucun domaine, ni en matière monétaire, ni en matière diplomatique, ni en matière d'aide au développement, ni en matière militaire, ni en matière de recherche, ni en matière sociale où nous puissions envisager de tourner le dos à l'immense entreprise européenne.
Cette Europe-là, doit-elle être une démocratie sous le contrôle des citoyens ou doit-elle demeurer une technocratie sous le contrôle des experts ?
Là encore, notre réponse est sans ambiguïté.
La démocratie est ce qui a manqué jusqu'à maintenant à l'Europe. C'est pourquoi nous avons été, à l'UDF, les premiers à demander une Constitution. C'est avec la Constitution que la démocratie commence.
Je vous renvoie à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui le dit de manière explicite. C'est lorsqu'on a établi, dans un ensemble politique, la séparation des pouvoirs, l'équilibre des pouvoirs, l'identification des dirigeants et les droits des citoyens sur les dirigeants que la démocratie commence. C'est l'acte I.
L'adoption d'une Constitution, c'est l'acte I de la création d'une démocratie. C'est la raison pour laquelle, nous différenciant des autres forces politiques, nous disons : ce n'est pas un traité ordinaire, c'est bien de l'adoption d'une Constitution pour l'Europe qu'il s'agit.
J'ai entendu et lu beaucoup de déclarations des autres forces politiques qui s'efforçaient de démontrer qu'il s'agissait d'une décision qu'il ne fallait pas considérer comme unique ou nouvelle : c'était un traité comme les autres. Mais, le fait que, pour nous, ce traité sur sa première page, porte le nom de " Constitution pour l'Union européenne ", est un acte qui ouvre, en effet, une ère nouvelle. Nous ne voulons pas considérer comme secondaire le choix des Français dans ce domaine.
Premier argument : enfin nous allons avoir une Constitution qui va rendre les citoyens de chacun des pays, concitoyens européens, participant du même débat et des mêmes décisions qui vont être prises en leurs noms.
Notre deuxième argument est celui-ci : Dans tous les domaines où s'expriment le souci ou l'inquiétude, ou l'interrogation des citoyens, la Constitution est un progrès, sans aucune exception.
La Constitution reprend les grands équilibres européens. Dans ce cadre-là, elle est sans changement. Dans tous les domaines où elle propose un changement, ces changements sont un progrès, sans exception.
Les citoyens se plaignent de ne pas connaître aujourd'hui les dirigeants européens. Avec la Constitution, ils auront des dirigeants identifiés, sur lesquels ils auront de l'influence, sous les fenêtres desquels ils pourront aller manifester s'ils ne sont pas contents de leurs décisions.
Nous aurons un pouvoir qui procède des élections.
Avec la Constitution, ce sont les élections européennes qui permettront d'élire le Président de la Commission, par exemple. Le Président de la Commission choisira lui-même les commissaires ; nous aurons des équipes homogènes, au lieu d'avoir des équipes tiraillées comme nous les avons trop souvent aujourd'hui.
Nous aurons des droits nouveaux pour les citoyens. Je veux insister sur ce point parce qu'ignoré ou considéré comme de peu d'importance. Pour moi, le fait que les citoyens européens aient le droit, sous condition d'avoir recueilli un million de signatures dans tous les pays européens, de saisir les institutions européennes, pour demander qu'on étudie ou qu'on propose une loi ; ce droit nouveau est formidable. Aucun de nos pays -en tout cas pas la France- ne le possède. C'est un progrès extraordinaire qui permettra aux citoyens, individuellement, d'agir sur les institutions et les pouvoirs européens.
Nous aurons des objectifs sociaux. On voit que le social va jouer un rôle très important dans le débat qui arrive. C'est la première fois que des textes européens fixent des objectifs sociaux en matière de solidarité ou en matière de définition des services publics ; jamais jusqu'à ce jour, un texte européen n'avait pris la peine de fixer ainsi des objectifs sociaux pour l'Union. De surcroît, la Constitution offre une double garantie : en matière sociale, aucun pays ne pourra se voir imposer une baisse de ses acquis sociaux par l'Union européenne.
À ce titre, nous défendons le bien-fondé de l'unanimité sur des domaines aussi vitaux que le social. La France et aucun pays ne pourra jamais se voir imposer - à supposer même qu'il y aient des majorités pour le faire - des décisions en matière sociale. Pour nous, c'est la deuxième clé.
Les objectifs sociaux vont désormais dépendre de deux clés.
Première clé : les objectifs fixés par le texte de la Constitution aux institutions de l'Union européenne.
Deuxième clé : la garantie qu'offre à tous les gouvernements le fait que personne ne pourra leur imposer une baisse de leurs acquis sociaux contre leur consentement. C'est pour nous très important.
Pour tous ceux qui craignent la bureaucratie, nous aurons une démocratie. Pour tous ceux qui exigent des buts sociaux très importants, ils sont dans la Constitution. Enfin, pour tous ceux qui craignent la dissolution de l'Union, notamment par des élargissements précipités ou irréfléchis, évidemment la Constitution est l'antidote à ce risque. Parce que la Constitution est un ciment ; elle nous permet de construire une union politique de l'Europe ; elle nous permet de construire une volonté politique de l'Europe et le plus tôt sera le mieux. Ainsi, les ferments de dissolution que beaucoup d'entre nous craignent dans l'évolution ultérieure de l'Europe sont guéris, ou en tout cas soignés, par l'adoption de la Constitution.
Il n'y a pas un seul domaine où la Constitution soit en retrait ; il n'y a pas un seul sujet sur lequel elle revienne en arrière.
Bien entendu, nous le savons bien, aucune Constitution ne remplace la volonté des peuples ; c'est même le propre d'une démocratie. Aucun texte, aucune règle du jeu ne garantira l'évolution de l'avenir européen si les peuples européens, réunis en un peuple européen, ne forment pas cette volonté en leur sein.
C'est le cas de la Constitution de tous les pays. La Constitution de la Vè République ne garantira pas davantage le progrès économique ou social, le progrès de la démocratie en France -plutôt au contraire- que la Constitution des Républiques précédentes ; c'est affaire de volonté des peuples.
C'est formidable de penser que cette volonté des peuples va pouvoir se former.
Je voudrais ajouter un dernier argument. Le fait qu'il y ait pour l'Europe, une Constitution qui garantisse la séparation, l'équilibre des pouvoirs, la responsabilité des dirigeants et les droits des citoyens ; nous espérons que ce sera contagieux pour notre pays et pour tous les pays européens, mais particulièrement pour la France où, Dieu sait, la démocratie laisse à désirer : dans l'absence d'équilibre, dans l'absence de contrôle, dans l'absence de représentativité et dans l'absence de poids du Parlement.
Nous voyons dans la Constitution, non seulement un espoir pour l'Europe, mais même un espoir pour la démocratie française.
C'est pourquoi, avec cette conviction, l'électorat UDF est le plus mobilisé de tous, comme vous avez pu le lire dans un sondage publié hier matin.
83 % de l'électorat UDF est décidé à voter " Oui " à la Constitution. C'est de très loin l'électorat le plus mobilisé. C'est aussi le parti politique le plus mobilisé parmi les Français.
Voilà comment nous avons l'intention de conduire cette campagne électorale.
J'ai demandé à Marielle de SARNEZ, Présidente du groupe des députés UDF au Parlement européen, de diriger la campagne.
Nous tiendrons un grand nombre de réunions, sans frontières, de meetings dans chaque région et dans tous les départements. Nous avons fixé comme objectif trois réunions publiques au moins par département, soit 300 réunions publiques sur l'ensemble du territoire. Beaucoup de fédérations ont indiqué avoir l'intention de dépasser ce quota, de sorte que nous aurons sans doute entre 500 et 1 000 réunions publiques qui seront animées.
Nous y inviterons d'autres dirigeants européens et d'autres dirigeants politiques d'autres formations françaises, dans l'idée d'une campagne sans frontières.
Je voudrais insister sur ce sujet ; ce ne sera pas la première fois que vous m'entendrez le dire.
Campagne " sans frontières " pour le " Oui "
Je trouve que le " Oui " manque de coordination. Les dirigeants ou responsables politiques qui soutiennent le " Non " se rassemblent, font des meetings en commun, qu'ils soient très à droite ou très à gauche, très nationalistes ou alter-mondialistes.
Les dirigeants du " Oui " restent chacun confinés dans leur chapelle. Ce n'est pas un bon signe pour mobiliser les Français.
Je souhaite, quant à moi, une fois de plus, que nous soyons capables de montrer l'importance et la gravité du choix en sortant de nos comportements politiques confinés. Si les Français nous voient, capables de nous tendre la main par-dessus les frontières habituelles pour défendre une conviction commune, ils auront le sentiment que, sans doute, si nous le faisons, c'est que cela vaut la peine.
Il y aura une pédagogie du geste, une pédagogie de l'exemple. C'est le choix que nous avons fait : manifester, exprimer la solidarité de tous ceux qui défendent le " Oui ", d'où qu'ils viennent et à quelque force qu'ils appartiennent.
C'est dans cet esprit que Daniel COHN-BENDIT et moi tiendrons un meeting commun pour montrer que nous sommes capables de sortir des frontières de nos mouvements et de nos convictions politiques habituelles. Je le ferai avec d'autres dirigeants de droite et de gauche s'ils l'acceptent.
Nous avons l'intention de mener campagne en prenant le temps de l'information et de la conviction. Nous avons l'intention de mener campagne en prenant au sérieux les interrogations et les inquiétudes des Français.
L'UDF, vous l'avez compris, c'est la maison de l'Europe. C'est la maison la plus unie aujourd'hui dans le monde politique français. C'est la formation politique dans laquelle il n'y a pas de mouvement organisé qui aille à l'encontre du choix que nous avons fait ensemble.
Cette unité et cette détermination, nous avons l'intention de les partager avec les Français, pour faire gagner le " Oui ".
Cela a été la décision unanime du Bureau politique de ce matin.
Je vous remercie.
(Source http://www.udf.org, le 3 mars 2005)
La détention de Florence AUBENAS
Naturellement, je ne veux pas commencer cette conclusion sans avoir une pensée pour Florence AUBENAS et ceux qui sont détenus avec elle, après les développements dramatiques de la journée d'hier.
Il me semble que le moment est venu de demander au Premier ministre de reprendre les réunions que nous avions régulièrement lors de l'enlèvement de Christian Chesnot et Georges Malbruneau pour que les grandes familles de convictions du pays soient informées. Elles ont toujours su garder la discrétion nécessaire. Cela nous permettra de dire notre solidarité, à la fois à l'égard de Florence AUBENAS et de ses amis, et de ceux qui au Gouvernement et dans les services de la France s'occupent de cette affaire.
J'ai déjà indiqué que notre attitude était de se serrer les coudes, de refuser toute polémique, de refuser de remuer la boue des hypothèses dans un moment où les chances de libération reposent en particulier sur la solidarité de la Nation.
Je souhaite que le Premier ministre annonce rapidement la reprise de ces rencontres afin de partager l'information et manifester la solidarité.
Le calendrier du référendum
Je rencontrerai cet après-midi le Président de la République à propos du calendrier du référendum. Je lui dirai que, pour nous, choisir une précipitation, une accélération du calendrier, ne serait pas rendre un bon service au " Oui ".
Il me semble au contraire que si l'on veut répondre à toutes les interrogations des Français, si l'on veut que les questions qu'ils se posent soient entendues et trouvent réponses, il faut prendre le temps de l'information et de la conviction.
Le temps de l'information, parce que beaucoup de Français ne savent pas naturellement ce qu'il y a dans le texte de la Constitution ; parce que beaucoup s'interrogent sur le fonctionnement de l'Europe elle-même, il faut pouvoir apporter les réponses. Il faut donc le temps nécessaire.
J'essaierai de convaincre le Président de la République.
Ceux qui lui conseillent de prendre les Français par surprise ne rendent pas un bon service à la cause de la Constitution et du " Oui ".
La campagne de l'UDF pour le " Oui "
Nous avons choisi de répondre à toutes les interrogations, à toutes les questions et à toutes les objections en refusant la condescendance des experts qui croient qu'ils savent, et qui font sentir aux citoyens qu'ils ne savent pas.
Nous pensons que toutes les questions que les Français se posent sur l'Europe et son avenir sont légitimes. Toutes leurs attentes, leurs interrogations méritent attention et réponse. C'est en tout cas le style de campagne que nous avons l'intention de mener.
Nous avons choisi notre slogan de campagne : " L'EUROPE A BESOIN DE NOTRE OUI ". Ce slogan fait écho à celui que nous avions choisi pour les élections européennes : " NOUS AVONS BESOIN D'EUROPE ".
Au jour le jour, chaque Français a besoin d'Europe mais aujourd'hui, c'est l'Europe qui a besoin de chaque Français. C'est la dignité d'un référendum que de pouvoir rendre chacun des citoyens français, décideur de l'avenir du pays. Nous avons soutenu cette démarche de responsabilité de chacun des citoyens français. C'est dans ce cadre que nous avons l'intention de persuader chacun des Français, qu'au sens propre le destin de l'Europe est entre ses mains, car cela peut se jouer à peu de voix. L'Europe a besoin de notre Oui, du Oui de chacun des Français.
Il y aura deux grandes questions dans ce référendum.
La première : est-ce que l'Europe est vitale pour nous, Françaises et Français ?
La deuxième : est-ce que l'Europe doit devenir une démocratie ?
Ce sont les deux questions du référendum.
Est ce que l'Europe est vitale pour nous ?
Notre conviction, la certitude que nous portons est que, dans le monde tel qu'il est, de plus en plus dur, exposé et soumis aux rapports de force, la France seule, et aucun autre pays de la dimension de la France, seul, ne peut s'en sortir et défendre son modèle.
Lorsqu'on regarde le monde, on voit ce qu'est la puissance impérieuse des Etats-Unis. On voit le modèle économique et politique que cette puissance porte. On voit l'ascension de la Chine et on voit le modèle économique et politique qu'elle porte. Politique : communiste, parti unique, dictatorial ; économique : ultra, ultra-libéral. Le mélange de ces deux modèles est naturellement pour nous, Européens, un défi, une interrogation, une question.
En face de ces deux puissances, il y a le modèle européen.
Il est temps de dire ceci : l'Europe, c'est la région du monde où la solidarité, la protection des plus faibles, la diversité culturelle, les droits de l'Homme, sont le mieux défendus et le plus respectés. Il n'y a aucune autre région, aucun autre pays dans le monde, qui puisse prétendre avoir un pacte social du niveau du pacte social que nous avons en Europe. Il n'y a aucune autre zone, aucun autre pays dans le monde qui puisse prétendre avoir un pacte démocratique et un socle de valeurs du niveau de celui que nous avons en Europe.
Nous appartenons à l'ensemble politique le plus solidaire et le plus généreux de la planète.
Alors, la question qui se pose est celle-ci. Comment défendre et promouvoir ce modèle ? Pouvons-nous le défendre seuls, ou devons-nous le défendre ensemble ? Notre réponse est celle-ci : pour défendre ce modèle unique, il n'y a qu'une voie : nous devons construire l'Europe politique.
Je voudrais simplement vous rendre attentif à ceci : quel serait, le soir du résultat du référendum, l'écho de la réponse de la France selon qu'elle sera " Oui " ou " Non " ?
Si nous nous projetons par l'imagination dans le bureau ovale du Président des Etats-Unis ou dans le bureau du numéro Un chinois, je voudrais que vous imaginiez leurs réactions selon que la dépêche qu'on leur apportera, indiquera que la France aura dit " Oui " ou aura dit " Non ".
Si la France dit " Oui ", ils comprendront immédiatement que l'Europe a décidé d'exister en fonction de la réponse du pays qui a toujours porté l'ambition européenne.
Si la France dit " Non ", ils comprendront immédiatement que l'Europe est devant une crise de première importance, puisque c'est la France qui a voulu la Constitution et ce serait la France qui l'écarterait ou la refuserait.
Les conclusions pour les dirigeants politiques de ces deux grandes puissances, américaine et chinoise, seraient, vous l'imaginez, sans ambiguïtés.
Dans un cas, ils verront se construire un monde où se préparerait un équilibre ; dans l'autre cas, ils comprendront que, désormais, l'Europe a renoncé à compter et à peser dans cet univers.
Pour nous, en tout cas, notre réponse ne changera pas. Si nous voulons défendre ce que nous avons de plus précieux -notre modèle de société, notre valeur et nos acquis- l'Europe est vitale pour nous, Français et pour tous les Européens.
Il n'est aucun domaine, ni en matière monétaire, ni en matière diplomatique, ni en matière d'aide au développement, ni en matière militaire, ni en matière de recherche, ni en matière sociale où nous puissions envisager de tourner le dos à l'immense entreprise européenne.
Cette Europe-là, doit-elle être une démocratie sous le contrôle des citoyens ou doit-elle demeurer une technocratie sous le contrôle des experts ?
Là encore, notre réponse est sans ambiguïté.
La démocratie est ce qui a manqué jusqu'à maintenant à l'Europe. C'est pourquoi nous avons été, à l'UDF, les premiers à demander une Constitution. C'est avec la Constitution que la démocratie commence.
Je vous renvoie à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui le dit de manière explicite. C'est lorsqu'on a établi, dans un ensemble politique, la séparation des pouvoirs, l'équilibre des pouvoirs, l'identification des dirigeants et les droits des citoyens sur les dirigeants que la démocratie commence. C'est l'acte I.
L'adoption d'une Constitution, c'est l'acte I de la création d'une démocratie. C'est la raison pour laquelle, nous différenciant des autres forces politiques, nous disons : ce n'est pas un traité ordinaire, c'est bien de l'adoption d'une Constitution pour l'Europe qu'il s'agit.
J'ai entendu et lu beaucoup de déclarations des autres forces politiques qui s'efforçaient de démontrer qu'il s'agissait d'une décision qu'il ne fallait pas considérer comme unique ou nouvelle : c'était un traité comme les autres. Mais, le fait que, pour nous, ce traité sur sa première page, porte le nom de " Constitution pour l'Union européenne ", est un acte qui ouvre, en effet, une ère nouvelle. Nous ne voulons pas considérer comme secondaire le choix des Français dans ce domaine.
Premier argument : enfin nous allons avoir une Constitution qui va rendre les citoyens de chacun des pays, concitoyens européens, participant du même débat et des mêmes décisions qui vont être prises en leurs noms.
Notre deuxième argument est celui-ci : Dans tous les domaines où s'expriment le souci ou l'inquiétude, ou l'interrogation des citoyens, la Constitution est un progrès, sans aucune exception.
La Constitution reprend les grands équilibres européens. Dans ce cadre-là, elle est sans changement. Dans tous les domaines où elle propose un changement, ces changements sont un progrès, sans exception.
Les citoyens se plaignent de ne pas connaître aujourd'hui les dirigeants européens. Avec la Constitution, ils auront des dirigeants identifiés, sur lesquels ils auront de l'influence, sous les fenêtres desquels ils pourront aller manifester s'ils ne sont pas contents de leurs décisions.
Nous aurons un pouvoir qui procède des élections.
Avec la Constitution, ce sont les élections européennes qui permettront d'élire le Président de la Commission, par exemple. Le Président de la Commission choisira lui-même les commissaires ; nous aurons des équipes homogènes, au lieu d'avoir des équipes tiraillées comme nous les avons trop souvent aujourd'hui.
Nous aurons des droits nouveaux pour les citoyens. Je veux insister sur ce point parce qu'ignoré ou considéré comme de peu d'importance. Pour moi, le fait que les citoyens européens aient le droit, sous condition d'avoir recueilli un million de signatures dans tous les pays européens, de saisir les institutions européennes, pour demander qu'on étudie ou qu'on propose une loi ; ce droit nouveau est formidable. Aucun de nos pays -en tout cas pas la France- ne le possède. C'est un progrès extraordinaire qui permettra aux citoyens, individuellement, d'agir sur les institutions et les pouvoirs européens.
Nous aurons des objectifs sociaux. On voit que le social va jouer un rôle très important dans le débat qui arrive. C'est la première fois que des textes européens fixent des objectifs sociaux en matière de solidarité ou en matière de définition des services publics ; jamais jusqu'à ce jour, un texte européen n'avait pris la peine de fixer ainsi des objectifs sociaux pour l'Union. De surcroît, la Constitution offre une double garantie : en matière sociale, aucun pays ne pourra se voir imposer une baisse de ses acquis sociaux par l'Union européenne.
À ce titre, nous défendons le bien-fondé de l'unanimité sur des domaines aussi vitaux que le social. La France et aucun pays ne pourra jamais se voir imposer - à supposer même qu'il y aient des majorités pour le faire - des décisions en matière sociale. Pour nous, c'est la deuxième clé.
Les objectifs sociaux vont désormais dépendre de deux clés.
Première clé : les objectifs fixés par le texte de la Constitution aux institutions de l'Union européenne.
Deuxième clé : la garantie qu'offre à tous les gouvernements le fait que personne ne pourra leur imposer une baisse de leurs acquis sociaux contre leur consentement. C'est pour nous très important.
Pour tous ceux qui craignent la bureaucratie, nous aurons une démocratie. Pour tous ceux qui exigent des buts sociaux très importants, ils sont dans la Constitution. Enfin, pour tous ceux qui craignent la dissolution de l'Union, notamment par des élargissements précipités ou irréfléchis, évidemment la Constitution est l'antidote à ce risque. Parce que la Constitution est un ciment ; elle nous permet de construire une union politique de l'Europe ; elle nous permet de construire une volonté politique de l'Europe et le plus tôt sera le mieux. Ainsi, les ferments de dissolution que beaucoup d'entre nous craignent dans l'évolution ultérieure de l'Europe sont guéris, ou en tout cas soignés, par l'adoption de la Constitution.
Il n'y a pas un seul domaine où la Constitution soit en retrait ; il n'y a pas un seul sujet sur lequel elle revienne en arrière.
Bien entendu, nous le savons bien, aucune Constitution ne remplace la volonté des peuples ; c'est même le propre d'une démocratie. Aucun texte, aucune règle du jeu ne garantira l'évolution de l'avenir européen si les peuples européens, réunis en un peuple européen, ne forment pas cette volonté en leur sein.
C'est le cas de la Constitution de tous les pays. La Constitution de la Vè République ne garantira pas davantage le progrès économique ou social, le progrès de la démocratie en France -plutôt au contraire- que la Constitution des Républiques précédentes ; c'est affaire de volonté des peuples.
C'est formidable de penser que cette volonté des peuples va pouvoir se former.
Je voudrais ajouter un dernier argument. Le fait qu'il y ait pour l'Europe, une Constitution qui garantisse la séparation, l'équilibre des pouvoirs, la responsabilité des dirigeants et les droits des citoyens ; nous espérons que ce sera contagieux pour notre pays et pour tous les pays européens, mais particulièrement pour la France où, Dieu sait, la démocratie laisse à désirer : dans l'absence d'équilibre, dans l'absence de contrôle, dans l'absence de représentativité et dans l'absence de poids du Parlement.
Nous voyons dans la Constitution, non seulement un espoir pour l'Europe, mais même un espoir pour la démocratie française.
C'est pourquoi, avec cette conviction, l'électorat UDF est le plus mobilisé de tous, comme vous avez pu le lire dans un sondage publié hier matin.
83 % de l'électorat UDF est décidé à voter " Oui " à la Constitution. C'est de très loin l'électorat le plus mobilisé. C'est aussi le parti politique le plus mobilisé parmi les Français.
Voilà comment nous avons l'intention de conduire cette campagne électorale.
J'ai demandé à Marielle de SARNEZ, Présidente du groupe des députés UDF au Parlement européen, de diriger la campagne.
Nous tiendrons un grand nombre de réunions, sans frontières, de meetings dans chaque région et dans tous les départements. Nous avons fixé comme objectif trois réunions publiques au moins par département, soit 300 réunions publiques sur l'ensemble du territoire. Beaucoup de fédérations ont indiqué avoir l'intention de dépasser ce quota, de sorte que nous aurons sans doute entre 500 et 1 000 réunions publiques qui seront animées.
Nous y inviterons d'autres dirigeants européens et d'autres dirigeants politiques d'autres formations françaises, dans l'idée d'une campagne sans frontières.
Je voudrais insister sur ce sujet ; ce ne sera pas la première fois que vous m'entendrez le dire.
Campagne " sans frontières " pour le " Oui "
Je trouve que le " Oui " manque de coordination. Les dirigeants ou responsables politiques qui soutiennent le " Non " se rassemblent, font des meetings en commun, qu'ils soient très à droite ou très à gauche, très nationalistes ou alter-mondialistes.
Les dirigeants du " Oui " restent chacun confinés dans leur chapelle. Ce n'est pas un bon signe pour mobiliser les Français.
Je souhaite, quant à moi, une fois de plus, que nous soyons capables de montrer l'importance et la gravité du choix en sortant de nos comportements politiques confinés. Si les Français nous voient, capables de nous tendre la main par-dessus les frontières habituelles pour défendre une conviction commune, ils auront le sentiment que, sans doute, si nous le faisons, c'est que cela vaut la peine.
Il y aura une pédagogie du geste, une pédagogie de l'exemple. C'est le choix que nous avons fait : manifester, exprimer la solidarité de tous ceux qui défendent le " Oui ", d'où qu'ils viennent et à quelque force qu'ils appartiennent.
C'est dans cet esprit que Daniel COHN-BENDIT et moi tiendrons un meeting commun pour montrer que nous sommes capables de sortir des frontières de nos mouvements et de nos convictions politiques habituelles. Je le ferai avec d'autres dirigeants de droite et de gauche s'ils l'acceptent.
Nous avons l'intention de mener campagne en prenant le temps de l'information et de la conviction. Nous avons l'intention de mener campagne en prenant au sérieux les interrogations et les inquiétudes des Français.
L'UDF, vous l'avez compris, c'est la maison de l'Europe. C'est la maison la plus unie aujourd'hui dans le monde politique français. C'est la formation politique dans laquelle il n'y a pas de mouvement organisé qui aille à l'encontre du choix que nous avons fait ensemble.
Cette unité et cette détermination, nous avons l'intention de les partager avec les Français, pour faire gagner le " Oui ".
Cela a été la décision unanime du Bureau politique de ce matin.
Je vous remercie.
(Source http://www.udf.org, le 3 mars 2005)